54. Le Comité a examiné le rapport initial et le deuxième rapport périodique de Singapour (CEDAW/C/SGP/1 et CEDAW/C/SGP/2) à ses 514e, 515e et 522e séances, les 9 et 13 juillet 2001 (voir CEDAW/C/SR.514, 515 et 522).
55. Présentant les rapports, la représentante de Singapour a informé le Comité qu'à la suite de la ratification de la Convention, un groupe de travail interministériel avait été constitué pour suivre la mise en oeuvre des obligations du pays au titre de la Convention. Dans le cadre de l'élaboration du rapport, un dialogue a été également engagé avec les groupements de femmes de Singapour.
56. La représentante a indiqué que Singapour avait fait des progrès énormes au cours de ses 36 années d'indépendance pour ce qui est de réduire le taux de mortalité infantile et d'accroître le taux d'alphabétisation et l'espérance de vie des femmes. À l'heure actuelle, les femmes constituaient 42,4 % de la population active, et on comptait plus de femmes que d'hommes parmi les nouveaux diplômés des universités locales. Néanmoins, des améliorations étaient toujours nécessaires malgré ces progrès.
57. Les principes directeurs à l'origine des politiques de Singapour en matière d'égalité des sexes étaient l'égalité des chances fondées sur le mérite, l'épanouissement de la population, la démarginalisation des femmes qui ne devraient pas être traitées comme un groupe d'intérêt spécial et la constitution du capital social, l'accent étant mis en particulier sur le renforcement de la famille.
58. La représentante a expliqué que, s'il n'existait pas de lois spéciales contre la discrimination, la Constitution garantissait l'égalité de tous devant la loi. La Charte des femmes de 1961 était un instrument historique qui garantissait les droits des femmes en matière de mariage, de divorce, de biens matrimoniaux et d'entretien et de garde des enfants. En 1996, la Charte avait été modifiée pour y inclure des dispositions relatives à la violence dans la famille, à la répartition des biens matrimoniaux, à l'application des décisions octroyant une pension alimentaire et à la validité des mariages. Les cours et tribunaux traitaient les femmes sur un pied d'égalité à tous les niveaux des procédures et une assistance judiciaire était fournie à celles qui ne pouvaient pas s'attacher les services d'un avocat. En 1995, des tribunaux pour la famille avaient été créés pour régler les litiges familiaux. L'Administration of Muslim Law Act (loi sur l'administration du droit islamique) régissait les questions liées aux affaires religieuses, au mariage, au divorce et aux biens dans la communauté musulmane. S'agissant de la violence dans la famille, le Gouvernement avait adopté une approche multidisciplinaire et interinstitutions qui consistait à établir un réseau à l'échelle de l'île qui faisait intervenir les tribunaux, la police, les hôpitaux et les institutions chargées des services sociaux, des programmes de conseil obligatoires et non obligatoires à l'intention des auteurs d'actes de violence et des victimes ainsi que des programmes concertés d'éducation publique. Le Code pénal était rigoureusement appliqué pour les crimes tels que le viol et l'attentat à la pudeur d'une femme. En outre, la pornographie était interdite et le code de la publicité interdisait de présenter les femmes comme des objets sexuels.
59. La représentante a fait observer que les indicateurs de la santé avaient subi des améliorations considérables, en particulier chez les femmes. En 1999, le taux de mortalité maternelle était de 0,1 pour 1 000 naissances vivantes et mort-nés, l'un des plus faibles du monde. Le Comité national de la santé des femmes avait été créé en 1997. Les soins de santé au bénéfice des personnes âgées étaient l'une des principales préoccupations, les femmes étant les plus concernées vu leur plus longue espérance de vie.
60. La représentante a indiqué qu'en 35 ans, le taux d'alphabétisation avait augmenté de 20 % chez les hommes et de 46 % chez les femmes. Les femmes représentaient plus de 50 % des diplômés des universités locales. L'éducation, la formation et l'apprentissage continu étaient essentiels pour préparer les citoyens singapouriens face à une économie à forte intensité de connaissances. Bien que le taux général d'abandon scolaire n'était que de 3 % dans l'enseignement primaire et secondaire, les femmes représentant 45 % de ce groupe, le Parlement avait récemment adopté la loi sur l'éducation obligatoire qui prendrait effet en janvier 2003 et qui rendrait obligatoire l'inscription dans les établissements nationaux pendant les six années du cycle primaire.
61. Les femmes représentaient une part croissante de la population active et en 2000, l'écart de salaire avait été réduit à 78 %. Singapour s'apprêtait également à ratifier la Convention No 100 de l'Organisation internationale du Travail sur l'égalité de rémunération.
62. La représentante a expliqué que le ferme attachement des pouvoirs publics à la promotion sociale sur la base du mérite était la raison pour laquelle aucun quota n'avait été introduit au Parlement pour la représentation des femmes, qui demeurait au faible niveau de 6,5 %. Au niveau de l'appareil judiciaire, 42 % des juges des tribunaux inférieurs et 11 % des juges de la Haute Cour étaient des femmes.
63. La représentante a souligné que la société singapourienne considérait la famille comme étant la cellule de base et, au cours de l'année écoulée, un certain nombre de mesures en faveur de la famille avaient été adoptées et appliquées. Pour aider les mères qui avaient un emploi, le Gouvernement avait introduit des incitations fiscales à l'intention des femmes et des subventions pour les crèches.
64. La représentante a abordé la question des réserves de Singapour concernant la Convention, que le Gouvernement, après un examen minutieux, avait jugé nécessaire de maintenir eu égard aux lois, valeurs et pratiques du pays dans une société multiraciale et multiculturelle. Les réserves aux articles 2 et 16 de la Convention étaient liées à la loi sur l'administration du droit islamique qui protégeait la liberté des musulmans de Singapour d'appliquer leurs lois religieuses et personnelles. S'agissant de la réserve à l'article 9, la représentante a indiqué que la Constitution de Singapour disposait que la nationalité singapourienne par descendance était accordée à un enfant né hors du pays si le père était de nationalité singapourienne. Dans le cas d'un enfant né hors du pays d'une mère mariée à un étranger, une demande de nationalité devait être introduite. Singapour avait émis une réserve à l'article 11 de la Convention parce que, en raison de la législation sur l'emploi, cet article ne pouvait s'appliquer aux personnes occupant des postes de direction, d'encadrement ou exigeant la confidentialité ainsi qu'aux marins et au personnel domestique. Cette disposition n'était pas fondée sur le sexe et ne pouvait donc pas être discriminatoire à l'égard des femmes. Afin de maintenir son droit d'appliquer des politiques intérieures, Singapour avait émis une réserve au paragraphe 1 de l'article 29 de la Convention, ce qu'autorisait expressément le paragraphe 2 de l'article 29. Singapour avait émis des réserves semblables à d'autres traités auxquels il avait adhéré.
65. En conclusion, la représentante a noté que ces réserves n'avaient pas freiné l'amélioration générale de la condition de la femme à Singapour. Toutefois, Singapour les réexaminerait périodiquement. D'une façon générale, les lois et politiques de Singapour ne faisaient pas de différence entre les sexes et évoluaient en fonction des besoins de la société. Il serait souhaitable qu'à l'avenir les femmes participent en plus grand nombre à la vie politique et aux activités de la communauté et que les hommes partagent davantage les responsabilités ménagères. Il ne faisait guère de doutes que l'égalité entre les hommes et les femmes, qui était encore un idéal, deviendrait progressivement une réalité pour les Singapouriens.
Introduction
66. Le Comité remercie le Gouvernement de Singapour de lui avoir transmis le rapport initial et le deuxième rapport périodique, qui sont conformes aux directives du Comité en matière d'établissement de rapports. Il relève cependant que les rapports ne contiennent pas suffisamment de données statistiques ventilées par sexe.
67. Le Comité remercie le Gouvernement d'avoir envoyé une délégation nombreuse et de haut niveau, dirigée par la Secrétaire parlementaire principale du Ministère du développement communautaire et des sports. Il le remercie également d'avoir présenté un exposé audiovisuel et oral très intéressant sur les rapports, et lui sait fort gré des réponses très complètes qu'il a apportées aux questions posées.
68. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir su combiner la croissance économique avec des indicateurs sociaux extrêmement positifs pour les femmes dans le court laps de temps écoulé depuis son accession à l'indépendance.
69. Le Comité félicite l'État partie d'avoir réussi à obtenir de faibles taux de mortalité maternelle et infantile dans le pays, une longue espérance de vie des Singapouriennes, et un taux très élevé d'alphabétisation des femmes.
70. Le Comité note avec satisfaction que le Gouvernement singapourien a l'intention de faire bénéficier les pères employés dans la fonction publique d'un congé en cas de maladie d'un enfant.
71. Le Comité note également avec satisfaction les mesures prises pour combattre la violence contre les femmes, notamment l'adoption de procédures pénales et de procédures en matière de preuve qui protègent la vie privée des victimes, les amendements apportés en 1997 à la Charte sur les droits de la femme en élargissant la définition de la violence domestique ainsi que l'approche multidisciplinaire et interinstitutions appliquée par les pouvoirs publics dans ce domaine, qui associe les tribunaux, la police, les hôpitaux et les services sociaux.
72. Le Comité estime que les réserves de l'État partie entravent la pleine application de la Convention.
73. Le Comité s'inquiète vivement des réserves formulées par le Gouvernement singapourien à l'égard des articles 2, 9, 11 (par. 1) et 16 de la Convention.
74. Tout en étant conscient du fait que le caractère pluraliste de la société singapourienne et de son histoire exigent que l'on soit sensible aux valeurs culturelles et religieuses des différentes communautés, le Comité souhaite néanmoins préciser que les articles 2 et 16 représentent l'essence même des obligations découlant de la Convention. Certaines réformes ayant déjà été apportées au droit des personnes musulman, le Comité demande instamment à l'État partie de poursuivre ce processus de réforme en consultation avec les membres de différents groupes ethniques et religieux, notamment les femmes. Il recommande à l'État partie d'étudier les réformes apportées dans des pays ayant des traditions juridiques similaires aux fins de revoir et de modifier les lois relatives aux personnes de façon à les aligner sur la Convention, et de retirer ses réserves.
75. Le Comité demande instamment à l'État partie de modifier encore la loi sur la nationalité de façon à éliminer la discrimination à l'égard des femmes, et de retirer sa réserve à l'article 9. L'explication selon laquelle, du fait que la double nationalité n'est pas reconnue, une Singapourienne ne peut pas transmettre sa nationalité à son enfant lorsqu'elle épouse un étranger et que l'enfant naît à l'étranger, n'est pas convaincante. Le Comité souhaite faire observer que, comme dans nombre de pays, dont Singapour, tant la mère que le père peuvent transmettre leur nationalité aux enfant nés dans le pays, le même problème peut se poser en ce qui concerne les enfants nés de Singapouriens et d'étrangères.
76. Le Comité recommande que les dispositions de la loi sur l'emploi soient étendues de façon à s'appliquer aussi aux personnes occupant des postes de direction, d'encadrement et de confiance. Il estime que la possibilité d'engager des négociations individuelles et l'existence de meilleures conditions de travail dans ces secteurs ne justifie pas l'absence de protection juridique ni la réserve à l'article 11.
77. Le Comité se déclare préoccupé de voir que le fait que les dispositions de la loi sur l'emploi n'aient pas été étendues au personnel domestique a pour résultat une discrimination à l'égard des femmes qui sont employées de maison, et qui se voient aussi dénier une protection juridique. La condition selon laquelle le consentement de l'employeur actuel est nécessaire pour changer d'emploi risque par ailleurs de dissuader ces employées de se plaindre auprès des autorités gouvernementales, et constitue un autre sujet de préoccupation.
78. Le Comité demande instamment au Gouvernement singapourien de modifier la loi sur l'emploi de façon à couvrir ces secteurs et de retirer ses réserves à l'article 11.
79. Tout en reconnaissant l'importance de la famille en tant qu'unité sociale de base, le Comité estime que le concept des valeurs asiatiques concernant la famille, notamment le fait que l'époux a le statut juridique de chef de ménage, risque d'être interprété de façon à perpétuer les rôles stéréotypés des sexes au sein de la famille, renforçant ainsi la discrimination à l'égard des femmes, et cela le préoccupe.
80. Le Comité demande instamment au Gouvernement de veiller à ce que le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, y compris la famille, et la pleine jouissance par les femmes de leurs droits humains, soit incorporé dans les lois, les politiques et les programmes concernant la famille.
81. Le Comité constate aussi avec préoccupation l'interdiction faite aux employés de maison de continuer à travailler lorsque des poursuites pénales sont engagées contre leur employeur, et que cette situation les oblige à quitter Singapour sans être indemnisés par leur employeur. Par ailleurs, l'absence de ces employés, qui auraient pu témoigner, rend moins probable toute condamnation de leur employeur, et cela aussi est préoccupant.
82. Le Comité exhorte le Gouvernement de Singapour à lever l'interdiction susmentionnée et à prendre les dispositions nécessaires pour que les employés de maison puissent témoigner contre leur employeur avant de quitter Singapour.
83. Le Comité s'inquiète du fait que l'intégration d'une démarche soucieuse de l'égalité entre les sexes en ce qui concerne la législation, les politiques et les programmes n'est pas bien comprise par le Gouvernement singapourien.
84. Le Comité exhorte le Gouvernement singapourien à réexaminer toutes ses politiques aux fins de prévenir la discrimination directe et indirecte et de réaliser l'égalité de fait entre les sexes.
85. Le Comité s'inquiète du fait que l'écart entre les salaires des femmes et des hommes provient peut-être d'une attitude discriminatoire de la part des employeurs, ainsi que d'une vue stéréotypée des emplois selon le sexe et de l'évaluation du lieu de travail.
86. Le Comité demande instamment au Gouvernement de revoir la question de l'écart entre les salaires des hommes et des femmes, notamment en examinant les résultats des recherches sur le principe d'un salaire égal pour un travail de valeur égale, tant dans le secteur de l'emploi public que privé. Il engage aussi vivement le Gouvernement à remédier à la situation dans le secteur de l'emploi public, là où besoin en est, et à lancer des campagnes de sensibilisation pour encourager les partenaires dans la société à aborder cette question.
87. Le Comité s'inquiète du faible niveau de représentation des femmes dans la sphère politique et dans le domaine de la prise de décisions.
88. Le Comité exhorte le Gouvernement de Singapour à redoubler d'efforts pour renforcer la représentation des femmes dans la sphère politique et dans le domaine de la prise de décisions, en appliquant le principe de la méritocratie d'une façon soucieuse de la parité entre les sexes et en adoptant des mesures destinées à garantir la participation des femmes dans ces domaines, sur un pied d'égalité avec les hommes. Ces mesures pourraient comprendre notamment l'imposition de quotas minimaux pour les candidatures de femmes lors de scrutins politiques.
89. Le Comité prie le Gouvernement d'améliorer la procédure concernant les plaintes relatives à la violation des droits constitutionnellement garantis à l'égalité, de façon que les femmes puissent faire appel des actes de discrimination à leur égard.
90. Le Comité se préoccupe particulièrement des autres délits que pourrait provoquer la traite des femmes, compte tenu du fait que la situation géographique de Singapour fait de ce pays un point de passage désigné pour cette traite. Il trouve également préoccupant que la faiblesse des services de police risque de saper les efforts déployés par le Gouvernement pour éliminer ce trafic.
91. Le Comité exhorte le Gouvernement de Singapour à continuer de suivre la situation concernant le trafic et d'appliquer strictement la législation pénale à l'encontre des trafiquants. Il demande aussi à l'État partie d'inclure des informations sur le trafic de personnes dans son prochain rapport périodique.
92. Le Comité s'inquiète de l'imposition d'un quota maximum applicable au nombre des étudiantes en médecine.
93. Le Comité exhorte le Gouvernement à faire disparaître ces quotas et à mettre en place des dispositions pour les garderies d'enfants et les horaires de travail souples afin d'encourager les femmes médecins à pratiquer effectivement leur profession.
94. Le Comité engage vivement le Gouvernement à signer et à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à déposer aussitôt que possible l'instrument d'acceptation de l'amendement du paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention relatif à la durée des sessions du Comité.
95. Dans le prochain rapport qu'il présentera en vertu de l'article 18 de la Convention, le Comité prie le Gouvernement de répondre aux questions soulevées dans les présentes conclusions. Par ailleurs, il exhorte le Gouvernement à améliorer la collecte et l'analyse des données statistiques, ventilées selon le sexe, l'âge et le groupe ethnique ou religieux et de communiquer ces données au Comité dans son prochain rapport.
96. Le Comité prie le Gouvernement de diffuser largement les présentes conclusions à Singapour, afin d'informer les citoyens et en particulier les hauts fonctionnaires de l'État et le personnel politique des mesures prises pour garantir l'égalité de droit et de fait des femmes et des hommes ainsi que des mesures supplémentaires qu'il convient de prendre à cet égard. Il prie également le Gouvernement de diffuser largement, notamment auprès des associations de femmes, le texte de la Convention et de son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d'action de Beijing et le document issu de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».