Quarante-neuvième session
11-29 juillet 2011
Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes
Éthiopie
Le Comité a examiné les sixième et septième rapports périodiques combinés de l’Éthiopie (CEDAW/C/ETH /6-7) à ses 984e et 985e séances, le 15 juillet 2011 (voir CEDAW/C/SR.984 et 985). La liste des points et questions correspondantes a été publiée sous la cote CEDAW/C/ETH/Q/6-7, et les réponses du Gouvernement éthiopien, sous la cote CEDAW/C/ETH/Q/6-7/Add.1.
Introduction
Le Comité remercie l’État partie pour ses sixième et septième rapports périodiques combinés, bien détaillés et, dans l’ensemble, conformes aux directives du Comité sur la présentation des rapports, même s’ils ne font pas référence à ses précédentes observations finales et ne mentionnent pas ses recommandations générales, qu’ils ne contiennent pas de données désagrégées spécifiques, et qu’ils soient présentés avec retard. Il se félicite que l’élaboration des rapports ait donné lieu à un dialogue participatif dans le cadre d’un projet commun, mené avec l’appui du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et impliquant les organismes gouvernementaux, les institutions nationales de défense des droits de l’homme et les organisations de la société civile. Il remercie l’État partie pour son exposé oral, présenté par le chef de la délégation, ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par le Groupe de travail de présession du Comité et les informations complétant la plupart des questions posées oralement par le Comité.
Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation de haut niveau, dirigée par la Ministre des femmes, de la jeunesse et des affaires juvéniles d’Éthiopie, qui comprenait des représentants de plusieurs ministères gouvernementaux. Il apprécie le dialogue constructif qui a eu lieu entre la délégation et les membres du Comité, mais regrette qu’un certain nombre de questions soient restées sans réponse.
Aspects positifs
Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 7 juillet 2010.
Le Comité note avec satisfaction l’adoption du nouveau Code pénal (2005), qui érige en infraction diverses formes de violence à l’égard des femmes, notamment la violence familiale et le viol extraconjugal, les pratiques traditionnelles préjudiciables telles que les mutilations génitales féminines, le mariage précoce et l’enlèvement en vue d’un mariage forcé ainsi que la traite des femmes et des enfants. Il se félicite également de la nomination dans les tribunaux fédéraux de procureurs à l’écoute des victimes et de l’institution d’unités spéciales chargées d’enquêter sur les actes de violence à l’égard des femmes et de les poursuivre en justice dans les bureaux des procureurs généraux d’Addis-Abeba et de Dire Dawa ainsi que dans certains États régionaux, comme des mesures prises jusqu’à présent par l’État partie pour former les juges, les procureurs et les fonctionnaires de police à l’application du Code pénal et des droits des femmes, notamment au regard de la Convention.
Le Comité note avec satisfaction les diverses politiques et stratégies adoptées par l’État partie pour promouvoir l’égalité entre les sexes et protéger les droits des femmes, en particulier le plan national pour l’égalité entre les sexes (2005-2010), le plan de développement accéléré et durable en vue d’éradiquer la pauvreté (2005-2010) qui, au nombre des huit composantes de la Stratégie du Plan, vise à valoriser le potentiel des femmes éthiopiennes, le Programme pour le développement et la promotion des femmes éthiopiennes, qui s’efforce de promouvoir la participation des femmes à la vie économique et politique et d’éliminer les pratiques traditionnelles néfastes, ainsi que les programmes phares sur l’égalité entre les sexes et la santé maternelle exécutés en commun par les Nations Unies et le Gouvernement éthiopien.
Le Comité note avec satisfaction l’augmentation du nombre de femmes siégeant à la Chambre des représentants des peuples, où, à la suite des élections nationales de 2010, elles occupent actuellement 27,8 % des sièges.
Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour promouvoir l’accès des femmes et des filles à l’éducation, particulièrement dans les zones rurales et pastorales, en particulier :
a)L’introduction de programmes de bourses à l’intention des filles et la fourniture aux filles de matériels éducatifs et d’uniformes, avec l’appui des organisations non gouvernementales (ONG);
b)L’introduction d’écoles adaptées aux filles ainsi que la construction de latrines séparées pour les filles et les garçons dans les écoles;
c)Dans les zones pastorales, la mise en place de mesures qui incitent les parents à envoyer leurs filles à l’école;
d)La formation ainsi que l’application de mesures de discrimination positive visant à porter à 50 % le pourcentage des enseignantes aux niveaux primaire et secondaire et à augmenter le nombre des enseignantes dans les collèges universitaires et les universités.
Le Comité note avec appréciation les efforts entrepris par l’État partie pour améliorer l’accès des femmes et des filles aux services de santé, notamment en matière de planification familiale et de santé procréative, grâce à son programme de vulgarisation sanitaire, en assurant la formation d’agents de vulgarisation sanitaire en matière de santé maternelle et de soins obstétriques d’urgence, et en augmentant le nombre d’unités de soins de santé primaires, de centres sanitaires et d’hôpitaux.
Principaux sujets de préoccupation et recommandations
Le Comité rappelle l ’ obligation qui incombe à l ’ État partie d ’ appliquer, de manière systématique et constante, toutes les dispositions de la Convention et estime que les préoccupations et recommandations énoncées dans les présentes observations finales doivent faire l ’ objet d ’ une attention prioritaire de la part de l ’ État partie d ès maintenant et jusqu ’ à la présentation du prochain rapport périodique. Il lui demande donc de privilégier les domaines d ’ activité s correspondant e s dans son action de mise en œuvre et de rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu ’ il aura prises et des résultats qu ’ il aura obtenus. Le Comité lui demande également de soumettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés aux niveaux fédéral et régional, à la Chambre des représentants des peuples, à la Chambre de la fédération et aux conseils régionaux ainsi qu ’ aux instances judiciaires, de façon à en assurer la pleine application.
Les chambres fédérales
Tout en réaffirmant que c ’ est le Gouvernement qu i est responsable au premier chef de la pleine mise en œuvre des obligations encourues au titre de la Convention, dont il est particulièrement responsable, le Comité souligne que la Convention s ’ impose à toutes les instances gouvernementales. Il invite l ’ État partie à encourager les deux chambres fédérales, conformément à leurs procédures, le cas échéant, à prendre les mesures nécessaires pour ce qui est de la mise en œuvre des présentes observations finales et de l ’ établissement des prochains rapports au titre de la Convention.
Activités visant à faire mieux connaître la Convention, le Protocole facultatif et les recommandations générales du Comité
Tout en notant que, aux termes de l’article 9 de la Constitution fédérale, les accords internationaux ratifiés par l’État partie font partie intégrante de son droit interne, et par ailleurs que les principaux traités internationaux portant sur les droits de l’homme, notamment la Convention, ont été traduits en amharique, en oromo et en tigrigna par la Commission éthiopienne des droits de l’homme, le Comité se préoccupe du fait que la Convention n’a pas été officiellement traduite et publiée dans la F edera l N egarit Gazeta. De même, le Comité constate avec préoccupation que les branches du pouvoir, aussi bien aux niveaux fédéral que régional, et les instances judiciaires, ont toutes une connaissance insuffisante des droits que la Convention confère aux femmes, de la notion d’égalité effective entre les sexes qu’elle contient et des recommandations générales du Comité. Il craint en outre que les femmes elles-mêmes, notamment celles qui vivent dans les zones rurales ou reculées, ne soient pas suffisamment informées de leurs droits en vertu de la Convention et qu’elles ne soient donc pas en mesure de les faire valoir.
Le Comité recommande que l ’ État partie établisse une traduction officielle du texte intégral de la Convention et que celle-ci soit publiée dans la Federal Negarit Gazeta afin que le public y ait accès et que les juges puissent l ’ appliquer directement, dans des conditions de sécurité juridique. Il prie instamment l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que la Convention et les recommandations générales du Comité soient suffisamment connues et appliquées par toutes les branches du Gouvernement, notamment judiciaire s , aux niveaux fédéral, régional et local, et appliquées comme cadre de référence pour toutes les lois, décisions de justice et politiques en matière d ’ égalité entre les sexes et de promotion de la femme. Il recommande que la Convention et la législation nationale pertinente soient mieux intégrées aux programmes d ’ études et de formation des juges, des magistrats, des avocats et des procureurs, notamment dans les tribunaux qui appliquent la charia, afin d ’ établir solidement dans le pays une culture juridique propice à l ’ égalité des femmes et des hommes et à l ’ absence de discrimination fondée sur le sexe. Enfin, le Comité recommande que l ’ État partie sensibilise davantage toutes les femmes à leurs droits et aux moyens de les exercer, notamment grâce à des programmes de vulgarisation juridique, et qu’ils prennent toutes les mesures voulues, y compris au moyen des médias, pour que les informations portant sur la Convention soient transmises aux femmes dans tous les États régionaux .
Harmonisation de la législation
Le Comité exprime à nouveau sa préoccupation devant le fait que les États régionaux n’ont pas tous adopté sur le plan régional des lois de la famille conformes au Code fédéral de la famille (2005) et à la Convention, qui reconnaissent le droit égal des femmes et des hommes de contracter librement mariage ainsi que les responsabilités et les droits égaux des époux durant le mariage et lors de sa dissolution, et qui fixent l’âge minimum du mariage à 18 ans, et que par ailleurs certains États régionaux ne reculent pas devant le fait d’appliquer leurs anciennes lois de la famille, qui sont discriminatoires. De même, le Comité note que la Constitution fédérale ne fait pas obstacle au fait que les conflits relatifs au droit des personnes ou au droit de la famille soient réglés par des tribunaux coutumiers ou religieux [art. 34 (5)] et, à cette fin, autorise la Chambre des représentants des peuples et les conseils régionaux à mettre en place des tribunaux religieux ou coutumiers ou à les reconnaître officiellement [art. 78 (5)].
Le Comité rappelle la recommandation qu ’ il a précédemment formulée (CEDAW/C/ETH/CO/4-5, par. 244 ) et invite l ’ État partie à s ’ assurer que les États régionaux adoptent tous des lois de la famille conformes au Code fédéral de la famille et à la Convention et prennent des mesures, notamment des activités de sensibilisation et d ’ éducation, pour informer la population et mettre les pouvoirs publics en mesure d ’ appliquer comme il convient le Code révisé de la famille, particulièrement le droit égal des femmes et des hommes de contracter librement mariage, les droits et responsabilités égaux des femmes et des hommes durant le mariage et lors de sa dissolution, et l ’ âge minimum du mariage, fixé à 18 ans. Le Comité invite également l ’ État partie à veiller à ce que les lois fédérales, régionales, coutumières et religieuses soient harmonisées conformément à la Convention .
Mécanismes nationaux de promotion de la femme
Tout en accueillant avec satisfaction la mise en place d’un mécanisme national d’ensemble consacré à la promotion de la femme, et composé du Ministère des affaires féminines, de l’enfance et de la jeunesse, des départements chargés des affaires féminines de tous les ministères fédéraux et les structures analogues aux niveaux des régions, des zones, des woreda (districts) et des kebele (sous-districts), le Comité note avec préoccupation que les capacités et les ressources du mécanisme national, de même que son efficacité, n’ont pas été suffisamment renforcées pour assurer la mise en œuvre effective des lois et politiques applicables, le suivi et la collecte des données, l’intégration systématique de la problématique hommes-femmes ainsi que les processus d’harmonisation et d’alignement, notamment en matière de contrôle, d’évaluation et d’analyse des données nécessaires à une planification stratégique fondée sur les faits.
Rappelant l es observations finales qu’il a précédemment formulées (CEDAW/C/ETH/CO/4-5, par. 246), la recommandation générale n o 6 (1988), les recommandations pertinentes adressées à l ’ État partie dans le cadre de l ’e xamen périodique universel (A/HRC/13/17, par. 97-32) et par le Comité des droits de l ’ enfant (CRC/ETH/CO/3, par. 11) ainsi que les orientations fournies dans le Programme d ’ action de Beijing, notamment en ce qui concerne les conditions requises pour le fonctionnement effectif des mécanismes nationaux, le Comité recommande à l ’ État partie de :
a) Renforcer le mécanisme national en place à tous les niveaux en le dotant des ressources humaines, techniques et financières appropriée s pour le rendre mieux à même d ’ élaborer, de mettre en œuvre, de fournir des conseils, de coordonner et de contrôler la préparation et l ’ application des mesures législatives et politiques dans le domaine de l ’ égalité des sexes et en intégra nt la problématique hommes-femmes à toutes les lois et politiques;
b) Assurer une formation plus approfondie aux droits des femmes, même de courte durée , aux femmes et aux hommes employés par le Ministère des affaires féminines, de l ’ enfance et de la jeunesse, les départements chargés des affaires féminines de chaque ministère fédéral, les bureaux régionaux chargés des affaires féminines et les structures aux niveaux des zones, des woreda et des kebele ainsi qu ’ aux femmes et hommes employés dans d ’ autres organes gouvernementaux aux niveaux fédéral et régional;
c) Accorder une attention prioritaire aux droits des femmes et à la non-discrimination ainsi qu ’ au respect de l ’ égalité entre les sexes, en tenant notamment compte à cet égard des recommandations formulées par le Comité dans le cadre de la mise en œuvre du deuxième plan de développement durable et accéléré visant à éradiquer la pauvreté (2010-2015);
d) Renforcer davantage les capacités et l ’ indépendance de la Commission éthiopienne des droits de l ’ homme, en particulier de la Commissaire aux droits des femmes et des enfants et de son département, conformément aux Principes de Paris (A/RES/48/134, a nnexe).
Stéréotypes et pratiques préjudiciables
Tout en prenant acte des mesures prises par l’État partie pour éliminer les attitudes discriminatoires et les pratiques préjudiciables aux femmes, le Comité se dit une nouvelle fois préoccupé par la persistance de normes culturelles, pratiques et traditions préjudiciables ainsi que d’attitudes patriarcales et de stéréotypes fortement enracinés concernant les rôles, les responsabilités et l’identité des femmes et des hommes dans toutes les sphères de la vie. Il note avec inquiétude que ces coutumes et pratiques perpétuent la discrimination à l’égard des femmes et qu’elles se manifestent dans le statut défavorable et inégal de la femme dans bien des domaines, notamment la vie publique et la prise de décisions, la vie économique, la santé sexuelle et procréative, le mariage et les rapports familiaux. Le Comité note que ces stéréotypes contribuent aussi à la persistance de la violence à l’égard des femmes et des pratiques préjudiciables, notamment les mutilations génitales féminines, le mariage précoce, l’enlèvement des filles et le lévirat, et se dit préoccupé par le fait qu’en dépit de ces effets préjudiciables sur les femmes, l’État partie n’a pas suffisamment pris de mesures durables et systématiques visant à modifier ou éliminer les stéréotypes et valeurs culturelles néfastes et les pratiques dangereuses. préjudiciables aux femmes.
Le Comité engage instamment l ’ État partie à :
a) Mettre en place, sans retard, une stratégie globale destinée à éliminer les pratiques et les stéréotypes préjudiciables discriminatoires à l ’ égard des femmes, conformément à l ’ alinéa f ) de l ’article 2 et à l ’ alinéa a) de l ’article 5 de la Convention. Ces mesures devraient inclure des efforts mieux coordonn é s en associant à cette action la société civile, qui éduquent le public et fassent mieux connaître ces questions, s ’ adressant aux femmes comme aux hommes à tous les niveaux de la société, notamment le woreda et le kebele , et impliquant les chefs communautaires et religieux;
b) Faire cesser les pratiques préjudiciables, parmi lesquelles les mutilations génitales féminines, le mariage précoce, l ’ enlèvement en vue d ’ un mariage forcé et le lévirat, en élargissant les programmes éducatifs et en faisant effectivement respecter l ’ interdiction de ces pratiques, notamment en zone rurale;
c) Faire appel à des mesures novatrices mieux faire comprendre la notion d ’é galit é entre les femmes, et, en particulier, le droit é gal des hommes et des femmes et, en particulier, leur droit égal de participer à la vie publique et à la prise de décision s , de posséder des terres et du bétail, de prendre des décisions librement en matière de santé sexuelle et procréative, de contracter mariage et de choisir leur conjoint librement, en poursuivant ses travaux avec les médias afin de promouvoir une image positive et non stéréotypée de la femme;
d) Entreprendre une évaluation de l ’ impact de ces mesures afin d ’ en déterminer les insuffisances et de les améliorer en conséquence .
Mutilations génitales féminines et violence à l’égard des femmes
Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, y compris les mutilations génitales féminines et la violence sexuelle et familiale, notamment la révision de son Code pénal, la mise en place d’unités spéciales chargées des enquêtes et des poursuites et la nomination de magistrats qui appliquent une approche centrée sur les victimes dans le système judiciaire fédéral, et l’octroi d’une aide juridictionnelle et d’une assistance aux femmes et aux enfants victimes de violences. Cela étant, et tout en notant que l’incidence des mutilations génitales féminine est en baisse chez les jeunes femmes et dans les villes, le Comité note avec préoccupation que la pratique demeure extrêmement répandue dans les zones rurales et pastorales [l’incidence étant la plus élevée dans les régions de l’Afar (91,6 %) et du Somali (79 %)], et que les peines prévues aux articles 561 à 563, 567, 569 et 570 du Code pénal (2005) sont trop légères. Il s’inquiète également du fait que les mutilations génitales féminines, la violence domestique et d’autres formes de violence commises à l’égard des femmes ne sont pas souvent signalées en raison des tabous culturels et du manque de confiance dans le système juridique ressenti par les victimes, et que les dispositions des lois pénales ne sont pas appliquées d’une manière systématique par suite de l’insuffisance des fonds alloués, du manque de coordination entre les acteurs concernés, de la méconnaissance des lois et politiques en vigueur de la part des forces de l’ordre, du manque des capacités requises pour appliquer la loi d’une manière qui tienne compte des sexospécificités et des attitudes discriminatoires au sein de la société. De même, le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas érigé en infraction le viol conjugal, par son retard à adopter une stratégie nationale de lutte contre la violence dont sont victimes les femmes, par le manque d’assistance aux victimes et de services de relèvement et l’absence de données désagrégées sur les taux de poursuites et de condamnations pour violences faites aux femmes.
Le Comité rappelle ses recommandations générales n o 14 (1990), sur l ’ excision, et n o 19 (1992), sur la violence à l ’ égard des femmes, les recommandations qu ’ il a précédemment formulées (CEDAW/C/ETH/CO/4-5, par. 252 et 256), ainsi que les recommandations du Comité contre la torture (CAT/C/ETH/CO/1, par. 32), du Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale (CERD/C/ETH/CO/7-16, par. 16) , du Comité des droits de l ’ enfant (CRC/C/ETH/CO/3, par. 60) et de la Commission africaine des droits de l ’ homme et des peuples, et engage instamment l ’ État partie à :
a) Modifier le Code pénal (2005), en vue d ’ alourdir les peines pour mutilations génitales fém inines prévues aux articles 561, 562, 567, 569 et 570, abroger l ’ article 563, ériger en infraction le viol conjugal et exclu re l ’ applicabilité des circonstances atténuantes prévue à l’alinéa b) du paragraphe 1 de l ’ article 557 dans les cas de violence domestique (provocation grave, choc, surprise, émotion et passion);
b) Faire appliquer dans les faits les dispositions du Code pénal (2005) en érigeant les mutilations génitales féminines ainsi que la violence sexuelle et domestique en infraction, poursuivre tous actes de cette nature soit que la victime porte plainte soit ex officio, et imposer aux auteurs des peines appropriées, correspondant à la gravité de l ’ acte;
c) Faire en sorte que les juges, notamment les juges des tribunaux locaux et des tribunaux de la charia, les magistrats et les forces de police, suivent une formation obligatoire sur l ’ application stricte des dispositions pertinentes du Code pénal;
d) Encourager les femmes et les filles à signaler les actes de violence aux autorités compétentes, en poursuivant l ’ action de sensibilisation au caractère criminel et aux effets néfastes des mutilations génitales féminines et autres formes de violence sur leur sant é , en éliminant les justifications culturelles profondes de tels actes de violence et de telles pratiques, en luttant contre la stigmatisation des victimes et en formant les forces de l ’ ordre et le personnel de santé à l ’ application de procédures normalisées, centrées sur les femmes, applicables à la prise en charge des victimes et à l ’ instruction effective des plaintes;
e) Améliorer l ’ assistance aux victimes et leur relèvement en renforçant les services d ’ aide juridictionnelle du Ministère de la justice, en offrant un accompagnement psychologique, en appuyant les organisations locales de défense des droits des femmes qui offrent un abri et une assistance aux victimes, et en créant des centres de soutien aux victimes dans les États régionaux;
f) Expédier l ’ adoption et la mise en œuvre du projet de plan national stratégique de lutte contre la violence à l ’ égard des femmes et des enfants établi par le Ministère de la justice;
g) S ’ agissant des mutilations génitales féminines et de la violence sexuelle et domestique, rassembler des données désagrégées sur le nombre de plaintes formulées, de poursuites engagées, de condamnations prononcées, et de peines imposées contre les auteurs, et fournir ces données au Comité.
Le Comité note l’affirmation de l’État partie selon laquelle les Forces nationales de défense éthiopiennes ne se sont pas livrées à des actes de violence sexuelle, dont le viol, contre les femmes et les filles dans l’État régional somalien. Il n’en demeure pas moins préoccupé par de nombreuses informations cohérentes selon lesquelles des actes criminels – viols, actes de torture, exécutions extrajudiciaires et expulsions – auraient été commis à l’égard de femmes et filles par des membres des Forces ou de milices privées dans les régions de confit armé, en particulier l’Ogaden et l’État régional somalien, et par l’impunité dont bénéficieraient les auteurs présumés de ces actes.
Conformément à l ’article 2 de la Convention, et compte tenu des recommandations générales n o 28 (2010), relative aux obligations fondamentales des États parties en vertu de l ’ article 2, et n o 19 (1992), relative à la violence à l ’ égard des femmes, ainsi que des observations finales du Comité contre la torture (CAT/C/ETH/CO/1, par. 16), le Comité engage instamment l ’ État partie à :
a) Enquêter sur les membres des Forces nationales de défense éthiopiennes et des milices privées, les poursuivre et les sanctionner comme il convient pour viol ou tout autre acte criminel commis à l ’ encontre des femmes et des filles, notamment dans les régions de conflit arm é , et prendre des mesures efficaces pour empêcher que tout acte de ce type ne se reproduise;
b) Prendre des mesures immédiates pour compenser de manière adéquate les victimes de tout acte de ce type et assurer leur relèvement;
c) Envisager favorablement de faciliter aux organisations internationales et non gouvernementales un accès humanitaire aux régions dans lesquelles les femmes et les filles sont touchées par le conflit armé, c ’ est-à-dire dans la région Somali.
Traite et exploitation de la prostitution
Tout en notant que l’État partie a pris des mesures pour lutter contre la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les filles, en l’incriminant, en faisant œuvre de sensibilisation, en assurant la formation des agents de la force publique, en créant une service spécial chargé des poursuites et en concluant des traités avec les pays voisins, le Comité est préoccupé par le manque de données et les faibles taux de poursuites et de condamnations relatives notamment à la traite interne des femmes et des enfants à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle, par l’insuffisance des mesures prises pour éradiquer la pauvreté, considérée comme l’une des principales causes de la traite, le manque d’assistance aux victimes et de protection des femmes et des enfants réfugiés et déplacés dans leur propre pays et exposés à devenir victimes de la traite.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) D ’ adopter un plan national d ’ action pour la lutte contre la traite des personnes, en particulier les femmes et les filles, y compris les femmes réfugiées et déplacées dans leur propre pays;
b) De continuer l ’ action de sensibilisation à la traite des personnes et de dispenser aux agents de la force publique une formation concernant la stricte application des dispositions des lois pénales pertinentes;
c) De s ’ attaquer aux causes profondes de la traite en valorisant davantage encore le potentiel économique des femmes, notamment en élargissant le Fonds éthiopien de développement pour les femmes à un plus grand nombre d ’ États régionaux et de bénéficiaires et en élargissant encore l ’ accès des femmes à la propriété foncière;
d) De mettre en place des mécanismes qui permettent de détecter en temps utile les victimes de la traite, notamment les femmes et filles réfugiées et déplacées dans leur propre pays, de les orienter en conséquence, et de leur prêter assistance et appui;
e) S ’ agissant de la traite, de rassembler des données désagrégées sur le nombre de plaintes déposées ainsi que sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les sanctions infligées, et de faire figurer ces données dans son prochain rapport périodique.
Participation à la vie politique et publique
Tout en se félicitant de l’augmentation régulière du nombre de femmes siégeant à la Chambre des représentants des peuples, où elles occupent actuellement 152 sur 547 sièges (27,8 %) et, dans une moindre mesure, dans les conseils régionaux, le Comité exprime sa préoccupation devant le fait qu’aucune candidate de l’opposition n’a été élue à la Chambre des représentants des peuple aux élections nationales de 2010, et que les femmes restent sous-représentées aux postes de responsabilité au Gouvernement, dans l’appareil judiciaire et dans le corps diplomatique. À ce sujet, il note que trois seulement des 23 ministres du Gouvernement actuel sont des femmes. Il note également avec préoccupation que la participation des femmes à la vie politique, sur un pied d’égalité avec les hommes, est entravée par des obstacles systématiques, parmi lesquels les attitudes culturelles négatives, les doutes ressentis quant aux capacités de commandement des femmes, l’insuffisance des mesures de discrimination positive, qu’il s’agisse de quotas minimaux de femmes ou du renforcement des capacités des candidates potentielles, les ressources financières limitées, et le faible intérêt manifesté par les femmes faute d’appui logistique.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) D ’ adopter, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la r ecommandation générale n o 25 (2004) du Comité, des mesures temporaires spéciales , telles que l’institution de quota des deux sexes, applicables dans tout l ’ appareil de la Commission électorale nationale ainsi qu ’ aux nominations politiques , en vue d ’ accélérer une représentation égale des femmes et des hommes au sein des organes politiques élus et constitués, notamment aux postes de décision;
b) D ’ allouer des ressources plus importantes aux candidates, y compris les candidates de l ’ opposition, dans les fonds publics allou é s aux campagnes électorales;
c) De prendre des mesures de discrimination positive en vue d ’ élever le pourcentage de femmes juges, fonctionnaires et diplomates, en particulier aux postes de haut niveau;
d) De dispenser une formation en matière d ’ égalité des sexes aux responsables politiques, journalistes et décideurs, notamment masculins, pour leur faire mieux comprendre qu ’ une participation véritable, égale, libre et démocratique des femmes et des hommes à la vie politique et publique est indispensable à l ’ application intégrale de la Convention.
Société civile et organisations non gouvernementales
En dépit des explications fournies par l’État partie au cours des échanges sur la nécessité d’empêcher les influences étrangères sur la vie politique de l’Éthiopie et la dépendance des organisations locales de la société civile à l’égard des donateurs étrangers, le Comité se dit profondément inquiet du fait que la Proclamation no621/2009 concernant l’enregistrement des organisations et des sociétés caritatives – qui interdit aux ONG étrangères et locales recevant plus de 10 % de leur financement de pays étrangers, de travailler dans le domaine des droits de l’homme et de l’égalité entre les sexes (art. 14) – a entravé l’aptitude des organisations locales de défense des droits des femmes à fournir une aide juridictionnelle et autres formes d’appui aux femmes victimes de violations de leurs droits fondamentaux. Il se déclare préoccupé par le fait que la décision de la Civil Society Agency de geler 90 % des avoirs de certaines organisations locales de défense des droits de l’homme, notamment l’Association éthiopienne des femmes juristes (EWLA), qui était précédemment la principale organisation locale de défense des droits de la femme en Éthiopie, ne peut faire l’objet d’un appel devant les tribunaux, et qu’elle a contraint les ONG touchées à réduire leur personnel et le nombre des bureaux régionaux ainsi que, dans le cas d’EWLA, à interrompre l’aide juridictionnelle et les services d’assistance téléphonique fournis aux femmes. Il s’inquiète du fait que l’État partie n’a pas été à même de combler le manque résultant de la suspension de ces services
Le Comité rappelle la déclaration qu ’ il a formulée sur sa relation avec les org anisations non gouvernementales (2010) ainsi les recommandations présentées par le Comité contre la torture (CAT/C/ETH/CO/1, par. 34) et le Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale (CERD/C/ETH/CO/7, par. 14), et engage l ’ État partie à :
a) Reconnaître le rôle crucial que jouent les ONG dans l ’ autonomisation des femmes éthiopiennes grâce à leurs activités de sensibilisation et de plaidoyer, d ’ assistance aux victimes et de relèvement, ainsi que par leurs appuis juridictionnel s et autres qui mettent les femmes en mesure de faire valoir leurs droits;
b) Songer à modifier la loi sur les organisations de la société civile en vue de lever les restrictions imposées aux ONG locales de défense des droits de l ’ homme, notamment celles qui travaillent dans le domaine des droits fondamentaux des femmes, et toutes autres restrictions imposées aux activités des ONG locales et internationales qui sont incompatibles avec les normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, tels que le droit des citoyens et des non-citoyens de s ’ associer librement;
c) Débloquer les fonds d ’ EWLA et autres ONG locales de défense des droits de l ’ homme, veiller à ce que les décisions de la Civil Society Agency puissent faire l ’ objet d ’ un recours et garantir que les personnes travaillant pour les ONG soient à l’abri de tout harcèlement ou de toute intimidation;
d) Collaborer avec les organismes locaux et autres ONG de défense des droits des femmes de façon qu ’ elles puissent jouer véritablement leur rôle dans l ’ application de la Convention en Éthiopie et, ce faisant, aider l ’ État partie à s ’ acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention;
e) En attendant, mettre au point des stratégies qui visent à atténuer les effets négatifs de la loi sur les organisations de la société civile sur les moyens des ONG locales travaillant dans le domaine des droits fondamentaux, notamment celles qui défendent les droits des femmes, afin de combler le manque résultant de leur moindre aptitude à dispenser des services juridiques et autres aux femmes, en particulier celles qui vivent en dehors d ’ Addis-Ab e ba, en consultation avec les partenaires internationaux.
Éducation
Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie en vue d’élargir l’accès de la population féminine à tous les niveaux de l’éducation – discrimination positive, activités de sensibilisation, appui aux filles désavantagées et mesures incitant les parents à scolariser leurs filles, en particulier dans les zones rurales et pastorales. Toutefois, il demeure préoccupé par :
a)Les disparités régionales et les faibles taux de scolarisation des femmes et des filles au niveau primaire dans les zones rurales et pastorales et aux niveaux secondaire et supérieur ainsi que dans les domaines techniques et professionnels traditionnellement dominés par les hommes;
b)Le taux élevé d’abandon scolaire et les faibles taux de maintien à l’école et d’achèvement des études, notamment au niveau du primaire, ce qui a de lourdes répercussions sur la scolarisation au niveau du secondaire;
c)L’accès limité à l’éducation des filles pauvres, des filles qui vivent dans les zones pastorales et des filles handicapées, qui se heurtent à des obstacles d’ordre économique et socioculturel, par exemple les coûts indirects de la scolarisation, les attitudes peu favorables des garçons et du personnel enseignant masculin, les actes de violence et de harcèlement verbaux et physiques, et les longues distances qui les séparent de l’école;
d)Le faible taux d’alphabétisation féminine (38 % en 2004), notamment en milieu rural.
Le Comité engage l ’ État partie à poursuivre l ’ action qu ’ il mène pour éliminer les disparités régionales et assurer un accès égal à tous les niveaux de l ’ enseignement, et à cette fin :
a) À assurer la scolarisation, le maintien à l ’ école et l ’ achèvement des études des femmes et des filles à tous les niveaux de l ’ enseignement, dans les zones rurales et pastorales notamment, en rendant l ’ enseignement primaire obligatoire et en prenant des mesures de discrimination positive, par exemple la dispensation d ’ une formation plus poussée et l ’ engagement d ’ enseignantes , et en instituant des quotas d ’ étudiantes;
b) À poursuivre les activités de sensibilisation auprès des collectivités, des familles, des étudiants, des enseignants et des membres de la fonction publique, notamment de sexe masculin, pour faire mieux comprendre l ’ importance de l ’ éducation des femmes et des filles;
c) À améliorer la qualité de l ’ éducation et rendre celle-ci plus attrayante et plus s û re pour les femmes et les filles, notamment en élevant le nombre d ’ écoles adaptées aux filles et d’écoles comptant des latrines séparées pour les garçons et les filles et en enquêtant sur tout acte de violences perpétré à l ’ encontre des femmes et des filles par d ’ autres étudiants ou les enseignants et en sanctionnant les coupables comme il convient;
d) Renforcer les services d ’ appui – programmes de bourses, appui logistique et cours de soutien – aux filles désavantagées, qu ’ il s ’ agisse de filles pauvres, de filles vivant dans les zones pastorales ou de filles handicapées, et offrir des incitations et des subventions aux familles;
e) Assurer des possibilités d ’ éducation adéquates aux filles et garçons handicap é s, notamment en les intégrant dans le système éducatif national;
f) Encourager les femmes et les filles à choisir des filières d ’ enseignement et des carrières non traditionnelles, par exemple la formation professionnelle et technique, dans les domaines traditionnellement domin é s par les hommes;
g) Renforcer les programmes d ’ alphabétisation des adultes, les programmes d ’ enseignement extrascolaire pour adultes et les programmes alternatifs d ’ éducation de base, en les centrant particulièrement sur les nouveaux États régionaux .
Emploi
Tout en prenant acte de la législation en vigueur applicable à la protection des droits des femmes en matière d’emploi et des efforts entrepris par l’État partie pour améliorer les possibilités de création de revenus offertes aux femmes, le Comité demeure préoccupé par la discrimination à laquelle sont exposées les femmes sur le marché du travail, en particulier :
a)Le taux de chômage qui frappe les femmes de façon disproportionnée;
b)La proportion élevée de femmes occupées à des travaux non rémunérés au sein de la famille, notamment dans le secteur agricole, ou occupant des emplois faiblement rémunérés, en raison de leurs responsabilités familiales, du manque des ressources qui leur seraient nécessaires pour acquérir des compétences, de leur accès limité à la terre, au crédit et à l’information, et des attitudes traditionnelles;
c)Le pourcentage élevé de femmes travaillant dans le secteur informel, sans accès à la protection sociale;
d)Les inégalités de rémunération et d’avantages, la discrimination sur le marché du travail en matière d’embauche et de promotion, les licenciements injustifiés, fondés sur le sexe, la situation matrimoniale, les responsabilités familiales et la maternité;
e)L’absence de législation interdisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail;
f)Le manque de mesures visant à protéger les travailleuses domestiques de violences sexuelles de la part de leur employeur ou de membres de la famille de l’employeur;
g)Le nombre élevé de filles et de garçons, notamment ceux qui vivent dans les rues, qui sont exploités à des fins commerciales et vulnérables aux violences et sévices sexuels.
Le Comité recommande que l ’ État partie :
a) Élargisse les politiques qu ’ il a élaborées en vue d ’ ouvrir aux femmes des possibilités de générer des revenus et poursuive son action de discrimination positive, par exemple en donnant la priorité aux femmes lors des recrutements dans la fonction publique;
b) Étende ses programmes d ’ autonomisation économique de sorte qu ’ il touche davantage de femmes;
c) Rassemble des données ventilées par sexe sur la situation des femmes et des hommes dans les secteurs priv é et informel, et prenne des mesures effectives pour suivre et améliorer les conditions de travail des femmes dans ces secteurs;
d) Entreprenne des efforts concert é s pour concevoir, adopter et mettre en œuvre un plan national de protection sociale qui s ’ étende notamment aux travailleurs du secteur informel, y compris les femmes;
e) Applique effectivement le principe « À travail égal, salaire égal » en menant des activités de sensibilisation et en rendant les inspections du travail plus efficaces;
f) Songe à modifier la Proclamation sur le travail n o 377/2003 en vue d ’ accro î tre les sanctions pour mise à pied fondée sur le sexe, la situation matrimoniale, les responsabilités familiales et la maternité, en interdisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et en le réprimant par des sanctions appropriées;
g) Réglemente et suive les conditions de travail des employés de maison, les femmes notamment, et les prot è ge des violences sexuelles commises par leur employeur;
h) Prenne des mesures effectives conformément à la Convention de l ’ Organisation internationale du travail n o 182 (1999) sur les pires formes d u travail des enfants, pour empêcher les filles et les garçons d ’ être exploit é s à des fins commerciales, et ce en accroissant le nombre des inspections des employeurs et le montant des amendes, élargisse les mesures en place et en adopte d ’ autres en faveur des filles et des garçons qui vivent dans la rue, dont l’institution de programmes de transmission de compétences et d ’ initiatives tendant à réunir les familles, et qu’il leur fournisse les services essentiels .
Santé
Tout en accueillant avec satisfaction les mesures prises par l’État partie en vue d’étendre les réseaux de soins de santé essentiels aux zones rurales et d’élargir l’accès des femmes et des filles aux services de planification familiale et de santé procréative, le Comité demeure préoccupé par :
a)Le taux élevé de mortalité maternelle (470 pour 100 000 naissances vivantes), qui tient aux complications obstétriques, notamment les fistules, les grossesses précoces, les avortements effectués dans des conditions non salubres, les pratiques néfastes et autres facteurs;
b)La faible présence de personnel compétent lors des accouchements (18 %) et la pénurie de services obstétriques d’urgence, notamment en milieu rural;
c)La faible prévalence de la contraception, ce qui expose les femmes et les filles souvent mariées à des hommes plus âgées à des grossesses précoces, au VIH/sida et à d’autres maladies sexuellement transmissibles;
d)Le nombre élevé d’avortements pratiqués dans de mauvaises conditions;
e)Le nombre élevé de femmes vivant avec le VIH/sida, le manque de traitements antirétroviraux pour prévenir la transmission de la mère à l’enfant, l’absence de programmes spéciaux de prévention pour les groupes à haut risque, notamment les jeunes femmes, les travailleurs du sexe et les personnes déplacées à l’intérieur du pays, et le manque de soins et d’appui dispensés aux orphelins et aux filles et garçons vulnérables, touchés par le VIH/sida.
Conformément à ses précédent e s observations finales (CEDAW/ C/ E T H/CO/4-5), par. 258) et à sa recommandation générale n o 24 (1999), le Comité engage l ’ État partie à :
a) Maintenir la formation des agents de vulgarisation sanitaire à l ’ orientation des femmes vers des structures de santé et soins maternels, notamment des services d ’ avortement pratiqu é dans de bonnes conditions, et augmenter encore le nombre d ’ établissements offrant des services d ’ avortement médicalisés dans les zones rurales;
b) S ’ efforcer de remédier au manque de personnel médical dans les établissements de santé et à la pénurie de services obstétriques d ’ urgence dans les zones rurales;
c) Continuer l ’ action de sensibilisation auprès des familles, des chefs communautaires et religieux, des enseignants, des agents de vulgarisation sanitaire et des fonctionnaires touchant les risques que posent les pratiques néfastes pour les femmes, notamment les grossesses précoces, les décès maternels et le VIH/sida;
d) Mettre en œuvre effectivement le programme phare sur la santé de la mère et du nouveau-né de manière à remédier au manque de soins médicaux spécialisés au cours de la grossesse, lors de l ’ accouchement et pendant la période puerpérale, particulièrement en milieu rural;
e) Mettre en œuvre effectivement la Stratégie nationale pour la santé génésique des jeunes et des adolescents (2007-2015), poursuivre l ’ action de sensibilisation touchant les méthodes de contraception disponibles et encourager l ’ utilisation de préservatifs masculins en tant qu ’ option s û re et moins co û teuse;
f) Encourager les organisations religieuses et les collectivités à inclure en plus grand nombre dans leurs statuts des dispositions sur la dispensation de conseils et le dépistage du VIH préalable ment au mariage;
g) Prévoir pour les femmes et les hommes vivant avec le VIH/sida, notamment les femmes enceintes, des traitement s antirétrovira ux gratuit s de manière à prévenir la transmission de la mère à l ’ enfant;
h) Former du personnel technique et administratif à la mise en œuvre de la stratégie nationale multisectorielle et du cadre de lutte contre le VIH/sida, et adopter des programmes de prévention ciblant les groupes à haut risque, tels que les jeunes femmes, les travailleurs du sexe et les personnes déplacées à l ’ intérieur du pays;
i) Exécuter des activités de sensibilisation pour lutter contre la stigmatisation des orphelins et enfants vulnérables affect é s par le VIH/sida et renforcer l ’ appui matériel et psychologique qui leur est dispensé.
Les femmes en milieu rural
Le Comité note que le droit des femmes de se procurer des terrains ruraux et de les utiliser est protégé par Proclamation fédérale, que le programme quinquennal de développement du Gouvernement (le PASDEP) (2005-2010) comme le plan d’action national pour l’égalité des sexes (2005-2010) visent à améliorer l’accès des femmes aux ressources productives, telles que la terre et le bétail, et que les institutions et projets de microfinancement proposent des crédits aux femmes de manière qu’elles puissent entreprendre des activités génératrices de revenus à petite échelle. Il se préoccupe toutefois du fait que la plupart des femmes en milieu rural dépendent des hommes pour un soutien économique, que 18 % des femmes seulement possèdent des terres et que le nombre de femmes ayant recours au microfinancement est en baisse. Le Comité est également préoccupé par le fait que de vastes étendues de terres arables ont été données à bail à des entreprises étrangères, ce qui peut entraîner le déplacement de collectivités locales et ajouter à l’insécurité alimentaire des femmes et à la féminisation de la pauvreté, mais note l’explication donnée par l’État partie selon laquelle les cessions à bail ne concernent que les zones peu peuplées, impaludées, des basses terres, qu’elles aident le Gouvernement à nourrir sa population et à créer des emplois et qu’elles s’accompagnent de plans de réinstallation et d’indemnisation. Par ailleurs, le Comité s’inquiète du fait que la plus grande partie de la population rurale n’a pas d’accès durable à de l’eau potable et à des équipements d’assainissement adéquats, ce qui oblige de nombreuses femmes et filles à parcourir de longues distances à pied pour aller chercher de l’eau, accroît le risque de violence sexuelle et empêche les filles de fréquenter l’école.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) D ’ appliquer effectivement le droit égal des femmes de posséder des terres notamment en prenant des mesures d ’ ordre juridique, qui prévoient l ’ inclusion systématique du nom de l’ épouse dans le s titre s de propriété foncière;
b) De faciliter l ’ accès des femmes rurales au crédit et à l ’ emprunt, en contrôlant les conditions du remboursement du microfinancement de manière à empêcher l ’ application de durées de paiement et de taux d ’ intérêt injustes, et en élargissant les projets centr é s sur les femmes, tels que le programme de gestion des ressources environnementales et le programme Iqqub;
c) De veiller à ce que les baux fonciers conclus avec des entreprises étrangères n ’ entra î nent pas l ’ expulsion forcée et le déplacement interne des populations locales, notamment les femmes et les filles, et n ’ aggravent pas leur insécurité alimentaire et leur pauvreté, et qu ’ ils stipulent bien que les entreprises concernées et/ou l ’ État partie doivent indemniser comme il convient les collectivités affectées, notamment les collectivités pastorales, et leur fournir d e nouvelles terres;
d) De continuer à améliorer l ’ accès à de l ’ eau potable et à des services d ’ assainissement adéquats dans les zones rurales en creusant de nouveaux puits et en installant des robinets et des équipements sanitaires.
Autres groupes de femmes défavorisées
Le Comité est préoccupé par le manque de données ventilées sur la situation des femmes qui compteraient parmi les groupes de femmes les plus vulnérables et les plus négligés dans l’État partie et sont typiquement victimes de multiples formes de discrimination – femmes âgées, handicapées, femmes des communautés pastorales, réfugiées, et déplacées à l’intérieur du pays.
Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) De rassembler des données ventilées sur la situation des femmes victimes de multiples formes de discrimination – femmes âgées, femmes handicapées, femmes des communautés pastorales et femmes réfugiées et déplacées à l ’ intérieur du pays – et de faire figurer ces renseignements dans son prochain rapport périodique;
b) De prendre des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales au sens du paragraphe 1 de l ’article 4 de la Convention, visant à éliminer toutes les formes de discrimination ci-dessus décrites, à assurer aux femmes qui y sont exposées l ’ égalité de droits et de possibilités , notamment, selon le cas, en matière de participation à la vie politique, publique, sociale et économique et dans les domaines de l ’ éducation, de l ’ emploi et de la santé, et à les protéger de la violence, des sévices et de l ’ exploitation;
c) D ’ adopter des politiques ciblées, visant à protéger ces femmes et à les intégrer dans la société, par exemple une politique nationale sur les personnes déplacées à l ’ intérieur du pays et des politiques d ’ intégration locale des réfugiés.
Discrimination à l’égard des femmes dans le mariage et les rapports familiaux
Le Comité est préoccupé par des informations indiquant que, en pratique, les fils héritent de la terre familiale parce qu’il est présumé que les filles rejoindront le domicile de leur mari, que la terre est souvent soustraite à la veuve par la famille du mari, que les femmes se voient fréquemment retirer leurs biens au bénéfice du mari lors d’un divorce, et que le Code civil ne prévoit ni soutien financier de l’ex-époux à son ex-épouse ni de possibilités pour elle d’obtenir une pension alimentaire pour ses enfants.
Le Comité engage l ’ État partie à assurer l ’ égalité entre les femmes et les hommes dans les rapports familiaux conformément à l ’article 16 de la Convention et à protéger les femmes de la dépossession, du fait notamment de leur mari et de sa famille, d ’ appliquer dans les faits l ’ égalité des droits entre les femmes et les hommes d ’ hériter de biens, y compris de terres , et de diviser également les biens communs lors du divorce, et de songer à modifier son Code civil révis é en vue de prévoir l ’ obligation des époux d ’ assurer un soutien financier et des voies de recours effectives qui permettent aux femmes de revendiquer la garde des enfants.
Tout en notant que le paragraphe 5 de l’article 34 de la Constitution fédérale exige que les deux parties à un différend impliquant des questions de droit des personnes ou de droit de la famille donnent leur consentement à ce que le différend soit porté devant les tribunaux de la charia, le Comité se préoccupe de l’insuffisance des garanties prévues pour que la femme donne son consentement en toute connaissance de cause et à l’abri de toute pression qui serait exercée par son mari, sa famille ou sa communauté. Le Comité se préoccupe également du fait que les décisions des tribunaux de la charia ne puissent pas faire l’objet d’un recours devant les tribunaux ordinaires, sauf pour des raisons d’erreur ou d’omission.
Le Comité rappelle les observations finales du Comité contre la torture (CAT/C/ETH/CO/1, par. 23), et engage l ’É tat partie à prendre des mesures effectives pour que le consentement donn é par la femme à la saisine des tribunaux de la charia le soit en toute connaissance de cause et librement, et que les décisions de ces tribunaux puissent faire l ’ objet d ’ un recours devant les tribunaux ordinaires, fond é sur des points de droit aussi bien que sur des erreurs factuelles .
Protocole facultatif
Le Comité engage l ’É tat partie à examiner sa position relative à la ratification du Proto co le facultatif à la Convention et à envisager d ’ un œil favorable sa ratification .
Modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention
Le Comité encourage l ’ État partie à accepter, dès que possible, la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.
Déclaration et Programme d’action de Beijing
Le Comité invite instamment l ’ État partie à s ’ appuyer pleinement, aux fins de l ’ exécution des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique .
Objectifs du Millénaire pour le développement
Le Comité souligne que la mise en œuvre intégrale et effective de la Convention est une condition indispensable à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il demande que soit prise en compte la problématique hommes/femmes et qu ’ il soit fait expressément référence aux dispositions de la Convention dans toute action visant la réalisation de ces objectifs, et prie l ’ État partie d ’ inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.
Diffusion des observations finales
Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées en Éthiopie afin que la population du pays, et en particulier les agents de l ’ État, les responsables politiques, les parlementaires et les organisations de femmes et de défense des droits de l ’ homme, soit informé e des mesures prises en vue de garantir l ’ égalité de droit et de fait entre les sexes et des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Il recommande que ces observations soient également diffusées au niveau local et invite l ’ État partie à organiser une série de réunions pour débattre des progrès accomplis dans leur mise en œuvre. Il prie en outre celui-ci de continuer à diffuser largement, notamment auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l ’ homme, le texte de ses propres recommandations générales et de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing et les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l ’ Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l ’ an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle » .
Diffusion des observations finales
Le Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à promouvoir l ’ exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il invite donc l ’ État partie à envisager de ratifier les instruments auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées .
Suite donnée aux observations finales
Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 21 et 37 ci-dessus .
Assistance technique
Le Comité recommande à l ’ État partie de tirer parti de l ’ assistance technique mise à sa disposition pour l ’ élaboration et la mise en œuvre d ’ un programme complet devant permettre l ’ application des recommandations susmentionnées et de la Convention dans son ensemble. Il appelle en outre l ’ État partie à renforcer davantage sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies, notamment l ’ Entité des Nations Unies pour l ’ égalité des sexes et l ’ autonomisation de la femme (ONU-Femmes), la Division de statistique du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance, le Fonds des Nations Unies pour la population, l ’ Organisation mondiale de la santé et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme .
Établissement du prochain rapport
Le Comité prie l ’ État partie de veiller à ce que l ’ ensemble des ministères et des organes de l ’ État participent largement à l ’ établissement du prochain rapport périodique, et de consulter à cette occasion diverses organisations de femmes et de défense des droits de l ’ homme.
Le Comité prie l ’ État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il établ ira en application de l’article 18 de la Convention. Il invite l ’ État partie à présenter ce rapport en juillet 2015.
Le Comité invite l ’ État partie à suivre les « Directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument » , approuvées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, qui s ’ est tenue en juin 2006 (voir HRI/MC/2006/3 et Corr.1). Les directives concernant l ’ établissement de documents propres à chaque instrument, adoptées par le Comité à sa quarantième session, e n janvier 2008 (A/63/38, annexe I), doivent être mises en œuvre concurremment avec les directives harmonisées concernant l ’ établissement de documents de base communs. Ensemble, elles constituent les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes. Le document propre à cet instru ment ne devrait pas dépasser 40 pages et le document de base commun ac tualisé, 80 pages .