218. Le Comité a examiné le rapport combiné (rapport initial et deuxième rapport) de la Tunisie (CEDAW/C/TUN/1-2) à ses 269e et 273e séances, les 23 et 26 janvier 1995 (voir CEDAW/C/SR.269 et 273).
219. Présentant le rapport, la représentante de la Tunisie a souligné les changements importants intervenus en 1987, qui ont permis d'affirmer les droits fondamentaux de la femme et d'améliorer leur statut économique et social. La première oeuvre de la Tunisie indépendante a été la promulgation du Code du statut personnel, qui jetait les bases d'une nouvelle organisation de la famille, fondée sur l'égalité juridique entre l'homme et la femme. La Tunisie était engagée depuis très longtemps dans un processus d'émancipation de la femme qui, dès 1936, avait donné le jour à la première organisation féminine dans ce pays. Les dirigeants tunisiens se référaient à une lecture dynamique de l'islam et, depuis 1956, la législation tunisienne avait mis progressivement en place les conditions nécessaires à l'égalité de statut pour les femmes dans les domaines politique, économique et social. Cette vision nouvelle de la société avait été vulgarisée et progressivement adoptée par les femmes. L'égalité des chances commençait à se faire jour et était considérablement encouragée par l'intermédiaire des nouvelles associations féminines.
220. La représentante a souligné que, dans une société comme celle de la Tunisie, la liberté de la femme et ses droits de citoyenne demeuraient fragiles et devaient être sans cesse garantis. D'où la création d'un ensemble de mécanismes tels que le Ministère des affaires de la femme et de la famille, le Centre de recherche, de documentation et d'information sur la femme et la Commission nationale "Femme et développement". Les femmes étaient nommées à des postes politiques de haut rang et une série de réformes législatives avaient été adoptées pour éliminer tous les relents d'archaïsme hérités du passé. La nouvelle vision de la famille était fondée sur le principe du partenariat entre époux. Les amendements les plus importants portaient sur le Code du statut personnel, le Code pénal et le Code du travail, ce qui permettait aux femmes d'entrer de plain-pied dans l'ère des droits de l'homme. La présence massive des femmes dans le secteur non structuré de l'économie avait également permis de limiter les retombées du plan d'ajustement structurel.
221. La représentante a illustré par des chiffres concrets les progrès enregistrés par les femmes dans un grand nombre de professions, aux postes de décision et dans l'enseignement, grâce aux politiques de généralisation de l'éducation, de la santé et de la planification familiale. Depuis 1956, la législation tunisienne modelait une société nouvelle dans le cadre d'un islam moderne, en dépassant progressivement les modèles figés et les schémas de pensée hérités de la société traditionaliste, et à présent, la société tunisienne se souciait de réaliser les principes de la religion sans sacrifier pour autant les impératifs du progrès. L'analphabétisme et la résurgence de certains modèles rétrogrades sous l'influence de l'intégrisme actuel constituaient des sujets de préoccupation importants. La Tunisie était consciente qu'elle ne pourrait pas amorcer avec succès sa mutation du XXIe siècle sans se doter d'une politique de développement qui implique les populations féminines de façon irréversible.
Observations d'ordre général
222. Le Comité a noté avec satisfaction que le rapport était bien construit et très complet et qu'il comportait des données statistiques détaillées. Il a également remercié le Ministre des affaires de la femme et de la famille, qui avait présenté personnellement le rapport, pour son exposé franc et succinct. Gardant à l'esprit la situation géopolitique de la Tunisie, il a rendu hommage aux grands pas que ce pays avait faits dans le domaine de la promotion et de l'émancipation de la femme et déclaré que la Tunisie offrait un exemple resplendissant aux autres pays, et ce, dès les années 50, parce qu'elle avait su interpréter l'islam de façon progressiste et constructive. Les membres du Comité ont noté tout particulièrement l'adoption du Code du statut personnel en 1956 et toutes les réformes qui l'ont accompagné. Ils se sont toutefois déclarés préoccupés par les réserves formulées à l'égard des articles 9 et 16, et surtout par le contenu de la déclaration générale et de celle portant sur l'article 15, qui semblaient exclure toute possibilité de révision future de la législation nationale. Ils ont exprimé l'espoir que les réserves et les déclarations seraient retirées dans un avenir proche. Dans sa réponse, la représentante a déclaré que la Tunisie n'avait pas formulé de réserves à l'égard d'autres instruments internationaux portant sur la condition de la femme. La Convention avait été ratifiée dans un contexte socio-politique particulier, qui était marqué par la montée de l'intégrisme, le retour à des traditions conservatrices et d'autres facteurs similaires. Si la vision politique d'ensemble était progressiste et la plupart des dispositions de la Convention déjà appliquées dans le pays, les spécificités du droit interne ne devaient pas être niées. Toutefois, en faisant la déclaration générale, le Gouvernement n'avait aucunement l'intention de se soustraire à ses obligations à l'égard de la Convention. Il s'agissait uniquement d'expliquer les réserves formulées. Depuis la ratification, de nombreuses réformes juridiques avaient été adoptées en faveur des femmes, preuve que le pays progressait lentement, mais sûrement, vers l'égalité des sexes, et les réserves seraient certainement retirées dans un avenir proche.
223. Tout en reconnaissant les efforts accomplis par le Gouvernement dans le secteur de l'éducation, les membres du Comité ont exprimé des préoccupations au sujet du taux élevé d'analphabétisme chez les filles âgées de 14 à 24 ans, de la faible participation des femmes à la vie politique en dépit des progrès sensibles enregistrés sur le plan de l'égalité juridique et des dispositions en vigueur concernant les droits des femmes à l'héritage. Selon eux, la Tunisie n'avait pas encore réussi à combler le fossé entre les élites et les secteurs plus larges de la société. Ils saluaient tous les droits accordés aux femmes mais souhaitaient néanmoins obtenir des informations complémentaires sur la situation réelle des femmes et les mesures prises par le Gouvernement pour protéger les droits de la femme, en tant qu'individu, indépendamment de son statut familial. Dans sa réponse, la représentante a indiqué que deux grands principes guidaient l'action politique, à savoir l'émancipation et la confiance dans la personne humaine, et que les mesures prises par le Président en 1992 révélaient l'existence d'un certain dynamisme au sein du mouvement pour la promotion de la femme. La participation des femmes aux dernières élections avait été quatre fois plus élevée que celle des élections précédentes et, dans ses allocutions, le Président exhortait les femmes à profiter des possibilités que leur offrait la démocratie pour faire avancer leur cause. Les droits reconnus aux femmes étaient des droits fondamentaux dont elles bénéficiaient quelle que soit leur situation familiale. Par ailleurs, il fallait, tout en préservant la famille, encourager un partage des décisions entre l'homme et la femme au sein de celle-ci. Une étude avait été réalisée sur ce sujet.
224. Se référant aux pressions exercées par des groupes religieux extrémistes dans des pays voisins et en réponse aux questions concernant l'existence d'un plan à long terme qui permette de garantir pleinement les droits démocratiques des femmes et d'éviter d'éventuels retours en arrière, et d'une collaboration entre la Tunisie et d'autres pays islamiques à cet égard, la représentante a déclaré qu'en Tunisie, la démocratie était fondée sur le principe que toutes les conditions nécessaires à son exercice devaient être remplies et que les droits de l'homme englobaient également les droits économiques et sociaux. La liberté politique ne signifiait rien sans l'indépendance économique. Les terroristes qui refusaient de reconnaître les droits des femmes étaient également des ennemis invétérés des droits de l'homme en général et la démocratie devait se protéger contre ces forces. Pourtant, la Tunisie ne pouvait pas s'engager seule dans le droit chemin; d'autres pays devaient suivre son exemple.
225. Faisant une observation supplémentaire, un membre du Comité a demandé si la Tunisie avait l'intention d'aborder des questions intéressant les femmes au sein de l'Organisation de la Conférence islamique.
Article 3
226. Des membres du Comité ont demandé comment les mécanismes nationaux pour la promotion de la femme appliquaient leurs politiques au niveau des régions, quels moyens financiers ils avaient à leur disposition et quelles mesures ils prenaient pour accroître la participation des femmes aux principales activités de la société.
Article 5
227. Les membres du Comité ont salué les efforts faits par la Tunisie pour éliminer les stéréotypes en présentant une image plus positive de la femme dans les manuels scolaires et par un enseignement des droits de l'homme. Un complément d'information a été demandé sur toutes les formes de violence dont les femmes sont victimes : violence conjugale, viol, harcèlement sexuel sur le lieu de travail, actes de violence perpétrés contre les femmes incarcérées, en particulier les prisonnières politiques, contre les prostituées et tous les autres groupes vulnérables, et sévices sexuels pratiqués par la police.
228. La représentante a expliqué que le phénomène de la violence contre les femmes ne faisait que depuis peu l'objet d'enquêtes et qu'il était difficile d'obtenir des statistiques fiables car les victimes signalaient rarement les incidents aux autorités compétentes. Jusqu'à présent, 7 % seulement des cas de violence conjugale avaient été signalés au Ministère des affaires de la femme et de la famille. Ce sujet n'étant plus tabou, les associations féminines réalisaient des études sur les femmes battues et mettaient en place des permanences téléphoniques à leur intention. Les résultats de ces initiatives seraient exposés dans le rapport suivant. De même, il était difficile d'établir des statistiques fiables sur les cas de viol et de harcèlement sexuel, qui n'étaient que rarement signalés. Outre la modification importante apportée au Code pénal concernant la violence conjugale, qui assimilait le viol pratiqué par le conjoint à une infraction passible d'une peine, d'autres mesures nouvelles avaient été prises pour lutter contre ce phénomène : nomination de juges familiaux, création de centres de défense et d'insertion sociale, de permanences téléphoniques, de centres d'accueil pour les femmes battues, à l'initiative d'organisations non gouvernementales, et organisation de campagnes d'information à l'intention des jeunes. Le problème de la violence contre les femmes était traité dans le cadre d'une stratégie globale de sensibilisation au niveau national. Par ailleurs, le Centre de recherche et de documentation et d'information sur la femme avait publié une petite brochure pour faire connaître les dispositions de la Convention dans les établissements scolaires.
Article 6
229. En réponse aux questions qui avaient été posées sur les mesures sanitaires en faveur des prostituées, la représentante a souligné que les autorités avaient mis l'accent sur la santé et institué des visites médicales obligatoires pour les prostituées afin de prévenir les maladies sexuellement transmissibles, y compris l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine et le syndrome d'immunodéficience acquise.
230. À propos de la prostitution réglementée, qui avait suscité des questions, la représentante a expliqué que cette forme de prostitution n'était pas interdite car elle contribuait à réduire la prostitution clandestine et à protéger les mineurs. La prostitution clandestine était sévèrement réprimée en Tunisie. En réponse à une question sur l'ampleur de la prostitution réglementée, la représentante a indiqué qu'elle avait considérablement diminué. À l'heure actuelle, on recensait seulement 68 "prostituées réglementées" à Tunis. La diminution s'expliquait par l'élévation du niveau de vie, l'élimination progressive de la pauvreté et l'intégration des femmes dans la population active.
231. Répondant à des questions posées par des membres du Comité sur l'existence de cas de prostitution d'enfants et de traite des femmes, la représentante a indiqué que ces deux phénomènes n'avaient jamais existé en Tunisie malgré le développement du tourisme. S'agissant des mesures qui visaient à empêcher les mineures de se livrer à la prostitution, cette forme de prostitution était interdite par la loi. Les juges étaient habilités à placer les mineurs délinquants dans des centres spéciaux pour les préparer à la réinsertion dans la société.
232. D'autres questions portaient sur la réinsertion sociale des prostituées et sur la manière dont les droits des prostituées étaient protégés dans la pratique. Les membres du Comité souhaitaient que la Tunisie inclut des statistiques détaillées dans le rapport suivant et ont demandé si la législation actuelle n'était pas discriminatoire dans la mesure où elle faisait une distinction entre les prostituées et leurs clients masculins.
Article 7
233. Interrogée sur les mesures qui avaient été adoptées pour changer l'attitude des femmes à l'égard de la vie politique et encourager les jeunes filles à modifier leurs opinions sur les questions politiques, la représentante a indiqué que le Ministère des affaires de la femme et de la famille avait organisé une campagne d'évaluation pour mesurer l'impact des projets de développement sur les femmes. Le Ministère prévoyait en outre de mettre en place plusieurs plans d'action, axés par exemple sur les femmes en milieu rural et sur un meilleur partage du temps entre les activités professionnelles et les tâches ménagères, et menait des campagnes de communication et d'information. Il était appuyé dans ses efforts par le Conseil national des femmes et de la famille et diverses organisations non gouvernementales.
234. Les membres souhaitaient savoir ce que le Gouvernement faisait face à l'apparente opposition des hommes à ses efforts fait pour donner un caractère officiel à la participation des femmes à la vie politique. La représentante a dit que, si une certaine opposition s'était bien manifestée, elle perdait du terrain devant la compétence et le dévouement remarquables des femmes et que c'était une femme qui avait obtenu le plus de voix dans le parti principal aux dernières élections. De plus en plus de femmes se faisaient connaître aux premiers échelons politiques et des campagnes d'information devraient aider les femmes à gagner des voix.
235. Les membres ayant noté que les femmes ne semblaient pas être représentées dans les syndicats et dans les établissements bancaires, la représentante a dit qu'une commission nationale des femmes, formée par cooptation, participait activement à l'élaboration d'un programme d'action pour les syndicats.
Article 9
236. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi les femmes ne bénéficiaient pas de l'égalité de traitement s'agissant de la transmission de la nationalité à leur conjoint et à leurs enfants et si la Commission nationale femmes et développement s'efforçait d'éliminer ces différences, la représentante a répondu que cette inégalité était atténuée grâce à l'amendement apporté en juillet 1993 à l'article 12 du Code de la nationalité. Le transfert de la nationalité exigeait encore le consentement des deux conjoints. Il fallait espérer que la réserve à cet article pourrait être levée bientôt.
237. Les membres ont également voulu savoir ce qui était fait pour informer le grand public des droits juridiques de la femme.
Article 10
238. Les membres ont félicité le Gouvernement pour l'attention particulière accordée à l'enseignement, auquel il consacre 10 % de son budget. Ils se sont félicités des progrès accomplis dans la scolarisation des filles dans le secondaire, tout en notant qu'elles étaient particulièrement nombreuses dans les domaines traditionnellement féminins et qu'elles tendaient à choisir les carrières moins bien rémunérées. Ils ont demandé si on préférait qu'elles choisissent des métiers traditionnellement féminins et s'il était prévu de les encourager à choisir des domaines "réservés aux hommes". Interrogée sur l'influence possible des programmes scolaires, la représentante a dit qu'aucune discrimination n'était autorisée dans les manuels. Toutefois, les filles semblaient choisir l'économie plus souvent que des professions industrielles et les arts et les lettres plutôt que les mathématiques et les sciences. Leurs options étaient déterminées également par le marché du travail, encore dominé par certains stéréotypes. La réforme de l'enseignement ouvrait de nouvelles possibilités. Une autre innovation était l'enseignement des droits de l'homme dans le primaire et le secondaire. Pour encourager les filles à choisir des domaines techniques, on organisait aussi des séminaires nationaux et des campagnes annuelles ainsi que des cours d'orientation pour les parents et leurs enfants et des projets pilotes.
239. La représentante ayant dit que, pour la première fois, une femme était devenue directrice régionale de l'enseignement secondaire et qu'une femme avait été nommée recteur d'université; les membres du Comité l'ont mise en garde contre la nomination d'une femme-alibi qui, d'après l'expérience d'autres pays, renforçait les stéréotypes plus qu'elle n'améliorait la condition de la femme.
240. Évoquant le taux de scolarisation moins élevé des filles et répondant aux questions concernant les recherches effectuées sur les causes du taux élevé d'abandon scolaire pour les filles, la représentante a fourni des données statistiques montrant une réduction progressive de l'écart dans la scolarisation des garçons et des filles. Autrefois, le taux d'abandon scolaire était plus élevé pour les filles que pour les garçons, surtout dans les zones rurales, mais cette tendance a pratiquement été inversée à tous les niveaux. Les études sur la question avaient montré que cela s'expliquait principalement par des facteurs socio-économiques et culturels dans les zones rurales. Pour y remédier, on avait changé des horaires, introduit des auxiliaires d'enseignement et rendu la scolarité obligatoire de 6 à 16 ans, sous peine de sanction. Il a été dit que la nécessité de promouvoir l'égalité des chances pour les garçons et les filles dans les zones urbaines et rurales était l'un des paramètres de la planification et des infrastructures de l'enseignement.
241. À propos des observations faites sur le taux élevé d'analphabétisme parmi les femmes, la représentante a dit qu'il était dû notamment au fait que les filles étaient scolarisées plus tard que les garçons. Il fallait espérer que la réforme de l'enseignement et le programme national élaboré dans le cadre du huitième plan de développement permettraient d'atteindre les objectifs en matière de réduction de l'analphabétisme chez les femmes, notamment pour le groupe 18-29 ans. Une commission nationale créée en coopération avec plusieurs ministères est chargée de suivre le programme.
Article 11
242. Les membres ont relevé la faible participation économique des femmes dans le secteur agricole et demandé si un effort était fait pour donner plus d'importance au secteur non structuré. La représentante a dit que de nombreuses études ont montré combien le secteur non structuré contribuait à l'économie nationale et qu'il était établi par ailleurs que la contribution des femmes au secteur non structuré pouvait réduire les effets négatifs du plan d'ajustement structurel. À l'appui de ce secteur, il est prévu de créer un fonds d'assistance aux petites entreprises rurales, de lancer une campagne d'information sur l'économie de la famille et de publier un manuel à l'intention des femmes sur les possibilités de crédit.
243. Lorsqu'on lui a demandé si l'on envisageait d'examiner les possibilités de formation offertes aux femmes dans les métiers non traditionnels, la représentante a dit que la réforme en cours de la formation professionnelle visait à permettre aux femmes d'acquérir de nouvelles compétences, notamment dans les domaines non traditionnels, en même temps que la qualité de la formation était améliorée dans les domaines traditionnellement réservés aux femmes.
244. Les membres ont demandé s'il était prévu de lever l'interdiction de travail de nuit pour les femmes.
Article 12
245. Tout en félicitant le Gouvernement de son action dans le domaine de la planification familiale, des membres ont demandé s'il était prévu d'élargir l'assurance maladie offerte aux femmes et aux jeunes filles. La représentante a confirmé l'existence de plans et programmes en ce sens.
246. Lorsqu'on lui a demandé si la femme pouvait décider elle-même d'avoir un avortement ou si elle devait obtenir l'autorisation de son mari, la représentante a dit que, dans certaines conditions, un médecin autorisé pouvait procéder à un avortement dans un hôpital dans les trois premiers mois de la grossesse, après quoi l'avortement n'était permis que pour des raisons médicales.
247. Les membres ont demandé des précisions sur les femmes que la volonté de concilier une éducation libérale et les normes traditionnelles rendrait dépressives ou hystériques. La représentante a dit qu'il n'existait pas de données dignes de foi à ce sujet et que ces assertions semblaient relever de la propagande des fondamentalistes.
Article 15
248. Des membres ont demandé si, au moment où il a ratifié la Convention, le Gouvernement avait fait, à propos de cet article, une déclaration concernant le choix du lieu de résidence et du domicile malgré l'entrée en vigueur du Code du statut personnel. La représentante a expliqué que la déclaration avait été faite à cause de la contradiction entre les articles 23 et 61 de l'ancien Code du statut personnel et les dispositions de la Convention. Le Code ayant été modifié, le terme d'"obéissance" a été supprimé. Actuellement le choix du lieu de résidence d'une femme n'était limité que par des obligations en matière de garde d'un enfant d'âge scolaire. Les juges donnaient toujours la plus haute importance aux intérêts de l'enfant.
Article 16
249. Des membres ont félicité le Gouvernement des progrès accomplis en ce qui concerne l'abolition de la polygamie et le libre choix du mari, mais ils souhaitaient des précisions supplémentaires et une analyse véritable de la situation de facto de la femme au sein de la famille. Ils voulaient savoir si la loi en vigueur dans le pays était la loi religieuse découlant du Coran ou s'il y avait une loi laïque distincte et ce qui se passait en cas de conflit. La représentante a expliqué qu'initialement il n'y avait pas de système juridique unifié. Lorsque la Tunisie a accédé à l'indépendance en 1956, la loi et les institutions issues de la charia avaient été réformées et une seule loi unifiée avait été instituée pour tous les Tunisiens, quelle que soit leur religion. Les tribunaux religieux avaient été supprimés et le nouveau Code de la famille de 1956 s'appliquait dans tout le pays. L'amendement au Code du statut personnel avait amélioré la condition de la femme au sein de la famille. La nouvelle famille était fondée sur le concept du respect mutuel et de la coopération entre les conjoints pour toutes les questions familiales, y compris l'éducation des enfants, l'obligation de la femme de contribuer aux dépenses de la famille et l'abolition de la clause de l'"obéissance". Juridiquement, le mari était encore le chef de la famille, mais il était probable que, peu à peu, les femmes deviendraient plus indépendantes sur le plan économique et que le mari perdrait son rôle de soutien économique. Une autre innovation était la possibilité pour les femmes d'avoir la garde des enfants après le divorce.
250. Répondant à une demande de précisions sur l'interdiction de la polygamie, la représentante a dit que l'une des conditions du mariage était l'absence de tous liens conjugaux pour les futurs conjoints, toute infraction à cette disposition étant passible d'une sanction. Les mariages devaient être inscrits dans un registre civil et les mariages de droit coutumier et les unions libres étaient interdits. Les droits des enfants issus d'unions libres étaient protégés par un ensemble de mécanismes judiciaires.
251. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi l'âge minimum du mariage n'était pas le même pour les jeunes filles et les jeunes gens, la représentante a dit qu'avant l'entrée en vigueur du Code de la famille, il n'y avait pas d'âge minimum et que l'âge minimum était actuellement déterminé par les mentalités, les traditions, l'éducation et l'accès au marché du travail.
252. Répondant à des questions sur le partage des biens acquis pendant le mariage, la représentante a dit que la loi tunisienne prévoyait la séparation des biens conjugaux, chaque conjoint demeurant exclusivement maître de ses biens et responsable de ses dettes. Les conjoints pouvaient cependant choisir une autre formule au moment du mariage : la séparation des biens propres étant maintenue, les conjoints pouvaient décider de mettre en commun les biens acquis pendant le mariage. Ce système n'étant pas bien connu, il était très rarement appliqué.
253. Les membres ont demandé si les filles avaient les mêmes droits que les garçons en matière d'héritage et si la veuve avait les mêmes droits que le veuf. La représentante a expliqué que la loi sur l'héritage était fondée sur le Coran et qu'à lien de parenté égal, les hommes héritaient le double de la part des femmes. Il fallait espérer que l'évolution de la société tunisienne permettra d'éliminer cette inégalité.
254. À propos de la persistance de la pratique de la dot, la représentante a dit que celle-ci était maintenue à titre symbolique, pour ne pas rompre avec la tradition musulmane. Toutefois, le Code de la famille modifié ne fixait plus le montant.
255. Répondant aux questions sur des possibilités de mariage interreligieux, la représentante a dit qu'une femme tunisienne ne pouvait épouser un non-musulman que si celui-ci se convertissait à l'islam.
256. À propos des réserves formulées par la Tunisie lors de la ratification de la Convention sur les droits de l'enfant, la représentante a dit qu'elles étaient similaires aux réserves concernant la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
257. Les membres ont demandé pourquoi la Tunisie avait formulé une réserve au sujet du paragraphe 1 c) de l'article 16, s'il était socialement acceptable qu'une femme mène une vie indépendante sans conjoint et qui avait la garde d'enfants nés en Tunisie d'une femme étrangère et vivant à l'étranger. Ils ont regretté que les unions libres ne soient pas reconnues et ils ont demandé si le Gouvernement avait l'intention de ratifier la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.
Conclusions du comité
Introduction
258. Le Comité a félicité le Gouvernement tunisien de la présentation de son rapport combiné, conforme aux directives générales, et du fait qu'il contenait des renseignements essentiels sur les lois et mesures relatives à l'application de la Convention.
259. Le Comité a noté avec beaucoup de satisfaction le niveau élevé auquel le Gouvernement tunisien s'était fait représenter lors de l'examen du rapport, signe de l'importance qu'il accorde aux obligations qu'il a contractées en vertu de la Convention, ainsi que de la nature exhaustive et constructive du dialogue engagé avec la délégation.
260. Le Comité a remercié la délégation ministérielle des renseignements supplémentaires qu'elle avait fournis et de la grande franchise avec laquelle elle s'était efforcée de répondre à toutes les questions posées par le Comité.
Aspects positifs
261. À travers les dispositions du Code du statut personnel, le Comité a reconnu que la garantie et la protection des acquis et des droits de la femme étaient une constante pour le Gouvernement.
262. Le Comité a souligné que le développement des droits de la femme était le meilleur rempart contre les mouvements extrémistes et rétrogrades.
263. Le Comité a pris note des efforts déployés par le Gouvernement pour faire respecter les dispositions de la Convention dans tout le pays.
264. Le Comité a relevé avec satisfaction les progrès accomplis dans la présentation de textes de lois visant à améliorer l'application de la Convention. L'incorporation de mesures en faveur de la promotion de la femme dans le huitième plan de développement national constitue un pas en avant dans cette voie.
265. Le Comité a également exprimé sa profonde admiration devant la volonté politique dont il était fait preuve pour continuer à interpréter de façon progressiste les droits des femmes dans le cadre tant des lois civiles que des règles religieuses.
Principaux sujets de préoccupation
266. Le Comité s'est inquiété de la façon dont étaient formulées les réserves à la Convention.
267. Le Comité s'est déclaré préoccupé du taux élevé d'analphabétisme chez les femmes tunisiennes, car l'accès à l'instruction jouait un rôle fondamental dans l'émancipation des femmes. Tout aussi préoccupant était le grand nombre de filles abandonnant leurs études.
268. Le Comité a relevé que, dans l'enseignement supérieur, les femmes se cantonnaient dans des domaines d'étude précis et, partant, dans des professions qui rapportaient peu et offraient moins de débouchés. Il fallait les encourager à se lancer dans des carrières scientifiques qui offraient de meilleures possibilités d'emploi.
269. Le Comité a pris note du manque d'information sur la violence contre les femmes au sein de la famille et du ménage.
270. Le Comité a remarqué qu'en dépit de la volonté politique du Gouvernement en faveur des droits des femmes, la participation politique des femmes dans la société demeurait insuffisante.
Suggestions et recommandations
271. Le Comité invite le Gouvernement à envisager de retirer ses réserves.
272. Le Comité souhaiterait que le prochain rapport en dise davantage sur l'analphabétisme féminin et l'échec scolaire des filles.
273. Le prochain rapport devrait donner davantage d'informations sur la violence contre les femmes dans la famille et la communauté.
274. Le Comité encourage le Gouvernement tunisien à intensifier ses efforts en faveur de la participation des femmes à tous les niveaux de la vie politique.
275. Le Comité propose que davantage de cours de formation à des métiers non traditionnels soient proposés aux femmes, et qu'un plus grand appui soit apporté aux femmes dans le domaine agricole.
276. Les moyens d'encourager les femmes et les filles à s'intéresser aux domaines scientifiques devraient être envisagés.
277. Le développement des activités de coopération devrait être favorisé au niveau régional pour renforcer les droits acquis par les femmes au fil des ans et empêcher tout retour en arrière dû à la menace des tendances religieuses extrémistes.