University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Cap Vert, U.N. Doc. CEDAW/C/CPV/CO/7-8 (2013).


 

* Adopté par le Comité à sa Cinquante-cinquième session (8-26 Juillet 2013).

Observations finales concernant les septième et huitième rapports périodiques du Cap Vert soumis en un seul document *

Le Comité a examiné les septième et huitième rapports périodiques du Cap Vert, soumis en un document unique (CEDAW/C/CPV/7-8) à ses 1 140e et 1 141e séances, le 16 juillet 2013 (voir CEDAW/C/SR.1140 et 1141). La liste de questions et de points soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/CPV/Q/7-8 et les réponses écrites de l’État partie dans le document CEDAW/C/CPV/Q/7-8/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie de ses septième et huitième rapports périodiques présentés en un document unique. Il le remercie des réponses écrites à la liste de questions et points qu’a soulevés le Groupe de travail pré-session du Comité, actualisant ainsi les informations fournies dans la déclaration liminaire, et des éclaircissements apportés en réponse aux questions posées par le Comité.

Le Comité félicite l’État partie de la composition de sa délégation de haut niveau, conduite par le Premier ministre adjoint et Ministre de la santé, Mme Maria Cristina Fontes Lima, et qui comprenait également des représentants de l’Institut cap-verdien pour la parité et l’équité entre les sexes et d’autres organisations gouvernementales spécialisées dans les domaines couverts par la Convention. Le Comité apprécie le caractère franc et constructif des entretiens qui ont eu lieu entre les membres de la délégation et ceux du Comité.

B.Aspects positifs

Le Comité salue l’adoption de la Loi no 84/VII/11, relative à la violence sexiste, et du Plan national de lutte contre la violence sexiste (2007-2011).

Le Comité se félicite de l’adoption, depuis l’examen en 2006 du rapport unique valant rapport initial et deuxième à sixième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/CPV/1-6), des mesures législatives et politiques suivantes :

a)Politique nationale de santé (2007);

b)Code du travail (2008), qui contient un chapitre spécialement consacré aux droits de la femme;

c)Système de sécurité sociale (2009), qui couvre également les femmes et les hommes qui travaillent dans le secteur informel, et établit un traitement égal en matière de congé de maternité aux femmes travaillant dans le secteur public comme dans le secteur privé;

d)Décret-loi n° 47/2009 qui établit un montant minimum pour la base de contributions;

e)Décret-loi n° 48/2009 qui rend obligatoire la protection sociale pour tous les travailleurs indépendants;

f)Décret-loi n° 50/2009, qui assure une protection aux employés de maison, qui sont en majorité des femmes.

Le Comité salue la ratification par l’État partie, des instruments suivants :

a)Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2011;

b)Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2011.

C.Principaux domaines de préoccupation et recommandations

Parlement

Tout en réaffirmant que le Gouvernement assume la responsabilité principale et doit notamment répondre de la pleine application des obligations incombant à l’État partie aux termes de la Convention, le Comité souligne que la Convention est contraignante pour toutes les branches du gouvernement, et à ce titre se déclare satisfait du rôle actif du parlement dans la promotion de l’application de la Convention, notamment de son activité législative et de supervision. Le Comité invite l’État partie à continuer d’encourager le parlement, conformément à son règlement, à prendre les mesures nécessaires pour faire appliquer les présentes observations finales, d’ici à la date de présentation du prochain rapport périodique en vertu de la Convention.

Diffusion de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité

Le Comité prend note des efforts importants déployés pour diffuser la Convention et ses observations finales antérieures, mais il est préoccupé par le fait que la Convention n’est pas invoquée devant les tribunaux par les juges et les avocats. Il est particulièrement préoccupé par le fait que les femmes, en particulier dans les zones rurales et reculées, ne connaissent pas leurs droits au titre de la Convention et ne disposent pas des informations et moyens nécessaires pour faire valoir ces droits.

Le Comité invite l’État partie à :

a) Prendre les dispositions nécessaires pour diffuser davantage la Convention, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, les recommandations générales du Comité et ses observations finales au titre du Protocole facultatif, auprès des parties prenantes concernées, notamment du Gouvernement, des ministères, des parlementaires et des responsables communautaires, et à assurer une formation adéquate au personnel judiciaire et aux agents des forces de l’ordre de façon à enraciner fermement dans le pays une culture juridique propice à la non-discrimination et à l’égalité entre hommes et femmes;

b) Prendre toutes les mesures appropriées pour sensibiliser davantage les femmes à leurs droits et aux moyens de les faire valoir, en particulier dans les zones rurales et reculées, notamment en fournissant aux femmes une information sur la Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant, en coopération avec la société civile et les médias.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité relève que le projet de loi sur l’établissement d’une institution nationale des droits de l’homme dans l’État partie a été établi en consultation avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et est actuellement à l’examen, mais il est préoccupé par le fait que la Commission nationale de défense des droits de l’homme et de la citoyenneté n’est pas conforme aux Principes de Paris.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’assurer l’indépendance de l’institution nationale des droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris, et de doter cette institution de ressources humaines et financières suffisantes et d’un mandat large couvrant les droits des femmes et l’égalité des sexes;

b) De veiller à ce que les deux sexes soient également représentés dans l’institution nationale des droits de l’homme, et que ses activités tiennent dûment compte des considérations de sexe .

Mécanisme national pour la promotion de la femme

Tout en notant l’adoption du programme d’action pour la promotion de l’égalité entre les sexes et de stratégies élaborées ultérieurement par l’Institut cap-verdien pour l’égalité et l’équité de genre, fondées sur une démarche antisexiste, et notant également leur mise en œuvre dans le cadre d’une coopération étroite entre l’Institut et la société civile avec une large utilisation de réseaux, outre la proposition du Réseau des femmes parlementaires tendant à modifier le cadre législatif de façon à inclure une perspective sexospécifique dans l’établissement du budget, le Comité reste néanmoins préoccupé par la capacité de l’Institut de coordonner l’action de toutes les administrations, y compris à l’échelle locale. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que les donateurs internationaux soient la principale source de financement assurant le fonctionnement de l’Institut et que la collaboration étroite entre l’Institut et la société civile n’associe pas toutes les organisations de la société civile qui œuvrent à la promotion de la femme, par exemple celles qui s’occupent de la promotion des femmes handicapées, et que les financements disponibles soient en outre restreints.

Le Comité encourage l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer l’Institut cap-verdien pour l’égalité et l’équité de genre, notamment en établissant des coordonnateurs chargés des questions de parité entre les sexes dans tous les ministères, en fournissant à l’Institut des ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour lui permettre de coordonner et promouvoir efficacement l’action en faveur de l’égalité des sexes à tous les niveaux des administrations, d’élargir sa coopération et l’octroi de fonds à toutes les organisations de la société civile concernées, notamment à celles qui travaillent avec les femmes handicapées .

Mesures temporaires spéciales

S’il prend note du projet d’adoption de mesures temporaires spéciales pour les personnes handicapées employées dans la fonction publique, et de la politique envisagée en faveur d’une participation des femmes à la vie politique et publique à parité avec les hommes, le Comité s’inquiète du peu d’informations communiquées sur l’application de mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe a) de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale no 25 (2004), de façon à parvenir plus rapidement à une véritable égalité entre les femmes et les hommes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des dispositions pour sensibiliser le grand public et fournir une formation systématique aux parties prenantes concernées, notamment aux parlementaires, aux agents de l’État et aux employeurs, de façon à ce qu’elles comprennent mieux la nécessité et la procédure de mise en œuvre des mesures temporaires spéciales;

b) D’appliquer des mesures temporaires spéciales revêtant différentes formes, par exemple des programmes d’information et d’appui, des quotas et d’autres mesures actives axées sur les résultats, destinées à assurer une véritable égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention, d’encourager tant le secteur public que le secteur privé à recourir à ces mesures et à veiller à ce que les mesures déjà proposées soient adoptées.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité se dit préoccupé par la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes profondément enracinés concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société. Il s’inquiète de ce que, comme l’État partie l’a reconnu, une grande partie des femmes de cet État vivent soumises à un « Code de conduite ancré dans la reconnaissance et l’acceptation de la domination masculine ». Il relève que ces attitudes et stéréotypes discriminatoires font gravement obstacle à l’exercice par les femmes de leurs droits. Il se dit aussi vivement préoccupé par la persistance de pratiques préjudiciables bien enracinées, comme la polygamie de fait et les mutilations génitales féminines pratiquées dans les communautés de migrants de fraîche date.

Le Comité invite instamment l’État partie à :

a) Mettre en place une stratégie globale pour éliminer les stéréotypes et les pratiques préjudiciables discriminatoires à l’égard des femmes, outre les pratiques néfastes, conformément aux dispositions des articles 2 f) et 5 a) de la Convention et aux recommandations générales du Comité n os 3 (1987), 14 (1990), 19 (1992) et 20 (1992). Cette stratégie devrait comprendre des mesures concertées, assorties d’un calendrier précis, prises en collaboration avec des organisations de la société civile à des fins d’éducation et de sensibilisation de la population à ces stéréotypes et pratiques, et s’adressant aux femmes et aux hommes à tous les niveaux de la société, tout en accordant une attention particulière aux communautés de migrants dans lesquelles les mutilations génitales féminines et d’autres pratiques préjudiciables ont cours;

b) Adopter des mesures novatrices utilisant le système éducatif et les médias pour permettre une meilleure compréhension de l’égalité entre hommes et femmes, de façon à renforcer une image positive et non stéréotypée des femmes;

c) Suivre et analyser les mesures prises afin d’en évaluer les effets, et fournir des renseignements dans son prochain rapport sur les progrès accomplis.

Violence à l’égard des femmes

S’il salue l’adoption en 2011 de la loi no 84/VII/2011 sur la violence à l’égard des femmes, le Comité demeure cependant préoccupé par la persistance de la violence contre les femmes dans l’État partie, notamment de la violence familiale, outre les sévices sexuels à l’école et le harcèlement sur le lieu de travail. Le Comité s’inquiète également des différences d’une île à l’autre en ce qui concerne le nombre et la nature des cas signalés de violence contre les femmes et la proportion de cas ayant donné lieu à des poursuites et des condamnations. Le Comité prend note de l’existence d’un réseau interinstitutions visant à protéger et aider les victimes (le réseau SOL), destiné aux situations d’urgence. Il s’inquiète toutefois du manque de foyers d’hébergement et de centres offrant des services aux femmes victimes de la violence sexiste.

Rappelant sa recommandation générale n o 19 (1992) concernant la violence à l’égard des femmes, le Comité invite instamment l’État partie, en collaboration avec les organismes des Nations Unies et les partenaires de développement, à :

a) Assurer l’application effective de la législation et des plans d’action existants qui visent à prévenir et à éliminer toutes les formes de violence contre les femmes, ainsi que des programmes de protection des victimes;

b) Mener des campagnes de sensibilisation destinées à encourager le signalement des cas de violence familiale et de violence sexuelle contre les femmes et les filles, et à veiller à ce que les cas signalés fassent l’objet d’enquêtes efficaces et que les auteurs soient poursuivis et dûment sanctionnés;

c) Assurer une formation systématique concernant les droits des femmes et la lutte contre la violence à l’égard des femmes, notamment la violence familiale et la violence sexuelle, à l’intention des juges, des procureurs, des avocats, des agents de la police et des professionnels de la santé;

d) Assurer un nombre suffisant de foyers d’hébergement, qui offrent aux victimes une assistance et une protection, en particulier des mesures de réadaptation psychosociale au niveau central et dans les îles;

e) Recueillir des données statistiques complètes sur toutes les formes de violence contre les femmes, ventilées par sexe, âge et liens entre la victime et l’auteur.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité regrette l’absence de renseignements concernant l’ampleur de la traite des femmes et des enfants et est préoccupé par le fait que des cas de traite de mineurs continuent d’être signalés et que l’État partie est un lieu de transit pour la traite des femmes et des filles. Le Comité s’inquiète également de l’absence de loi spécifique sur la traite des personnes, et du fait que la traite et l’exploitation de la prostitution des femmes et des enfants ne soient pas visées par le Plan national de lutte contre les violences sexistes. Il est aussi préoccupé par le fait que la prostitution continue de se développer dans l’État partie et il regrette l’absence de programmes qui offriraient des mesures de réadaptation et d’appui à la réinsertion sociale des femmes et des filles qui veulent sortir de la prostitution.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De recueillir des données sur la portée, l’ampleur et les causes profondes de la traite, y compris de la traite sur le territoire national et de l’exploitation de la prostitution des femmes et des filles;

b) De renforcer le cadre juridique de la lutte contre la traite des êtres humains, en particulier la traite des femmes et des filles, et de veiller à ce qu’il respecte pleinement l’article 6 de la Convention et soit conforme à la recommandation générale n o 19 (1992), et de renforcer les mécanismes de prévention de la traite de même que ceux permettant d’identifier et de protéger les victimes, et de poursuivre et punir les trafiquants;

c) D’accroître la coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d’origine et les pays de destination de façon à prévenir la traite par l’échange d’informations, et d’harmoniser les procédures judiciaires visant à poursuivre et sanctionner les trafiquants;

d) De prendre des mesures pour sensibiliser à l’exploitation de la prostitution et de fournir aux femmes et aux filles d’autres moyens de gagner leur vie grâce à des programmes de réadaptation et de réinsertion.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité salue l’augmentation du nombre de femmes à des postes ministériels (47,1 %), le nombre de femmes occupant des postes de responsabilité dans la fonction publique (35 %), et les discussions en cours avec les partis politiques, les parlementaires et la société civile concernant une politique de parité pour les fonctions électives, mais il reste préoccupé par la faible représentation des femmes au parlement (20,8 %), dans les assemblées municipales (23,5 %) et dans les municipalités locales (21,2 %).

Le Comité invite instamment l’État partie à :

a) Prendre des mesures spécifiques pour renforcer la participation des femmes à la vie politique et publique, en particulier dans les fonctions électives et aux postes de décision, notamment en adoptant des mesures temporaires spéciales, par exemple des quotas électoraux non seulement pour les candidatures, mais aussi pour les sièges à pourvoir, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité ;

b) Mettre en œuvre des activités destinées à sensibiliser les partis politiques, les responsables politiques et les décideurs, en particulier les hommes, ainsi que le grand public à l’importance de la participation des femmes à la vie politique et publique et, de façon générale, à la prise de décisions.

Éducation

Le Comité note que le taux d’alphabétisation des femmes dans l’État partie a progressé, passant de 56,5 % en 2000 à 68,1 % en 2010, mais il s’inquiète toujours de ce que taux reste faible, en particulier chez les femmes des zones rurales. Le Comité est également préoccupé par les cas de sévices sexuels dans les écoles et par l’absence de renseignements sur le nombre de cas signalés, les enquêtes, les poursuites et le nombre de victimes ayant bénéficié de mesures de réadaptation. Il est en outre préoccupé par le taux d’abandon scolaire chez les adolescentes enceintes et par l’absence de mesures de soutien destinées à leur permettre de reprendre leur scolarité après l’accouchement. Le Comité s’inquiète de ce que les femmes et les filles continuent d’opter pour des filières d’enseignement traditionnellement réservées aux femmes, dans des domaines non techniques. Il est également préoccupé par l’absence de renseignements sur l’accès des femmes et des filles handicapées à l’éducation, y compris à l’enseignement ordinaire.

Le Comité invite instamment l’État partie à sensibiliser la population à l’importance de l’éducation des femmes et des filles, qui est un droit fondamental et la base de leur autonomisation. À cette fin, il prie instamment l’État partie :

a) De renforcer les programmes d’alphabétisation des adultes, en particulier ceux destinés aux femmes des zones rurales;

b) D’adopter des mesures visant à prévenir, réprimer et éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles dans les établissements d’enseignement;

c) De faire le nécessaire pour que la politique permettant aux adolescentes enceintes de continuer à suivre les cours pendant leur grossesse et de reprendre leur scolarité après l’accouchement soit appliquée de façon uniforme, prévoie un mécanisme de suivi et sensibilise les élèves enceintes et leur famille à l’importance de l’éducation;

d) D’inscrire la santé sexuelle et reproductive et les droits en la matière dans les programmes scolaires, à l’intention en particulier des adolescents, filles et garçons, notamment dans les établissements d’enseignement professionnel, englobant des questions telles que les relations entre les sexes et le comportement sexuel, dans le but de prévenir les grossesses précoces;

e) De faire le nécessaire pour que la formation technique et professionnelle permette aux filles d’acquérir des compétences professionnelles dans tous les domaines, en les orientant notamment vers des métiers traditionnellement réservés aux hommes;

f) D’offrir aux femmes et aux filles handicapées des possibilités d’instruction appropriées, y compris en les intégrant dans l’enseignement ordinaire.

Emploi

Le Comité prend acte des diverses mesures prises par l’État partie dans le domaine de l’emploi, notamment de l’adoption du Code du travail (2008), dont un chapitre spécifique est consacré aux droits des femmes, de la reconnaissance du travail domestique en tant que catégorie professionnelle et de l’extension à tous les travailleurs de la protection sociale obligatoire. Le Comité reste toutefois préoccupé par le fait que le Code du travail n’intègre pas pleinement le principe de l’égalité de rémunération pour un travail d’égale valeur. Il s’inquiète également de la persistance des écarts de rémunération entre hommes et femmes, de la discrimination professionnelle et de l’absence de mesures pour remédier à cette situation.

Le Comité recommande à l’État partie de garantir aux femmes l’égalité des chances sur le marché du travail et l’engage à :

a) Faire en sorte que le Code du travail applique dûment le principe de l’égalité de rémunération pour un travail d’égale valeur dans tous les domaines de l’emploi, et réduise les écarts de rémunération entre les sexes, conformément à la Convention de l’Organisation internationale du Travail concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'œuvre masculine et la main-d'œuvre féminine pour un travail de valeur égale (Convention n o 100);

b) Adopter des mesures efficaces, notamment des mesures temporaires spéciales, pour mettre fin à la discrimination professionnelle.

Santé

Le Comité note que les services de santé procréative sont généralement gratuits, mais il craint que le fait que certains soient devenus payants en 2009 ne limite l’accès des femmes à ces services. Il relève également que l’État partie coopère avec des Organisations non gouvernementales locales proposant des services en ce qui concerne la planification des naissances, la réalisation de tests de dépistage du VIH/sida et d’échographies, entre autres. Le Comité demeure cependant préoccupé par l’absence de renseignements sur la façon dont l’État finance ces services et veille à leur qualité, notamment sur le plan du respect des règles de déontologie. Il s’inquiète aussi de l’absence de renseignements sur l’accès des femmes handicapées aux services de santé procréative, et des informations faisant état d’avortements forcés et de stérilisations forcées pratiqués sur des femmes handicapées. Il est en outre préoccupé par l’absence de renseignements sur les femmes vivant avec le VIH/sida, en particulier sur les mesures prises pour lutter contre la discrimination ou la stigmatisation dont elles font l’objet.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’assurer aux femmes un accès gratuit aux services de santé reproductive, conformément à sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé;

b) D’allouer les fonds nécessaires aux organisations de la société civile qui proposent des services de santé reproductive et de surveiller de manière appropriée la prestation de ces services, en ce qui concerne tant la qualité de la prise en charge que le respect des règles de déontologie, ainsi que d’assurer la diffusion d’informations sur la santé reproductive et les droits et services qui s’y rattachent;

c) De faire le nécessaire pour que les femmes handicapées aient accès à l’information et aux services en matière de santé reproductive, que les avortements et stérilisations pratiqués sur des femmes handicapées le soient avec leur consentement préalable, libre et éclairé, que les responsables présumés d’actes pratiqués en l’absence d’un tel consentement soient poursuivis et, s’il sont reconnus coupables, sanctionnés, et que les femmes victimes d’un avortement forcé ou d’une stérilisation forcée bénéficient de mesures de réparation et d’indemnisation;

d) De fournir, dans son prochain rapport, des renseignements sur les femmes vivant avec le VIH/sida, notamment sur les mesures prises pour lutter contre la discrimination et la stigmatisation dont elles font l’objet.

Femmes rurales

Le Comité note que l’État partie a exécuté divers programmes visant à l’autonomisation économique des femmes rurales, mais il relève avec préoccupation que ces femmes se heurtent toujours à de nombreux obstacles (pauvreté, difficultés d’accès à la justice, à l’éducation, à la santé et au logement, à l’eau potable et aux services d’assainissement, participation limitée aux processus de prise de décisions dans les associations de développement communautaire). Le Comité s’inquiète en particulier de ce que l’absence de cadastre empêche les femmes rurales d’obtenir des crédits en présentant des titres de propriété foncière comme garantie.

Le Comité prie instamment l’État partie :

a) Dans le cadre du Programme de lutte contre la pauvreté en milieu rural, de mettre en œuvre des mesures spécifiques pour lutter contre la pauvreté chez les femmes rurales et garantir leur accès à la justice, aux services de santé, à l’éducation, au logement, à l’eau potable et à l’assainissement, ainsi qu’à des terres fertiles et à des projets rémunérateurs;

b) D’assurer la participation des femmes rurales aux processus de prise de décisions au niveau communautaire;

c) De prendre des mesures pour s’attaquer aux causes profondes − notamment les irrégularités en matière d’enregistrement foncier − qui font obstacle à l’accès des femmes rurales à la terre, à la propriété et au crédit.

Groupes de femmes défavorisés

Le Comité s’inquiète de la situation des femmes qui sont confrontées à de multiples formes de discrimination, en particulier les femmes handicapées, les femmes âgées, les femmes chefs de famille et les migrantes. Il est également préoccupé par le peu d’informations et de statistiques disponibles sur les groupes de femmes défavorisés pour ce qui est de leur accès à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé, à une protection contre la violence et à la justice, ainsi que par l’absence de renseignements sur le recours à des mesures temporaires spéciales pour améliorer leur situation.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales, en faveur de l’autonomisation des femmes confrontées à de multiples formes de discrimination, notamment les femmes handicapées, les femmes âgées, les femmes chefs de famille et les migrantes, afin qu’elles puissent jouir pleinement de leurs droits dans des conditions d’égalité avec les hommes;

b) D’assurer la protection de ces femmes contre la violence, la maltraitance et l’exploitation;

c) De fournir, dans son prochain rapport, des données statistiques complètes, ventilées par sexe, lieu géographique, âge et appartenance ethnique, sur la situation des groupes de femmes défavorisés, dans tous les domaines visés par la Convention, et sur le résultat des mesures mises en œuvre, notamment celles relatives à la politique du logement et de l’emploi.

Mariage et relations familiales

Bien que le Code civil interdise la polygamie, le Comité constate avec une profonde inquiétude que la polygamie de fait persiste dans l’État partie. Il s’inquiète aussi de la stigmatisation des femmes célibataires chefs de famille et de ce qu’elles ne bénéficient d’aucune protection juridique en ce qui concerne les questions familiales.

Le Comité invite l’État partie à assurer l’égalité entre les hommes et les femmes dans le mariage et les relations familiales en :

a) Prenant des mesures pour abolir la polygamie de fait, conformément à la recommandation générale n o 21 (1994) du Comité sur l’égalité dans le mariage et les relations familiales, et pour faire en sorte que les droits économiques des femmes vivant déjà en union polygame soient protégés comme il convient, conformément à la recommandation générale n o 29 (2013) du Comité;

b) Prenant des mesures pour lutter contre la stigmatisation des femmes célibataires chefs de famille et pour permettre aux familles monoparentales ayant une femme à leur tête de bénéficier de services et de mesures d’appui dans les mêmes conditions que les familles biparentales et celles ayant un homme à leur tête.

Collecte des données

Tout en saluant la création d’un observatoire de l’égalité des sexes, le Comité a des raisons de regretter l’absence générale de données actualisées et ventilées par sexe. Il note que les données ventilées par sexe, âge, race, ethnicité, lieu de résidence et situation socioéconomique en plus de l’inclusion de données concernant les personnes handicapées, sont nécessaires à une évaluation précise de la situation de toutes les femmes pour l’élaboration de politiques sur des bases factuelles et adaptées à la population cible, de même que pour le suivi et l’évaluation systématiques des progrès accomplis en matière d’égalité effective des femmes dans tous les domaines visés par la Convention.

Le Comité appelle l’État partie à améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion de données détaillées et ventilées par sexe, âge, race, ethnicité, lieu de résidence et situation socioéconomique, ainsi que des données concernant les personnes handicapées, avec l’utilisation d’indicateurs quantitatifs pour mesurer les tendances caractérisant la situation des femmes et les progrès effectués dans la réalisation de l’égalité effective des femmes dans tous les domaines couverts par la Convention. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur la recommandation générale n° 9 (1989) du Comité concernant les données statistiques relatives à la situation des femmes, et l’encourage à mettre au point des indicateurs tenant compte des sexospécificités, qui pourraient servir dans la formulation, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation et, au besoin, l’examen des politiques ayant trait à l’égalité des sexes.

Déclaration et programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans ses efforts pour appliquer les dispositions de la Convention .

Diffusion et mise en œuvre

Le Comité rappelle à l’État partie l’obligation qui lui incombe d’appliquer systématiquement et de manière continue les dispositions de la Convention. Il exhorte l’État partie d’accorder une attention prioritaire à l’application des présentes observations finales et recommandations, d’ici à la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité demande par conséquent que ces observations finales soient diffusées en temps opportun dans la langue officielle de l’État partie, auprès des institutions publiques pertinentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier auprès du Gouvernement, des ministères, du parlement et de l’appareil judiciaire, en vue d’en assurer la pleine application. Il encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes, comme les associations d’employeurs, les syndicats, les organisations de défense des droits de l’homme et les organisations féminines, les universités et les instituts de recherche et les médias. Il recommande en outre que ses observations finales soient diffusées de manière appropriée au niveau communautaire local, pour en permettre l’application. En outre le Comité demande à l’État partie de continuer à diffuser la Convention et son protocole facultatif, ainsi que les recommandations générales du Comité auprès de tous les intéressés.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments relatifs aux droits de l’homme donnerait aux femmes de meilleures chances d’exercer leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage par conséquent l’État partie à envisager la ratification de la Convention internationale sur la protection de toutes les personnes contre la disparition forcée, à laquelle il n’est pas encore partie.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l’État partie de fournir, d’ici à deux ans, par écrit, des informations sur les mesures prises pour appliquer les recommandations figurant aux paragraphes 23 et 29 c) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à présenter son neuvième rapport périodique en juillet 2017 .

Le Comité prie l’État partie de se conformer aux « Directives harmonisées pour l’établissement de rapports en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports spécifiques pour chaque instrument » ( HRI/MC/2006/3 et Cor r. 1 ).



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