81. Le Comité a examiné le rapport initial de la Slovénie (CEDAW/C/SVN/1) à ses 314e, 315e et 321e séances, les 15 et 20 janvier 1997 (voir CEDAW/C/SR.314, 315 et 321).
82. Le rapport a été présenté par le Représentant permanent de la Slovénie, qui a souligné l'importance attachée par son gouvernement aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, notamment à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, et s'est déclaré en faveur de l'adoption à brève échéance du protocole facultatif y relatif.
83. La Directrice du Bureau pour les droits des femmes a ensuite présenté une mise à jour du rapport initial de la Slovénie, soumis au Secrétariat en 1993, conformément à l'article 18 de la Convention. Elle a souligné que le rapport avait été établi par le Bureau durant la période de restructuration économique et politique, en collaboration avec les ministères et d'autres organismes concernés, notamment les organisations non gouvernementales. S'il était difficile pour le moment d'évaluer les conséquences de la transition sur la condition des femmes, la Slovénie avait néanmoins établi une mise à jour en appendice au rapport initial présenté au Comité au début de 1997. Les informations contenues dans ce document permettaient une évaluation initiale de la situation.
84. Le Comité a été informé que le Bureau pour les droits des femmes avait été mis en place au début de la transition du socialisme vers la démocratie parlementaire. Créé par le Gouvernement en juillet 1992, cet organe gouvernemental de coordination des politiques était chargé d'assurer le respect effectif des droits des femmes garantis par la Constitution, la législation et les conventions internationales. La création de ce bureau marquait une étape importante vers l'intégration du principe de l'égalité entre les sexes dans les politiques gouvernementales.
85. Le représentant de la Slovénie a donné un aperçu de la situation politique, économique et juridique de son pays et exposé ses conséquences sur la condition des femmes. La Slovénie était un pays en transition qui avait préservé un niveau relativement élevé de protection sociale dans un environnement de stabilité économique et de croissance. Le chômage et d'autres problèmes liés à la transition avaient moins affecté les femmes que les hommes. Le Comité a pris note de la situation générale et centré son attention sur les questions relatives aux droits des femmes; il a également pris note de la manière dont les droits des femmes étaient garantis et protégés par la Constitution, du degré de participation des femmes slovènes à la prise de décisions politiques et de la manière dont elles participaient au processus de démocratisation en cours.
86. Le Gouvernement était particulièrement préoccupé par la persistance des stéréotypes féminins traditionnels et de certaines formes de discrimination de fait à l'égard des femmes. En ce qui concerne l'éducation, il était indiqué, si elles avaient généralement un niveau d'instruction élevé, qu'il existait des différences marquées quant au choix d'une filière par rapport aux hommes; elles étaient en effet davantage attirées par les disciplines qui leur étaient traditionnellement réservées. Par ailleurs, les femmes, surtout quand elles étaient jeunes et instruites, avaient des difficultés à trouver un emploi. Elles ne bénéficiaient pas des mêmes avantages que les hommes en matière de retraite, du fait qu'elles étaient généralement employées dans les secteurs à bas salaire et qu'elles prenaient des congés fréquents pour s'occuper de leurs enfants. Au regard de la loi, les parents avaient tous deux le droit de prendre un congé parental mais, dans la pratique, les pères n'assumaient pas un rôle égal dans les soins à donner aux enfants et dans leur éducation. En ce qui concerne la santé en matière de reproduction, le Comité a noté que le droit à l'avortement était garanti par la Constitution, mais son attention a été éveillée sur le taux élevé des avortements, en dépit de la disponibilité des moyens contraceptifs et des services consultatifs dans ce domaine.
87. En conclusion, le représentant de la Slovénie a reconnu que beaucoup restait à faire pour établir l'égalité totale entre les femmes et les hommes et assuré le Comité que son gouvernement était disposé à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre les principes établis dans la Convention.
Conclusions du Comité
Introduction
88. Le Comité s'est félicité du haut niveau de représentation du Gouvernement et a loué le fait qu'après son accession à l'indépendance, la Slovénie avait rapidement accepté les obligations internationales en matière de droits de l'homme assumées par l'ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie. Il a félicité le Gouvernement d'avoir soumis, dans les délais prescrits, un rapport bien structuré, informatif et honnête, qui suivait les directives qu'il avait établies et décrivait de manière franche la situation des femmes en Slovénie. Il a également accueilli avec satisfaction la communication de données statistiques supplémentaires détaillées dans certains domaines et ventilées par sexe, de même que les réponses précises données à ses questions, à la fois sous forme orale et écrite. Le Comité a également pris note de l'appui du Gouvernement slovène à l'élaboration d'un protocole facultatif relatif à la Convention et applaudi le fait qu'un plan d'action était actuellement mis au point en vue de l'application du Programme d'action de Beijing.
Facteurs et difficultés affectant l'application de la Convention
89. Le Comité connaissait les difficultés rencontrées par la Slovénie du fait de la transition vers la démocratie et une économie de marché et de la nécessité d'instaurer une société civile différente. Nombre de ces difficultés pouvaient avoir, et ont en fait, un impact négatif sur la situation des femmes en Slovénie et entravé l'application juridique et pratique de la Convention. Le Comité savait également que la société slovène avait généralement une conception stéréotypée du rôle de chaque sexe et des activités "appropriées" de l'un et de l'autre. Ces stéréotypes n'avaient pas été remis en question sous le système politique précédent, malgré son attachement à l'égalité formelle entre les femmes et les hommes.
Aspects positifs
90. Le Comité s'est félicité de la sensibilité à l'égard des problèmes spécifiques aux femmes exprimée par le Gouvernement slovène et certains secteurs de la nouvelle société civile, en particulier parmi les organisations non gouvernementales s'occupant de la question.
91. Le Comité a noté avec satisfaction les nombreuses garanties données par la Constitution slovène en matière de droits de l'homme et en particulier celles relatives aux droits des femmes. Il s'est félicité du fait que la Convention primait sur la législation nationale ainsi que de l'effet immédiat de la Convention dans le système juridique slovène, de la législation accordant aux femmes l'égalité de jure, et de l'intégration des principes relatifs aux droits de l'homme dans le processus de réforme législative en cours et dans la nouvelle politique.
92. Le Comité s'est félicité de l'existence d'un mécanisme actif pour les questions relatives aux femmes — le Bureau pour les droits des femmes — créé en 1992, qui fonctionne en tant que service consultatif gouvernemental indépendant, conseillant le Gouvernement sur la législation, les politiques et les programmes et qui, par le biais de campagnes et de programmes, s'efforce de sensibiliser la population aux spécificités des hommes et des femmes.
93. Le Comité a loué les efforts déployés par le Gouvernement, afin d'éliminer l'image stéréotypée des femmes dans les médias et la publicité, de même que le programme national pour les ménages qui avait pour but d'aider les jeunes couples à partager les tâches ménagères et les responsabilités familiales de manière non stéréotypée.
94. Le Comité a noté que le Gouvernement slovène était informé de la violence généralisée à l'égard des femmes dans le domaine privé et qu'il mettait au point, par le biais de son mécanisme national et en soutenant les ONG menant une action en faveur des femmes, des mesures visant à combattre cette violence et à aider les victimes. Il s'est également félicité des mesures prises en vue de promulguer de nouvelles lois tendant à protéger les prostituées.
95. Le Comité a loué les efforts particuliers déployés à titre temporaire par le Bureau pour les droits des femmes, afin de sensibiliser l'opinion et d'introduire des mesures visant à accroître la représentation des femmes au Parlement. Il a noté avec satisfaction le nombre élevé de femmes dans la magistrature et les chiffres prometteurs concernant le nombre de femmes inscrites dans les facultés de droit des universités slovènes. Il a également noté la représentation importante des femmes aux postes administratifs de responsabilité. Le Comité s'est félicité du fait que de nombreuses organisations non gouvernementales s'occupant des questions relatives aux femmes avaient été créées sur une période relativement courte, et de la coopération encouragée par le Bureau pour les droits des femmes avec les ONG, notamment pour l'élaboration du rapport, ainsi que de la formulation d'un plan d'action national visant à appliquer le Programme d'action de Beijing.
96. Le Comité a félicité le Gouvernement du haut niveau d'instruction des femmes en Slovénie, des réformes envisagées dans l'enseignement et des efforts qui avaient été faits pour inclure l'éducation en matière de droits de l'homme aux différents niveaux des plans d'études. Il a noté avec satisfaction que certaines universités dispensaient des cours sur les études féminines et que l'impact de l'image des femmes donnée dans les manuels scolaires était en cours d'examen.
97. Le Comité a pris note de l'existence d'un système de garderies qui fournit des services à un peu plus de 50 % des enfants jusqu'à l'âge de 6 ans. Il s'est félicité de la révision de la législation du travail et de la mise au point de nouvelles dispositions sur l'égalité dans ce domaine. Il s'est également félicité du fait que, dans cette législation du travail, le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale serait examiné. Le Comité a noté avec satisfaction le pourcentage élevé de femmes occupant un emploi. Il s'est félicité des mesures envisagées afin d'éliminer le langage sexiste utilisé dans les classements d'emplois et la publicité, et a noté avec satisfaction l'examen d'un projet de loi sur le congé parental qui accorderait une plus grande part de responsabilité aux pères.
98. Le Comité a noté avec satisfaction que le droit à l'avortement figurait désormais dans la Constitution slovène.
Principaux sujets de préoccupation
99. Le Comité était préoccupé par le fait que le Bureau pour les droits des femmes n'avait qu'un rôle consultatif et dépendait donc de la volonté politique du Gouvernement, et que les ressources humaines et financières à sa disposition étaient sans doute insuffisantes, compte tenu des tâches qu'il avait à accomplir.
100. Le Comité a également noté avec préoccupation la persistance des stéréotypes concernant les rôles de chaque sexe et souligné qu'ils risquaient d'être renforcés par les changements économiques, sociaux et culturels difficiles auxquels la population slovène était confrontée. À son avis, l'une des conséquences de cette conception stéréotypée du rôle de chaque sexe était que les femmes devaient accomplir la plupart des tâches ménagères, assumant ainsi une double charge de travail.
101. Divers membres du Comité se sont également inquiétés de savoir si l'ampleur réelle de la violence contre les femmes était connue et si les mesures prises suffiraient non seulement à la combattre mais également à aider les victimes. Le Comité a prié le Gouvernement de s'assurer que la police apportait son aide aux victimes de violences, que les juges s'efforçaient de mieux comprendre les ressorts de la violence contre les femmes et que les victimes étaient placées dans des foyers d'hébergement pour y recevoir des conseils et se refaire une existence.
102. Le Comité a noté avec une profonde préoccupation que le nombre de femmes représentées dans la vie politique était en baisse, malgré les diverses mesures qui avaient été prises dans ce domaine.
103. Le Comité s'est inquiété du nombre particulièrement élevé d'étudiantes dans certaines disciplines n'offrant pas suffisamment de débouchés professionnels, et ce, aussi bien dans les établissements d'enseignement secondaire que dans les universités.
104. Le Comité s'est inquiété de ce que moins de 30 % des enfants de moins de 3 ans et un peu plus de la moitié des enfants de 3 à 6 ans fréquentent des garderies d'enfants, considérant que les enfants confiés aux soins de membres de leur famille et autres particuliers ne bénéficient pas des mêmes avantages éducatifs et sociaux.
105. Le Comité a noté avec inquiétude que les femmes étaient particulièrement nombreuses dans certains métiers et professions et à certains échelons professionnels. Il a pris note de la féminisation de la profession médicale et de la faiblesse des salaires dans ce secteur. Il s'est alarmé du nombre élevé de jeunes femmes à la recherche d'un premier emploi, craignant que l'impossibilité de s'insérer dans le monde du travail ne les confine dans le rôle de femme au foyer. À cet égard, le Comité a relevé que les économies de marché tendent malheureusement à favoriser les employés masculins, lesquels, en vertu de la répartition traditionnelle des rôles et du travail entre les sexes, sont censés ne pas avoir de responsabilités familiales.
106. Le Comité s'est inquiété d'une possible institutionnalisation du travail temporaire pour les femmes qui les marginaliserait sur le marché de l'emploi et en ferait la proie d'une discrimination indirecte. Il s'est également inquiété de ce que l'application aux femmes de normes spécifiques de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles pourrait favoriser les pratiques discriminatoires à leur encontre en matière d'emploi.
107. Le Comité a relevé avec inquiétude le nombre très élevé d'avortements et le taux corrélativement faible d'utilisation de contraceptifs. Il s'est par ailleurs déclaré préoccupé par l'importance du nombre des familles monoparentales, qui étaient généralement dirigées par des femmes.
Suggestions et recommandations
108. Le Comité a recommandé que la révision législative en cours tienne compte des formes occultes, indirectes et structurelles de la discrimination à l'égard des femmes et a préconisé l'élaboration de mesures temporaires spéciales en matière de politique, d'éducation, d'emploi et d'égalité de droit et de fait entre les sexes. Il a recommandé d'informer pleinement l'administration judiciaire des formes indirectes et structurales de la discrimination à l'égard des femmes et de ce que signifiait l'égalité de fait et la notion de mesures temporaires spéciales.
109. Le Comité a mis en garde le Gouvernement slovène ainsi que les organisations non gouvernementales de femmes contre le fait que la notion d'intimité de la vie familiale et le rôle des femmes en matière de procréation pouvaient être utilisés pour occulter des violences contre les femmes et renforcer les stéréotypes sexuels.
110. Le Comité a recommandé la création du poste de médiateur pour les questions relatives à l'égalité des sexes qui avait été proposée.
111. Le Comité a recommandé la mise en place d'une procédure officielle d'enregistrement des plaintes concernant la publicité sexiste et la création d'un organisme officiel extérieur à la Chambre de commerce qui serait chargé d'examiner leur bien-fondé et habilité à sanctionner les entreprises publicitaires incriminées.
112. Le Comité a recommandé au Gouvernement slovène de poursuivre ses efforts concernant l'éducation politique des femmes et des hommes et des partis politiques et de prendre des mesures temporaires spéciales propres à accroître la représentation des femmes à tous les niveaux de la vie politique.
113. Le Comité a suggéré au Gouvernement slovène de faire en sorte que les étudiantes soient incitées à opter pour une large somme de disciplines afin de ne pas toutes se retrouver dans les mêmes filières dans les établissements secondaires et à l'université, notamment en les faisant bénéficier d'une orientation spécifique et en prenant des mesures temporaires fixant des objectifs quantitatifs à atteindre dans un temps donné. Il lui a par ailleurs recommandé de prendre les mesures voulues pour que les questions concernant les femmes soient étudiées officiellement à l'université et fassent partie des programmes scolaires. Le Comité a proposé au Gouvernement slovène de s'assurer que l'enseignement était libre de tout préjugé sexiste et de prendre des mesures concrètes pour débusquer les contenus et les pratiques didactiques entretenant des stéréotypes.
114. Le Comité a recommandé la création de garderies d'enfants plus officielles et plus institutionnalisées pour les enfants de moins de 3 ans ainsi que pour ceux de 3 à 6 ans.
115. Le Comité a fermement recommandé que la législation du travail révisée comporte des dispositions propres à favoriser l'égalité entre les sexes et à mettre un terme à la discrimination envers les femmes et prévoie des sanctions importantes en cas de non-respect de ces dispositions. Il a également recommandé l'adoption de mesures temporaires spéciales assorties d'objectifs quantitatifs concrets à atteindre dans un temps donné qui permettent de faire pièce à la ségrégation des sexes sur le marché de l'emploi. Il a en outre fermement recommandé l'adoption d'une loi instituant le congé parental et obligeant les pères à prendre une partie de ce congé.
116. Le Comité a encouragé le Gouvernement slovène à mettre en place des programmes d'assistance aux femmes qui souhaitent créer leur propre entreprise, à informer les banques et autres institutions pertinentes des capacités des femmes dans ce domaine et à créer des emplois publics à l'intention des jeunes femmes et à lutter contre le chômage qui les frappe en adoptant des mesures spécifiques, notamment en fixant des quotas de recrutement qui tiennent compte de leur taux de chômage.
117. Le Comité a également recommandé au Gouvernement slovène de prendre les mesures voulues pour accélérer la collecte de données dans le secteur de la santé et permettre ainsi l'élaboration de lois, de politiques et de programmes.
118. Le Comité a recommandé que les efforts en cours pour restructurer les systèmes financiers sur lesquels reposaient les prestations de soins de santé et de sécurité sociale, notamment les pensions, évitent de pénaliser les femmes en tant que salariées et bénéficiaires de ces prestations.
119. Le Comité a suggéré que soit étudiée la cause du taux élevé d'avortements chez les femmes slovènes. Il a fortement recommandé que les hommes et les femmes soient informés de toute la gamme des moyens de contraception sûrs et fiables, en soulignant que les deux sexes devaient partager la responsabilité de la planification familiale et en recommandant que ces moyens soient mis à la disposition du plus grand nombre.
120. Le Comité a recommandé que l'éducation dans le domaine de la sexualité et de la santé en matière de reproduction traite des relations entre les deux sexes et du problème de la violence contre les femmes, et que les professionnels de santé suivent une formation leur permettant de déceler les cas de violence contre les femmes et de prendre les mesures appropriées.
121. Le Comité a recommandé que les dispositions soient renforcées pour le dépistage précoce et le traitement préventif du cancer du sein.
122. Le Comité a engagé instamment le Gouvernement slovène à diffuser largement les présentes observations finales en Slovénie afin que les Slovènes soient informés des mesures prises ou à prendre pour assurer l'égalité de fait entre les sexes.