University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Myanmar, U.N. Doc. A/55/38,paras.91-138 (2000).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-deuxième session
17 janvier-4 février 2000




Myanmar


1. Le Comité a examiné le rapport initial du Myanmar (CEDAW/C/MMR/1) à ses 450e, 451e et 457e séances, les 21 et 26 janvier 2000 (voir CEDAW/C/SR.450, 451 et 457).

Présentation par l'État partie

2. Lorsqu'il a présenté le rapport de son pays, le représentant du Myanmar a informé le Comité que les lois et les pratiques sociales qui y étaient en vigueur étaient compatibles avec la Convention. Il a fait observer que les constitutions successives du Myanmar contenaient des dispositions relatives aux droits et à l'égalité des femmes, et que l'égalité juridique des femmes et des hommes prévalait dans les domaines politique, économique, administratif et social.

3. Au Myanmar, les femmes avaient autant accès que les hommes aux services de santé. Il avait été établi un plan national de santé, dont l'objectif était de garantir la santé pour tous d'ici à l'an 2000, et qui prévoyait des activités consacrées à la santé maternelle et infantile, à l'espacement des naissances, à la santé en matière de reproduction, au développement nutritionnel, à un programme élargi de vaccination, et des mesures de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles. Le Myanmar voulait envisager les soins de santé destinés aux femmes dans une optique holistique prenant en compte tout le cycle de vie.

4. Le Myanmar s'était fixé des objectifs à atteindre avant l'an 2000 en ce qui concernait la santé des femmes : faire tomber le taux de mortalité infantile de 47,1 à moins de 45 pour 1 000 naissances vivantes, et le taux de mortalité maternelle de 1 à 0,5 pour 1 000 naissances vivantes; immuniser plus de 90 % des nourrissons et des femmes enceintes contre le tétanos; informer tous les jeunes et les femmes des moyens de prévention du VIH/sida; faire tomber de 33,08 % à moins de 20 % la population souffrant de troubles dus aux carences en iode; permettre aux femmes enceintes d'accéder aux soins de santé prénatals, d'accoucher sans risque et de bénéficier de services d'orientation vers des établissements spécialisés et d'information sur l'espacement des naissances; et réduire le nombre de cas d'anémie ferriprive chez les femmes enceintes.

5. La question la plus importante concernant la santé des femmes était celle de l'accouchement sans risque. Il n'existait pas de disposition légale relative aux services d'avortement, mais des dispositions s'appliquaient en matière de soins médicaux et de contraception après un avortement pour les femmes qui avaient subi cette procédure dans de mauvaises conditions. La nutrition était une autre question essentielle, et l'un des objectifs dans ce domaine était l'adoption d'une politique nationale de promotion de l'allaitement exclusivement naturel jusqu'à l'âge de quatre ou six mois. Le Gouvernement avait donné la priorité absolue à la lutte contre le sida, dont le virus actuellement répandu dans les groupes à haut risque partout dans le pays commençait à toucher aussi les groupes peu exposés. On avait mené des recherches à l'appui de la prévention et de la lutte contre le sida, et le Gouvernement avait encouragé les ONG à participer aux activités en la matière.

6. Les activités engagées dans le domaine de la santé avaient bénéficié de la participation d'ONG comme l'Association du Myanmar pour le bien-être de la mère et de l'enfant, l'Association médicale du Myanmar (Section Femmes) et le Comité international de la Croix-Rouge. Les activités touchant à la santé en matière de reproduction menées par le Ministère de la santé en collaboration avec des ONG, d'autres ministères et le secteur privé étaient notamment la préparation à la vie active des femmes en âge de procréer et des jeunes, la prévention et le traitement des maladies sexuellement transmissibles, les programmes d'éducation communautaire sur la prévention du VIH/sida, les programmes d'information sur le sida dans les écoles, le renforcement des capacités des organisations et des volontaires dans les collectivités, l'élargissement des programmes d'information sur l'espacement des naissances, et la gestion intégrée du programme sur les maladies maternelles et infantiles.

7. Un atelier national consacré aux questions prioritaires relatives à la santé des femmes avait été organisé en décembre 1999 par le Comité national de la condition de la femme, en collaboration avec le Ministère de la santé et l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Des centres de consultations avaient été ouverts dans tout le pays, et on avait dispensé une formation aux techniques de consultation.

8. Une coopération s'était instaurée entre le Gouvernement, le Comité national de la condition de la femme, des organismes de l'ONU et des ONG, afin que chaque personne, quel que soit son sexe, reçoive une éducation de base. Le Ministère de l'éducation avait exécuté des projets pédagogiques extrascolaires en collaboration avec des institutions des Nations Unies, et il avait été fait appel à des unités mobiles pour éduquer les femmes qui vivaient dans les régions frontalières. En outre, des programmes de formation professionnelle (couture, broderie, élevage, etc.) avaient été mis en train en collaboration avec le PNUD et l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Le Bureau de la recherche pédagogique du Myanmar et le Centre culturel Asie-Pacifique pour l'UNESCO (Japon) avaient ouvert des centres d'alphabétisation.

9. Le Comité national de la condition de la femme avait défini six domaines critiques avant mars 1999 : l'éducation, la santé, l'économie, la violence à l'égard des femmes, la culture, et la situation des petites filles, auxquels s'étaient récemment ajoutés l'environnement et les médias.

10. En conclusion, le Myanmar s'employait de son mieux à mettre en oeuvre le plan d'action national de promotion de la femme, mais se heurtait à des difficultés, notamment en raison du manque de données sexospécifiques qu'il avait entrepris de collecter en 1997 à la demande du Comité national de la condition de la femme. Le Myanmar avait besoin d'une aide technique et de ressources financières pour parvenir plus rapidement à ses objectifs.

Conclusions du Comité

Introduction

11. Le Comité remercie le Gouvernement du Myanmar d'avoir présenté son rapport initial et d'avoir engagé un dialogue constructif avec lui. Il le félicite également des efforts déployés pour élaborer une réponse informative, comprenant également des statistiques, dans de très brefs délais. Il note toutefois que le rapport ne contient pas suffisamment de données statistiques fiables ventilées par sexe et que les informations fournies au sujet de l'application d'un certain nombre d'articles de la Convention sont insuffisantes.

12. Le Comité est heureux que le Myanmar ait ratifié la Convention sans émettre de réserves au sujet de ses articles fondamentaux.

13. Le Comité félicite le Gouvernement du Myanmar d'avoir envoyé une délégation de haut niveau, comprenant un conseiller du Ministère de la planification nationale et du développement.

Aspects positifs

14. Le Comité constate avec satisfaction que le Myanmar a mis en place un mécanisme national pour la promotion de la femme, composé du Comité national de la condition de la femme du Myanmar, qui a été désigné comme centre de coordination national pour les questions relatives à la condition de la femme, et le Comité de travail national du Myanmar, qui rassemble des femmes au niveau des collectivités et est doté de fonctions d'exécution.

15. Le Comité note avec satisfaction que l'Association du Myanmar pour le bien-être de la mère et de l'enfant, qui est la plus grande organisation non gouvernementale du pays et qui a des bureaux et des associations locales dans toutes les régions, a collaboré étroitement avec le Gouvernement dans le domaine de la santé des femmes, et en particulier de la santé maternelle.

16. Le Comité note avec satisfaction que les femmes du Myanmar ont le droit, au même titre que les hommes, d'acquérir, de gérer et de céder des biens, et que l'épouse a le droit de transférer en son nom la moitié des biens du ménage en cas de divorce.

17. Le Comité note avec satisfaction le taux élevé d'alphabétisation des femmes au Myanmar.

18. Le Comité note avec satisfaction que l'âge minimum légal du mariage est de 20 ans pour les deux sexes.

19. Le Comité est heureux de noter que la violence envers les épouses n'est pas un phénomène commun au Myanmar. Il félicite le Gouvernement des efforts qu'il déploie pour entreprendre de nouvelles recherches sur la violence familiale en vue d'éliminer totalement ce phénomène et de sensibiliser les collectivités au sujet des lois qui existent dans ce domaine.

Obstacles à l'application de la Convention

20. Le Comité note que le conflit interne entre différents groupes ethniques et politiques a entraîné une instabilité sociale, économique et politique au Myanmar et constitue un sérieux obstacle à l'application intégrale de la Convention.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

21. Le Comité est préoccupé par le fait que le Comité national de la condition de la femme du Myanmar, qui comprend des vice-ministres des ministères intéressés, des représentants du Procureur général et du chef de la magistrature, et des dirigeantes des organisations non gouvernementales de promotion de la femme, ne reçoit aucune allocation budgétaire du Gouvernement malgré ses responsabilités dans la définition des politiques et son rôle d'organe de coordination intersectoriel. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que le Comité de travail national sur la condition féminine du Myanmar, qui est un organe opérationnel, est exclusivement composé de bénévoles.

22. Le Comité prie instamment le Gouvernement de réviser les politiques existantes en matière d'allocation de fonds afin d'assurer que le mécanisme national dispose de ressources financières et humaines suffisantes pour pouvoir effectivement s'acquitter de son mandat et que le Comité national du Myanmar compte parmi ses membres des personnes nommées sur la base de leurs connaissances spécialisées dans les domaines voulus.

23. Le Comité est heureux d'apprendre que le Gouvernement du Myanmar a récemment promulgué un décret infirmant les dispositions de la loi sur les villes et de la loi sur les villages qui autorisaient le Gouvernement à exiger un travail forcé des femmes. Il estime que le travail forcé des femmes représente une forme contemporaine d'esclavage et un déni aux femmes de leurs droits. Toutefois, le fait que la loi sur les villes et la loi sur les villages continuent de faire partie de la législation le préoccupe. Il s'inquiète aussi du fait qu'on dispose de très peu d'informations concernant le mécanisme d'application du décret en question.

24. Le Comité prie le Gouvernement d'inclure dans son prochain rapport des informations et des données supplémentaires sur le processus d'application du décret, et recommande au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour traduire en justice les contrevenants.

25. Le Comité note avec préoccupation que, bien qu'il y ait 135 groupes ethniques au Myanmar, le rapport contient peu d'informations sur la manière dont sont assurées la garantie, la protection et la promotion des droits fondamentaux des femmes dans tous les groupes ethniques.

26. Le Comité prie le Gouvernement du Myanmar d'inclure dans son prochain rapport des informations et données détaillées sur la situation des femmes dans autant de minorités ethniques que possible, et sur les mesures qu'il a prises pour garantir et protéger les droits fondamentaux qui leur reviennent en vertu de la Convention.

27. Le Comité s'inquiète de la violation des droits fondamentaux des femmes, en particulier par des militaires.

28. Le Comité prie instamment le Gouvernement de poursuivre et de châtier les responsables de violations des droits fondamentaux des femmes, y compris le personnel militaire, et de lancer des programmes d'éducation en matière de droits de l'homme et de sensibilisation aux spécificités des deux sexes à l'intention du personnel chargé de l'application des lois et du personnel militaire.

29. Le Comité note avec préoccupation que le rapport contient très peu d'informations sur la traite des femmes et des petites filles, malgré l'ampleur de ce problème.

30. Le Comité prie le Gouvernement d'inclure dans son prochain rapport des informations et des données plus précises sur la situation du pays en matière de traite des femmes et des petites filles.

31. Le Comité note avec inquiétude que le VIH/sida touche un nombre croissant de femmes.

32. Il prie le Gouvernement de lui fournir dans le prochain rapport périodique des informations supplémentaires sur la situation des femmes contaminées par le VIH/sida, en particulier dans le contexte de la traite et de la prostitution. Le Comité souhaiterait aussi des informations sur l'accès de ces femmes aux soins de santé, sur les efforts déployés par le Gouvernement pour les éduquer en la matière, et sur les mesures prises pour prévenir la propagation de la maladie.

33. Le Comité s'inquiète de la situation des femmes détenues ou placées en garde à vue.

34. Le Comité prie le Gouvernement d'inclure dans son prochain rapport des informations plus détaillées sur les femmes détenues, et de fournir notamment des précisions sur les violences commises pendant les gardes à vue ainsi que sur la protection des droits fondamentaux des femmes qui sont aux mains des autorités.

35. Le Comité constate avec inquiétude que les femmes n'ont pas accès à certains programmes d'enseignement supérieur, ce qui va à l'encontre des alinéas b) et c) de l'article 10 de la Convention.

36. Le Comité demande instamment au Gouvernement de revenir sur ses politiques restrictives, et fait remarquer que les femmes doivent avoir le droit de décider par elles-mêmes des disciplines qu'elles souhaitent étudier et des professions qu'elles veulent exercer.

37. Le Comité note avec inquiétude que le rapport contient très peu d'informations sur l'enseignement primaire, en particulier en ce qui concerne la scolarisation des petites filles.

38. Le Comité prie le Gouvernement d'inclure dans son prochain rapport des informations et données plus détaillées sur l'enseignement primaire. Il lui recommande également d'adopter des objectifs chiffrés de scolarisation primaire, et de rendre compte des résultats obtenus dans la poursuite de ces objectifs.

39. Le Comité constate avec préoccupation que le rapport ne donne aucune information sur le droit d'une femme de mettre fin à une grossesse consécutive à des actes de violence sexuelle. Il s'alarme aussi du fort taux de mortalité maternelle du Myanmar, lié en partie aux avortements provoqués.

40. Le Comité engage vivement le Gouvernement à élargir la couverture de son programme de distribution de contraceptifs, de manière à réduire la mortalité maternelle liée aux avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité. Il prie le Gouvernement d'inclure dans son prochain rapport des informations plus détaillées sur les grossesses consécutives à des viols et autres actes de violence sexuelle, et sur les services proposés aux victimes.

41. Le Comité note avec préoccupation que l'environnement au Myanmar n'est pas propice à l'application intégrale de la Convention.

42. Le Comité recommande au Gouvernement de veiller, lorsqu'il procédera à la remise en état de ses structures économiques et politiques, à assurer la pleine participation des femmes, sur un pied d'égalité, à une société ouverte et pluraliste.

43. Le Comité espère que la nouvelle constitution en cours de rédaction garantira l'égalité entre les sexes, qu'elle contiendra une définition de la discrimination fondée sur le sexe, et qu'elle incorporera la Convention à la législation nationale.

44. Le Comité recommande que des données statistiques ventilées par sexe figurent dans le prochain rapport et que ce dernier présente aussi des informations concernant l'application de tous les articles de la Convention.

45. Il encourage le Gouvernement à accepter l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention concernant le calendrier de réunion du Comité.

46. Il encourage de même le Gouvernement à signer et à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

47. Le Comité prie le Gouvernement de donner dans son prochain rapport périodique des réponses aux questions spécifiques soulevées dans les présentes conclusions.

48. Le Comité prie le Gouvernement de diffuser largement les présentes conclusions au Myanmar afin d'informer la population, en particulier les hauts fonctionnaires de l'État et le personnel politique, des mesures prises pour garantir l'égalité de jure et de facto des femmes, et des mesures supplémentaires à prendre dans ce domaine. Il prie également le Gouvernement de continuer à diffuser largement la Convention, son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, ainsi que la Déclaration et le Programme d'action de Beijing, tout particulièrement auprès des associations de femmes et des organisations de défense des droits de l'homme.



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