398. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Pérou (CEDAW/C/13/Add.29) à sa 275e séance (27 janvier 1995).
399. En présentant ce rapport, qui avait été remis au Comité en 1991, et le document complémentaire qui le mettait maintenant à jour, la représentante du Pérou a souligné l'importance que le Gouvernement de ce pays attachait à l'application de la Convention, qu'il avait ratifiée en 1982. Elle a exposé les principales caractéristiques de la société péruvienne, faisant ressortir la grande différence existant entre les villes et les régions rurales, des lois particulières s'appliquant à chacune de ces deux sphères, et la volonté qu'avait eu le législateur de tenir compte de la spécificité locale dans la Constitution de 1993, qui notamment consacrait certaines coutumes ancestrales de la population autochtone. Le terrorisme, la récession économique et une inflation galopante avaient conduit le pays au bord de la catastrophe mais le Gouvernement avait décidé de mesures d'urgence pour stabiliser la situation politique et assurer le redressement du pays. Les principales mesures avaient consisté à réformer les structures de l'économie et du commerce extérieur, à promouvoir les droits de l'homme et la démocratie et à adopter une nouvelle constitution adaptée aux changements politiques, économiques et sociaux des années qui avaient précédé. Le pays était en train de donner corps à cette nouvelle constitution en établissant des règles de droit et des institutions qui en assureraient la permanence. Un programme de lutte contre la pauvreté, axé sur l'enseignement, la santé et l'administration de la justice et financé à l'aide d'apports nationaux et étrangers, avait été lancé en 1993 dans les régions les plus défavorisées du pays.
400. Les Péruviennes d'aujourd'hui, entre autres caractéristiques, n'étaient pas reléguées au second plan de la vie publique : nombreuses étaient celles qui étaient en mesure d'influer sur les orientations, à divers niveaux, ou jouaient un rôle moteur dans leur collectivité. Cela s'expliquait par le fait que, durant les 10 années précédentes, elles avaient été largement associées, en tant que figures éminentes ou responsables locales, aux mesures qui étaient nécessaires pour protéger la population contre les attentats et pourvoir à ses besoins essentiels. Le Gouvernement considérait que les groupements et organisations non gouvernementales de femmes jouaient un rôle très important et il avait pris l'initiative d'une loi qui leur assurait des moyens de financement et un soutien dans leur action. Une Commission permanente des droits de la femme et de l'enfant avait été créée au Ministère de la justice. Cet organe, qui était chargé d'assurer la coordination entre l'État et la société civile, effectuait des études et les diffusait, militait pour que les droits fondamentaux des femmes et des enfants soient protégés et que la loi soit modifiée, encourageait les mesures en faveur des femmes et des enfants et coordonnait les initiatives en ce sens avec le pouvoir exécutif, la société civile et les organisations internationales, élaborait un programme d'action pour les femmes et mesurait les résultats de son action. La Commission était composée de membres des organes de gouvernement et de représentants de l'Église, du secteur privé et des organisations non gouvernementales.
401. Les attentats terroristes avaient prélevé un lourd tribut et les femmes s'étaient de plus en plus souvent trouvées chefs de famille. Dans l'enseignement, les filles étaient maintenant presque aussi nombreuses que les garçons, constituant respectivement 50 et 40 % des élèves des établissements primaires et secondaires. Les femmes avaient encore des difficultés à exercer une activité professionnelle, car elles étaient tenues par leurs obligations familiales, qu'elles devaient encore maintenant assumer seules, sans que les hommes en prennent leur part. Bien que le taux de fécondité général ait baissé et que les femmes soient plus souvent informées des méthodes de contraception, la situation dans les régions rurales restait néanmoins très différente de celle des villes. La Constitution posait clairement en droit le principe de l'égalité de la femme et de l'homme et l'on était en train d'examiner si le Code civil, le Code du travail et le Code des mineurs étaient conformes aux orientations voulues. Dans tous les organes exécutifs, législatifs et judiciaires, des femmes étaient de plus en plus souvent nommées à des fonctions où elles pouvaient exercer une influence.
Observations générales
402. Le Comité a constaté avec satisfaction que le Pérou avait ratifié la Convention sans émettre aucune réserve et qu'il l'avait intégrée dans le droit interne, sur lequel elle l'emporterait en cas d'incompatibilité entre leurs dispositions respectives.
403. On a fait observer que le Pérou n'avait pas tenu compte dans ce deuxième rapport des observations qui lui avaient été faites lors de la présentation du rapport précédent et qu'il n'avait même pas suivi les directives générales. La représentante du pays a fait valoir qu'au moment où celui-ci établissait le deuxième rapport, en 1990, il était assailli par des difficultés particulièrement aiguës, qui avaient empêché certains organismes de fonctionner normalement. Mais il tiendrait certainement compte dans le rapport suivant des directives du Comité concernant l'établissement de ces documents.
404. On a rappelé que la première fois que le Pérou avait présenté un rapport, le Comité, qui était bien conscient des immenses difficultés du pays, avait demandé des précisions sur les organisations féminines pouvant exister. Le rapport à l'étude n'apportait aucune information utile à ce sujet. Il a été demandé si ce rapport avait été publié, et si les ONG avaient été consultées. La représentante du Pérou a indiqué sur ce second point qu'il y avait dans le pays 110 ONG de femmes, dont huit réseaux, qui avaient entrepris d'unir leurs efforts pour amener la société à voir les femmes sous un jour nouveau et obtenir que la spécificité de ce groupe soit prise en considération dans les politiques économique et sociale et que les femmes aient un pouvoir de décision dans la vie publique.
405. Certains membres du Comité craignaient que le manque de statistiques officielles sur la situation des femmes, dont le rapport faisait état, n'entretienne les préjugés sexistes qui empêchaient de bien comprendre ce qu'était cette situation. On a demandé ce que faisait le Gouvernement pour compléter ou actualiser ces données. La représentante du Pérou a assuré que les rapports suivants comprendraient les statistiques recueillies lors du recensement national de 1993; l'Institut péruvien de la statistique avait créé une commission interministérielle chargée de recueillir et de classer les statistiques servant d'indicateurs sociaux pour renseigner sur la situation des enfants, des jeunes et des femmes.
406. Il a été demandé, à propos des initiatives prises par le législateur depuis le rapport initial, si la loi qui protégeait le mieux contre la discrimination était la loi No 23506 ou la loi No 25011. La représentante du Pérou a indiqué que la loi No 23506, relative à l'habeas corpus et à l'amparo et promulguée en 1982, avait été modifiée en 1989 par la loi No 25011 et en 1992 par le décret-loi No 25433. Ces dispositions assuraient à tout citoyen, homme ou femme, les libertés individuelles garanties par la Constitution et les femmes pouvaient donc s'en prévaloir pour se faire reconnaître les droits définis par la Convention.
Questions relatives aux articles
Article 2
407. L'article 101 de la Constitution dispose que les traités internationaux auxquels le Pérou a adhéré sont appelés à faire partie intégrante de la législation nationale et que la Convention prend donc le parti des femmes et les protège contre toutes les formes de discrimination. Le Comité ayant exprimé des doutes quant à l'efficacité réelle de cette disposition, la représentante a déclaré qu'aux termes de la Constitution péruvienne, les traités internationaux conclus par le Pérou faisaient effectivement partie du droit interne et qu'en conséquence, l'article 2 de la Convention, qui établissait le principe de l'égalité et interdisait la discrimination fondée sur le sexe, faisait partie de la législation péruvienne. Elle a convenu qu'en dépit des progrès enregistrés sur le plan de la participation des femmes à la vie publique au cours des années 90, il subsistait toujours une inégalité de fait entre les femmes et les hommes.
408. Interrogée sur ce que signifiait concrètement la clause d'égalité figurant dans la loi nationale sur la population et sur le point de savoir si des voies de recours étaient ouvertes en cas de non-application à l'échelon local de la législation nationale sur l'égalité, la représentante a dit que la loi nationale sur la population établissait l'égalité entre les hommes et les femmes en matière de planification familiale et ouvrait un recours devant les tribunaux.
409. Selon le rapport, le nouveau Code civil promulgué en 1984 n'avait repris qu'un nombre relativement réduit de dispositions de l'ancien code concernant les femmes. Des membres du Comité ont demandé quel était le nombre de cas de discrimination à l'égard des femmes dont les tribunaux avaient été saisis en application du nouveau Code civil. La représentante a dit que le Code civil de 1936, qui était discriminatoire à l'égard des femmes, avait été remplacé par le Code civil de 1984 comme suite à la promulgation de la Constitution de 1979 et que les principales modifications introduites en matière de discrimination concernaient les femmes mariées. On ne disposait pas d'informations concernant les cas de discrimination ni sur le point de savoir s'ils donnaient lieu à des poursuites devant les tribunaux. Des études devraient être entreprises à cet égard.
Article 3
410. Quant à la nouvelle Constitution, qui était entrée en vigueur en décembre 1993, des préoccupations avaient été exprimées à propos d'un certain nombre de points, notamment le fait qu'on n'y retrouvait plus le principe de l'égalité fondamentale et que les droits économiques, sociaux et culturels ne figuraient pas parmi les droits fondamentaux. On a également fait observer que, dans l'ensemble, l'État n'assumait plus la responsabilité du bien-être social, par exemple la fourniture de services sanitaires, l'éducation et la redistribution des terres; on s'est inquiété de cette évolution qui avait des incidences négatives sur la situation des femmes et sur leur condition. La représentante a souligné que la Constitution politique de 1993 comportait des chapitres intitulés "Des droits fondamentaux de la personne", "Des droits sociaux et économiques" et "Des droits et des obligations politiques". Il était fait expressément référence dans ces trois chapitres au rôle dévolu à l'État dans les domaines de l'emploi, de la santé, de l'éducation, de la sécurité, des services publics et des infrastructures. En outre, le Gouvernement avait fait de l'élimination de la pauvreté une de ses priorités en lançant un vaste programme d'investissements publics en matière d'éducation, de santé et de justice. Dans le cadre de cette politique sociale, l'accent était mis sur les secteurs les plus vulnérables de la population, notamment les femmes et les enfants. De surcroît, l'article 4 de la Constitution stipulait clairement que la communauté et l'État avaient tous deux l'obligation d'assurer la protection des enfants abandonnés, des adolescents, des mères et des personnes âgées. La Constitution de 1993 prévoyait que la distribution des terres se ferait par le truchement des mécanismes du marché.
411. Abordant la question des politiques intégrées conçues spécifiquement à l'intention des femmes, la représentante a fourni des informations concernant ces politiques et leurs objectifs. Il s'agissait de promouvoir la participation des femmes au processus décisionnel, leur participation dans des conditions d'égalité et d'équité aux avantages du développement, l'égalité avec les hommes dans la vie publique, l'incorporation du principe de l'égalité entre les sexes dans toutes les grandes politiques et l'élimination des clichés culturels et des comportements stéréotypés. La représentante a également souligné que le Gouvernement coordonnait son action avec celle des ONG féminines, notamment en ce qui concerne la nutrition, la santé, les programmes éducatifs et les zones rurales. Elle a également mentionné d'autres activités de coordination centrées sur des questions concrètes.
412. On a demandé à la représentante si une préfecture de police pour les femmes avait été créée et, dans l'affirmative, comment elle fonctionnait. Elle a répondu que le Gouvernement avait établi, depuis 1988, 12 commissariats de police pour les femmes. Dans ces commissariats, qui bénéficiaient de l'appui des ONG féminines, les femmes pouvaient trouver un soutien juridique, psychologique et social. Toutes ces mesures étaient soutenues par les ONG féminines.
Article 5
413. Des membres du Comité ont relevé que des cas de viol, dont les victimes étaient des femmes rurales et des femmes autochtones vivant dans des régions en proie à des troubles civils, avaient été signalés par des organisations des droits de l'homme. On avait signalé 40 cas de viol qui auraient été commis par les forces de sécurité au cours d'interrogatoires menés dans ces régions. On estimait que 10 % seulement des victimes de viol faisaient état de ce crime devant les autorités, car il était difficile d'engager des poursuites contre les auteurs. On signalait également des cas de viol commis par des membres du Sentier lumineux. En réponse à des demandes d'information concernant les causes de la violence dont ces femmes étaient les victimes et les mesures de prévention qui avaient été prises, la représentante a indiqué que, d'après les enquêtes effectuées par le Gouvernement et par des ONG, des femmes avaient été les victimes d'activités terroristes auxquelles se livraient le Sentier lumineux et le Mouvement révolutionnaire de Tupac Amaru, ainsi que, dans certains cas, les forces de la police de sécurité. Des enquêtes étaient en cours à l'effet de poursuivre ces crimes.
414. Des organisations non gouvernementales péruviennes ont recueilli des données très complètes concernant les violences exercées à l'encontre des femmes, et des membres du Comité ont demandé quelles mesures ou initiatives concrètes le Gouvernement avait prises pour protéger les droits fondamentaux et la dignité des femmes, ainsi que l'intégrité de la personne physique des Péruviens en général. La représentante a répondu que la loi No 26260, promulguée en 1993, constituait le cadre juridique de la lutte contre la violence familiale. Cette loi, qui était appliquée dès à présent et que l'on s'efforçait de faire connaître du grand public, s'était accompagnée de la création à Lima de centres de conseil pour les femmes. On avait également apporté des modifications dans les programmes scolaires, des campagnes avaient été lancées pour faire connaître la loi et souligner son importance et on avait ouvert un grand nombre de commissariats de police pour les femmes.
Article 6
415. Lors de l'examen du rapport initial, le Comité avait demandé des renseignements complémentaires sur l'ampleur du problème de la prostitution, l'influence de la pauvreté sur ce phénomène et les mesures prises pour le combattre, notamment en créant des cartes d'identité sanitaire. Le rapport le plus récent faisait état d'un accroissement inquiétant du nombre de femmes trempant dans le trafic de drogues et le terrorisme, mais il passait sous silence le problème de la prostitution — en dépit du fait que les activités citées y menaient généralement. La représentante a été priée de dire au Comité si les maisons de prostitution étaient répandues et si les contrôles sanitaires étaient efficaces. Elle a répondu que la prostitution était réglementée par le Code pénal, qui prévoyait des contrôles sanitaires obligatoires. Des ONG effectuaient des études pour réunir davantage d'information et de statistiques sur la question, et le Gouvernement en prévoyait d'autres. La loi réprouvait la prostitution des enfants.
416. Comme on lui demandait si le Ministère de la justice avait pris des mesures pour améliorer la situation des femmes détenues, la représentante a répondu que les femmes représentaient presque 10 % de la population carcérale et qu'elles étaient détenues dans des prisons réservées aux femmes et dont la majorité des gardiens étaient des femmes. Il était précisé dans la résolution suprême No 047-92-JUS que les enfants des détenues pouvaient être pris en charge dans des homes en dehors des prisons jusqu'à leur quatrième anniversaire. La représentante a noté que nombre de meneurs du mouvement terroriste étaient des femmes et, par ailleurs, que des programmes de formation dans le domaine des droits de l'homme avaient été mis au point à l'intention de la police.
Article 7
417. Interrogée sur les mesures concrètes prises par le Gouvernement pour accroître la participation des femmes à la prise de décisions, la représentante a indiqué au Comité qu'il y avait deux femmes parmi les ministres du Gouvernement et que celui-ci avait mis en relief le rôle des femmes en en nommant à des postes de décision à différents échelons du gouvernement central et des administrations autonomes.
418. En ce qui concerne les renseignements concrets qu'on lui avait demandé de donner sur les femmes dans les divers secteurs de la vie publique et plus particulièrement dans la vie politique, la représentante a informé le Comité qu'en 1979, le droit de vote avait été accordé aux analphabètes, qui étaient surtout des femmes. Cependant, la participation des femmes à la vie politique était très faible et n'augmentait que lentement; à l'échelon local, d'après les statistiques, le pourcentage de femmes parmi les maires était de 5 % pour l'ensemble du pays et de 11,6 % dans le département de Lima. En 1990, l'ordre des experts comptables comptait 40 % de femmes parmi ses membres, et ce pourcentage se situait entre 20 % et 25 % en ce qui concernait les médecins, les avocats, les architectes et les odontologistes. Il convenait cependant de souligner également que la crise politique avait fait accéder de nombreuses femmes à des postes de dirigeant dans des partis politiques importants, et qu'à l'échelon local, la pauvreté et la violence avaient propulsé les femmes dans des rôles de premier plan où elles avaient acquis des qualités de négociatrices et de gestionnaires.
419. Le Comité a demandé à la représentante de lui donner des renseignements sur la proportion actuelle de femmes au Parlement, par rapport à 1991. La représentante a indiqué que, depuis 1992, elle avait légèrement augmenté et qu'elle atteignait actuellement 8 %.
Article 11
420. D'après le rapport, 81 % des femmes étaient au chômage total ou partiel. Les problèmes liés à l'emploi des femmes étaient d'autant plus importants que 23 % des ménages péruviens étaient dirigés par des femmes. Le pourcentage des femmes au chômage était aussi très élevé si l'on considérait que les femmes avaient accès à divers programmes d'éducation et de formation professionnelles. Parmi les raisons du taux de chômage élevé des femmes, la représentante a souligné que la lourde charge des responsabilités familiales restait un obstacle à l'emploi des femmes. Elle a dit au Comité que des associations avaient mis en place de nouvelles possibilités de garderie et que le Gouvernement collaborait avec l'UNICEF en vue de créer des garderies et d'ouvrir aux femmes de nouvelles possibilités d'emploi.
421. La représentante a informé le Comité que la loi No 24705 de 1987, qui reconnaissait à la femme au foyer le statut de travailleuse indépendante et, de ce fait, lui ouvrait l'accès aux services de santé et aux régimes de retraite garantis par la sécurité sociale, était effectivement appliquée.
422. En réponse à une question sur la proportion de femmes qui avaient accès à des services de protection sociale, la représentante a déclaré qu'aux termes de l'article 12 de la Constitution, le Gouvernement garantissait à tous l'accès à la sécurité sociale. Les femmes en bénéficiaient, qu'elles soient employées à l'extérieur du foyer ou travailleuses indépendantes, de la même façon que celles qui, âgées de 55 ans, avaient cotisé à la sécurité sociale pendant cinq ans au moins.
423. Interrogée sur les secteurs types dans lesquels hommes et femmes étaient employés, la représentante a répondu qu'en 1991, 67 % des femmes économiquement actives étaient employées dans le secteur tertiaire, ce qui représentait une augmentation de 10 % par rapport à 1981.
Article 12
424. Étant donné qu'en matière de planification familiale, certains services d'information et de consultation relevaient d'organismes privés et étaient financés par des organisations internationales, les membres du Comité avaient demandé quel pourcentage de la population pratiquait la planification familiale, quel était le profil de la population desservie et quelles initiatives le Gouvernement avait pris dans ce domaine. En réponse à ces questions, la représentante a indiqué que les femmes mariées étaient généralement au fait des méthodes de planification familiale. Parmi les femmes en âge de procréer (de 15 à 44 ans), 59 % pratiquaient une forme ou une autre de contraception : 56 % d'entre elles utilisaient des méthodes modernes tandis que 44 % préféraient les méthodes classiques. La méthode des rythmes naturels semblait connaître un regain de popularité. La représentante a précisé que le choix de la méthode était directement déterminé par la situation géographique (zone urbaine ou zone rurale) et le niveau d'éducation, les femmes vivant dans les zones urbaines et ayant reçu une bonne éducation tendant à préférer les méthodes modernes. En ce qui concerne l'action menée par les pouvoirs publics, la représentante a informé le Comité que le Fonds national pour la compensation et le développement social, l'un des principaux programmes visant à éliminer la pauvreté, avait consacré 7 % de son budget au secteur de la santé, essentiellement à l'amélioration et au développement des centres sanitaires. La couverture sanitaire par habitant demeurait certes inadéquate, mais elle avait doublé au cours des 10 dernières années. Les organismes publics chargés de la planification familiale étaient le Conseil national de la population, le Ministère de la santé et l'Institut péruvien de sécurité sociale.
425. En réponse à des questions sur les lois relatives à l'avortement et sur leur application, la représentante a fait savoir au Comité que le Code pénal de 1991, qui avait remplacé celui de 1924, prévoyait en pratique un emprisonnement de deux ans pour tout avortement illégal. Le Gouvernement péruvien considérait l'avortement comme un grave problème de santé publique et y voyait la cause principale de la mortalité maternelle, en particulier parmi les femmes pauvres. La représentante a ajouté que la loi n'autorisait les avortements que pour raisons médicales et ce, seulement lorsque la vie de la mère était en danger. Les médecins étaient passibles de peines plus lourdes, selon que la femme avait ou non donné son consentement et que l'avortement avait ou non entraîné chez elle des lésions ou occasionné sa mort.
426. Des membres du Comité ont demandé des informations sur la politique démographique du pays ainsi que des statistiques complémentaires sur la situation sanitaire. Ils ont également demandé s'il existait des données sur le taux d'utilisation des moyens contraceptifs. La représentante a cité des statistiques qui montraient qu'en 1993, le taux de mortalité maternelle était de 261 pour 100 000, alors qu'il était de 321 pour 100 000 en 1981. Elle a informé le Comité que le taux de mortalité maternelle chez les femmes sans instruction était supérieur à la moyenne nationale et au taux enregistré 10 ans auparavant. Cela tenait principalement à l'avortement et à l'insuffisance des conditions d'hygiène. Le taux de mortalité des nourrissons et celui des enfants s'établissait, en moyenne, à 64 et 92 pour 1 000, respectivement, pour la période 1981-1991. La représentante a informé le Comité qu'au Pérou, la moitié seulement des naissances étaient assistées par des professionnels de la santé. Dans les régions rurales, cependant, cette proportion tombait à 18 %. La représentante a fait observer que le nombre des personnes infectées par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et atteintes du sida augmentait et que, pour 1992-1993, il était supérieur au nombre total enregistré pour toute la période 1983-1991. Parmi les personnes touchées, il y avait de plus en plus de femmes et d'enfants. En dépit de l'incidence grandissante du sida, celui-ci n'avait pas fait l'objet d'une attention suffisante et les mesures prises par le système juridico-judiciaire pour juguler l'épidémie étaient inadéquates. La représentante a informé le Comité que, lorsque la maladie était apparue pour la première fois dans les pays, la proportion de femmes parmi les victimes était de 1 sur 20; à l'heure actuelle, elle était de 1 sur 4. Cette augmentation reflétait la vulnérabilité sociale, biologique et épidémiologique des femmes.
Article 14
427. On a dit qu'au Pérou, la plupart des femmes des zones rurales étaient chargées des tâches les plus basses dans les secteurs les plus traditionnels de la production agricole. Interrogée sur la question de savoir si des mesures étaient envisagées pour améliorer la situation, la représentante a dit que les femmes rurales jouaient un rôle de premier plan dans leurs communautés du fait que beaucoup d'hommes étaient morts ou avaient migré au cours des 10 dernières années. Elle a confirmé que la plupart des femmes n'exerçaient pas d'activité lucrative. Le Gouvernement mettait actuellement en oeuvre un projet qui reconnaissait le droit des femmes d'accéder à la terre qu'elles travaillaient elles-mêmes et, en conséquence, celui de posséder des biens. Un autre projet, destiné à permettre le transfert de technologie aux zones rurales, employait des femmes comme agents de vulgarisation. Un réseau, placé sous la direction de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et constitué de plusieurs organismes des secteurs public et privé, avait été créé pour venir en aide aux femmes rurales.
428. Des membres du Comité ont constaté avec inquiétude que, la décentralisation préconisée dans le plan national de régionalisation n'ayant pas pris effet, les femmes n'avaient aucune possibilité de participer à la prise de décisions. La représentante a rappelé que la violence et les crises économiques avaient conduit les femmes rurales à assumer certains fonctions publiques. Elle a souligné qu'au cours des 10 dernières années, le rôle des femmes, la perception que la société avait d'elles, et les attentes des femmes elles-mêmes, avaient changé. Elle a noté toutefois que si les femmes s'intégraient de plus en plus à la vie publique, où elles étaient de mieux en mieux acceptées, l'égalité des femmes dans la vie privée demeurait un problème.
429. Interrogée sur la question de savoir si le Gouvernement avait pris des mesures concrètes pour améliorer le niveau de vie des femmes autochtones, la représentante a dit qu'il s'était efforcé avant tout de répondre aux besoins fondamentaux des femmes rurales. À l'heure actuelle, le Ministère de l'agriculture mettait au point des programmes qui devaient permettre aux femmes d'accéder aux ressources. Il coordonnait aussi le réseau des organisations internationales et nationales qui ont pour vocation de venir en aide aux femmes rurales en les aidant à s'organiser, à obtenir des crédits et à les gérer.
Article 16
430. Des membres du Comité ont demandé des précisions sur le Code de la famille, le divorce et la façon dont sont jugés l'adultère commis par l'homme et l'adultère commis par la femme. La représentante a informé le Comité que le Code civil péruvien contenait un chapitre sur le divorce qui n'établissait pas de discrimination fondée sur le sexe. Répondant aux questions posées au sujet du versement d'une pension alimentaire après le divorce, la représentante a dit que la pension alimentaire était accordée, sans distinction de sexe, au membre du couple qui avait le moins de ressources, et que toute obligation à cet égard devenait automatiquement caduque lorsque la personne recevant la pension alimentaire se remariait.
431. Le Comité lui ayant demandé des statistiques sur le divorce et la garde des enfants (par la mère, le père ou d'autres personnes), la représentante a indiqué que le Gouvernement établissait actuellement des statistiques sur la question et était en train de déterminer les principales variables en cause.
Conclusions du comité
Introduction
432. Le Comité a félicité le Gouvernement péruvien d'avoir ratifié la Convention sans émettre de réserves. Le rapport n'était pas conforme aux directives de présentation, et il y manquait des détails importants, par exemple des statistiques diachroniques comparées (ce rapport étant le deuxième rapport périodique). Il ne contenait pas non plus certains renseignements demandés par le Comité lors de la présentation du premier rapport, par exemple sur la participation éventuelle d'organisations féminines à l'élaboration du rapport.
Aspects positifs
433. Le Comité a noté que la Convention faisait partie intégrante de la législation nationale péruvienne, et que c'était la Convention qui prévalait en cas de divergence.
434. Le Comité a noté que la Commission spéciale des droits de la femme avait été dissoute en 1990, mais qu'une Commission permanente des droits de la femme et de l'enfant, créée en 1994, avait été chargée de coordonner les activités visant les droits de la femme.
435. Le Comité a pris note de la promulgation d'une loi sur la violence au sein de la famille, soutenue par de nombreux groupements féminins, qui vient renforcer le rôle des commissariats de police pour les femmes dans les cas de violences exercées à l'encontre de femmes. De même, une loi avait été promulguée pour interdire la discrimination à l'égard des femmes enceintes.
436. Le Comité a constaté que le nombre de femmes juges avait augmenté au Pérou.
Principaux sujets de préoccupation
437. Le Comité a déclaré que la paix et le développement étaient indispensables à la promotion des droits de la femme, et devraient être poursuivis, alors même que le Gouvernement était aux prises avec une crise politique. Les effets de l'évolution politique récente du Pérou sur les femmes ont suscité des préoccupations, surtout pour l'exercice des libertés civiles.
438. Le Comité s'est inquiété des cas de viols, de viols collectifs et de viols en prison, rapportés preuves à l'appui par des organisations qui s'occupent de droits de l'homme, principalement de ceux qui se sont produits dans les "zones d'urgence", dont les victimes avaient été des femmes autochtones et des paysannes.
439. Le Comité s'est déclaré particulièrement préoccupé par la situation tragique des femmes et des enfants réfugiés ou déplacés dans des zones de réinstallation.
440. Le Comité s'est inquiété par ailleurs du taux de chômage élevé des femmes, qui les contraignait à trouver un emploi dans le secteur non structuré, où elles n'avaient accès ni au crédit, ni aux avantages sociaux, ni aux autres services de soutien.
441. Le Comité a de même été alarmé de constater que les femmes se livraient au trafic des drogues à petite échelle comme moyen de subsistance.
442. Si les femmes étaient de plus en plus nombreuses à entrer à l'université, le taux d'analphabétisme chez les femmes demeurait élevé.
443. Le Comité a jugé très préoccupant l'état de santé des femmes et des enfants au Pérou, notamment le taux élevé de mortalité maternelle dû aux avortements illégaux.
Suggestions et recommandations
444. Le Comité invite le Gouvernement à assurer la prestation de services sociaux dans des secteurs tels que l'éducation, l'emploi et la santé, qui touchent de particulièrement près les femmes.
445. Le Comité a vivement recommandé que le rôle joué par le Conseil national pour les droits de l'homme soit renforcé dans le cadre de son enquête sur les violations des droits fondamentaux des femmes détenues et des civils et demande des informations plus à jour et ventilées par sexe sur le registre national des détenus, ainsi que sur les cas de disparitions forcées.
446. Le Comité prie instamment le Gouvernement d'étudier les causes des taux élevés de mortalité maternelle dus aux avortements clandestins, de revoir la loi sur l'avortement, en tenant compte des besoins des femmes sur le plan de la santé, et d'envisager d'annuler ou de suspendre la peine d'emprisonnement prévue contre les femmes ayant subi un avortement illégal.
447. Le Comité suggère en outre que le Gouvernement sollicite le concours d'associations médicales ainsi que de juges et d'avocats pour donner une application plus large aux dispositions dépénalisant l'avortement lorsqu'il est pratiqué à des fins thérapeutiques, pour sauver la vie de la mère.
448. Le Comité demande que des mesures efficaces soient prises pour hâter l'intégration sociale des femmes déplacées et réfugiées.
449. Le Comité encourage le Gouvernement péruvien à faire en sorte que le renforcement de la famille conduise en même temps à un renforcement des droits individuels des femmes et à une répartition équitable des tâches entre les femmes et les hommes.
450. Le Comité recommande que l'organe chargé de coordonner les activités liées à la promotion des droits de la femme soit renforcé sur les plans politique et administratif afin de coordonner les politiques nationales visant à améliorer la situation et la condition des femmes.
451. Le Comité demande que le prochain rapport suive les directives de présentation et contienne des statistiques comparées.