37. Le Comité a examiné le rapport initial et le deuxième rapport périodique de Chypre (CEDAW/C/CYP/1-2) à sa 287e séance, le 16 janvier, et à sa 297e séance, le 23 janvier 1996 (voir CEDAW/C/SR.297).
38. Dans sa déclaration liminaire, le représentant de Chypre a examiné les progrès réalisés dans le domaine de la promotion de la condition de la femme depuis la ratification de la Convention en 1985, compte tenu de l'évolution économique, politique et sociale résultant de l'occupation d'une partie du territoire depuis 1974. Des mesures législatives et autres avaient été adoptées et une action a été menée afin d'éliminer les obstacles à la mise en oeuvre de la Convention. Depuis la présentation du rapport, un nouveau mécanisme national de protection des droits de la femme avait été mis en place et des réformes législatives avaient été introduites dans un certain nombre de domaines, en particulier en ce qui concernait le droit de la famille et la législation du travail. Les idées traditionnelles et stéréotypées concernant le rôle des femmes constituaient un obstacle à la pleine participation des femmes, sur un pied d'égalité avec les hommes, au processus décisionnel et en matière d'emploi et influençaient les choix faits dans le domaine de l'éducation.
39. Des programmes et mesures avaient été adoptés pour aider les femmes à concilier famille et emploi. L'accent avait été mis sur le développement et l'amélioration des services de garderie d'enfants. Un enseignement professionnel à l'intention des femmes avait été introduit.
40. Les programmes scolaires avaient été révisés afin de promouvoir l'égalité entre l'homme et la femme. Des programmes destinés aux femmes rurales avaient été mis en place afin de promouvoir leur rôle dans l'agriculture et d'encourager leur participation à la prise de décisions. Les femmes avaient accès aux soins de santé et la mortalité infantile avait diminué considérablement. Les soins de santé maternelle constituaient une priorité et des informations étaient disponibles sur les maladies et les risques pour la santé des femmes.
41. Le représentant de Chypre a décrit les priorités et les plans de son gouvernement concernant la mise en oeuvre de la Convention, et notamment le renforcement du mécanisme national de protection des droits de la femme, et mentionné la mise en place de cours de formation professionnelle destinés aux femmes et les efforts pédagogiques et de sensibilisation des enseignants; le développement des services de garderie d'enfants; les mesures prises pour compléter la réforme récente du droit de la famille, ainsi que les autres instruments juridiques impliquant un traitement inégal des femmes; l'amélioration de la situation des femmes rurales; la prévention de la violence à l'égard des femmes; la participation des femmes au processus décisionnel; et la création éventuelle d'une commission pour l'égalité d'accès aux emplois. Il a toutefois ajouté que, compte tenu du maintien de l'occupation d'une partie du territoire par la Turquie, le Gouvernement chypriote n'était pas en mesure de garantir aux femmes la jouissance de leurs droits dans la partie occupée de l'île.
Conclusions du Comité
Introduction
42. Le Comité s'est félicité que le Gouvernement chypriote ait été représenté à un niveau élevé ainsi que de la qualité de ses rapports qui contenaient des informations détaillées sur la mise en oeuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, conformément à ses directives en matière d'établissement de rapports. Il a noté avec satisfaction en particulier que les obstacles et les problèmes avaient été clairement identifiés, de même que les principales questions intéressant les femmes chypriotes. Le Comité s'est également félicité des initiatives, des mesures et des plans visant à éliminer la discrimination à l'égard des femmes à Chypre, ainsi que des réponses honnêtes et détaillées du représentant de Chypre aux questions du Comité.
Facteurs et difficultés ayant des incidences sur la mise en oeuvre de la Convention
43. Le Comité a pris note avec inquiétude de la réserve tendant à exclure les femmes des forces armées émise par le Gouvernement.
44. Le Comité a pris note de la déclaration de l'État partie selon laquelle il ne pouvait, du fait de l'occupation d'une partie du territoire chypriote, fournir d'informations sur l'application de la Convention dans les secteurs ne relevant pas de sa juridiction.
45. Le Comité a pris acte de l'observation figurant dans le rapport selon laquelle les principaux obstacles à l'application de la Convention étaient les attitudes et pratiques sociales fondées sur les idées traditionnelles et stéréotypées concernant le rôle des hommes et des femmes.
Aspects positifs
46. Le Comité a noté avec satisfaction dans le rapport que la ratification de la Convention avait eu un impact important et, en particulier, que cette dernière avait aidé le Gouvernement à prendre des mesures afin de réduire les inégalités et encouragé l'adoption de réformes majeures et qu'elle constituait un instrument utile pour les organisations féminines exigeant des améliorations.
47. Le Comité a loué les efforts du Gouvernement visant à mettre en oeuvre, conformément à la Convention, le principe "à travail de valeur égale, salaire égal", à développer les services de garderie d'enfants et à étudier la possibilité de faire bénéficier les femmes au foyer de la sécurité sociale.
48. Le Comité s'est félicité que le Gouvernement ait apporté à la Constitution un amendement permettant de créer des tribunaux civils spéciaux ayant la charge exclusive des affaires familiales.
49. Le Comité a pris note avec satisfaction des mesures prises par le Gouvernement pour accorder des subventions aux entreprises soucieuses de fournir des services de garderie d'enfants. Il a noté avec satisfaction le niveau élevé d'instruction des femmes et des fillettes à Chypre et s'est félicité des programmes éducatifs visant à sensibiliser la population à la nécessité de réaliser l'égalité entre les sexes et d'éliminer les stéréotypes féminins traditionnels, en particulier en milieu rural, et à aborder les questions de santé et d'hygiène sexuelle.
50. Le Comité s'est félicité de l'introduction d'un projet de loi relatif à la violence à l'égard des femmes dans la famille qui dispose, en particulier, que le viol commis dans le cadre du mariage est un crime. En outre, ce projet accorde une pleine protection aux victimes, prévoit de lourdes peines pour les coupables et facilite la déposition de plaintes par le biais des prestations de soins de santé primaires. Le Comité s'est également félicité de la création de services de conseils et de la contribution que le Gouvernement a apportée à la création d'un centre d'hébergement destiné aux victimes de violences, qui est administré par une association de bénévoles.
51. Le Comité a pris note avec satisfaction des efforts déployés par le Gouvernement pour traiter les questions relatives à la discrimination à l'égard des femmes à la télévision, à la radio et dans la publicité, notamment dans le cadre de programmes sur les questions concernant les femmes sur leur participation dans le domaine de la radio et de la télévision et sur l'image qui est donnée d'elles.
52. Le Comité s'est félicité de l'initiative visant à encourager et appuyer financièrement la création de coopératives agricoles féminines.
Principaux sujets de préoccupation
53. Le Comité a pris note avec une vive préoccupation des éléments d'information concernant la traite internationale des femmes et leur exploitation sexuelle, notamment celle d'étrangères, commises en violation de l'article 6 de la Convention.
54. Le Comité a également noté que les femmes étaient peu représentées au Parlement et dans la vie politique, et qu'elles étaient absentes aux échelons élevés du Gouvernement.
55. Le Comité s'est déclaré préoccupé par le fait que le Gouvernement invoque la faiblesse du taux de fécondité à Chypre pour maintenir les restrictions à la pratique de l'avortement prévues en droit pénal.
Suggestions et recommandations
56. Le Comité a recommandé au Gouvernement de donner d'urgence effet à l'engagement qu'il avait pris, lors de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, de renforcer le mécanisme national pour la femme, notamment sa structure administrative, son budget, ses ressources humaines et sa direction. Il a recommandé en outre que le mécanisme national soit habilité à élaborer des politiques et à formuler et examiner des propositions de loi sur la condition de la femme.
57. Le Comité a demandé instamment au Gouvernement de tenir compte de ses recommandations générales dans les rapports au titre de la Convention qu'il lui présenterait ultérieurement.
58. Le Comité a recommandé au Gouvernement de poursuivre ses efforts en vue de réaliser et de modifier les lois discriminatoires à l'égard des femmes à la lumière de la Convention. Il a appelé son attention sur la recommandation générale No 19, qui préconisait d'amender les articles du Code pénal concernant la violence à l'égard des femmes.
59. Le Comité a demandé instamment au Gouvernement d'étudier la proposition de certaines organisations non gouvernementales tendant à établir une commission pour l'égalité d'accès aux emplois qui serait chargée de recevoir les doléances des femmes et assumerait des fonctions de médiation.
60. Le Comité a recommandé vivement l'adoption d'urgence, au titre de l'article 4 de la Convention, de mesures temporaires spéciales afin d'accroître sensiblement le nombre des femmes dans tous les secteurs de la vie publique et politique, et de promouvoir activement leur accès aux postes de responsabilité dans la fonction publique et le service diplomatique.
61. Le Comité a recommandé au Gouvernement d'adopter de nouvelles mesures de lutte contre la traite internationale et l'exploitation sexuelle des femmes par le biais des responsables de l'application des lois aux niveaux national et international. Il l'a encouragé à persévérer dans les efforts qu'il déployait pour réglementer l'emploi d'artistes étrangères et sanctionner les infractions aux réglementations correspondantes. Il lui a demandé en outre instamment de fournir éducation, formation et soutien aux femmes migrantes afin de leur faciliter l'accès à d'autres emplois sur le marché officiel du travail.
62. Le Comité a demandé instamment au Gouvernement d'examiner la question du principe "à travail de valeur égale, salaire égal", de s'inspirer à cet égard de l'expérience d'autres pays et de lancer des campagnes d'information sur ce sujet auprès des organisations syndicales et professionnelles et des organisations féminines.
63. Le Comité a encouragé le Gouvernement à poursuivre ses efforts afin d'adopter dans les meilleurs délais une législation spéciale concernant la question du harcèlement sexuel sur le lieu de travail.
64. Le Comité a encouragé le Gouvernement à recueillir systématiquement des données ventilées par sexe dans tous les domaines, en particulier sur les besoins et les services en matière de santé, afin de faciliter la planification de ses politiques.
65. Le Comité a engagé le Gouvernement à faire pleinement bénéficier de la sécurité sociale les travailleuses rurales indépendantes et à abolir toute discrimination entre femmes mariées et femmes célibataires dans ce domaine.
66. Le Comité a demandé instamment au Gouvernement de mettre en place des programmes de sensibilisation et de formation concernant les spécificités de chaque sexe à l'intention de tous les responsables de l'application des lois et les juges, en particulier les juges des tribunaux compétents pour connaître des affaires familiales.