CEDA W/C/MKD/CO/4-5
Distr. générale 22 mars 2013 Français Original: anglais
Convention sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination à l’égard des femmesComité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes
Observations finales concernant les quatrième
et cinquième rapports périodiques, soumis en un seul document, de l’ex-République yougoslave de Macédoine, adoptées par le Comité à sa cinquante-quatrième session (11 février-1er mars 2013)1. Le Comité a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques, soumis en un seul document, de l’ex-République yougoslave de Macédoine (CEDAW/C/MKD/4-5) à ses 1115e et 1116e séances, le 21 février 2013 (voir CEDAW/C/SR.1115 et 1116). La liste des points et questions correspondante a été publiée sous les cotes CEDAW/C/MKD/Q/4-5 et Corr.1 et les réponses du Gouvernement de l’ex-République yougoslave de Macédoine sous la cote CEDAW/C/MKD/Q/4-5/Add.1.
A. Introduction
2. Le Comité remercie l’État partie de lui avoir soumis dans le délai établi ses quatrième et cinquième rapports périodiques, dans un document unique qui suit dans l’ensemble les directives du Comité concernant l’établissement des rapports. Il remercie également l’État partie pour les réponses écrites qu’il a fournies à la liste de points et aux questions soulevées par le groupe de travail d’avant-session et pour ses réponses aux questions posées oralement par le Comité. Le Comité regrette cependant que le rapport ne contienne pas de données ventilées par sexe ni de données qualitatives sur la situation des femmes dans un certain nombre de domaines visés par la Convention, notamment en ce qui concerne les femmes appartenant à des groupes défavorisés.
3. Le Comité remercie l’État partie d’avoir dépêché une délégation, conduite par IbrahimIbrahimi, Vice-Ministre du travail et de la politique sociale, et composée de représentants de plusieurs ministères et services. Le Comité se félicite du dialogue qui s’est tenu entre la délégation et les membres du Comité, même s’il regrette que certaines questions soient restées sans réponse.
B. Aspects positifs
4. Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du précédent rapport, plusieurs textes législatifs visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes ont été adoptés, notamment:
a) La loi de 2010 sur la prévention de la discrimination et la lutte contre la discrimination, qui porte notamment sur la discrimination fondée sur le sexe et définit le cadre juridique de la lutte contre la discrimination;
b) La loi de 2012 sur l’égalité des chances entre hommes et femmes −remplaçant la loi de 2006, dont elle conserve l’intitulé et la définition de la discrimination −, qui donne des éclaircissements sur l’obligation de rendre compte qui incombe à tous les acteurs publics et fait obligation aux pouvoirs publics d’adopter des plans stratégiques et des budgets soucieux de l’égalité des sexes;
c) Les modifications apportées en 2009 à la loi sur le Médiateur, qui exigeaient la création au sein du Bureau du Médiateur d’un service chargé de la protection des citoyens contre la discrimination;
d) Les modification apportées en 2012 à la loi sur les relations du travail, qui interdisent expressément la discrimination à l’égard des travailleuses pour des motifs liés à la grossesse ou au fait d’avoir des enfants, quels que soient le type d’emploi et sa durée;
e) Les modifications apportées en 2006 à la loi sur les élections législatives, qui prévoient que 30 % des candidats doivent être des femmes;
f) La loi de 2010 sur l’aide juridictionnelle gratuite, visant à aider les femmes sans ressources à accéder à la justice.
5. Le Comité salue l’adoption des politiques suivantes:
a) La Stratégie nationale en faveur de l’égalité des sexes (2012-2020) et le Plan d’action national en faveur de l’égalité des sexes (2013-2016);
b) La Stratégie nationale pour la mise en place d’une budgétisation axée sur l’égalité entre les sexes (2012-2017);
c) La Stratégie nationale de prévention de la violence au foyer et de protection contre cette violence (2012-2015);
d) Le Plan d’action national pour la promotion de la condition des femmes roms (2008);
e) La Stratégie nationale de lutte contre la traite des êtres humains et des migrants en situation irrégulière (2009-2013).
6. Le Comité constate également avec satisfaction que, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a ratifié les instruments internationaux ou régionaux suivants ou y a adhéré:
a) Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en 2012;
b) Les Conventions de l’Organisation internationale du Travail no 183 (2000) sur la révision de la Convention (révisée) sur la protection de la maternité, no 177 (1996) sur le travail à domicile et no 187 (2006) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, en 2012;
c) La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, en 2011;
d) Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2009;
e) La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2007;
f) La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, en 2009.
C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations Parlement
7. Tout en réaffirmant que le Gouvernement a la responsabilité première de la pleine observation des obligations que la Convention impose à l’État partie et qu’il doit en répondre au premier chef, le Comité souligne que la Convention a force obligatoire pour toutes les branches du pouvoir, et invite l’État partie à encourager son Parlement à prendre, s’il y a lieu et conformément à ses procédures, toutes mesures nécessaires pour la suite à donner aux présentes observations finales d’ici à la soumission de son prochain rapport au titre de la Convention.
Diffusion de la Convention et de son Protocole facultatif ainsi que des recommandations générales du Comité
8. Le Comité note avec préoccupation que même si, en vertu de l’article 118 de la Constitution, la Convention fait partie intégrante du droit interne de l’État partie et prime ce dernier, dans la pratique, elle n’est pas suffisamment présentée ni utilisée comme base juridique des mesures, notamment législatives et politiques, visant à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité des sexes dans l’État partie. Le Comité est également préoccupé de constater qu’il n’est pas donné à la Convention une place centrale en tant qu’instrument des droits de l’homme juridiquement contraignant et en tant que base pour éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et promouvoir la femme. En outre, le Comité salue la formation dispensée aux magistrats et aux procureurs au sujet de la Convention et de son Protocole facultatif, mais il note que la Convention n’a encore jamais été invoquée ou appliquée directement dans des procédures judiciaires, ce qui dénote une méconnaissance, de la part des femmes ainsi que des magistrats et des membres des professions juridiques, des droits des femmes consacrés par la Convention et son Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité.
9. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De veiller à ce que la Convention, en tant qu’instrument juridiquement contraignant, soit suffisamment connue et utilisée par les pouvoirs publics et les magistrats comme base pour l’adoption de lois, de politiques et de décisions de justice;
b) De continuer à sensibiliser les femmes aux droits que leur reconnaît la Convention et aux procédures de communication et d’enquête prévues par le Protocole facultatif;
c) De faire en sorte que la Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant, les recommandations générales du Comité, ses constatations sur les communications émanant de particuliers et ses enquêtes, ainsi que la législation nationale deviennent partie intégrante d’une formation dispensée systématiquement aux avocats, aux juges, aux procureurs et aux fonctionnaires de police et autres membres des forces de l’ordre pour leur donner les moyens d’appliquer la Convention et d’interpréter les dispositions législatives nationales à la lumière des dispositions de la Convention.
Définition de la non-discrimination et cadre juridique en faveur de l’égalité
10. Le Comité note que la discrimination fondée sur le sexe est interdite par l’article 9 de la Constitution, par la loi de 2010 sur la prévention de la discrimination et la lutte contre la discrimination et par la loi de 2012 sur l’égalité des chances entre hommes et femmes, mais il constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas expressément interdit la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle comme il s’y était engagé dans le cadre de l’Examen périodique universel en 2009 (A/HRC/12/15, par. 46).
11. Le Comité engage l’État partie à modifier ses lois sur l’égalité des sexes et contre la discrimination de manière à interdire expressément toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans tous les domaines visés par la Convention, conformément à l’engagement qu’il a pris dans ce sens dans le cadre de l’Examen périodique universel en 2009.
Mécanismes de plainte en justice
12. Tout en prenant note de la nomination du Représentant légal au sein du Ministère du travail et de la politique sociale, de la création de la Commission pour la protection contre la discrimination et du Service de protection des citoyens contre la discrimination au sein du Bureau du Médiateur, le Comité est préoccupé par le manque de visibilité, detransparence et d’accessibilité de ces mécanismes, par le chevauchement de leurs mandats et par le faible nombre de plaintes pour discrimination fondée sur le sexe qui leur parviennent et sont portées devant les tribunaux de l’État partie. Le Comité est également préoccupé par le fait que le Bureau du Médiateur n’observe pas pleinement les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).
13. Le Comité engage l’État partie à renforcer ses mécanismes de plainte en justice de façon à garantir à toutes les femmes l’accès effectif à la justice, et il recommande à l’État partie:
a) De prendre des mesures pour améliorer la visibilité, l’accessibilité et la transparence du Représentant légal, de la Commission pour la protection contre la discrimination et du Bureau du Médiateur;
b) De renforcer encore le Bureau du Médiateur afin de le mettre en pleine conformité avec les Principes de Paris, et de développer ses activités de lutte contre la discrimination fondée sur le sexe ou le genre;
c) De prendre des mesures visant à ce que les femmes soient mieux informées de leurs droits et des fonctions des mécanismes de plainte en justice existants de façon à ce qu’elles soient mieux armées pour demander réparation en cas de discrimination fondée sur le sexe ou le genre; et
d) D’offrir des services d’assistance juridique de façon à ce que les femmes, et en particulier celles qui appartiennent à des groupes vulnérables, puissent faire valoir leurs droits.
Mécanismes nationaux de promotion de la femme
14. Tout en prenant acte de la mise en place de l’Unité sur l’égalité des chances au sein du Ministère du travail et de la politique sociale, d’un coordonnateur du Gouvernement et du Groupe consultatif intersectoriel, le Comité relève que l’absence de visibilité, d’autorité pour la prise de décisions et de coordination des institutions publiques dénote le faible degré de priorité qui est accordé, dans l’État partie, au principe de l’égalité des sexes.
15. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer encore le dispositif national en donnant plus de visibilité aux institutions publiques et en assurant une meilleure coordination entre elles; en les dotant des pouvoirs voulus en matière de prise de décisions; et en améliorant leur efficacité par la mise à disposition plus large de données ventilées par sexe et le renforcement de leur capacité à suivre l’adoption et l’application de mesures législatives et autres dans le domaine de l’égalité des sexes.
Stratégie nationale en faveur de l’égalité des sexes (2013-2020) et Plan d’action national en faveur de l’égalité des sexes (2013-2016)
16. Tout en prenant note de l’adoption récente de la Stratégie nationale et du Plan d’action national en faveur de l’égalité des sexes, le Comité constate avec regret que l’État partie ne renseigne pas sur leur contenu et leurs objectifs de résultat, pas plus que sur les procédures sur lesquelles reposent la mise en œuvre, la surveillance et l’évaluation des politiques qui y sont inscrites. Le Comité est préoccupé, également, par l’insuffisance des ressources nationales que l’État partie consacre à ses stratégies et plans d’action en vue de l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en particulier à l’égard de celles qui appartiennent à des minorités ethniques, au nombre desquelles les Albanaises et les Roms.
17. Le Comité engage l’État partie à inscrire la mise en œuvre des présentes observations finales dans ses stratégies et rapports annuels, à consacrer les ressources humaines et financières voulues à toutes les stratégies et tous les plans d’action nationaux portant sur la promotion de la femme, à veiller à ce que ces stratégies et ces plans soient véritablement appliqués, et à surveiller et régulièrement évaluer l’ensemble du processus.
Mesures temporaires spéciales
18. Tout en notant que des mesures temporaires spéciales ont été prises pour encourager la participation des femmes à la vie politique, le Comité est préoccupé par les différences terminologiques relevées eu égard aux mesures temporaires spéciales dans la loi de 2010 sur la prévention de la discrimination et la lutte contre la discrimination et dans la loi de 2012 sur l’égalité des chances entre hommes et femmes, différences qui révèlent que les dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention relatives aux mesures temporaires spéciales ne sont pas appliquées de façon cohérente et qu’il n’est pas recouru à ces mesures dans tous les domaines visés par la Convention pour accélérer la réalisation de l’égalité de fait entre les hommes et les femmes.
19. Le Comité encourage l’État partie à adopter des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, tel qu’interprété dans la Recommandation générale no 25 (1992) du Comité sur les mesures temporaires spéciales, dans tous les domaines visés par la Convention où les femmes, y compris celles qui appartiennent à des minorités ethniques, sont sous-représentées ou défavorisées; à veiller à ce que les ressources voulues soient allouées à ces mesures; et à s’assurer que les institutions publiques concernées coordonnent ces mesures entre elles et évaluent et publient des études d’impact de ces mesures sur les relations hommes-femmes, puis en rendent publiques les conclusions.
Stéréotypes
20. Le Comité est préoccupé par la persistance de stéréotypes concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, qui mettent en avant de manière excessive le rôle traditionnel des femmes en tant que mères et épouses et, partant, portent atteinte au statut social des femmes et entravent leur parcours scolaire et universitaire et leur carrière professionnelle. Le Comité relève avec préoccupation que les médias véhiculent avec persistance des représentations stéréotypées et parfois dégradantes de la femme et que celles-ci ne sont pas suffisamment recensées.
21. Le Comité engage l’État partie à:
a) Redoubler encore d’efforts pour mettre en place une politique complète assortie de mesures dynamiques et soutenues concernant les femmes et les hommes, les filles et les garçons afin d’éliminer les stéréotypes quant aux rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société; et
b) Prendre toutes les mesures voulues pour sensibiliser les médias à la nécessité d’éliminer les stéréotypes sexistes en donnant des femmes une représentation positive, où elles participent activement à la vie sociale, économique et politique, et encourager les médias à instituer un mécanisme d’autoréglementation efficace pour ne plus donner des femmes une représentation dégradante.
Violence à l’égard des femmes
22. Tout en prenant note des modifications apportées à la loi sur la famille de 2008 qui ont élargi la définition de la victime de la violence dans la famille, le Comité demeure préoccupé par le fait que cette loi ne protège pas toutes les victimes de la violence, que la violence dans la famille est seulement criminalisée en tant que circonstance aggravante et qu’il n’existe aucune législation complète visant spécifiquement les différentes formes de violence à l’égard des femmes, en particulier la violence au foyer et les violences sexuelles et psychologiques. En outre, tout en se félicitant de l’adoption de la Stratégie nationale de prévention de la violence dans la famille et de protection contre cette violence (2012-2015) et de l’existence d’un organe national de coordination de la prévention de la violence dans la famille et de la protection contre cette violence, le Comité note avec préoccupation l’augmentation constatée dans toutes les formes de violence qui sont peu signalées, en particulier la violence psychologique, psychique et sexuelle contre les femmes et les filles, le recours peu fréquent aux ordonnances de protection, le nombre restreint de centres d’hébergement publics, et le manque de données sur la violence contre les femmes.
23. Rappelant sa Recommandation générale no 19 (1992) sur la violence contre les femmes, le Comité prie instamment l’État partie:
a) De renforcer la législation pénale et les lois de la famille en vigueur ou d’adopter une loi générale englobant toutes les formes de violence à l’égard des femmes, notamment la violence au foyer et la violence sexuelle, de garantir la protection juridique de toutes les femmes et de toutes les filles qui sont victimes de violence et leur accès immédiat à des voies de recours et à une protection, et de faire en sorte que les auteurs d’actes de violence soient poursuivis et punis;
b) De sensibiliser le public, par l’intermédiaire des médias et au moyen de programmes éducatifs, et d’instaurer une formation obligatoire à l’intention des juges, des magistrats du parquet, des avocats, des policiers, des prestataires de services de santé et de services sociaux et du corps enseignant afin de les sensibiliser à toutes les formes de violence contre les femmes et les filles et de faire en sorte qu’ils puissent apporter aux victimes une aide adaptée à la sensibilité propre à leur sexe;
c) D’encourager les femmes à signaler les actes de violence au foyer et sexuelle en les sensibilisant au caractère criminel de tels actes, et de fournir l’assistance et la protection voulues aux femmes victimes de violences, en particulier aux femmes roms et aux femmes appartenant à des minorités ethniques;
d) D’augmenter le nombre de centres d’hébergement et les ressources qui leur sont allouées et de faire en sorte que de tels centres soient disponibles dans toutes les régions du pays, notamment pour les femmes appartenant à des minorités ethniques ou issues d’autres groupes défavorisés touchés par la violence;
e) D’améliorer le système de collecte de données pour que les informations soient ventilées par type de violence et selon la relation de l’auteur avec la victime, de soutenir la recherche dans ce domaine et de faire en sorte que l’information et les données recueillies soient accessibles au public;
f) De ratifier rapidement la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (2011) et de prévoir des sanctions pénales applicables en cas de non-respect d’une ordonnance d’éloignement.
Traite et exploitation de la prostitution
24. Tout en prenant acte des mesures législatives, institutionnelles et politiques prises pour combattre la traite des personnes, notamment l’adoption d’une Stratégie nationale contre la traite des êtres humains et des migrants en situation irrégulière (2009-2013) et dumécanisme national d’orientation des victimes de la traite, le Comité demeure préoccupé par:
a) Le manque de visibilité et de coordination des mécanismes institutionnels;
b) Le grand nombre de filles victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle;
c) L’absence de mesures préventives pour faire face aux causes profondes de la traite, en particulier dans le cas des femmes roms; et
d) Le manque d’information sur les programmes de réinsertion sociale.
25. En outre, tout en notant que la prostitution n’est un délit dans l’État partie que pour les personnes qui la pratiquent régulièrement, le Comité regrette l’absence d’informations sur l’ampleur de la pratique et constate avec préoccupation l’absence d’efforts pour prévenir l’exploitation par la prostitution et s’attaquer à ses causes profondes ainsi que l’absence de protection, de services de santé et de programmes de soutien et de réintégration pour les victimes qui veulent échapper à cette forme d’exploitation.
26. Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’appliquer de manière effective la Stratégie nationale contre la traite en renforçant la visibilité des mécanismes institutionnels compétents et la coopération entre eux, en supervisant les activités du mécanisme national d’orientation des victimes de la traite des êtres humains et en affectant des fonds aux activités de lutte contre la traite des institutions nationales et des organisations non gouvernementales compétentes;
b) De s’attaquer aux causes profondes de la traite et de l’exploitation des femmes et des filles en intensifiant ses efforts pour prévenir la traite pour toutes les femmes et les filles, y compris les femmes et les filles roms;
c) D’adopter une démarche globale face à l’exploitation de la prostitution, notamment en élaborant des stratégies et en exécutant des programmes pour appuyer les femmes qui souhaitent abandonner cette pratique et assurer leur réinsertion, et de faire en sorte que ceux qui exploitent la prostitution des femmes fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites et soient punis.
Participation à la vie politique et publique
27. Tout en notant la forte représentation des femmes au Parlement de l’État partie (34 %), le Comité demeure préoccupé par le fait que les femmes, notamment celles appartenant à des minorités ethniques, continuent d’être sous-représentées dans les postes ministériels, les postes de rang élevé au sein du corps diplomatique, au niveau municipal et parmi les maires. Le Comité est également préoccupé par l’absence de mesures temporaires spéciales et d’autres mesures volontaristes et durables pour promouvoir et accélérer l’augmentation de cette représentation et par l’existence d’obstacles systémiques tels que les idées reçues sexistes qui empêchent les femmes de participer dans des conditions d’égalité à la vie politique.
28. Le Comité encourage l’État partie à accélérer la réalisation de la participation pleine et égale des femmes à la vie politique et publique et à augmenter le nombre de femmes aux postes de prise de décisions, notamment en adoptant des mesures temporaires spéciales. Il lui recommande également de créer un environnement propice à la participation politique des femmes, y compris des femmes roms et albanaises, et d’encourager leur participation au moyen de programmes d’éducation et de sensibilisation destinés à changer les idées reçues sexistes sur le rôle des femmes dans la vie politique.
Éducation
29. Tout en notant l’instauration de l’enseignement secondaire obligatoire en 2007, le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas suffisamment de données ventilées par sexe et par origine ethnique qui permettent de comparer le niveau d’instruction des filles de différentes communautés ethniques. Il réaffirme la préoccupation qu’il avait déjà exprimée dans ses précédentes observations finales (CEDAW/C/MKD/CO/3, par. 27) au sujet des taux d’abandon scolaire des filles roms. Il note en outre le faible nombre de femmes roms dans l’enseignement supérieur et l’absence de mesures pour assurer l’accès des filles roms à l’enseignement. Le Comité est en outre préoccupé par les conclusions du Bureau du Médiateur selon lesquelles il y a un nombre disproportionnellement élevé d’enfants roms, en particulier de filles, dans les écoles pour enfants ayant des besoins particuliers.
30. Le Comité exhorte l’État partie à se conformer plus strictement à l’article 10 de la Convention et à favoriser une prise de conscience de l’importance de l’éducation en tant que droit de l’homme et base de l’autonomisation des femmes. À cette fin, il le prie instamment:
a) De fournir des données comparatives ventilées par sexe et par origine ethnique sur les taux de scolarisation, de fréquentation scolaire et d’abandon;
b) De s’attaquer aux obstacles à l’éducation des femmes et des filles, tels que les attitudes culturelles négatives et la surcharge de travaux domestiques, de prendre des mesures pour réduire et prévenir les abandons scolaires chez les filles et renforcer la mise en œuvre des politiques permettant aux filles qui ont quitté l’école prématurément de reprendre leur scolarité;
c) D’étudier les recommandations du Bureau du Médiateur qui préconisent une réglementation et un contrôle des conclusions tirées par les organismes habilités à déterminer l’étendue du handicap et des besoins particuliers des enfants, notamment ceux des filles roms, et de répondre d’urgence à ces recommandations.
Emploi
31. S’il prend note des programmes d’emplois subventionnés, de formation et d’entreprenariat auxquels ont accès certaines femmes, le Comité s’inquiète de la persistance d’une ségrégation verticale et horizontale dans l’emploi et de la surreprésentation des femmes dans des emplois faiblement rémunérés; de l’application insuffisante du principe de l’égalité de salaire à travail égal et de la persistance des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes; du taux de chômage féminin anormalement important et de l’exclusion des femmes roms et des femmes handicapées du marché du travail officiel. Le Comité s’inquiète également de ce que l’insuffisance des politiques visant à promouvoir l’activité économique des femmes, le manque de structures de garde d’enfants et les modifications apportées à la loi sur le travail en matière de congé parental cantonnent les femmes dans des emplois à temps partiel et mal payés, et renforcent le partage inégal des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes. En outre, le Comité regrette l’absence d’informations sur le harcèlement sexuel au travail.
32. Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’intensifier ses efforts pour éliminer la ségrégation professionnelle, tant horizontale que verticale, et de prendre des mesures afin d’appliquer le principe de l’égalité de salaire à travail égal, et de réduire, puis de combler les écarts de salaire entre les hommes et les femmes, en appliquant des systèmes d’évaluation des emplois dans le secteur public associés à des hausses salariales dans les secteurs à dominante féminine;
b) D’accroître l’accès des femmes, y compris des Roms et des femmes appartenant à d’autres groupes défavorisés, à l’emploi formel et à l’entreprenariat, et d’améliorer les possibilités qui leur sont offertes de concilier vie professionnelle et responsabilités familiales;
c) De recueillir des données ventilées par sexe sur la situation des femmes et des hommes sur le marché du travail et sur le nombre d’inspections du travail, d’affaires judiciaires et de plaintes administratives liées à la discrimination au travail fondée sur le sexe et au harcèlement sexuel sur le lieu de travail, et leur aboutissement.
Santé
33. S’il prend bonne note de l’adoption de la Stratégie nationale 2010-2020 sur la santé sexuelle et procréative et du faible taux de mortalité maternelle, le Comité reste préoccupé par le taux d’avortement élevé et le fait que les méthodes de contraception modernes soient peu utilisées, disponibles et accessibles, signe que l’avortement continue d’être utilisé comme une méthode de contrôle des naissances. Le Comité s’inquiète également des obstacles financiers, culturels et physiques aux services gynécologiques rencontrés par les femmes roms et rurales. Le Comité s’inquiète en outre de l’absence de programmes éducatifs sur la santé sexuelle et procréative et les droits en la matière dans les écoles, de l’absence d’intégration d’une perspective sexospécifique dans la politique nationale relative au VIH/sida et dans d’autres politiques de santé, et de l’absence de données ventilées par sexe. Par ailleurs, il regrette l’absence de renseignements sur les services de santé et de réadaptation mis à la disposition des femmes et des filles toxicomanes.
34. Le Comité prie instamment l’État partie:
a) De prendre toutes les mesures qui s’imposent pour améliorer l’accès des femmes à des services de santé et des services connexes de qualité, conformément à sa Recommandation générale no 24 (1999) sur les femmes et la santé;
b) De sensibiliser la population, au moyen de campagnes éducatives, et par l’éducation sur la santé sexuelle et procréative dans les écoles et des services de conseil plus efficaces, à l’importance que revêt l’utilisation des moyens de contraception pour la planification familiale, et d’accentuer ses efforts pour proposer des services de planification familiale suffisants et des moyens de contraception abordables; et
c) D’intégrer une perspective sexospécifique dans toutes les actions et politiques de santé, et de recueillir des données ventilées par sexe et de les analyser.
Femmes rurales
35. Le Comité demeure préoccupé par la situation défavorisée des femmes vivant dans les zones rurales qui ont un accès limité aux services sanitaires et sociaux, à la participation aux processus décisionnels au niveau local, à l’éducation et au marché du travail officiel, en dépit de la recommandation formulée par le Comité dans ses précédentes observations finales (CEDAW/C/MKD/CO/3, par. 28) tendant à ce que des mesures efficaces soient appliquées pour mettre fin à la discrimination à l’égard des femmes rurales par tous les moyens disponibles, y compris par des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la Recommandation générale no 25 (1992) du Comité. Le Comité s’inquiète également de la faible proportion de femmes rurales possédant un terrain et ayant accès à des programmes de microcrédit.
36. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De prendre immédiatement les dispositions voulues pour appliquer des mesures efficaces pour mettre fin à la discrimination à l’égard des femmes rurales dans tous les domaines visés par la Convention et pour renforcer l’exercice de leurs droits fondamentaux par tous les moyens disponibles, y compris par des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la Recommandation générale no 25 (1992) du Comité;
b) De redoubler d’efforts pour renforcer l’autonomisation économique et politique des femmes dans les zones rurales, notamment en examinant les causes de la faible proportion de femmes possédant un terrain et de femmes ayant accès à des facilités de crédit;
c) Inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur l’accès des femmes rurales aux services éducatifs, sociaux et sanitaires et au marché du travail officiel.
Groupes de femmes défavorisés
37. S’il prend bonne note de l’adoption de la Décennie de l’intégration des Roms 2005-2015, du plan d’action national sur la promotion de la condition des femmes roms et des stratégies connexes adoptées par l’État partie (2008-2010, 2011-2013), le Comité s’inquiète de l’insuffisance des ressources financières allouées à l’application et à l’évaluation de ces mesures ainsi que de la marginalisation que continuent de subir les femmes roms et des formes de discrimination convergentes auxquelles elles sont exposées, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation, à l’emploi, à un logement convenable et aux soins de santé, les documents d’identité, la protection contre la violence et l’accès à la justice. Le Comité note également le peu d’informations et de données disponibles sur d’autres groupes de femmes défavorisés comme les femmes albanaises, les veuves, les femmes âgées et les femmes handicapées. Le Comité s’inquiète de la marginalisation de ces femmes et de leur vulnérabilité à des formes convergentes de discrimination et constate avec préoccupation l’absence de renseignements sur le recours à des mesures temporaires spéciales pour améliorer la situation. En outre, le Comité s’inquiète de l’absence de perspective sexospécifique dans les procédures d’octroi du statut de demandeur d’asile ou de réfugié.
38. Le Comité invite l’État partie:
a) À mettre en œuvre, en leur allouant rapidement les ressources financières nécessaires, des plans d’action et des stratégies nationaux visant à mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes roms;
b) À recueillir, et à communiquer dans son prochain rapport, des données statistiques complètes et ventilées par sexe sur la situation des groupes de femmes défavorisés, y compris les femmes roms et albanaises, dans tous les domaines visés par la Convention, ainsi que des renseignements sur les programmes prévus à leur intention;
c) À prendre des mesures efficaces, y compris des mesures temporaires spéciales, en vue d’accélérer l’instauration d’une égalité réelle pour ces groupes défavorisés de femmes;
d) À intégrer une optique différenciée selon le sexe dans l’ensemble des processus d’octroi du statut de demandeur d’asile ou de réfugié, y compris au moment du dépôt de la demande.
Mariage et relations familiales
39. Le Comité s’inquiète de la pratique des mariages arrangés et précoces qui existe dans les communautés rom et albanaise, de l’absence de mesures spéciales adoptées pour lutter contre cette pratique discriminatoire, du manque de données statistiques et de renseignements sur ce phénomène et de l’absence de mesures prises par l’État partie pour faire en sorte que tous les mariages soient enregistrés.
40. Le Comité prie instamment l’État partie d’intensifier ses efforts pour sensibiliser les communautés rom et albanaise à l’interdiction du mariage des enfants, et au fait que cette pratique est préjudiciable à la santé et à l’éducation des filles, de mener des enquêtes sur les cas de mariage forcé et précoce, et d’engager des poursuites contre ceux qui les pratiquent. Le Comité demande également à l’État partie de prendre des mesures afin que tous les mariages, y compris ceux intervenant au sein des communautés rom et albanaise, soient enregistrés.
Modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention
41. Le Comité encourage l’État partie à accepter sans délai la modification au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la durée des réunions du Comité.
Déclaration et Programme d’action de Beijing
42. Le Comité demande à l’État partie de s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing aux fins de la mise en œuvre des dispositions de la Convention.
Objectifs du Millénaire pour le développement
43. Le Comité demande que le souci de l’égalité des sexes soit intégré, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les efforts menés en vue d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement.
Diffusion et mise en œuvre
44. Le Comité rappelle à l’État qu’il est tenu de mettre en œuvre, de manière systématique et constante, les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il l’engage à s’attacher en priorité à donner suite aux présentes observations finales et recommandations d’ici à la soumission de son prochain rapport périodique. Le Comité demande par conséquent que les présentes observations finales soient diffusées rapidement, dans la langue officielle de l’État partie, aux institutions compétentes de l’État à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et à l’appareil judiciaire, afin qu’il puisse y être pleinement donné suite. Le Comité encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes, y compris les organisations patronales, les syndicats, les organisations de défense des droits de l’homme et les organisations de femmes, les universités et les instituts de recherche, les organes d’information, etc. Il recommande aussi que ses observations finales soient diffusées dans une forme appropriée au niveau local pour permettre leur application. En outre, le Comité prie l’État partie de continuer à diffuser la Convention et son Protocole facultatif ainsi que la jurisprudence et les recommandations générales du Comité auprès de toutes les parties prenantes.
Ratification d’autres instruments
45. Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme1 renforcerait la jouissance par les femmes de leurs droits individuels et libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il encourage par conséquent l’État partie à songer à ratifier l’instrument auquel il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Suivi des observations finales
46. Le Comité invite l’État partie à fournir par écrit, dans un délai de deux ans, desinformations sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant aux paragraphes 23 a) et e) et 30 c) ci-dessus.
Élaboration du prochain rapport
47. Le Comité invite l’État partie à soumettre son sixième rapport périodique avant mars 2017.
48. Le Comité demande à l’État partie de suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).
1 Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale; la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; la Convention relative aux droits de l’enfant; la Convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées; et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.