33. Le Comité a examiné le rapport initial de l'Iraq (CEDAW/C/5/Add.66/Rev.1) à ses 212e, 213e et 216e séances, les 20 et 22 janvier 1993 (voir CEDAW/C/SR.212, 213 et 216).
34. En présentant le rapport, la représentante de l'Iraq a fait observer que les dirigeants du pays étaient convaincus de la validité du principe d'égalité entre les hommes et les femmes avant même d'adhérer à la Convention, comme en témoignait la législation en vigueur. Elle a ensuite expliqué en détail le rôle central joué par la Fédération générale des femmes iraquiennes, qui était chargée de promouvoir les droits des femmes et d'appliquer la Convention. Elle a déclaré que la Fédération avait proposé des projets de loi ainsi que des amendements aux lois existantes afin d'assurer l'égalité des droits pour les femmes, participé aux délibérations sur la législation en rapport avec la condition de la femme et étudié et commenté l'ensemble des projets de lois proposés par les autorités compétentes. La Fédération disposait également de centres où elle offrait des conseils sur les questions familiales et juridiques, ce qui lui permettait d'être en permanence informée des problèmes des femmes et elle agissait soit directement, soit en coopération avec les autorités compétentes. Ses services touchaient également les femmes rurales. En outre, elle avait publié un manuel visant à faire connaître les lois et règlements intéressant les femmes.
35. La Fédération avait proposé la création d'un comité national chargé de suivre l'application de la Convention et d'identifier les textes qui allaient à l'encontre des dispositions de la Convention. Elle avait également proposé l'adoption d'un certain nombre de textes et l'abrogation de certaines dispositions ou leur modification afin de les rendre compatibles avec la Convention.
36. La représentante de l'Iraq a déclaré que les principaux obstacles à l'application de la Convention tenaient à l'histoire et ne pouvaient être éliminés rapidement. Ils étaient le résultat du retard des pays en développement en matière économique, sociale et culturelle, de l'iniquité de l'ordre économique mondial, des traditions et des coutumes ainsi que de la manière dont la société considérait les femmes. L'application de la Convention était principalement gênée par le blocus économique imposé à l'Iraq depuis 1990, qui avait de graves conséquences dans les domaines économique, sanitaire et social : pénurie de médicaments; insuffisance de l'approvisionnement en denrées alimentaires pouvant conduire à la famine; forte hausse des prix des produits alimentaires de base; accroissement du taux de mortalité et de morbidité infantiles depuis 1990. Tout cela se traduisait par une détérioration de la situation économique et sociale du pays.
Observations générales
37. Les membres du Comité ont félicité l'Iraq d'avoir respecté les directives générales concernant la forme et le contenu des rapports. Ils ont accueilli avec satisfaction la façon dont ce rapport avait été présenté comme le fait que l'Iraq eût envoyé un représentant, en dépit de la situation difficile dans laquelle le pays se trouvait en raison de la longue guerre et du conflit récent avec toutes les conséquences néfastes qui en résultaient pour les femmes. Ils ont noté que le Gouvernement s'efforçait de traiter la question de la condition de la femme. Les membres du Comité se sont félicités que la question des réserves eût été abordée dans le rapport, mais se sont déclarés considérablement préoccupés par ces réserves. Ils ont observé qu'il y avait une contradiction entre ces réserves et le point de vue selon lequel la Chari'a, elle aussi, garantissait l'égalité entre les hommes et les femmes, tout comme la Constitution. Les membres du Comité sont préoccupés parce que ces réserves sont fondamentales et concernent l'objet même de la Convention. Pour que le Gouvernement puisse appliquer le principe de l'égalité entre les sexes, reconnu par la Constitution, il faudrait qu'il modifie les lois discriminatoires à l'égard des femmes. Il a cependant indiqué qu'il n'était pas favorable à un "choc législatif". Or, toute nouvelle loi représente, d'une certaine façon, un "choc législatif". Les membres du Comité ont déclaré que de tels chocs étaient nécessaires pour parvenir à une législation progressiste.
38. En réponse à la question de savoir comment l'égalité entre les sexes était traitée dans le cas de lois qui encourageaient toujours l'inégalité, la représentante a expliqué que tous les textes de loi étaient fondés sur la Constitution et qu'ils devaient être appliqués conformément à la Constitution, sauf s'ils étaient en contradiction avec la Chari'a.
39. Des membres du Comité ont déclaré que bien que la situation des femmes en Iraq fût l'une des plus favorables de la région et que le Gouvernement iraquien eût fait de gros efforts pour instaurer l'égalité entre les sexes, il serait souhaitable qu'il s'attachât davantage à poursuivre dans cette voie et qu'il envisageât d'examiner les réserves formulées en vue de les lever, notamment celles concernant les articles 2, 9 et 16 de la Convention. La représentante a déclaré qu'une commission de haut niveau avait été créée avec l'accord du président, spécialement dans le but de réexaminer la question des réserves. Ces réserves tenaient au fait que le Gouvernement souhaitait appliquer la Convention de bonne foi et n'étaient pas destinées à retarder ou à gêner la promotion de la femme. L'Iraq avait adopté de nombreuses lois en faveur des femmes et avait appliqué les dispositions de la Chari'a d'une manière qui permettait au mieux d'atteindre les objectifs de la Convention.
40. Constatant qu'il semblait que le Gouvernement se préoccupât davantage de faire des femmes de bons citoyens que d'essayer d'obtenir pour elles les mêmes droits et les mêmes possibilités, les membres du Comité ont déclaré que la situation de la femme ne s'améliorerait pas tant que les anciennes habitudes persisteraient. Ils ont demandé si la législation et le droit coutumier s'appliquaient de la même façon à toutes les femmes, quelles que soient leur race et leur croyance religieuse, ce à quoi la représentante a déclaré que tel était bien le cas, à l'exception toutefois des dispositions de la Chari'a.
41. Les membres ont demandé si l'Iraq avait également émis des réserves aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels concernant les droits des femmes.
Questions se rapportant à des articles précis
Article 2
42. Les membres du Comité se sont déclarés très satisfaits du rôle à la fois actif et varié joué par la Fédération générale des femmes iraquiennes. Ils ont demandé si l'action de la Fédération ne traduisait que la position du Gouvernement, si les femmes étaient obligées d'en faire partie et s'il existait d'autres organisations de femmes et, si oui, quelles étaient leurs méthodes pour assurer la promotion de la femme. La représentante de l'Iraq a expliqué que la Fédération était une organisation de masse ayant des objectifs politiques, dont la création avait été approuvée par le Gouvernement et que celui-ci lui fournissait un appui. Elle avait la personnalité juridique et était moralement, financièrement et administrativement indépendante. Les femmes n'étaient pas obligées d'en être membres.
43. S'agissant de l'action politique de la Fédération, la représentante a déclaré que les membres des organisations de base pouvaient participer aux débats de la Fédération et voter aux élections nationales.
44. Des questions ont également été posées concernant l'élection du Bureau de la Fédération ainsi que les types de pratiques que celle-ci avait pu modifier ou faire supprimer.
45. La représentante a déclaré qu'il existait également d'autres organisations de femmes, mais qu'aucune n'avait la même popularité ni le même savoir-faire que la Fédération.
46. Bien que les dispositions de la Convention pussent être invoquées devant les tribunaux, il n'existait pas de cas de femmes ayant fait appel de pratiques discriminatoires.
Article 3
47. Les membres du Comité ont souhaité obtenir des explications supplémentaires au sujet des chiffres figurant aux tableaux 1 et 2 du rapport, étant donné qu'ils semblaient en contradiction avec ceux du tableau 18, ainsi que des liens existant entre ces chiffres et les mesures prises par le Gouvernement.
Article 4
48. Etant donné que le rapport ne décrit aucune mesure temporaire spéciale, il a été demandé si de telles mesures avaient véritablement été prises ou s'il ne s'agissait que d'une déclaration d'intention.
Article 5
49. La représentante, à qui l'on demandait comment le fait que la femme était tenue d'obéir à son mari pouvait être compatible avec le principe de l'égalité entre les sexes, a déclaré que l'obéissance était fondée sur le respect mutuel et que la loi iraquienne avait abandonné le principe de l'obéissance arbitraire. Une femme n'était pas obligée de vivre avec son mari dans certaines circonstances, par exemple si elle était victime de violences, si son mari ne subvenait pas à ses besoins, s'il enfreignait la loi ou la Chari'a ou si la dot n'était pas payée.
50. Concernant les mesures juridiques et pratiques prises dans ces circonstances, la représentante a dit qu'en cas d'actes de violence de la part du mari, une femme pouvait demander la séparation devant les tribunaux compétents, elle pouvait engager une procédure juridique et demander une compensation pour le préjudice moral ou physique subi. La condamnation du mari (emprisonnement ou amende) pouvait servir de motif de divorce.
51. En ce qui concerne les moyens adoptés par la Fédération générale des femmes iraquiennes pour protéger les femmes victimes d'actes de violence, la représentante a dit que les centres de conseils familiaux affiliés à la Fédération tentaient d'obtenir un règlement à l'amiable des différends familiaux ou renvoyaient la question devant les tribunaux compétents. Il n'existait pas de statistiques concernant le nombre de cas de violences à l'égard des femmes. Des membres ont aussi demandé quelle place tenait la notion de "fonction biologique respective" des hommes et des femmes dans les politiques du Gouvernement.
52. Des membres ont également fait observer que l'obligation pour la femme d'obéir à son mari était contraire au principe de l'égalité entre les sexes.
Article 6
53. A la question de savoir quels étaient les effets de la loi relative à la lutte contre la prostitution et s'il avait été possible grâce à elle de supprimer la prostitution et la traite des femmes, la représentante a répondu que ce phénomène ne pouvait pas être éliminé par une loi. Cependant, la création de centres de réhabilitation visait à décourager les femmes de retourner à la prostitution. La Fédération générale des femmes iraquiennes jouait également un rôle actif dans le processus de réhabilitation en gérant des services de santé, en organisant des séminaires éducatifs et en offrant un appui financier. Mais le blocus économique auquel le pays était soumis rendait l'application de toutes ces mesures assez difficile.
Article 7
54. Interrogée sur les conditions à remplir pour pouvoir voter ou être élu à l'Assemblée nationale, la représentante a dit que pour avoir le droit de vote il fallait avoir 18 ans, et dans certains cas 25, qu'il fallait être de nationalité iraquienne et né de parents iraquiens. Ces conditions s'appliquaient de la même manière aux femmes qu'aux hommes.
55. Dans le système électoral iraquien, on votait pour une personne plutôt que pour une liste. Après les élections de 1988, il y avait 10,8 % de femmes à l'Assemblée nationale. Il n'existait pas de systèmes de quota en leur faveur.
56. Il n'y avait pas de données statistiques concernant le pourcentage de femmes ayant voté aux élections de 1980, 1984 et 1988; aucune explication n'avait été donnée sur les méthodes appliquées pour sélectionner les candidats.
57. Répondant aux Membres du Comité qui s'étaient étonnés du faible pourcentage de femmes membres de partis politiques, de leur maigre représentation dans l'appareil judiciaire et de leur absence aux postes élevés des organes exécutifs et avaient demandé si cet état de choses était dû à un manque d'intérêt de leur part, au fait qu'elles n'avaient pas les mêmes possibilités que les hommes ou ne recevaient pas les encouragements nécessaires, la représentante a déclaré qu'on trouvait bien quelques femmes mais que leur pourcentage était encore faible. Cela était dû en partie à l'analphabétisme, à leur ignorance de leurs droits politiques et au fait qu'elles préféraient se consacrer à leurs obligations familiales. On s'efforçait d'accroître le pourcentage de femmes dans l'appareil judiciaire parce qu'elles avaient démontré leurs talents dans ce domaine. Leur efficacité donnait progressivement aux femmes confiance en elles-mêmes.
58. En ce qui concerne les statistiques qui avaient été demandées sur la participation des femmes dans l'administration et en particulier sur le pourcentage de femmes possédant des diplômes universitaires occupant des postes de haut niveau dans l'administration, la représentante a renvoyé le Comité aux tableaux 1, 2 à 11, 13, 15 et 22 du rapport.
59. Aucune donnée n'a été fournie sur le pourcentage de femmes occupant des postes à responsabilité dans le domaine politique et aucune réponse n'a été donnée à la question de savoir si les partis politiques avaient leurs propres organisations féminines.
60. La représentante a mentionné l'existence de programmes et de séminaires de sensibilisation pour encourager les femmes à participer à la vie politique. Il existait également un magazine féminin traitant de questions économiques, politiques et éducatives, vues du point de vue des femmes. Malheureusement, sa publication avait dû être suspendue en raison du blocus économique.
61. Interrogée sur la question de savoir pourquoi les femmes, dans l'armée, ne pouvaient être promues qu'à certains grades, la représentante a fait observer que le service militaire n'était pas compatible avec la constitution biologique des femmes et que des données seraient fournies dans le rapport suivant.
62. Répondant à une demande d'informations complémentaires concernant les femmes dans ce qui était dénommé dans le rapport "région autonome du Kurdistan", la représentante a expliqué qu'il n'y avait pas d'inégalité entre les hommes et les femmes, que cette région était régie par les lois générales et qu'il existait une assemblée législative régionale.
Article 9
63. Les membres du Comité ont instamment prié le Gouvernement iraquien de revoir la Loi sur la nationalité de 1961 afin d'en éliminer toute discrimination fondée sur le sexe. La représentante a expliqué que dans le cas d'un mariage entre une femme iraquienne et un étranger, celui-ci ne pouvait pas acquérir la nationalité iraquienne, pas plus que les enfants d'une telle union.
Article 10
64. Interrogée sur l'âge auquel les filles pouvaient quitter l'école et se marier ou commencer à travailler, la représentante a dit que les parents pouvaient être poursuivis s'ils demandaient à leur fille de quitter l'école avant qu'elle ait achevé ses études secondaires. Les filles étaient autorisées à travailler à partir de 16 ans. Bien qu'il appartînt aux parents de décider si leurs filles devaient poursuivre leurs études, l'Etat s'employait à encourager les filles dans ce sens.
65. Concernant la demande de complément d'informations sur la campagne nationale d'alphabétisation à laquelle tous les analphabètes sont tenus de participer, la représentante a renvoyé le Comité aux informations contenues dans le rapport.
Article 11
66. Répondant à une demande d'explication concernant la différence apparente entre la situation des femmes qui travaillent dans le secteur privé et celles qui sont employées dans le secteur public en matière de congés de maternité, la représentante a dit que ces dernières bénéficiaient d'un congé de maternité payé garanti. On ne pouvait pas forcer les employeurs privés à accorder les mêmes avantages parce qu'ils pourraient toujours licencier les femmes demandant un congé de maternité. La Fédération générale des femmes iraquiennes avait bien proposé certaines mesures aux autorités, mais il était difficile de les mettre en oeuvre à cause du blocus économique. En ce qui concerne le fait que la Loi sur les retraites et la sécurité sociale des travailleurs de 1971 fixait un âge différent de départ à la retraite pour les hommes et pour les femmes, la représentante a dit que cette disposition n'était pas discriminatoire parce que les femmes n'étaient pas obligées de prendre leur retraite à 55 ans mais pouvaient choisir de le faire si elles le souhaitaient.
67. Interrogée sur les raisons pour lesquelles le nombre de crèches et de garderies avait diminué (tableau 19 du rapport), alors que le nombre de femmes travaillant avait augmenté, la représentante a dit qu'après la longue guerre, l'Etat était favorable aux garderies privées.
68. En ce qui concerne la protection accordée par l'article 81 de la Loi de 1987 sur le travail et d'autres questions concernant les travaux pénibles ou nocifs auxquels les femmes ne devaient pas être astreintes, ainsi que la question de savoir si une telle interdiction était objectivement justifiée et si elle ne correspondait pas à une discrimination, la représentante a dit qu'il n'y avait pas de liste de travaux relevant de cette catégorie mais que cette disposition concernait des travaux qui n'étaient pas compatibles avec la constitution biologique de la femme.
Article 12
69. L'intervenante, à qui on avait demandé si la législation iraquienne protégeait la santé des femmes en général, ou si la Loi sur la santé publique de 1981 ne s'appliquait à elles que dans leur fonction de mères, a expliqué que des services de santé adéquats étaient mis gratuitement à la disposition de tout un chacun.
70. En réponse aux questions posées sur le recours à l'avortement et le nombre d'avortements pratiqués, ainsi que sur l'existence d'une planification familiale, y compris sa couverture juridique et les moyens d'y accéder, la représentante de l'Iraq a indiqué que les avortements étaient généralement considérés comme contraires aux dispositions de la Chari'a, mais qu'ils pouvaient être pratiqués pour des raisons médicales; ils avaient lieu uniquement dans des hôpitaux publics.
71. En ce qui concerne le taux de mortalité liée à la maternité, la représentante a dit qu'il avait augmenté depuis l'application de l'embargo, par suite notamment de la malnutrition, de l'état de faiblesse et de l'anémie dont souffraient les femmes.
72. En réponse aux observations faites sur le pourcentage élevé de femmes qui subissaient des interventions chirurgicales, la représentante a fait observer que les avortements pouvaient être pris en compte dans les chiffres indiqués au tableau 21 du rapport s'ils étaient pratiqués sur l'ordre d'un médecin. Comme on lui demandait si les femmes-médecins travaillaient exclusivement dans les hôpitaux publics ou également dans des cliniques privées, l'intervenante a répondu que les statistiques ne portaient que sur les femmes-médecins employées dans les hôpitaux publics.
Article 13
73. Des précisions ayant été demandées en ce qui concerne l'accès des femmes au crédit, afin de savoir notamment si la possibilité d'en bénéficier n'était offerte qu'aux fonctionnaires de l'administration publique ou si elle l'était également aux agricultrices, voire à des femmes analphabètes, la représentante de l'Iraq a déclaré que des prêts étaient consentis aux femmes rurales qui possédaient de la terre; toutefois, l'octroi de prêts avait, d'une façon générale, diminué depuis l'application de l'embargo.
74. Des précisions supplémentaires ont été demandées en ce qui concerne la possibilité pour les femmes d'accéder au crédit, les femmes ne pouvant pas, sans capital, participer à l'activité économique.
Article 14
75. Un complément d'information ayant été demandé sur les mesures prises pour améliorer la condition des femmes rurales, la représentante a invité les membres du Comité à se reporter aux données concernant l'article 14 dans le rapport. Elle a également précisé que les femmes pouvaient conclure des contrats avec les coopératives en leur propre nom.
76. Des éclaircissements ont été demandés sur la partie du rapport où il est dit que l'application des lois et règlements aux femmes rurales "laisse encore à désirer". Des membres du Comité ont désiré savoir si c'était en raison d'une information insuffisante, de l'analphabétisme, d'une discrimination de la part des institutions financières, de difficultés pécuniaires ou d'un manque de confiance en soi chez la femme. Des membres ont également demandé pour quelles raisons certains foyers ruraux avaient à leur tête une femme et quel était le pourcentage de ces foyers.
Article 15
77. La représentante de l'Iraq a déclaré que les actions en justice étaient conformes à la Convention. Elle n'a fourni aucune indication quant aux moyens utilisés pour faire connaître les dispositions juridiques qui protègent les droits de la femme.
Article 16
78. Les membres du Comité se sont félicités des nombreuses explications fournies dans le rapport à propos de l'article 16, mais ont déploré que la polygamie existe encore en Iraq. En ce qui concerne notamment le décret de 1991, aux termes duquel tout homme qui épouse une veuve de guerre bénéficie d'un prêt de 7 000 dinars, il a été souligné que cette façon d'encourager la polygamie était inacceptable. Comme on lui demandait si le décret avait été promulgué et si ses dispositions pouvaient faire l'objet de restrictions, la représentante de l'Iraq a expliqué que le décret n'avait qu'une validité temporaire et qu'il avait été adopté avant le début de la guerre pour protéger les femmes. Les veuves des combattants déclarés "martyrs" bénéficiaient d'un logement, d'un véhicule, d'une aide financière, de prêts et de salaires plus élevés.
79. Aucun renseignement n'a été fourni sur la fréquence de la polygamie ni sur la question de savoir si les femmes souhaitaient qu'un autre système fût adopté. La représentante a cependant expliqué qu'en Iraq la polygamie n'était autorisée que sous certaines conditions, extrêmement strictes, comme il était indiqué dans le rapport. Si ces conditions n'étaient pas remplies, le mari était passible d'une peine d'emprisonnement de trois à cinq ans et la femme pouvait demander le divorce.
80. Pour les filles comme pour les garçons, l'âge minimum du mariage était fixé à 15 ans sous réserve de l'autorisation parentale et, sinon, à 18 ans. Expliquant pourquoi une personne atteinte d'une maladie mentale pouvait contracter mariage mais pourquoi le divorce d'une telle personne n'était pas valable, la représentante a déclaré qu'au regard de la Chari'a, une personne handicapée mentale pouvait contracter mariage s'il était indiqué dans un certificat, signé devant une autorité judiciaire compétente, que l'autre conjoint était conscient du handicap et qu'il était malgré tout disposé à contracter ce mariage. Dans ce cas, il ne saurait être accordé ultérieurement de divorce en raison de l'existence du handicap.
81. Précisant la signification de l'expression "legitimate woman" apparaissant dans la définition du contrat de mariage donnée dans la version anglaise du rapport, la représentante a dit que cette expression s'entendait réellement de l'"épouse légitime", excluant ainsi les soeurs et autres proches parentes.
82. Interrogée sur les possibilités qu'une femme avait de divorcer et sur la question de savoir si ces possibilités étaient identiques pour les deux conjoints, la représentante a renvoyé aux informations contenues dans le rapport et dit que les deux conjoints pouvaient demander le divorce pour certaines raisons bien précises. De même, le mariage pouvait être annulé s'il n'avait pas été consommé dans un délai de deux ans, si le mari souffrait d'une maladie contagieuse ou s'il refusait de subvenir aux besoins de sa femme. Une femme pouvait divorcer de son mari pour incompatibilité, motif courant de divorce, qui recouvrait plusieurs causes possibles. A l'issue du divorce, la femme avait le droit de résider encore pendant trois ans au domicile conjugal. Si le mari divorçait de sa femme sans raison acceptable, la femme pouvait demander réparation financière. Si un mariage était contracté sous la contrainte ou la violence, l'auteur de la contrainte ou de la violence encourait une peine d'emprisonnement de 3 à 10 ans.
83. Il a été demandé si la disposition selon laquelle "la mère a davantage de droits en ce qui concerne la garde de l'enfant pendant la durée du mariage" et après la séparation était conforme à la Chari'a. Des membres ont également demandé si la Fédération générale des femmes iraquiennes s'était élevée contre les pratiques et la législation actuelles régissant les relations familiales et s'il existait d'autres domaines que celui couvert par l'article 16 de la Convention sur lesquels les lois sur le droit des personnes avaient sur la condition des femmes en Iraq des effets aussi importants.
84. Dans le cadre d'observations complémentaires, la représentante a souligné que l'exemple d'autres pays musulmans prouvait qu'il était possible de fonder les dispositions en vigueur sur des lois séculières plutôt que sur la Chari'a et, en conséquence, d'en finir avec la polygamie. Même si toutes les lois s'inscrivaient dans le cadre du Coran, de nouvelles interprétations pouvaient être trouvées pour modifier les politiques du pays.
Conclusions
85. La représentante de l'Iraq a souligné la volonté politique de son pays d'appliquer les articles de la Convention, en vue d'améliorer la condition sociale, économique et culturelle des femmes. Malgré la situation difficile consécutive à la guerre, l'Iraq s'employait à se donner une législation progressiste. Les femmes se heurtaient à des obstacles qui devaient être revus périodiquement de manière à abolir les lois discriminatoires. Autre obstacle, aussi bien les femmes que les hommes n'étaient psychologiquement pas prêts à accepter les nouvelles lois promulguées. Le retard des pays en développement en général et le blocus économique avaient beaucoup nui à la condition des femmes.
86. Les membres du Comité se sont félicités des réponses très détaillées données par la représentante de l'Iraq, et ils ont déclaré être sensibles aux conditions économiques et politiques difficiles dans lesquelles le Gouvernement essayait d'oeuvrer en faveur de la promotion de la femme. Il était à espérer que le rapport suivant serait soumis dès que possible et qu'il contiendrait des précisions sur le nombre de femmes et d'enfants qui avaient été touchés par l'action militaire et le blocus. Les membres du Comité ont félicité l'Iraq de sa volonté politique d'améliorer la condition de la femme dans le cadre du processus de modernisation, mais ils se sont demandé comment des progrès pourraient être enregistrés si les réserves à la Convention étaient maintenues.