University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Croatie, U.N. Doc. A/53/38/Rev.1,paras.80-119 (1998).




Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes


Croatie

80. Le Comité a examiné le rapport initial de la Croatie (CEDAW/C/CRO/1) à ses 363e, 364e et 368e séances, les 21 et 23 janvier 1998 (voir CEDAW/C/SR.363, 364 et 368).

81. La représentante de la Croatie a indiqué que, le 8 octobre 1991, son pays avait adhéré à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, sans émettre de réserves. Le rapport initial portait sur la période allant jusqu'en 1994 et le prochain rapport comprendrait les deuxième et troisième rapports.

82. La représentante a informé le Comité que, lorsque le rapport initial avait été présenté, la paix était l'objectif prioritaire de son pays. Elle a toutefois souligné que la promotion de la femme dans tous les domaines passait parl'instauration de la paix et le renforcement de la démocratie. La Croatie connaissait enfin la paix, la stabilité et la sécurité, ce qui lui permettait d'orienter ses activités vers le dévelop- pement social et la promotion et la protection des droits de l'homme. La promotion et la responsabilisation des femmes dans tous les domaines de la vie publique étaient nécessaires à la pleine réalisation de la justice sociale dans une société démocratique.

83. La Commission pour l'égalité, établie par le Gouverne-ment croate en mai 1996, avait élaboré la politique de parité entre les sexes en se fondant sur le Programme d'action de Beijing, après avoir consulté des organisations non gouver- nementales de femmes. Cette politique avait été adoptée par le Gouvernement en décembre 1997.

84. La politique suivie prévoyait des mesures concrètes visant à atteindre des objectifs précis dans divers domaines : la vie politique, l'économie et la situation économique des femmes, les soins de santé, l'éducation, les droits fondamen- taux des femmes, la violence à l'égard des femmes en temps de guerre et en temps de paix.

85. Une autre représentante a exposé ce qu'il en était de l'application de la Convention par la justice. Elle a fait observer que les droits des femmes croates garantis par la Constitution étaient protégés par le médiateur et que tant les hommes que les femmes pouvaient utiliser toutes les voies de droit prévues par la loi. Un nouveau code pénal était entré en vigueur le 1er janvier 1998. La représentante a donné des statistiques concernant les actes de violence dirigés contre les femmes, le viol conjugal, le harcèlement sexuel, la prostitution (y compris sur le plan international) et d'autres infractions. Compte tenu de l'évolution constatée dans ces domaines, des modifications avaient été apportées au Code pénal. Cela dit, aussi bien des hommes que des femmes peuvent être les auteurs ou les victimes d'actes délictueux.

86. Un certain nombre de dispositions législatives pré-voyaient une protection spéciale pour la famille, en particu- lier pour les femmes en tant que mères et dispensatrices de soins. Des droits spéciaux étaient accordés aux femmes. Ces droits n'étaient pas jugés discriminatoires à l'égard des hommes, dont les droits étaient également reconnus. Dans la législation et les arrêtés locaux, les responsabilités parentales incombaient aux deux sexes.

87. Les femmes n'étaient pas autorisées à effectuer des travaux sous terre ou sous la mer ni à exercer des emplois physiquement éprouvants ou qualifiés de dangereux pour les femmes. La loi interdisait le travail de nuit, qui pouvait toutefois être autorisé dans des situations et des conditions bien précises. Les employeurs n'avaient pas le droit de demander des renseignements sur des questions autres que professionnelles, le but de cette disposition étant de protéger les femmes enceintes contre la discrimination sur le lieu de travail.

88. La loi relative aux soins de santé avait subi de légères modifications depuis la présentation du rapport initial. L'assurance maladie et les causes d'hospitalisation y étaient décrites. Il ressortait des statistiques concernant l'inter- ruption volontaire de grossesse (IVG) que le nombre d'avortements et celui des fausses-couches n'avaient jamais été aussi bas.

89. La politique suivie, qui s'inspirait du Programme d'action de Beijing, avait été adoptée en décembre 1997 afin de promouvoir l'égalité entre les sexes. Il s'agissait d'un document contraignant dont les ministères et les autres autorités étaient tenus d'appliquer les dispositions. La politique, élaborée en coopération avec des ONG et la Commission pour l'égalité, était composée de deux parties : une enquête sur la situation actuelle et des mesures précises se rapportant à des domaines de la plus haute importance.

90. À la fin de sa présentation, la représentante a examiné certains articles de la Convention ainsi que les modalités d'application. Elle a indiqué que le taux de ch_mage était élevé parmi les femmes, bien que celles-ci bénéficient des mêmes chances que les hommes en matière d'éducation et d'emploi.

Conclusions du Comité

Introduction

91. Le Comité s'est félicité que le Gouvernement croate ait ratifié la Convention sans émettre de réserve et a noté avec satisfaction que le rapport initial présenté par le pays était conforme aux directives qui avaient été fournies et présentait des données détaillées sur la condition de la femme en Croatie.

92. Le Comité a jugé que la délégation croate avait fait un excellent exposé qui avait permis de compléter et de mettre à jour le rapport. Il a remercié le Gouvernement croate d'avoir constitué une délégation de haut niveau dirigée par le Vice-Ministre du travail et de la protection sociale. Cela prouvait que l'État partie était déterminé à appliquer la Convention et appréciait à sa juste valeur le travail du Comité.

93. Le Comité s'est également félicité que la délégation ait répondu en détail à ses questions. Il était clair que la Croatie s'était sincèrement efforcée de répondre aux préoc- cupations exprimées par le Comité durant la présentation du rapport.

Éléments positifs

94. Le Comité s'est félicité que la Convention ait été intégrée au droit interne croate et puisse être invoquée devant un tribunal par tout citoyen.

95. Le Comité a accueilli avec satisfaction la création de la Commission pour l'égalité en Croatie. Il s'est également félicité que la politique nationale pour la promotion de l'égalité ait été adoptée pour appliquer le Programme d'action de Beijing et a apprécié qu'on lui ait fourni le texte de la politique en question.

96. Le Comité a salué les efforts accomplis par le Gouver-nement croate pour collaborer avec la société civile et les organisations non gouvernementales et s'est félicité que le Gouvernement ait promis de redoubler d'efforts pour renforcer la coopération avec les organisations non gouver- nementales, d'autant que la Croatie compte des organisations non gouvernementales de femmes très compétentes et très actives. Le Comité s'est félicité que la politique nationale préconise une telle coopération.

97. Le Comité a constaté avec satisfaction que la déléga-tion croate s'était montrée disposée à examiner plus en détail les préoccupations qu'il avait exprimées. Il s'est réjoui que le Gouvernement se soit verbalement engagé à examiner les questions suivantes à la lumière de ses suggestions :

a) Élimination des stéréotypes selon lesquels les femmes doivent se borner à prendre soin des enfants et des autres membres de la famille;

b) Adoption de mesures visant à renforcer la participation des femmes à la vie politique;

c) Désignation d'un médiateur qui serait spécifique-ment chargé de traiter les questions relatives aux droits des femmes;

d) Sensibilisation de la population à la Convention afin que celle-ci soit davantage invoquée en justice;

e) Création d'un système de mesures de protection, notamment en faveur des femmes exposées à la violence dans la famille;

f) Ouverture du dialogue et coopération avec les syndicats en vue d'adopter des mesures visant à protéger les femmes dans le domaine de l'emploi, notamment celles que leur employeur contraint abusivement à ne pas avoir d'enfant avant l'expiration d'un certain délai;

g) Renforcement de l'aide apportée aux membres de la famille, en particulier les femmes, qui s'occupent des personnes âgées;

h) Collecte de renseignements plus précis sur la condition des femmes rurales.

98. Le Comité a pris note avec une vive satisfaction des programmes qui visent à aider les femmes ayant des besoins particuliers.

99. Le Comité a pris note avec intérêt des mesures appli-quées pour éliminer à l'école les stéréotypes sexuels. Il a également apprécié les dispositions visant à enseigner les droits de l'homme dans les établissements scolaires.

100. Le Comité a été favorablement impressionné par la qualité du système de soins croate et par le fait que le Gouvernement est clairement déterminé à en faire bénéficier l'ensemble de la population.

Facteurs entravant l'application de la Convention

101. Le Comité a constaté qu'en cette période d'après-guerre, la Croatie traversait de graves difficultés économi- ques et sociales – le pays devait notamment compter avec la présence sur son territoire d'un grand nombre de réfugiés ou personnes déplacées. Le passage à une économie de marché et à la démocratie n'allait pas non plus sans problè- mes. En l'absence d'une politique qui prenne en considéra- tion la situation des femmes et de mesures qui parent à leurs difficultés, ces mutations, a fait observer le Comité, pou- vaient nuire à l'exercice effectif par les femmes de leurs droits fondamentaux et compromettre l'application de la Convention.

Principaux sujets de préoccupation

102. Malgré certaines précisions apportées oralement par la délégation, le Comité est resté très préoccupé par l'opinion exprimée dans le rapport de l'État partie et affir- mant que les femmes elles-mêmes étaient à blâmer pour leur faible participation à la vie publique – ce qui semblait indiquer que le Gouvernement n'avait pas bien compris qu'il existe aussi un antiféminisme, indirect, au niveau des structures mêmes.

103. Le Comité a constaté avec une vive préoccupation que la législation croate insistait systématiquement sur le r_le des femmes en tant que mères dans des domaines très divers. Sans mésestimer les dispositions législatives protégeant la maternité, le Comité craint que si l'on s'attache trop à cet aspect de la vie des femmes, cela risque de renforcer l'image traditionnelle et les stéréotypes qui entravent la participation des femmes à la vie collective. Le Comité a observé que malgré le bon niveau d'éducation des femmes en Croatie et leur taux d'activité assez élevé, il est indispensable que leGouvernement croate procède à une analyse détaillée et par sexe de l'importance accordée à la maternité par rapport à la place des femmes dans la vie publique afin d'assurer une véritable égalité des sexes dans la future société croate.

104. Le Comité a constaté l'absence d'information dans certains domaines. En particulier, on s'était très peu intéres- sé à la question des femmes pauvres et il n'existait pas de données par sexe les concernant. Le Comité a également déploré l'absence d'informations par sexe sur l'épidémie de sida et de données fiables sur les taux de maternité chez les adolescentes.

105. Le Comité a constaté que le rapport ne contenait pas de données chiffrées sur la situation économique et social et le statut général des femmes des groupes minoritaires, information pourtant pertinente étant donné la complexité démographique du pays, où se c_toient diverses nationalités et religions.

106. Le Comité s'est étonné que le Gouvernement estime qu'il n'était pas nécessaire de préciser les disparités réelles entre les sexes chaque fois que la question de l'égalité était soulevée. De l'avis du Comité, cela aidait à occulter et à perpétuer une inégalité de fait et il a souligné qu'afin de faire prendre conscience des disparités entre les sexes et de promouvoir une action en faveur de la parité, il était essen- tiel de traiter la question des disparités entre les sexes dans tous les débats sur l'égalité.

107. Le Comité s'est félicité d'apprendre que les actes de violence domestique pouvaient être portés devant les tribunaux à la demande des victimes, toutefois il s'est demandé si les mesures prises pour encourager les femmes à porter plainte étaient bien suffisantes et si la législation sur la violence domestique envisageait la possibilité de poursui- tes exercées de plein droit par le ministère public ou sur plainte d'un tiers.

108. Le Comité a estimé qu'il y avait des raisons de craindre que les organisations non gouvernementales confessionnelles n'influent sur le Gouvernement pour le décourager d'adopter des mesures en faveur des femmes, faisant ainsi obstacle à la pleine application de la Conven- tion.

109. Le Comité a constaté avec une vive inquiétude que les services de santé en matière de reproduction offerts aux femmes avaient été les premiers à subir le contrecoup des restrictions budgétaires décidées par le Gouvernement. Il s'est également dit préoccupé par les informations relatives au refus de certains h_pitaux de réaliser des IVG du fait des objections des médecins. Le Comité a estimé qu'il s'agissait d'une violation des droits des femmes en matière de procréa- tion.

Propositions et recommandations

110. Le Comité a recommandé que le Gouvernement continue de mettre en oeuvre et de renforcer les mesures visant à promouvoir et intégrer les femmes. Il a encouragé les actions en faveur des femmes assorties d'objectifs numériques et de quotas, notamment dans des domaines tels que les postes politiques et les postes à responsabilité du secteur public où l'égalité de fait des femmes n'a pas progressé au rythme souhaité.

111. Le Comité a vivement engagé le Gouvernement à appliquer strictement la déclaration d'intention qu'il avait formulée oralement et dans laquelle il s'engageait à exami- ner plus en détail les questions visées au paragraphe 97 afin de prendre des mesures en réponse aux préoccupations du Comité.

112. Le Comité a instamment prié le Gouvernement de prendre de nouvelles mesures pour que la diversité des rôles joués par les femmes dans la société soit mieux admise. À cet effet, il a souligné l'importance de l'éducation du public croate en ce qui concerne la nécessité d'une répartition équitable entre les femmes et les hommes des tâches familia- les et des responsabilités en matière d'éducation.

113. Le Comité a recommandé que le Gouvernement mette à profit les informations dont on dispose en ce qui concerne la discrimination indirecte et structurelle. C'est d'abord à la puissance publique, bien plus qu'aux femmes elles-mêmes, qu'il appartient, a-t-il souligné, de faire le nécessaire pour abolir ces formes de discrimination.

114. Le Comité a demandé au Gouvernement de fournir dans les rapports suivants des informations plus détaillées sur l'application de l'article 6 de la Convention, ainsi que des informations supplémentaires sur la situation des prostituées. Le Comité souhaitait également obtenir des informations plus détaillées sur le problème de la traite des femmes, notamment des migrantes, et sur les mesures prises pour appliquer la loi dans ce domaine.

115. Le Comité a recommandé que le Gouvernement recueille et diffuse des données chiffrées sur la situation économique et social et le statut général des femmes apparte- nant aux groupes minoritaires, afin que des politiques expressément adaptées aux besoins des divers groupes puissent être établies.

116. Le Comité a demandé que plus d'informations soient fournies dans les rapports suivants sur la situation des femmes handicapées.

117. Le Comité a vivement recommandé que le Gouverne-ment prenne des mesures pour garantir aux femmes la jouissance de leurs droits en matière de procréation, notam- ment en leur assurant l'accès à l'IVG dans les h_pitaux publics. Il a proposé que le Gouvernement examine scrupu- leusement toutes les incidences pour les femmes, notamment les restrictions de crédit qui compromettent le financement des moyens de contraception et qu'il prenne des mesures pour remédier à leurs répercussions sur les femmes.

118. Le Comité a instamment prié le Gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire participer les organisations non gouvernementales à l'établissement du rapport suivant.

119. Le Comité a demandé que les présentes conclusions soient largement diffusées dans le pays, afin que toute la population, en particulier les responsables de l'administration publique et les hommes politiques, sache quelles mesures ont été prises pour assurer une égalité de fait entre les deux sexes et quelles autres actions sont encore nécessaires. Il a aussi prié le Gouvernement de continuer à faire connaître dans tout le pays, notamment auprès des organisations féminines et des organisations de défense des droits de l'homme, les dispositions de la Convention (avec les recommandations générales du Comité lui-même) et la teneur de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing.



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