University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Kenya, U.N. Doc. CEDAW/C/KEN/CO/7 (2011).


 

CEDAW/C/KEN/CO/7

Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes

Distr. générale

5 avril 2011

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Quarante-huitième session

17 janvier-4 février 2011

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes

Kenya

1.Le Comité a examiné le septième rapport périodique du Kenya (CEDAW/C/KEN/7) à ses 963e et 964e séances, le 19 janvier 2011 (voir CEDAW/C/SR.963 et 964). La liste des points à traiter et des questions posées par le Comité est contenue dans le document CEDAW/C/KEN/Q/7 et les réponses du Kenya dans le document CEDAW/C/KEN/Q/7/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité exprime ses remerciements à l’État partie pour son septième rapport périodique, qu’il juge bien structuré et, de manière générale, conforme aux directives du Comité pour l’établissement de rapports faisant référence à des observations finales antérieures, tout en regrettant l’absence de références aux recommandations générales du Comité et de données spécifiques ventilées. Le Comité note avec satisfaction que ce rapport a été établi dans le cadre d’un processus participatif associant des organes gouvernementaux et des organisations de la société civile nationale, et qu’il a été soumis en temps voulu, en dépit du contexte difficile des violences postélectorales qui ont éclaté à la fin de 2007 et au début de 2008. Le Comité exprime ses remerciements à l’État partie pour les réponses écrites qu’il a fournies à la liste des points à traiter et des questions soulevées par son groupe de travail de présession.

3.Le Comité félicite l’État partie de sa délégation de haut niveau conduite par le Ministre d’État à l’égalité des sexes, à l’enfance et au développement social, et comprenant plusieurs représentants de différents ministères concernés, jouissant d’une expérience dans les domaines couverts par la Convention. Le Comité exprime également sa satisfaction à propos de la présentation verbale faite par le Chef de délégation et des éclaircissements complémentaires apportés aux questions posées verbalement par le Comité lors du dialogue ouvert et constructif qui a eu lieu entre la délégation et les membres du Comité.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue l’adoption d’une nouvelle Constitution approuvée par référendum public le 4 août 2010, qui prévoit l’incorporation immédiate de la Convention dans le droit national, et comporte une Charte des droits complète, garantissant une protection accrue des femmes, notamment grâce aux dispositions suivantes:

a)L’article 2 4), qui prévoit que toute loi, y compris dans le droit coutumier, ne s’accordant pas avec la Constitution est déclarée nulle à concurrence des dispositions incompatibles, et que tout acte ou omission contraire à la Constitution est également nul;

b)L’article 14 1) 2), qui garantit l’égalité des droits de citoyenneté aux femmes, et en particulier l’applicabilité directe du droit constitutionnel des femmes à transmettre la citoyenneté kényane à leur conjoint étranger et à leurs enfants nés hors du Kenya;

c)L’article 27 4), qui proscrit toute discrimination directe ou indirecte, notamment sur la base du sexe, de la grossesse et de la situation matrimoniale;

d)L’article 27 6), qui permet à l’État de prendre des mesures législatives ou autres, y compris des mesures préférentielles destinées à corriger un préjudice;

e)L’article 7 1) de l’annexe 6, qui prévoit que tous les textes de loi en vigueur avant la date effective d’application de la nouvelle Constitution s’entendent desdits textes faisant apparaître les altérations, les adaptations, les qualifications et les exceptions rendues nécessaires par la mise en conformité avec la Constitution.

5.Le Comité se réjouit de ce que la nouvelle Constitution exige l’abrogation de nombreuses dispositions discriminatoires qui existaient dans l’ancienne Constitution et l’application de la garantie de non-discrimination contenue dans la Constitution s’agissant de l’ensemble des lois, notamment celles qui ont trait au mariage, au divorce, à l’adoption, aux funérailles et à la succession.

6.Le Comité félicite l’État partie de la volonté politique dont il a fait montre et de l’engagement qu’il a manifesté dans le dialogue constructif en vue d’éliminer toute discrimination à l’égard des femmes et de réaliser l’égalité entre les sexes.

7.Le Comité félicite l’État partie d’avoir appliqué le principe constitutionnel contenu dans l’article 27 8), selon lequel pas plus des deux tiers des membres d’organes dont les postes sont pourvus par élection ou par nomination ne doivent être du même sexe dans les commissions nouvellement créées, qui revêtent une importance vitale pour l’application de la nouvelle Constitution.

8.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi modifiée sur l’enfance, qui exige à présent du père qu’il assume sa part de responsabilité pour les enfants nés hors mariage, réduisant d’autant le fardeau qui pèse sur la mère.

C.Principaux domaines de préoccupation et recommandations

9. Le Comité rappelle à l’État partie qu’il a l’obligation d’appliquer systématiquement et sans relâche toutes les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et considère que les préoccupations et recommandations é noncé es dans les présentes observations finales requièrent en priorité l’attention de l’État partie d ’ici à la publication du prochain rapport périodique. En conséquence, le Comité prie instamment l’État partie de faire porter ses efforts sur les secteurs en question dans les activités qu’il mène pour appliquer la Convention et de rendre compte des mesures prises et des résultats obtenus dans son prochain rapport périodique. Il appelle l’État partie à communiquer les présentes observations finales à tous l es ministères co ncerné s, au Parlement et au x instances judiciaire s , afin d’en assurer l’application pleine et entière.

Assemblée nationale

10. Tout en réaffirmant que le Gouvernement a la responsab ilité première de la pleine observation des obligations que la Convention impose à l’État partie et qu’il en est comptable au premier chef , le Comité souligne que la Convention s’impose à toutes les autorités de l’État et invite l’État partie à encourager son Assemblée nationale, conformément à s es procédures et selon qu’il convient, à prendre les mesures nécessaires pour la mise en œuvre des présentes observations finales et l ’établissement de ses prochains rapport s au titre de la Convention.

Réformes législatives et lois discriminatoires

11.Le Comité se félicite de ce que la nouvelle Constitution ouvre la voie à la promulgation de lois progressistes auxquelles il convient de s’atteler de toute urgence. Toutefois, le Comité se dit de nouveau préoccupé par la faible priorité accordée à la promulgation d’un certain nombre de propositions de lois qui porteraient suppression des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes et combleraient les lacunes législatives, mettant ainsi le cadre juridique du pays en pleine conformité avec les dispositions de la Convention et contribuant à ce que l’égalité de jure des femmes et des hommes devienne une réalité. Le Comité s’inquiète en particulier du retard pris dans l’adoption de propositions de lois majeures relatives à l’égalité des sexes, notamment le projet de loi relatif à la protection de la famille, le projet de loi unique de 2007 sur le mariage, le projet de loi de 2007 sur les biens matrimoniaux et le projet de loi de 2007 sur l’égalité des chances. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que d’autres lois discriminatoires vis-à-vis des femmes et en contradiction avec la Convention demeurent en vigueur. Tout en relevant que les tribunaux islamiques (Khadi) sont sanctionnés par l’article 170 de la nouvelle Constitution en tant que tribunaux subsidiaires distincts chargés d’examiner les affaires qui concernent des questions de droit familial musulman ayant trait, notamment, à la succession, le Comité se dit préoccupé par le fait que la disposition relative aux tribunaux islamiques comporte des dérogations aux dispositions de la Constitution ayant trait à l’égalité et qu’elle n’est pas conforme à la Convention, puisqu’elle contrevient notamment aux articles 2 et 16 de cette dernière.

12. Le Comité prie instamment l’État partie:

a) De promulguer, dans un délai de deux ans, le projet de loi de 2007 sur la protection de la famille, le projet de loi unique de 2007 sur le mariage, le projet de loi de 2007 sur les biens matrimoniaux et le projet de loi sur l’égalité des chances;

b) De s’attacher en priorité à l’élaboration de nouvelles lois et au réexamen et à l’abrogation des dispositions discriminatoires de façon à établir l’égalité de jure des femmes et des hommes et à mettre l’État partie en accord avec ses obligations au titre de la Convention en réduisant pour ce faire le délai prescrit à l’annexe 5 de la Constitution;

c) De mettre en place un véritable mécanisme de suivi afin de garantir que le Comité de surveillance de l’application constitutionnelle, créé par le Parlement, s’acquitte bien du mandat qui lui a été dévolu;

d) D ’harmoniser le droit religieux et coutumier avec l’article 16 de la Convention et d’envisager de placer les tribunaux islamiques sous l’empire de la disposition spécifique relative à l’égalité, inscrite dans la nouvelle Constitution.

Diffusion de la Convention et accès à la justice

13.Le Comité est préoccupé par la méconnaissance au sein de la société en général et, notamment, dans toutes les branches du pouvoir, y compris le judiciaire, des droits des femmes énoncés dans la Convention, de la notion d’égalité réelle entre les sexes qui y est consacrée et des recommandations générales du Comité. Il salue le lancement de la phase pilote du Programme national d’assistance et de sensibilisation judiciaires (NALEAP) dans six régions du pays, programme qui, tout en n’étant pas limité aux femmes, s’attache aux éléments majeurs qui entravent l’accès des femmes à la justice. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que, bien que la législation garantisse aux femmes l’accès à la justice, celles-ci sont, dans leur capacité d’exercer ce droit et de porter les cas de discrimination devant les tribunaux, limitées par différents facteurs tels que les frais de justice, la persistance de systèmes de justice traditionnelle, l’analphabétisme, l’absence d’information sur leurs droits et d’autres difficultés pratiques pour accéder aux tribunaux.

14. Le Comité:

a) Prie instamment l’État partie de prendre toutes les mesures requises pour faire en sorte que la Convention soit suffisamment connue et appliquée par toutes les branches du pouvoir, notamment le judiciaire, comme cadre de référence pour toutes les lois, décisions de justice et politiques en matière d’égalité des sexes et de promotion de la femme;

b) Recommande que la Convention et la législation nationale qui s’y rapporte soient inscrites dans les programmes d’études et de formation juridiques destinés aux juges et magistrats, aux avocats et aux procureurs, en particulier ceux qui exerc ent leurs fonctions auprès des juridictions locales , afin d’établir solidement dans le pays une véritable culture juridique propice à l’égalité des femmes et des hommes et à l’absence de discrimination fondée sur le sexe;

c) Demande à l’État partie de prendre toutes les mesures requises pour supprimer les obstacles susceptibles d’empêcher les femmes d’accéder à la justice et, à cette fin, d’adopter sans délai la politique nationale d’assistance et de sensibilisation judiciaires en vue d’institutionnaliser l’aide judiciaire dans tout le pays, de mettre en œuvre des programmes de vulgarisation juridique et de diffuser l’information sur les moyens d’exploiter les différents recours juridiques disponibles en cas de discrimination; et de suivre les résultats issus de telles initiatives.

Mécanismes nationaux de promotion de la femme

15.Le Comité est préoccupé par le fait que le dispositif national de promotion de la femme semble ne pas disposer des ressources humaines, financières et techniques nécessaires à son bon fonctionnement et que ces carences pourraient l’empêcher de s’acquitter efficacement de ses fonctions consistant à promouvoir des programmes spécifiques en faveur de la promotion de la femme, à coordonner efficacement les efforts entre les différentes institutions du dispositif national à différents niveaux et à assurer une intégration complète de la problématique hommes‑femmes dans tous les secteurs de l’administration publique. Le Comité prend également acte de l’intention de l’État partie, telle qu’exprimée oralement, de procéder à une restructuration de la Commission nationale kényane des droits de l’homme et de l’égalité telle que créée par l’article 59 1) de la Constitution en deux commissions distinctes, à savoir la Commission des droits de l’homme et la Commission de l’égalité des sexes et du développement. Le Comité s’inquiète toutefois de la mesure dans laquelle ces organes différents coordonneront leurs activités et du risque de chevauchement de leurs mandats.

16. Le Comité recommande à l’État partie de:

a) D oter les entités mises en place de mandats rationnels et clairs afin de garantir la coordination entre elles et éviter toute dispersion des efforts et des ressources;

b) Renforcer le dispositif existant en matière d’égalité des sexes en le faisant connaître et en le dotant des pouvoirs et des moyens humains et financiers voulus à tous les niveaux, en vue de le rendre plus efficace et mieux à même de coordonner et de suivre les initiatives menées aux échelons national et local en faveur de la promotion de la femme et de l’égalité des sexes.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

17.Tout en prenant acte des quelques mesures prises par l’État partie, le Comité se dit une nouvelle fois préoccupé par la persistance de normes, pratiques et traditions culturelles préjudiciables ainsi que d’attitudes patriarcales et de stéréotypes fortement enracinés concernant les rôles, les responsabilités et l’identité des femmes et des hommes dans toutes les sphères de la vie. Il note avec inquiétude que ces coutumes et pratiques perpétuent la discrimination à l’égard des femmes et qu’elles se manifestent dans le statut défavorable et inégal de la femme dans bien des domaines, notamment la vie publique, la prise de décisions, le mariage et les relations au sein de la famille. Le Comité note que ces stéréotypes contribuent aussi à la persistance de la violence à l’égard des femmes et des pratiques préjudiciables, notamment les mutilations génitales féminines, la polygamie, le versement d’une dot et le lévirat, et se dit préoccupé par le fait qu’en dépit de ces effets préjudiciables sur les femmes, l’État partie n’a jusqu’ici pris aucune mesure durable et systématique visant à modifier ou éliminer les stéréotypes et valeurs culturelles néfastes et les pratiques dangereuses.

18. Le Comité engage l’État partie à:

a) Mettre en place sans délai une stratégie globale visant à modifier ou éliminer les pratiques dangereuses et les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes, conformément à l’alinéa f de l’article 2 et à l’alinéa a de l’article 5 de la Convention. La stratégie devrait aussi englober des activités de sensibilisation à la question, s’adressant tant aux hommes qu’aux femmes, à tous les niveaux de la société, y compris aux chefs traditionnels, qui seraient menées en concertation avec la société civile;

b) Lutter contre les pratiqu es néfastes, telles que les mutilations génitales féminines, la polygamie et le versement de la dot en instaurant des programmes d’éducation publics et en faisant respecter l’interdiction de telles pratiques;

c) User de procédés novateurs pour mieux faire comprendre l’égalité des femmes et des hommes, notamment en se concertant avec les médias afin de promouvoir une image positive et non stéréotypée de la femme.

Mutilations génitales féminines

19.Tout en saluant l’adoption d’un Plan d’action national (2008-2012) et l’approbation en juin 2010 de la Politique nationale en faveur de l’abandon des mutilations génitales féminines, le Comité exprime de nouveau sa préoccupation face à la persistance de la pratique dangereuse des mutilations génitales féminines dans certaines communautés, constituant une violation grave des droits fondamentaux des filles et des femmes et des obligations que l’État partie a contractées au titre de la Convention. Le Comité prend note avec préoccupation également de ce que, malgré la promulgation de la loi de 2001 sur l’enfance, qui porte interdiction des mutilations génitales féminines, les filles sont de plus en plus soumises à cette pratique, et ce bien plus tôt dans leur vie. Le Comité s’inquiète en outre que cette pratique n’ait pas été interdite pour les femmes de plus de 18 ans.

20. Le Comité rappelle ses recommandations générales n o 14 (1990) sur l’excision et 19 (1992) sur la violence à l’égard des femmes et invite l’État partie à:

a) Faire en sorte que la loi de 2001 sur l’enfance qui proscrit les mutilations génitales féminines pour les filles de moins de 18 ans soit dûment appliquée, et que les contrevenants soient dûment traduits en justice et punis comme il se doit;

b) Prendre toutes les mesures requises pour accélérer la promulgation du projet de loi portant interdiction des mutilations génitales féminines (2010) qui, entre autres, déclare cette pratique illégale pour toutes les femmes;

c) Poursuivre et intensifier ses activités de sensibilisation et d’éducation destinées aux familles, aux médecins et au personnel médical, avec l’appui des organisations de la société civile et des autorités religieuses, en vue d’éliminer définitivement les mutilations génitales féminines et les justifications culturelles qui sous-tendent ces pratiques;

d) Mettre en place les services de soutien voulus pour répondre aux besoins médicaux et psychosociaux des femmes et des filles qui sont victimes de cette pratique.

Violence à l’égard des femmes

21.Tout en se félicitant de l’adoption de la loi de 2006 sur les infractions sexuelles, le Comité fait de nouveau part de sa préoccupation face à l’ampleur de la violence dirigée contre les femmes et les filles et à la multiplication des cas de violence sexuelle, y compris le viol, dans la sphère privée comme dans la sphère publique. Le Comité s’inquiète aussi de ce que cette violence semble légitimée par la société et entourée d’une culture du silence et de l’impunité, et de ce que les cas de violence sont trop peu souvent signalés. Ce manque de notification des cas de violence est encore encouragé par l’article 38 de la loi sur les infractions sexuelles qui expose les victimes à des poursuites dans certaines circonstances. Le Comité se dit préoccupé par le fait que le viol conjugal n’est érigé en infraction pénale ni dans la loi sur les infractions sexuelles ni dans le projet de loi de 2007 sur la protection de la famille.

22. Le Comité engage l’État partie à s’occuper en priorité de lutter contre la violence à l’égard des femmes et des filles et à adopter des mesures complètes pour remédier à cette violence, conformément à sa recommandation générale n o 19. Il demande à l’État partie de prendre sans délai les mesures suivantes:

a) Abroger l’article 38 de la loi sur les infractions sexuelles, qui expose la femme au risque d ’être attaquée pour avoir déc lenché des poursuites contre l’auteur des sévices;

b) Adopter les règlements d’application de la loi sur les infractions sexuelles;

c) Promulguer le projet de loi sur la protection de la famille;

d) Ériger en infraction le viol conjugal;

e) Élaborer un plan d’action cohérent et plurisectoriel de lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes.

23.Le Comité est préoccupé par l’absence d’une approche holistique de la prévention et de l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes.

24. Le Comité recommande de donner une formation aux fonctionnaires de la justice et de l’administration , en particulier les membres des forces de l’ordre et les prestataires de soins de santé, pour s’assurer qu’ils sont attentifs à toutes les formes de violence à l’égard des femmes et qu’ils peuvent apporter aux victimes un soutien approprié et adapté au sexe des personnes concernées. Il recommande en outre la mise en place de services de conseils et de refuges pour les victimes de violence. Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations détaillées, ventilées par âge et par secteur urbain ou rural, sur les causes, la portée et l’étendue de toutes les formes de violence à l’égard des femmes, et sur les effets des mesures prises pour prévenir de telles violences, enquêter sur les cas de violence signalés et traduire en justice et sanctionner les auteurs, tout en assurant la protection, des secours et des voies de recours, notamment s ous la forme d’un dédommagement approprié, aux victimes et aux membres de leur famille.

Violence postélectorale à l’égard des femmes

25.Tout en saluant la mise en place de la Commission kényane pour la vérité, la justice et la réconciliation et de la Commission nationale pour la cohésion et l’intégration, le Comité relève avec préoccupation le retard pris dans la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête sur les violences postélectorales invitant à créer un bureau du Rapporteur spécial sur la violence et les réformes constitutionnelles ainsi qu’un tribunal spécial chargé d’enquêter et de poursuivre en justice les responsables de ces violences. Le Comité relève en outre que la plupart des responsables des violences sexuelles et à caractère sexiste, notamment de viols et de viols collectifs, demeurent impunis. Le Comité prend note aussi des effets préjudiciables des violences postélectorales sur la participation des femmes à toutes les composantes de la vie publique et de la vie politique.

26. Le Comité engage l ’ État partie à faire en sorte que les femmes et les filles qui ont été victimes des violences postélectorales puissent bénéficier d ’ une protection et d ’ un recours utile, en créant rapidement un tribunal spécial chargé d ’ enquêter sur ces cas de violence, et que les responsables soient effectivement traduits en justice et punis. Le Comité engage en outre l ’ État partie à étudier, notamment avec le concours de la Commission pour la vérité, la justice et la réconciliation, les mesures qui doivent être prises pour garantir un climat favorable et sûr permettant aux femmes de prendre pleinement part à la vie publique et à la vie politique, dans la perspective en particulier des prochaines électio ns générales devant se tenir en 2012.

Traite et exploitation de la prostitution

27.Tout en se félicitant de la nouvelle loi sur la traite des personnes, et de l’action menée par l’État partie en vue de susciter une prise de conscience à propos du tourisme sexuel et de lutter contre ce phénomène, via la création d’une unité de police spécialisée et des opérations de sensibilisation à la prostitution des enfants et à ses liens avec le tourisme sexuel menées auprès des hôtels et des agences de voyage, le Comité fait de nouveau part de sa préoccupation face à la persistance de la traite et de l’exploitation sexuelle des femmes et des filles, et au rôle que joue le tourisme sexuel à cet égard. Il demeure préoccupé par le fait que les femmes et les filles se tournent vers la prostitution pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs proches du fait de la pauvreté, et parce que la loi ne vise que les prostituées, et non leurs clients. Le Comité regrette l’absence de données tant sur la traite des personnes que sur la prostitution ainsi que l’absence de plan d’action national visant à remédier à la traite des personnes et à l’exploitation sexuelle.

28. Le Comité engage l ’ État partie à appliquer dans son intégralité l ’ article 6 de la Convention, en veillant notamment à:

a) Donner effet à sa nouvelle législation réprimant la traite, en veillant à ce que les responsables soient punis et que les victimes reçoivent la protection et l ’ assistance appropriées;

b) Renforcer sa coopération aux plans international, régional et bilatéral avec les pays d ’ origine, de transit et de destination grâce à l ’ échange d ’ informations, en vue de prévenir la traite, et harmoniser les procédures juridiques visant à poursuivre les responsables;

c) Réaliser des études comparées sur la traite et la prostitution en vue de déceler les causes profondes de ces deux phénomènes et de les éradiquer afin que les filles et les femmes ne soient pas exposées à l ’ exploitation sexuelle et ne soient pas la proie des trafiquants, et faciliter la réadaptation et l’intégration sociale des victimes;

d) Appliquer une approche globale dans la lutte contre la prostitution, englobant notamment des programmes de soutien aux femmes qui veulent abandonner la prostitution et une législation sanctionnant le recours aux prostituées;

e) Adopter un plan d’action complet de lutte contre la traite et l’exploitation sexuelle des femmes et des filles, en dégageant les ressources humaines et financières nécessaires à sa mise en œuvre effective et en prévoyant la collecte de données ventilées qui figureront dans le prochain rapport périodique de l’État partie.

Participation à la vie politique et publique

29.Tout en accueillant avec satisfaction la promulgation du décret présidentiel de 2006 portant mise en œuvre de mesures de discrimination positive et réservant aux femmes 30 % des postes dans l’administration, par recrutement ou par promotion, le Comité note qu’en l’absence du cadre institutionnel et juridique qui permettrait de faire respecter ce décret par les pouvoirs publics, les changements voulus n’ont toujours pas eu lieu. Tout en saluant le principe constitutionnel selon lequel il ne peut y avoir plus de deux tiers de membres du même sexe au sein des organes dans lequel les postes sont pourvus par voie d’élection ou de nomination, le Comité note que le projet de loi relatif aux partis politiques est toujours en attente.

30. Le Comité demande à l’État partie de:

a) Mettre rapidement en place le cadre institutionnel et juridique requis pour appliquer le décret présidentiel de 2006 ainsi que le principe constitutionnel relatif au recrutement et à la promotion d’un minimum de 30 % de femmes dans toute l’administration;

b) Réviser le projet de loi relatif aux partis politiques de manière à y réintroduire une disposition prévoyant un quota de candidates féminines et l ’ adopter promptement ;

c) Sensibiliser l ’ ensemble de la société au fait qu ’ il est important que les femmes participent aux décisions et mettre au point des activités de formation ciblées ainsi que des programmes de mentorat sur les aptitudes à diriger et à négocier, à l ’ intention des candidates actuelles et potentielles, ainsi que des femmes occupant des fonctions publiques ;

d) Surveiller attentivement l ’ efficacité des mesures prises et des résultats obtenus afin de garantir que les femmes participent davantage à la vie politique et publique, et informer le Comité de l ’ évolution de la situation à cet égard dans le prochain rapport.

Éducation

31.Tout en reconnaissant les efforts réalisés pour accroître les taux de scolarisation et de persévérance scolaire des filles, ainsi que les progrès réalisés en ce qui concerne la réduction de l’écart entre les sexes dans ces domaines, le Comité est préoccupé par la persistance des freins structurels et autres à une éducation de qualité, qui constituent des obstacles particuliers à l’instruction des filles et des jeunes femmes. Par exemple, les infrastructures matérielles sont inappropriées et les enseignants formés et qualifiés trop peu nombreux. Le Comité est également préoccupé par le retard pris dans la mise en œuvre de la gratuité de l’enseignement secondaire, la fréquence des actes de violence et de harcèlement sexuels que les enseignants et les élèves infligent aux filles, l’effet préjudiciable de pratiques traditionnelles néfastes, telles que le mariage précoce ou forcé, sur l’instruction des filles et, enfin, les obstacles persistants à la possibilité pour les filles enceintes d’exercer leur droit à l’instruction.

32. Le Comité exhorte l’État partie à mieux respecter l’article 10 de la Convention et à sensibiliser la population à l’importance de l’éducation, qui est un droit de l’homme et le fondement de l’autonomisation de la femme. À cette fin, il invite instamment l’État partie à:

a) Assurer aux filles et aux femmes un accès égal à tous les niveaux et à tous les domaines de l’instruction, prendre des mesures pour combattre les attitudes traditionnelles qui, dans certains domaines, peuvent faire obstacle à l’instruction des filles et des femmes, faire face au problème de l’abandon scolaire des filles et renforcer les mesures en faveur de la réadmission à l’école des filles enceintes et des jeunes mères;

b) Renforcer la sensibilisation et la formation des responsables scolaires et des élèves, sensibiliser les enfants par le biais des médias et mettre en place des mécanismes de signalement et de responsabilisation pour faire en sorte que tous les auteurs de sévices sexuels à l ’ égard des écolières soient poursuivis;

c) Appliquer une politique de tolérance zéro à l ’ égard de la violence et du harcèlement sexuels dans les écoles et veiller à ce que les auteurs de tels actes soient dûment punis.

Emploi

33.Le Comité salue l’adoption de la loi sur l’emploi (2007), qui, entre autres, interdit la discrimination fondée sur le sexe et la grossesse, et qui consacre le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale. Toutefois, il est préoccupé par la persistance de la discrimination contre les femmes sur le marché du travail et, en particulier, leur faible participation au secteur du travail rémunéré (30 %), ainsi que par la persistance d’un écart salarial important entre hommes et femmes et de la discrimination professionnelle. Il est également préoccupé par la concentration des femmes dans le secteur informel, où elles n’ont pas accès à la sécurité sociale ou à d’autres prestations. La loi sur l’emploi a certes introduit une disposition spécifique sur le harcèlement sexuel mais les employeurs ne sont priés de prendre des mesures de discrimination positive pour prévenir ce harcèlement que s’ils ont au moins 20 employés. Le Comité est également préoccupé par le fait que le travail des enfants touche un grand nombre de filles dans l’État partie.

34. Le Comité demande à l’État partie de:

a) Prendre des mesures, notamment de discrimination positive, afin d’augmenter le pourcentage des femmes ayant un travail rétribué, conformément à l’article 11 de la Convention;

b) Renforcer l ’ action menée pour éliminer la discrimination professionnelle, tant horizontale que verticale, et prendre des mesures garantissant le principe de l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, conformément au paragraphe d) de l ’ article 11 de la Convention et à la Convention n o 100 de l ’ OIT, y compris l ’ application de systèmes d ’ évaluation des emplois dans les secteurs public et privé;

c) Renforcer l ’ action menée afin d ’ éliminer le travail des enfants en instituant la scolarité obligatoire et en soutenant le rôle de l ’ instruction comme moyen d ’ émancipation personnelle et économique des filles et des garçons ;

d) Prendre des mesures en amont pour que tous les enfants, et surtout les filles, aient accès à une éducation de base, à des soins de santé et à la protection des normes minimales en matière d’emploi, telles qu’élaborées par l’Organisation internationale du Travail.

Autonomisation économique de la femme

35.Tout en saluant la création d’un fonds en faveur de l’autonomisation des jeunes conçu pour soutenir l’action des jeunes entrepreneurs ainsi que du Fonds pour les femmes entrepreneurs, ou encore l’élaboration de «Vision 2030», plan de développement économique du Kenya dont une des priorités est le respect de l’égalité des sexes, le Comité n’en est pas moins préoccupé par le fait que près de la moitié de la population kényane (des femmes pour la plupart) vit toujours en dessous du seuil de pauvreté. Il est en outre inquiet de constater que les ménages dirigés par des femmes sont beaucoup plus représentés parmi les ménages chroniquement pauvres et ceux qui sont en train de le devenir. D’après les recherches qui ont été faites, les femmes connaissent de graves difficultés, liées notamment à un accès limité à des facteurs de production aussi importants que la terre, le capital et les mécanismes de microfinancement, et rencontrent divers obstacles, d’ordre juridique ou administratif, qui entravent leur capacité d’entreprendre.

36. Le Comité invite instamment l’État partie à:

a) Continuer de renforcer la mise en œuvre de programmes de développement et de lutte contre la pauvreté tenant compte des sexospécificités en zone rurale comme en zone urbaine, et veiller à ce que les femmes participent à l ’ élaboration de tels programmes;

b) Continuer d ’ élaborer des politiques ciblées et des services d ’ appui en faveur des femmes, de nature à atténuer leur pauvreté, particulièrement pour les femmes rurales.

Santé

37.Le Comité se déclare préoccupé par le degré insuffisant de reconnaissance et de protection des droits des femmes dans l’État partie dans le domaine de la santé génésique, ainsi que par le fait que le projet de loi sur les droits en matière de procréation n’a pas encore été adopté. Le Comité est particulièrement inquiet de constater que les taux de mortalité maternelle ont augmenté (414 pour 100 000 en 2003 et 488 pour 100 000 en 2008), et qu’ils sont particulièrement alarmants dans le nord du pays (1 000 à 1 300), où 95 % des accouchements ont lieu à domicile, sans l’aide de personnes qualifiées. Le Comité note également avec préoccupation que l’avortement clandestin reste l’une des causes majeures du taux de mortalité maternelle élevé et que la législation restrictive sur l’avortement de l’État partie conduit encore davantage les femmes à recourir à l’avortement clandestin et non médicalisé. Il est également préoccupé par le nombre de décès provoqués par les avortements réalisés dans de telles conditions. Le Comité est également inquiet du nombre très élevé de grossesses précoces, de l’accès restreint qu’ont les femmes aux services de santé génésique, spécialement en zones rurales, et du fait que les programmes existants en matière d’éducation sexuelle sont insuffisants et trop peu consacrés à la prévention des grossesses précoces et au contrôle des maladies sexuellement transmissibles.

38. Le Comité invite instamment l’État partie à:

a) Prendre toutes mesures nécessaires pour améliorer l ’ accès, pour les femmes, à des services de soins de santé génésique et autres services connexes, notamment en adoptant dans les meilleurs délais la loi relative aux droits en matière de procréation, dans le cadre de la recommandation générale n o 24 du Comité sur l ’ article 12 − les femmes et la santé ;

b) Renforcer l ’ action menée pour lutter contre la mortalité maternelle, sensibiliser les femmes à cet objectif et améliorer leurs possibilités d ’ accéder à des soins de santé et à de l ’ aide médicale dispensés par du personnel qualifié, particulièrement en zone rurale;

c) Faire en sorte que les femmes puissent accéder à des services de qualité lorsqu ’ elles doivent faire face aux complications résultant d ’ avortements non médicalisés et envisager de réviser la loi relative à l ’ avortement en abrogeant les dispositions sur les sanctions encourues par les femmes qui avortent, conformément à la recommandation générale n o 24 du Comité sur les femmes et la santé et à la Déclaration et au Programme d ’ action de Beijing;

d) Renforcer et multiplier les actions menées pour mieux faire connaître et rendre plus accessibles les méthodes contraceptives peu coûteuses dans l ’ ensemble du pays et faire en sorte que les femmes des régions rurales ne rencontrent pas d ’ obstacles en ce qui concerne l ’ accès à une information et à des services dans le domaine de la planification familiale ;

e) Faire en sorte que l ’ éducation sexuelle et génésique fasse l ’ objet d ’ activités de promotion et d ’ actions spécifiques de grande ampleur auprès des adolescents, filles et garçons, une attention particulière étant accordée à la prévention des grossesses précoces et à la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida.

VIH/sida

39.Tout en saluant les initiatives prises par l’État partie pour prévenir et combattre le VIH/sida, dont la loi sur le contrôle et la prévention du VIH/sida et le Plan stratégique national 2009/2010-2012/2013, le Comité est vivement préoccupé de constater que le pays fait encore face à une grave épidémie et que les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par le VIH, la proportion de femmes atteintes par le virus étant supérieure (8 %) à celle des hommes (4,3 %), pour ce qui concerne la tranche d’âge 15-49 ans. À cet égard, il est inquiet de constater que les femmes et les filles peuvent se trouver particulièrement exposées à l’infection en raison des normes sexospécifiques qui prévalent et du fait que leur statut inférieur peut entraver leur aptitude à négocier des pratiques sexuelles sûres et accroître leur vulnérabilité à l’infection.

40. Le Comité demande à l’État partie de:

a) S ’ employer systématiquement à limiter les effets du VIH/sida sur les femmes et les filles ainsi que ses conséquences sur la famille et la société ;

b) Mettre davantage l ’ accent sur l ’ autonomisation des femmes, notamment en incluant, clairement et visiblement, une perspective sexospécifique dans ses politiques et programmes sur le VIH/sida et en renforçant le rôle des hommes dans toutes les mesures à prendre dans ce domaine;

c) Mener des campagnes de sensibilisation dans l ’ ensemble du pays et auprès du personnel des nombreux secteurs de l’administration au sujet de la prévention, de la protection et du respect de la confidentialité afin de systématiser et d ’ intégrer les approc hes de lutte contre le VIH/sida .

Femmes rurales

41.Le Comité exprime à nouveau la préoccupation que lui inspire la situation défavorisée des femmes des régions rurales et reculées (soit la majorité des femmes du Kenya), qui se caractérise par la pauvreté, l’analphabétisme, les difficultés d’accès aux services sanitaires et sociaux et l’absence de participation au processus de prise de décisions au niveau local. Tout en se félicitant de l’adoption d’une politique foncière nationale, le Comité exprime également à nouveau les préoccupations que lui inspire le fait que les coutumes et pratiques traditionnelles, qui prévalent dans les zones rurales, empêchent les femmes d’hériter ou de devenir propriétaires de terres ou d’autres biens. Le Comité note en outre qu’il n’y a toujours pas de législation appropriée pour assurer la protection effective des droits fonciers des femmes.

42. Le Comité demande à l’État partie de:

a) Prendre les mesures voulues pour accroître et renforcer la participation des femmes à la conception et à la mise en œuvre des plans de développement local et accorder une attention particulière aux besoins des femmes rurales, en particulier des femmes chefs de famille, en faisant en sorte qu ’ elles participent à la prise de décisions et qu ’ elles aient un meilleur accès aux services en matière de santé, d ’ éducation, d ’ eau salubre et d ’ assainissement, aux terres fertiles et à des projets générateurs de revenus;

b) Mettre en place un cadre législatif clair afin de protéger les droits de la femme à la succession et à la propriété foncière;

c) Adopter des mesures pour faire face aux coutumes et pratiques traditionnelles préjudiciables, qui portent atteinte au plein exercice, par les femmes, du droit à la propriété, en particulier en zone rurale.

Réfugiées, déplacées internes et habitantes des bidonvilles

43.Tout en se réjouissant de l’adoption de la loi de 2006 relative aux réfugiés, qui prévoit des dispositions spécifiques sur l’attention particulière qui doit être accordée aux femmes et aux enfants, le Comité se dit à nouveau inquiet du manque d’informations fournies par l’État partie sur le sort des réfugiées vivant dans des camps au Kenya et sur celui des déplacés internes, qui comptent beaucoup de femmes. Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles de nombreuses femmes déplacées à l’intérieur du pays à la suite des violences qui ont éclaté après les élections, de décembre 2007 à mars 2008, doivent encore être réinstallées; ces femmes craignent d’ailleurs pour leur sécurité et continuent d’être victimes de violences sexuelles et sexistes et de sévices dans ces mêmes camps. Le Comité est également préoccupé par la situation des femmes et des filles habitant dans des bidonvilles ou autres lieux de peuplement informels, qui vivent sous la menace de violences sexuelles et n’ont guère accès à des équipements d’assainissement satisfaisants, ce qui les expose à un risque accru de subir de telles violences et a un effet néfaste sur leur santé.

44. Le Comité demande à nouveau que la situation des réfugiées et des déplacées internes au Kenya soit prise en compte d’urgence, en particulier en ce qui concerne les moyens employés pour protéger ces femmes contre toutes les formes de violence et les mécanismes mis en place pour qu’elles disposent de voies de recours et puissent se réintégrer dans la société. Il exhorte également l’État partie à prendre des mesures pour que des enquêtes soient menées et que tous les responsables d’actes de violence contre les réfugiées et déplacées internes soient poursuivis et châtiés. Il engage également l’État partie à continuer de mener son action en collaboration avec la communauté internationale, spécialement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés. Le Comité prie instamment l’État partie d’assurer une présence policière effective dans les bidonvilles et autres lieux de peuplement informels et de faire face au problème de la violence , sexiste ou autre, notamment en prévoyant d’urgence des équipements d’assainissement dans le voisinage immédiat de chaque ménage.

Mariage et relations familiales

45.Tout en saluant les mesures prises en faveur d’un projet de loi unifié sur le mariage, comportant des dispositions visant l’enregistrement de toutes les formes de mariage, le Comité est préoccupé par le fait que, dans sa version actuelle, ce projet de loi n’interdit pas la polygamie. Il note avec regret le retard accusé dans la reconnaissance de la contribution non financière de la femme aux biens matrimoniaux, dû à l’affaire Echaria de 2006. Il est également préoccupé par le fait que l’article 68 de la nouvelle Constitution (qui prévoit la protection des biens matrimoniaux) et le projet de loi sur les biens matrimoniaux, dans sa forme actuelle, définissent de manière restrictive les «biens matrimoniaux», en y incluant uniquement les biens corporels, ce qui aboutit, lors de la dissolution du mariage, à l’exclusion de biens tels que les droits à pension ou les assurances-vie, même si ceux-ci ont été accumulés durant le mariage. Le Comité se dit en outre préoccupé par le fait que les lois islamiques discriminatoires sur la succession restent tenues à l’écart du réexamen constitutionnel, et salue l’engagement pris par l’État partie, à l’occasion du dialogue, dans le sens d’un réexamen de la loi sur les successions aux fins d’en supprimer les dispositions discriminatoires.

46. Le Comité demande à l’ État partie:

a) D ’ incorporer l ’ interdiction de la polygamie dans toute la législation relative au mariage ;

b) De veiller à ce que le projet de loi relatif aux biens matrimoniaux infirme la décision rendue en l ’ affaire Echaria de sorte que la contribution non financière aux biens matrimoniaux soit reconnue de la même manière et que les femmes reçoivent une part égale de ces biens matrimoniaux, quelle que soit la nature de leur contribution;

c) D ’ élargir la définition des biens matrimoniaux pour y inclure tant les biens incorporels que les biens corporels ;

d) D’accélérer le processus de réexamen de la loi sur les successions en vue d’en éliminer les dispositions discriminatoires.

Protocole facultatif

47. Le Comité prend note de la déclaration verbale de la délégation selon laquelle la ratification de cet instrument à la Convention fait actuellement l’objet d’un examen bienveillant et prie instamment l’État partie d’accélérer ses efforts dans le sens de la ratification de cet instrument.

Article 20, paragraphe 1

48. Le Comité encourage l’État partie à accepter dès que possible l’amendement du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la durée de session du Comité.

Déclaration de Beijing et Programme d’action

49. Le Comité prie instamment l’État partie, dans l’application de ses obligations en vertu de la Convention, de se laisser pleinement guider par la Déclaration de Beijing et le Programme d’action s’y rapportant, laquelle renforce les dispositions de la Convention, et invite l’État partie à inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

50. Le Comité souligne que l’application intégrale et effective de la Convention est indispensable à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il appelle à l’intégration de la perspective du genre et à la référence explicite aux dispositions de la Convention dans tous les efforts tendant vers la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, et demande à l’État partie d’inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Diffusion

51.Le Comité appelle à une large diffusion des présentes observations finales au Kenya, de manière à rendre la population, les fonctionnaires gouvernementaux, les hommes et les femmes politiques, les parlementaires et les organisations des droits de l’homme conscients des mesures qui ont été prises pour assurer l’égalité des femmes de jure et de facto, mais aussi de celles qui restent encore à prendre à cet égard. Le Comité recommande que cette diffusion se fasse également à l’échelon local. L’État partie est encouragé à organiser une série de réunions au cours desquelles seront débattus les progrès accomplis dans la mise en œuvre de ces observations. Le Comité invite l’État partie à continuer de diffuser aussi largement que possible, et en particulier à l’adresse des associations de femmes et des organisations de défense des droits de l’homme, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, ainsi que le résultat de la vingt-troisième session de l’Assemblée générale sur le thème «Les femmes en l’an 2000: égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle».

Ratification d’autres traités

52. Le Comité observe que l’adhésion de l’État partie aux neuf grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme conduirait à ce que les femmes jouissent davantage de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. C’est pourquoi le Comité encourage le Gouvernement kényan à envisager de ratifier les traités auxquels le pays n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suivi des observations finales

53. Le Comité invite l’État partie à fournir dans un délai de deux ans des informations écrites sur les mesures prises pour appliquer les recommandations contenues dans les paragraphes 12 a) et 22 a) à e) ci-dessus.

Assistance technique

54. Le Comité recommande à l’État partie de tirer parti de l’assistance technique mise à sa disposition pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme complet devant permettre l’application des recommandations susmentionnées et de la Convention dans son ensemble. Il appelle en outre l’État partie à renforcer davantage sa coopération avec les institutions et notamment l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme (ONU-Femmes), le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Fonds des Nations Unies pour la population, l’Organisation mondiale de la santé, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ainsi que la Division de statistique.

Élaboration du prochain rapport

55. Le Comité invite l’État partie à assurer une large participation de tous les ministères et autres organes publics dans l’élaboration du prochain rapport, et aussi de consulter ce faisant différentes associations de femmes et d’organisations de défense des droits de l’homme.

56. Le Comité demande à l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales lors de son prochain rapport périodique au titre de l’article 18 de la Convention. Il l’invite à soumettre son huitième rapport périodique en février 2015.

57. Le Comité invite l’État partie à suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris les directives relatives au document de base commun et aux documents se rapportant spécifiquement aux différents instruments, telles qu’approuvées à la cinquième réunion intercomités qui s’est tenue en juin 2006 (HRI/MC/2006/3 et Corr.1). Les directives pour l’établissement de rapports au titre des instruments spécifiques adoptées par le Comité à sa quarantième session en janvier 2008 (A/63/38, première partie, annexe I) doivent être appliquées conjointement avec les directives harmonisées concernant le document de base commun. L’ensemble constitue les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le document se rapportant spécifiquement à l’instrument ne devrait pas dépasser 40 pages, tandis que le document de base commun mis à jour devrait être limité à 80 pages.



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