Observations finales concernant les premier et deuxième rapports combinés du Swaziland *
1.Le Comité a examiné les premier et deuxième rapports périodiques combinés du Swaziland (CEDAW/C/SWZ/1-2) à ses 1231e et 1232e séances, le 10 juillet 2014 (voir CEDAW/C/SR.1231 et 1232). La liste des questions et problèmes figure dans le document CEDAW/C/SWZ/Q/1-2 et les réponses du Swaziland figurent dans le document CEDAW/C/SWZ/Q/1-2/Add.1.
A.Introduction
2.Le Comité remercie l’État partie de la présentation de ses premier et deuxième rapports périodiques combinés, quoique après un long retard. Il est sensible aux réponses écrites de l’État partie à la liste de questions et problèmes soulevés par le groupe de travail d’avant-session et il se félicite de la présentation orale par la délégation et des nouveaux éclaircissements apportés en réponse aux questions qu’il a posées oralement durant le dialogue.
3.Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation, présidée par Mme Khangeziwe Mabuza, Premier Secrétaire du Cabinet du Vice-Premier Ministre. La délégation était composée de représentants du Cabinet du Vice-Premier Ministre et de la Mission permanente du Swaziland auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, ainsi que d’autres organisations internationales à Genève.
B.Aspects positifs
4.Le Comité se félicite des progrès réalisés depuis la ratification de la Convention, en particulier de l’adoption des mesures législatives suivantes :
a)La loi de 2012 relative à la protection et au bien-être des enfants;
b)La loi de 2009 relative à (l’interdiction de) la traite de personnes et du trafic de migrants.
5.Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour améliorer son cadre réglementaire, accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et promouvoir l’égalité des sexes, notamment des dispositions suivantes :
a)La politique nationale d’égalité des sexes, approuvée par le Cabinet en 2010;
b)Le Plan stratégique pour la commodité et la sécurité de la santé procréative 2008-2015.
6.Le Comité se félicite de l’adhésion de l’État partie aux instruments internationaux suivants :
a)Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2012;
b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mette en scène des enfants, en 2012;
c)Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en 2004;
d)Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2004;
e)Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, en 2004;
f)Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2012;
g)Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer additionnel à la Convention des Nations Unies contre criminalité transnationale organisée, en 2012.
C.Principaux domaines de préoccupation et recommandations
Parlement
7.Le Comité souligne le rôle crucial qui incombe au pouvoir législatif de veiller à la pleine application de la Convention (voir la déclaration du Comité sur "sa relation avec les Parlementaires", adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement, conformément à son mandat, à prendre les mesures nécessaires concernant l’application des présentes observations finales entre aujourd’hui et la date du prochain rapport aux termes de la Convention.
Définition de la discrimination et du cadre législatif
8.Bien que le Comité note que l’article 20 de la Constitution dispose que toutes les personnes sont égales devant la loi et interdit la discrimination fondée sur certaines considérations particulières, il regrette que ces considérations n’englobent pas les questions de sexe et d’état matrimonial. Le Comité note en outre avec préoccupation qu’un certain nombre de projets de loi et de politiques ayant des répercussions sur les droits de la femme, tels que ceux sur le mariage, sur l’administration des successions, sur la criminalité transnationale, sur l’emploi, sur l’aide juridique, sur les délits sexuels et la violence domestique, de même que la politique foncière, restent en attente, sans délai précis pour leur adoption. Le Comité s’inquiète également de ce que l’amendement à la loi sur l’enregistrement des actes de 2012, après l’arrêt de la Haute Cour sur l’affaire Attorney General versus Mary-Joyce n’a pas été amplement diffusé parmi la population féminine et de ce que son application laisse à désirer.
9. Le Comité exhorte l ’ État partie à adopter une définition juridique globale de la discrimination à l ’ égard des femmes conforme à l ’ article premier de la Convention, traitant toutes les formes interdites de discrimination, y compris le sexe et le statut matrimonial, en amendant l ’ article 20 de la Constitution ou en adoptant d ’ autres textes législatifs nationaux appropriés. Il importe que l ’ État partie adopte d ’ urgence les lois et politiques en attente, telles que les projets de loi sur le mariage, sur l ’ administration des successions, sur la criminalité transnationale, sur l ’ emploi, sur l ’ aide juridique, sur les délits sexuels et la violence domestique et la politique foncière; et qu ’ il veille à ce que ces textes soient pleinement conformes à la Convention. Le Comité recommande également à l ’ État partie de diffuser largement la loi sur l ’ enregistrement des actes de 2012 et de veiller à sa pleine application.
Statut juridique de la Convention et harmonisation des lois
10.Le Comité note que l’État partie a un régime juridique pluraliste selon lequel le droit coutumier et le droit statutaire sont applicables parallèlement au droit romain-néerlandais. Toutefois, le Comité déplore le fait que certains éléments du droit coutumier et du droit statutaire ne sont pas conforme à la Convention. Le Comité s’inquiète particulièrement du fait que l’État partie ne s’est toujours pas doté d’une commission d’examen des lois qui aurait pour mandat d’examiner toutes les lois et de les harmoniser avec la Convention. Il regrette que l’article 28 (2) de la Constitution dispose que la mise en place des "moyens et possibilités nécessaires pour améliorer le bien-être des femmes et leur permettre de réaliser pleinement leur potentiel et de progresser" est fonction des ressources disponibles. Le Comité s’inquiète en outre que l’État partie n’ait pas pleinement intégré la Convention dans son droit interne, et n’ait pas encore adhéré au Protocole facultatif à la Convention.
11. Le Comité recommande instamment à l ’ État partie :
a) De créer une Commission d ’ examen des lois qui devra effectuer une analyse de toutes les lois de l ’ État partie du point de vue de la perspective hommes-femmes afin de les harmoniser avec la Convention;
b) De procéder à un examen de l ’ article 28 (2) de la Constitution, qui subordonne la mise en place des moyens et possibilités nécessaires aux femmes à la disponibilité de ressources, afin de le rendre conforme à l ’ obligation immédiate de répondre à ces droits selon la Convention, comme il est exposé au paragraphe 29 de la Recommandation générale No. 28 sur les obligations essentielles conférées aux États parties à l ’ article 2 de la Convention;
c) D ’ accélérer le processus d ’ intégration de la Convention à son ordre juridique national et d ’ envisager d ’ adhérer au Protocole facultatif.
Accès à la justice et aux mécanismes juridiques de dépôt de plaintes
12.Le Comité s’inquiète de l’absence de programme d’aide juridique dans l’État partie et du fait que des procédures légales complexes, des frais de justice exorbitants et des difficultés géographiques d’accès aux tribunaux empêchent les femmes d’accéder à la justice. Il regrette également que le projet de loi sur l’aide juridique n’ait pas encore été adopté, et déplore l’absence de législation apte à donner mandat à la Commission des droits de l’homme de mener des actions en tant qu’institution nationale de défense des droits de l’homme et de dispenser des services juridiques aux femmes. Le Comité s’inquiète également des informations selon lesquelles la Commission ne dispose pas de ressources financières et humaines adéquates.
13. Le Comité recommande que l ’ État partie :
a) Établisse un programme d ’ aide juridique complet en adoptant d ’ urgence le projet de loi sur l ’ aide juridique;
b) Veille à ce que le projet de loi sur l ’ aide juridique prévoie une aide juridique pour les femmes et les filles impliquées dans des affaires civiles et pénales;
c) Fasse en sorte que les femmes, en particulier celles appartenant aux groupes défavorisés, aient effectivement accès à la justice dans toutes les régions du pays;
d) Promulgue une loi établissant légalement une commission des droits de l ’ homme conformément aux principes relatifs au statut des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), ayant notamment pour compétences les questions d ’ égalité des sexes et de protection des droits de la femme.
Mécanisme national de promotion de la femme
14.Le Comité note que le service chargé des questions d’égalité des sexes et des questions de famille, qui fait fonction de mécanisme national de promotion de la femme, a été élevé au rang de département au sein du Cabinet du Vice-Premier Ministre. Toutefois, il remarque avec inquiétude que ce département est doté de ressources tant humaines que financières extrêmement insuffisantes. Il déplore également que les coordonnateurs au sein des ministères d’exécution aient de multiples fonctions et responsabilités qui nuisent à leur efficacité de coordonnateurs. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’intégration systématique et de budget de la problématique hommes-femmes ainsi que par le manque de données ventilées par sexe qui permettraient de suivre et d’évaluer adéquatement la mise en œuvre du plan d’action de la politique nationale de 2010 pour l’égalité hommes-femmes.
15. Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) D ’ affecter des ressources financières et humaines adéquates au Département des questions d ’ égalité des sexes et des questions de famille afin qu ’ il puisse exercer efficacement ses activités de mécanisme national de promotion de la femme;
b) De prendre des mesures spécifiques pour régler les problèmes qui nuisent à l ’ efficacité des coordonnateurs des questions d ’ égalité des sexes, notamment la multiplicité de leurs fonctions et responsabilités;
c) De continuer de former le personnel technique chargé du budget aux niveaux national et local sur l ’ établissement de budgets respectueux de la dimension hommes-femmes;
d) D ’ établir d ’ urgence l ’ indice national prévu de l ’ égalité des sexes, qui devrait servir de système d ’ indicateurs de la condition féminine et permettre d ’ améliorer la collecte de données ventilées par sexe, afin d ’ évaluer l ’ impact et l ’ efficacité des politiques et des programmes visant à intégrer l ’ égalité des sexes et à permettre aux femmes de mieux jouir de leurs droits fondamentaux. À cet égard, le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur la Recommandation générale No. 9 sur les données statistiques concernant la situation des femmes et encourage l ’ État partie à solliciter l ’ assistance technique des institutions compétentes du système des Nations Unies.
Mesures spéciales temporaires
16.Conscient de ce que l’article 86 de la Constitution fixe un quota de 30 % de représentation féminine au Parlement, le Comité constate que ces dispositions n’ont pas été pleinement respectées lors des élections législatives de 2008 et 2013 et que les mesures spéciales temporaires ne sont pas appliquées dans les autres domaines couverts par la Convention, tels que la présence des femmes dans la vie publique, l’éducation et l’emploi, pour accélérer l’avènement d’une égalité concrète des femmes et des hommes.
17. Le Comité exhorte l ’ État partie à invoquer pleinement les dispositions légales concernant les mesures spéciales temporaires en vue d ’ accroître la représentation féminine au Parlement. Il recommande également à l ’ État partie d ’ envisager d ’ appliquer les mesures spéciales temporaires dans d ’ autres domaines, tels que la présence des femmes dans la vie publique, l ’ éducation et l ’ emploi, conformément à l ’ article 4de la Convention et à la Recommandation générale No. 25 sur ce sujet, comme stratégie destinée à accélérer l ’ avènement d ’ une égalité concrète des femmes et des hommes dans tous les domaines de la Convention où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées.
Stéréotypes et pratiques préjudiciables
18.Le Comité se déclare préoccupé par la persistance de pratiques et traditions culturelles préjudiciables ainsi que des comportements patriarcaux et des stéréotypes profondément enracinés concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société, notamment ceux qui décrivent les femmes comme responsables des soins à la famille. Le Comité souligne que ces stéréotypes contribuent à renforcer la pratique des mariages précoces ou forcés, de l’enlèvement des filles et de la polygamie et, par conséquent, de la situation de désavantage et d’inégalité des femmes dans la société.
19. Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) D ’ intensifier ses efforts sur les médias et ailleurs, en vue d ’ éduquer le public et de le sensibiliser aux stéréotypes sexuels qui persistent à tous les niveaux de la société, afin de les éliminer;
b) De développer les programmes d ’ éducation publique sur l ’ effet négatif de tels stéréotypes sur la jouissance de leurs droits par les femmes, en particulier dans les zones rurales, et de cibler les chefs traditionnels, qui sont les gardiens des valeurs coutumières dans l ’ État partie;
c) De prendre des mesures juridiques concrètes afin d ’ interdire et d ’ éliminer les mariages précoces ou forcés et d ’ abolir la polygamie;
d) De suivre et d ’ examiner régulièrement les mesures prises pour éliminer les stéréotypes sexuels afin d ’ évaluer leur impact.
Violence à l’égard des femmes
20.Tout en notant les efforts en vue de faire promulguer le projet de loi sur les délits sexuels et la violence domestique adopté par le Parlement et le Sénat, le Comité déplore que ce projet de loi soit à présent caduc, faute d’avoir reçu l’assentiment royal. Le Comité s’inquiète également de ce que, d’après le Système national de surveillance de la violence, des abus et de l’exploitation la prévalence de la violence à l’égard des femmes et des filles reste élevée, de même que le nombre d’enlèvements de jeunes filles, souvent commis par des personnes connues des victimes. Il regrette également le faible niveau d’informations diffusées sur les délits de violence à l’égard des femmes, qu’il impute à une culture de silence et d’impunité et au manque de données sur le nombre de cas signalés de tels délits qui ont donné lieu à des enquêtes et à des poursuites et sur la nature des sanctions imposées à leurs auteurs. Le Comité prend note que malgré les efforts déployés par l’État partie pour créer un Guichet unique dans la capitale ainsi que des refuges, ceux-ci restent en nombre insuffisant et sont inaccessibles aux femmes et aux filles des autres régions de l’État partie.
21. Rappelant sa Recommandation générale n o 19 sur la violence à l ’ égard des femmes, le Comité demande instamment à l ’ État partie :
a) De promulguer sans plus de délai la loi sur les délits sexuels et la violence domestique et de s ’ assurer qu ’ elle couvre toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes, en particulier le viol conjugal et le harcèlement sexuel;
b) D ’ encourager le dépôt de plaintes pour violence domestique et sexuelle à l ’ égard des femmes et des filles et de veiller à ce que ces plaintes donnent lieu à une enquête effective et à ce que les coupables soient frappés de sanctions à la mesure de la gravité du délit, et à combattre la culture d ’ impunité;
c) De mettre en place un système de collecte régulière de données statistiques sur les cas, centrées sur toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes, y compris la violence domestique et les enlèvements, qui devraient être ventilées par âge, type de délit et rapport entre les coupables et leurs victimes;
d) De prendre des mesures en vue de décentraliser le guichet unique et les refuges en les installant dans les quatre régions de l ’ État partie, afin de les rendre accessibles aux femmes et aux filles qui sont victimes de violence;
e) De mettre en place un mécanisme national de coordination contre la violence ayant pour mandat de traiter toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et des filles, et de coordonner les efforts nationaux en vue de la prévention et de l ’ élimination de cette violence.
22.Ayant pris acte de l’intention de l’État partie d’ouvrir un registre national des personnes affligées d’albinisme, le Comité se déclare gravement préoccupé par les meurtres atroces de femmes et de filles albinos, dont les corps sont démembrés pour les besoins de cérémonies rituelles. Le Comité est particulièrement alarmé par les informations selon lesquelles, par le passé, les auteurs de ces meurtres étaient poursuivis pour des délits moins graves, tels que celui d’infliger de douloureuses mutilations, auxquels étaient appliquées des peines moins lourdes.
23. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ ouvrir d ’ urgence un registre national des personnes affligées d ’ albinisme et d ’ assurer la protection des femmes et des filles albinos. L ’ État partie doit veiller à ce que toutes les plainte liées à la violence à l ’ égard des femmes et des filles albinos fassent l ’ objet d ’ enquêtes effectives et à ce que les coupables soient poursuivis et, une fois condamnés, frappés de sanctions appropriées.
Traite de femmes et exploitation de la prostitution
24.Bien que se félicitant de l’adoption de la loi de 2009 (d’interdiction) de la traite de personnes et du trafic de migrants, le Comité reste préoccupé par le fait que l’État partie est à la fois pays d’origine, de transit et de destination de femmes et de filles victimes de traite, principalement aux fins d’exploitation sexuelle et de travail domestique. Le Comité s’inquiète aussi du manque de données sur l’ampleur de la traite de personnes et de l’absence de programmes d’information sur l’existence d’un mécanisme national d’orientation des victimes de traite de personnes au sein de l’État partie. Il déplore également le fait que l’interdiction de la prostitution en vertu de la loi sur la criminalité ne traite pas la demande de prostitution comme un crime. Il s’inquiète en outre de l’absence de programmes visant à combattre la prostitution, y compris de programmes destinés à encourager les femmes à abandonner la prostitution.
25. Le Comité recommande à l ’ État partie :
a) D ’ intensifier ses efforts en vue de lutter contre les causes profondes de la traite de femmes et de filles et de veiller à la réadaptation et à l ’ insertion sociale des victimes, notamment en leur offrant un accès aux refuges, une aide médicale et psychosociale et d ’ autres possibilités de revenu;
b) D ’ entreprendre une étude détaillée en vue de recueillir des données sur l ’ ampleur et les formes de traite des femmes et des filles, qui devraient être ventilées par âge et région ou pays d ’ origine;
c) D ’ accroître les efforts de sensibilisation visant à promouvoir la notification des délits de traite et la détection précoce des femmes et des filles qui en sont victimes, ainsi que leur orientation à travers le mécanisme national d ’ orientation;
d) D ’ accentuer les efforts visant la coopération bilatérale, régionale et internationale afin de prévenir la traite, notamment par l ’ échange d ’ informations et l ’ harmonisation des procédures juridiques de poursuite des trafiquants, en particulier avec les États membres de la Communauté de développement de l ’ Afrique australe;
e) De fournir des données dans son prochain rapport périodique sur les programmes en cours en vue de combattre la prostitution, notamment de criminaliser la demande, et sur la mise en œuvre de programmes destinés à encourager les femmes à abandonner la prostitution,
Participation à la vie politique et publique
26.Le Comité s’inquiète de ce que, malgré la disposition constitutionnelle qui fixe pour objectif d’atteindre au moins 30 % de représentation féminine au Parlement, les femmes restent sous-représentées aux niveaux de décision, y compris au sein des pouvoirs législatif et judiciaire et dans le corps diplomatique. Le Comité se déclare particulièrement préoccupé du fait que le quota de présence de femmes des quatre régions au Parlement n’est pas atteint, faute apparemment de dispositions législatives habilitantes. Le Comité s’inquiète également du manque d’informations sur l’impact du système électoral tinkhundla, qui interdit la participation politique des femmes aux partis politiques.
27.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ instaurer des mesures spéciales temporaires, conformément à l ’ article 4 (1), de la Convention et à la Recommandation générale No. 25, ainsi qu ’ à la Recommandation générale No. 23 sur les femmes dans la vie publique, afin d ’ accélérer la pleine participation des femmes sur un pied d ’ égalité au sein des organes composés d ’ élus et de participants nommés, y compris au sein du pouvoir judiciaire et dans le service diplomatique. En outre, l ’ État partie devrait entreprendre une étude complète des obstacles dressés par le système électoral tinkhundla pour empêcher les femmes de postuler à des fonctions politiques.
Nationalité
28.Conscient des efforts déployés par l’État partie pour faire face aux problèmes liés à sa législation en matière de nationalité, le Comité se préoccupe du fait que la Constitution ainsi que la loi sur la nationalité contiennent des dispositions qui privent les enfants nés de femme swazie et de mari étranger de la nationalité, ce qui augmente leur risque d’apatridie. Le Comité note que ces dispositions sont discriminatoires car elles ne s’appliquent pas aux enfants nés de père swazi et de mère étrangère. Le Comité déplore également qu’en vertu de la Constitution, les femmes swazies mariées à des étrangers ne peuvent transmettre leur nationalité à leur mari au même titre que les hommes swazis mariés à des femmes étrangères.
29. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ abroger les dispositions discriminatoires de la Constitution et de la loi sur la nationalité afin de permettre aux femmes swazies mariées à des étrangers de transférer leur nationalité à leur mari et à leurs enfants au même titre que les hommes swazis mariés à des femmes étrangères, conformément à l ’ article 9 de la Constitution. En outre, le Comité recommande que l ’ État partie mettent en œuvre des programmes visant à faire en sorte que les enfants nés de femmes swazies mariées à des hommes non-swazis qu ’ ils ne soient pas traités en apatrides et jouissent de l ’ égalité d ’ accès à l ’ éducation, aux soins de santé et aux autres services essentiels.
Éducation
30.Bien qu’il se félicite de l’instauration de l’éducation primaire gratuite et des taux élevés de scolarisation des filles, le Comité se préoccupe des coûts indirects de l’éducation primaire. Le Comité s’inquiète également du fait que les choix stéréotypés des sujets et des cours dispensés aux filles les écartent souvent de l’enseignement des sciences. Le Comité se préoccupe aussi :
a)De l’accroissement du nombre d’adolescentes qui abandonnent l’école, principalement pour raison de grossesse;
b)Des nombreux cas d’abus et de violence sexuelle dont les filles sont victimes de la part des enseignants, ou lors de leurs parcours entre chez elles et l’école;
c)De l’insuffisance d’éducation sexuelle et d’une instruction sur la santé procréative et les droits adaptée à l’âge des élèves dans les écoles, en raison d’une résistance culturelle à une éducation sexuelle considérée comme tabou;
d)Du manque de mesures appropriées pour criminaliser les châtiments corporels et en éviter l’usage dans tous les contextes, notamment à l’école.
31. Le Comité recommande que l ’ État partie :
a) Abolisse les coûts indirects de l ’ éducation primaire, tels que le paiement de l ’ uniforme, afin d ’ assurer une éducation gratuite et accessible aux filles, en particulier dans les milieux pauvres;
b) Prenne des mesures pour prévenir et éliminer tout abus et violence sexuelle à l ’ égard des filles à l ’ école, et faire en sorte que les auteurs de tels actes soient frappés de sanctions adéquates;
c) Encourage les filles et les jeunes femmes à choisir des domaines d ’ étude et des professions hors des domaines traditionnels, notamment en adoptant des mesures spéciales temporaires, et mette en œuvre des programmes visant à conseiller les garçons et les filles sur un ensemble complet de choix pédagogiques, afin de les encourager à choisir des domaines d ’ étude et des professions hors des domaines traditionnels;
d) Fasse tomber les taux d ’ abandon scolaire chez les filles en encouragent celles qui ont accouché à reprendre l ’ école;
e) Intègre une éducation adaptée à l ’ âge des élèves sur l ’ hygiène sexuelle et procréative et sur les droits y afférents dans les programmes scolaires, y compris une éducation sexuelle approfondie pour les adolescents des deux sexes, traitant des comportements sexuels responsables;
f) Interdise les châtiments corporels et prenne des mesures visant à éliminer leur utilisation dans tous les contextes, notamment dans les écoles, et encourage le recours à des formes de discipline non violentes.
Emploi
32.Le Comité se déclare préoccupé par la persistance de ségrégation entre hommes et femmes sur le marché du travail et par le fait que les femmes sont concentrées dans les emplois à faible niveau de rémunération du secteur non structuré. Il se préoccupe également du non-respect par le secteur privé des dispositions de la loi sur l’emploi, qui prévoit 12 semaines de congé de maternité. Il se préoccupe en outre de l’absence de dispositions dans la législation de l’État partie interdisant explicitement le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et regrette que le projet de loi sur l’emploi qui contient de telles dispositions n’ait pas encore été adopté.
33. Le Comité exhorte l ’ État partie :
a)À intensifier ses efforts en vue de promouvoir l ’ accession des femmes à l ’ économie structurée, notamment en leur dispensant une formation professionnelle et technique;
b) À renforcer son action en vue d ’ éliminer les inégalités structurelles et la ségrégation professionnelle, tant horizontale que verticale, et à prendre des mesures destinées à réduire et supprimer l ’ écart de salaire entre hommes et femmes, notamment en examinant régulièrement les salaires dans les secteurs où les femmes sont concentrées;
c) À procéder régulièrement à des inspections du travail et à faire respecter la législation du travail par les employeurs du secteur privé, notamment en ce qui concerne les congés de maternité;
d) À adopter d ’ urgence une législation détaillée pour combattre le harcèlement sexuel sur le lieu du travail, conformément à la Recommandation générale No. 19 du Comité sur la violence à l ’ égard des femmes.
Santé
34.Le Comité se félicite de l’introduction de programmes prénatals visant à prévenir la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant. Toutefois, il reste préoccupé par la forte prévalence du VIH/sida et par les avortements clandestins qui ont contribué ces dernières années à l’accroissement de la mortalité maternelle.
35. Le Comité exhorte l ’ État partie :
a) À accélérer la mise en œuvre de stratégies de lutte contre le VIH/sida, notamment de stratégies préventives, et à continuer d ’ offrir un traitement antirétroviral gratuit à toutes les femmes et tous les hommes vivant avec le VIH/sida, y compris aux femmes enceintes, afin de prévenir la transmission de la mère à l ’ enfant;
b) À intensifier ses efforts en vue de réduire l ’ incidence de la mortalité maternelle, notamment en offrant des services d ’ avortement et post-avortement sans danger.
Femmes rurales
36.Prenant note de l’action menée par l’État partie pour assurer l’égalité d’accès à la terre en vertu de l’article 211 de la Constitution, le Comité se déclare préoccupé par le fait que les femmes, surtout dans les zones rurale, continuent de se heurter à des obstacles pour l’acquisition de terres du fait des lois et structures coutumières qui prévalent. Il se préoccupe également des informations selon lesquelles les femmes sont en grande partie exclues de la prise de décisions sur les questions et politiques de développement rural en raison de la persistance de normes sociales et culturelles qui s’opposent à leur participation. Il déplore en outre le manque de possibilités de création de revenu offertes aux femmes des zones rurales.
37. Le Comité demande instamment à l ’ État partie :
a) D ’ éliminer les obstacles culturels qui limitent l ’ accès des femmes à la terre, surtout dans les zones rurales;
b) De faciliter la participation des femmes à la prise de décisions concernant les programmes et politiques de développement rural;
c) De continuer d ’ élargir l ’ accès des femmes au microfinancement et au microcrédit à des taux d ’ intérêt peu élevés, afin de leur permettre de s ’ adonner à des activités génératrices de revenus et à créer leurs propres entreprises.
Groupes de femmes défavorisées
38.Tout en notant le fait que l’État partie offre de petites subventions financières aux personnes âgées et s’efforce d’améliorer les conditions de vie des femmes handicapées et des veuves, le Comité se déclare préoccupé par l’absence de données ventilées sur les problèmes qui s’opposent à la jouissance par ces groupes de femmes des droits que leur confère la Convention.
39. Le Comité demande à l ’ État partie :
a) De prêter une attention particulière aux besoins des femmes âgées, des femmes handicapées et des veuves afin de s ’ assurer qu ’ elles jouissent de l ’ égalité d ’ accès aux soins de santé, à la formation, à l ’ emploi et aux autres droits;
b) De recueillir des données ventilées sur la situation des femmes âgées, des femmes handicapées et des veuves, en mettant l ’ accent sur les formes de discrimination dont elles font l ’ objet dans la société.
Égalité devant la loi et capacité juridique
40.Le Comité se préoccupe de ce que l’État partie conserve la doctrine de la puissance paternelle qui prive les femmes de la capacité juridique d’administrer des biens et d’engager des poursuites sans le consentement de leur mari lorsqu’elles sont mariées selon le régime de la communauté des biens qui n’exclut pas la puissance paternelle et qui peut, dans certains cas, étendre la puissance paternelle du mari sur la famille.
41. L ’ État partie devrait abroger la doctrine de la puissance paternelle afin d ’ assurer la pleine conformité à l ’ article 15 de la Convention, de manière que les femmes aient la même capacité juridique que les hommes de conclure des contrats et d ’ administrer des biens ainsi que d ’ engager des poursuites ou d ’ être elles-mêmes l ’ objet de poursuites.
Mariage et rapports familiaux
42.Le Comité prend acte de la complexité des régimes matrimoniaux coutumiers et civils au sein de l’État partie et de ce qu’ils impliquent sur le plan économique, et se préoccupe de la méconnaissance chez les femmes des choix qui leur sont offerts et de leurs conséquences. Le Comité se déclare également préoccupé de ce que l’État partie conserve le "principe de la faute" dans son droit sur le divorce et du manque d’informations sur l’impact économique de ce principe sur les femmes lors de la division des biens patrimoniaux, en particulier lorsque la femme est jugée en faute dans la procédure de divorce.
43. Le Comité rappelle sa Recommandation générale No. 29 sur les conséquences économiques du mariage, des rapports familiaux et de leur dissolution et demande instamment à l ’ État partie de séparer les motifs de divorce fondés sur la faute de la distribution des biens patrimoniaux.
Protocole facultatif et amendement à l’article 20 (1) de la Convention
44. Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter, dès que possible, l ’ amendement à l ’ article 20 (1) de la Convention, concernant la périodicité des réunions du Comité.
Déclaration et Programme d’action de Beijing
45. Le Comité en appelle à l ’ État partie pour qu ’ il utilise la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans ses efforts en vue de mettre en œuvre les dispositions de la Convention.
Objectifs du Millénaire pour le développement et cadre de développement pour l’après-2015
46. Le Comité demande l ’ intégration d ’ une perspective hommes-femmes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les efforts en vue de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et du cadre de développement pour l ’ après-2015.
Diffusion
47. Le Comité rappelle l ’ obligation de l ’ État partie d ’ appliquer systématiquement et constamment les dispositions de la Convention. Il exhorte l ’ État partie à accorder une attention prioritaire à l ’ application des présentes observations finales et recommandations entre maintenant et la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité demande donc que les présentes observations finales soient diffusées en temps opportun, dans la/les langue/s officielle/s de l ’ État partie, auprès des institutions d ’ État compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), notamment auprès du gouvernement, des ministères, du Parlement, du Sénat et du pouvoir judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application. Il encourage l ’ État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes intéressées, telles que les associations d ’ employeurs, les syndicats, les organisations de défense des droits de l ’ homme et les organisations féminines, les universités, les établissements de recherche et les médias. Il recommande également que ses présentes observations finales soient diffusées sous une forme appropriée aux communautés locales, afin de permettre leur application. En outre, le Comité demande à l ’ État partie de continuer de diffuser la Convention, son Protocole facultatif et sa jurisprudence pertinente, ainsi que les recommandations générales du Comité, à toutes les parties prenantes.
Assistance technique
48. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de solliciter une aide internationale et de tirer parti de l ’ assistance technique pour la conception et la mise en œuvre d ’ un programme complet visant l ’ application des recommandations ci-dessus et de la Convention dans son ensemble. Le Comité demande également à l ’ État partie de poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations unies
Ratification d’autres traités
49. Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme renforcerait la jouissance par les femmes de leurs droits et libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l ’ État partie à envisager de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, auxquelles il n ’ est pas encore partie.
Suivi des observations finales
50. Le Comité prie l ’ État partie de lui fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations contenues dans les paragraphes 9 et 21 ci-dessus.
Préparation du prochain rapport
51. Le Comité invite l ’ État partie à lui soumettre son troisième rapport périodique en juillet 2018.
52. Le Comité demande à l ’ État partie de suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/MC/2006/3 et Corr.1 ).