University of Minnesota



Comité pour l'élimination de la discrimination
à l'égard des femmes, Recommandation générale no. 21, Egalité dans le mariage et les rapports familiaux, (Treizième session, 1992), U.N. Doc. A/49/38, réimprimé en Récapitulation des observations générales ou recommendations générales adoptées par les organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, U.N. Doc. HRI/GEN/1/Rev.7 (2004).






1. La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (résolution 34/180 de l'Assemblée générale, annexe) affirme l'égalité des droits fondamentaux des hommes et des femmes dans la société et dans la famille. Cette convention occupe une place importante parmi les traités internationaux de protection de ces droits fondamentaux.

2. Il existe d'autres instruments qui confèrent beaucoup d'importance à la famille et reconnaissent à la femme une grande place à l'intérieur de la cellule familiale : la Déclaration universelle des droits de l'homme (résolution 217 A (III) de l'Assemblée générale, annexe), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (résolution 2200 A (XXI), annexe), la Convention sur la nationalité des femmes mariées (résolution 1040 (XI), annexe), la Convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement du mariage (résolution 1763 A (XVII), annexe) et la Recommandation ultérieure [résolution 2018 (XX)] et les Stratégies prospectives d'action de Nairobi pour la promotion de la femme.

3. Comme les instruments cités ci-dessus, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes rappelle les droits inaliénables des femmes, mais elle va plus loin, car elle tient compte de l'influence que la culture et les traditions exercent sur les comportements et les mentalités de la collectivité, restreignant considérablement l'exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux.

Généralités

4. L'Assemblée générale ayant décidé (résolution 44/82) que l'année 1994 serait l'Année internationale de la famille, le Comité souligne qu'un bon moyen de soutenir et d'encourager les manifestations qui auront lieu dans les pays est de respecter au sein des familles les droits fondamentaux des femmes.

5. Ayant décidé de marquer l'Année internationale de la famille, le Comité souhaite analyser trois articles de la Convention qui se rapportent plus particulièrement à ce sujet :

Article 9

Observations

6. La nationalité est capitale pour une complète insertion dans la société. Un Etat confère généralement sa nationalité aux personnes nées sur son sol. La nationalité peut aussi être conférée du fait que la personne intéressée s'est établie dans le pays, ou accordée pour des raisons humanitaires, par exemple à des apatrides. Une femme qui n'a pas la nationalité ou la citoyenneté du pays où elle vit n'est pas admise à voter ou à postuler à des fonctions publiques et peut se voir refuser les prestations sociales et le libre choix de son lieu de résidence. La femme adulte devrait pouvoir changer de nationalité, qui ne devrait pas lui être arbitrairement retirée en cas de mariage ou de dissolution de mariage ou parce que son mari ou son père change lui-même de nationalité.


Article 15

Observations

7. Une femme n'a pas d'autonomie juridique lorsqu'elle n'est admise en aucune circonstance à passer de contrat, ou qu'elle ne peut obtenir de prêt, ou qu'elle ne peut le faire qu'avec l'accord ou la caution de son mari ou d'un homme de sa famille. Dans ces conditions, elle ne peut pas avoir de droit de propriété exclusif sur des biens, n'est pas juridiquement maîtresse de ses propres affaires et ne peut conclure aucune forme de contrat. Cette situation restreint considérablement les moyens dont dispose la femme pour pourvoir à ses besoins et à ceux des personnes à sa charge.

8. Dans certains pays, la femme peut difficilement ester en justice, soit parce que la loi elle-même limite ses droits à cet égard, soit parce qu'elle ne peut obtenir des conseils juridiques ou demander réparation aux tribunaux. Il arrive aussi que le tribunal accorde moins de foi ou de poids au témoignage ou à la déposition d'une femme qu'à ceux d'un homme. Des règles juridiques ou coutumières de cette nature font que la femme peut difficilement obtenir ou conserver une part égale des biens et que la collectivité ne la valorise pas comme un membre indépendant et capable de responsabilités. Un pays qui limite dans sa législation la capacité juridique de la femme ou tolère que des personnes ou des organismes restreignent cette capacité dénie aux femmes le droit à l'égalité avec les hommes et leur ôte autant de moyens de pourvoir à leurs besoins et à ceux des personnes dont elles ont la charge.

9. Dans les pays de common law, le domicile est le pays dans lequel la femme a l'intention de résider et à la juridiction duquel elle sera soumise. Le domicile de l'enfant est celui de ses parents, mais le domicile de l'adulte est le pays où cette personne a sa résidence ordinaire et a l'intention de s'établir en permanence. De même que pour la nationalité, on constate dans les rapports des Etats parties que les lois nationales ne donnent pas toujours à la femme le droit de choisir le lieu de son domicile. La femme adulte devrait pouvoir, quelle que soit sa situation de famille, changer à volonté de domicile, comme de nationalité. Toute restriction faisant qu'une femme ne peut pas choisir son domicile aussi librement qu'un homme peut limiter les possibilités qu'a cette femme d'accéder aux tribunaux du pays ou l'empêcher d'entrer dans un pays ou de le quitter librement et indépendamment.

10. Les femmes migrantes qui habitent et travaillent temporairement dans un autre pays devraient pouvoir comme les hommes faire venir leur conjoint, compagnon ou enfants auprès d'elles.


Article 16

1. Les Etats parties prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme :

Observations

Vie sociale et vie domestique

11. La vie sociale et la vie domestique ont toujours été considérées comme des sphères différentes et régies en conséquence. Dans toutes les sociétés, les activités privées ou domestiques, traditionnellement réservées aux femmes, sont depuis longtemps considérées comme inférieures.

12. Ces activités étant pourtant indispensables à la survie de la société, il est absolument injustifiable de les régir autrement que les autres, par des lois ou des coutumes différentes ou discriminatoires. Les rapports des Etats parties révèlent que certains pays n'ont pas encore établi l'égalité de droit entre les sexes : la femme ne peut pas disposer des ressources au même titre que l'homme et n'est pas considérée comme l'égale de celui-ci, ni dans la famille, ni dans la société. Même dans les sociétés où cette égalité est établie par la loi, les femmes se voient toujours assigner des rôles différents de ceux des hommes et considérés comme inférieurs. Cela contrevient aux principes de justice et d'égalité énoncés dans la Convention, en particulier à l'article 16, mais aussi aux articles 2, 5 et 24.

Diverses formes de la famille

13. La notion de famille et la forme que peut prendre la cellule familiale ne sont pas identiques dans tous les pays et varient parfois d'une région à l'autre à l'intérieur d'un même pays. Mais quelle que soit la forme que prend la famille, quels que soient le système juridique, la religion ou la tradition du pays, les femmes doivent, dans la loi et dans les faits, être traitées dans la famille selon les principes d'égalité et de justice consacrés par l'article 2 de la Convention et qui s'appliquent à tous les individus.

Polygamie

14. On constate dans les rapports des Etats parties qu'un certain nombre de pays conservent la pratique de la polygamie. La polygamie est contraire à l'égalité des sexes et peut avoir de si graves conséquences affectives et financières pour la femme et les personnes à sa charge qu'il faudrait décourager et même interdire cette forme de mariage. Il est inquiétant de constater que certains Etats parties, dont la Constitution garantit pourtant l'égalité des droits des deux sexes, autorisent la polygamie, soit par conviction, soit pour respecter la tradition, portant ainsi atteinte aux droits constitutionnels des femmes et en infraction à la disposition 5 a) de la Convention.

Article 16, paragraphe 1, alinéas a) et b)

15. Si la plupart des pays se conforment à la Convention dans leur constitution et leur législation nationales, dans le concret en revanche, ils contreviennent à cet instrument par leurs coutumes et traditions et par les carences dans l'application de la loi.

16. Il est capital pour la vie d'une femme et pour sa dignité d'être humain à l'égal des autres que cette femme puisse choisir son époux et se marier de sa propre volonté. Il ressort des rapports des Etats parties que certains pays, pour respecter la coutume, les convictions religieuses ou les idées traditionnelles de communautés particulières, tolèrent les mariages ou remariages forcés. Dans d'autres pays, les mariages sont arrangés contre paiement ou avantages, ou bien encore les femmes, pour fuir la pauvreté, se trouvent dans la nécessité d'épouser des étrangers qui leur offrent une sécurité financière. Sauf lorsqu'il existe un motif contraire valable, par exemple l'âge prématuré de la femme ou des raisons de consanguinité, la loi doit protéger le droit qu'a la femme de choisir ou non le mariage, quand elle le veut et avec qui elle veut, et assurer l'exercice concret de ce droit.


Article 16, paragraphe 1, alinéa c)

17. Il ressort des rapports que de nombreux Etats parties établissent juridiquement les droits et responsabilités des conjoints en se fondant sur les principes de la common law, le droit religieux ou le droit coutumier et non pas sur les principes énoncés dans la Convention. Ces divergences avec les principes de la Convention, dans le droit et dans les faits, ont de multiples conséquences pour les femmes, ayant invariablement pour effet d'amoindrir leur statut et leurs responsabilités dans le mariage. Ces restrictions aux droits des femmes font que l'époux est souvent considéré comme le chef de famille et que c'est d'abord à lui que reviennent les décisions; elles sont par conséquent contraires aux dispositions de la Convention.

18. De plus, l'union libre n'est en général pas protégée du tout par la loi. La législation devrait assurer à la femme dans cette situation l'égalité avec l'homme, dans la famille et dans le partage des revenus et des biens. La femme vivant en union libre devrait aussi avoir les mêmes droits et les mêmes responsabilités que l'homme en ce qui concerne l'éducation des enfants à charge ou lorsqu'il faut s'occuper de membres de la famille.


Article 16, paragraphe 1, alinéas d) et f)

19. Comme le prévoit le paragraphe b) de l'article 5, la plupart des Etats reconnaissent le partage des responsabilités des parents à l'égard de leurs enfants, aussi bien en ce qui concerne les soins et la protection que l'entretien. Le principe selon lequel "l'intérêt supérieur de l'enfant sera la considération primordiale" figure dans la Convention relative aux droits de l'enfant (résolution 44/25 de l'Assemblée générale, annexe) et semble être maintenant universellement accepté. Toutefois, dans la pratique, certains pays n'appliquent pas le principe consistant à accorder à des parents non mariés le même statut. Les enfants nés de telles unions ne jouissent pas toujours du même statut que ceux nés dans le mariage et, lorsque les mères sont divorcées ou séparées, de nombreux pères n'assument pas leur part de la responsabilité des soins, de la protection et de l'entretien de leurs enfants.

20. Les droits et responsabilités partagés énoncés dans la Convention devraient être garantis par la loi et, selon le cas, par des notions juridiques de tutelle, curatelle, garde et adoption. Les Etats parties devraient incorporer dans leur législation des dispositions établissant l'égalité des droits et responsabilités des deux parents, indépendamment de leur statut matrimonial, vis-à-vis de leurs enfants, qu'ils vivent avec eux ou non.


Article 16, paragraphe 1, alinéa e)

21. Le fait de porter et d'élever des enfants limite l'accès des femmes à l'éducation, à l'emploi et à d'autres activités d'épanouissement personnel. Il leur impose également une charge de travail disproportionnée. Le nombre et l'espacement des naissances ont la même incidence sur la vie des femmes et affectent leur santé physique et mentale comme celle de leurs enfants. Les femmes ont donc le droit de décider du nombre et de l'espacement des naissances.

22. Certains rapports font état de pratiques coercitives qui ont de graves conséquences pour les femmes, telles que la procréation, l'avortement ou la stérilisation forcés. La décision d'avoir ou non des enfants, même si elle doit de préférence être prise en consultation avec le conjoint ou le partenaire, ne peut toutefois être limitée par le conjoint, un parent, le partenaire ou l'Etat. Pour pouvoir décider en connaissance de cause d'avoir recours à des mesures de contraception sans danger et efficaces, les femmes doivent être informées des moyens de contraception et de leur utilisation et avoir un accès garanti à l'éducation sexuelle et aux services de planification de la famille, comme le prévoit le paragraphe h) de l'article 10 de la Convention.

23. Il est largement admis que l'existence de moyens appropriés de régulation volontaire des naissances accessibles à tous est bénéfique pour la santé, le développement et le bien-être de tous les membres de la famille. Ces services contribuent en outre à améliorer la qualité générale de la vie et la santé de la population, à préserver l'environnement, par le biais de la limitation volontaire de l'accroissement démographique, et à instaurer un développement économique et social durable.

Article 16, paragraphe 1, alinéa g)

24. Une famille stable est celle qui est fondée sur l'équité, la justice et l'épanouissement individuel de chacun de ses membres. Chaque partenaire doit donc avoir le libre choix d'exercer une profession ou un emploi correspondant à ses propres intérêts, aptitudes, qualifications et aspirations, comme le prévoient les alinéas a) et c) de l'article 11 de la Convention. De même, chaque partenaire devrait pouvoir choisir son propre nom, préservant ainsi son individualité, son identité personnelle dans la communauté et le distinguant des autres membres de la société. Lorsque, en cas de mariage ou de divorce, la loi ou la coutume oblige une femme à changer de nom, cette dernière est privée de ces droits.


Article 16, paragraphe 1, alinéa h)

25. Les droits visés à cet alinéa recoupent et complètent ceux qui sont énoncés au paragraphe 2 de l'article 15, qui impose aux Etats l'obligation de donner à la femme les mêmes droits de conclure des contrats et d'administrer des biens.

26. Le paragraphe 1 de l'article 15 garantit l'égalité des femmes et des hommes devant la loi. Le droit de posséder, de gérer des biens, d'en jouir et d'en disposer est un élément essentiel du droit pour la femme de jouir de son indépendance financière et, dans bien des pays, ce droit sera indispensable pour lui permettre de se doter de moyens d'existence et d'assurer un logement et une alimentation suffisante pour elle-même et pour sa famille.

27. Dans les pays qui ont mis en oeuvre une réforme agraire ou un programme de redistribution des terres, il conviendrait de respecter rigoureusement le droit de la femme de posséder à égalité avec l'homme et, indépendamment de son statut marital, une part des terres ainsi redistribuées.

28. Dans la plupart des pays, une proportion importante de femmes sont célibataires ou divorcées et ont parfois une famille à charge. Toute discrimination dans la répartition des biens, qui serait fondée sur le postulat que l'homme est seul responsable d'assurer la subsistance des femmes et des enfants qui composent sa famille et qu'il est apte et résolu à s'acquitter honorablement de cette responsabilité, n'est évidemment pas réaliste. En conséquence, toute loi ou coutume qui accorde à l'homme le droit d'avoir une part plus grande des biens à la fin du mariage ou à la cessation d'une union de fait, ou à la mort d'un parent, est discriminatoire et aura une incidence sérieuse sur la possibilité pratique pour la femme de divorcer, de subvenir à ses besoins ou ceux de sa famille et de vivre dignement en personne indépendante.

29. Tous ces droits devraient être garantis quelle que soit la situation matrimoniale de la femme.

Biens matrimoniaux

30. Il y a des pays qui ne reconnaissent pas le droit des femmes de posséder une part égale des biens avec l'époux durant le mariage ou une union de fait et lorsque ce mariage ou cette union prend fin. De nombreux pays reconnaissent ce droit, mais la possibilité pratique pour la femme de l'exercer peut être limitée par la jurisprudence ou la coutume.

31. Même lorsque ces droits sont reconnus à la femme et que les tribunaux les appliquent, les biens possédés par la femme durant le mariage ou au moment du divorce peuvent être administrés par l'homme. Dans de nombreux pays, y compris ceux qui appliquent un régime de communauté des biens, il n'y a pas d'obligation légale de consultation de la femme lorsque les biens possédés par l'une et l'autre partie pendant le mariage ou l'union de fait sont vendus ou qu'il en est disposé de toute autre façon. Cette disposition limite la possibilité pour la femme de contrôler la disposition des biens ou le revenu qui en découle.

32. Dans certains pays, en ce qui concerne la répartition des biens matrimoniaux, l'accent est placé davantage sur les contributions financières à l'acquisition de biens pendant le mariage, et d'autres contributions telles que l'éducation des enfants, les soins aux parents âgés et les dépenses du ménage sont minimisées. Souvent, les contributions non pécuniaires de la femme permettent à l'époux de s'assurer un revenu et d'augmenter les avoirs. Les contributions financières et non pécuniaires devraient avoir le même poids.

33. Dans de nombreux pays, les biens acquis au cours d'une union de fait ne sont pas traités par la loi de la même façon que ceux acquis au cours du mariage. Invariablement, si cette union cesse, la femme reçoit une part bien inférieure à celle de son partenaire. Les lois et coutumes relatives à la propriété qui prévoient une telle discrimination à l'encontre des femmes, mariées ou non, avec ou sans enfants, devraient être annulées et découragées.

Succession

34. Les rapports des Etats parties devraient comporter des commentaires sur les dispositions légales ou coutumières relatives à la succession ayant une incidence sur le statut des femmes, conformément aux dispositions de la Convention et à la résolution 884 D (XXXIV) du Conseil économique et social, qui recommande aux Etats de veiller à ce que les hommes et les femmes, au même degré de parenté avec une personne décédée, aient droit à des parts égales de l'héritage et à un rang égal dans l'ordre de succession. Cette disposition n'a pas été largement appliquée.

35. Il existe de nombreux pays où la législation et la pratique en matière de succession et de propriété engendrent une forte discrimination à l'égard des femmes. En raison de cette inégalité de traitement, les femmes peuvent recevoir une part plus faible des biens de l'époux ou du père à son décès que ne recevrait un veuf ou un fils. Dans certains cas, les femmes ont des droits limités et contrôlés et ne reçoivent qu'un revenu provenant des biens du défunt. Souvent, les droits à l'héritage pour les veuves ne sont pas conformes aux principes de la propriété égale des biens acquis durant le mariage. Ces pratiques sont contraires à la Convention et devraient être éliminées.


Article 16 2)

36. Dans la Déclaration et le Programme d'action de Vienne adoptés par la Conférence sur les droits de l'homme, tenue à Vienne du 14 au 25 juin 1993, il est demandé aux Etats d'abroger les lois et règlements en vigueur et d'éliminer les coutumes et pratiques qui sont discriminatoires et préjudiciables à l'endroit des filles. L'article 16, à son paragraphe 2, et les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant interdisent aux Etats parties d'autoriser un mariage entre des personnes mineures ou d'accorder la validité à un tel mariage. La Convention stipule qu'"un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable". En dépit de cette définition, et compte tenu des dispositions de la Déclaration de Vienne, le Comité estime que l'âge légal pour le mariage devrait être de 18 ans pour l'homme et la femme. Lorsque les hommes et les femmes se marient, ils assument d'importantes responsabilités. Ils ne devraient donc pas pouvoir se marier avant d'être en pleine maturité et capacité d'agir. Selon l'OMS, lorsque les mineurs, en particulier les filles, se marient et ont des enfants, leur santé peut en souffrir, ainsi que leur éducation, ce qui réduit leur autonomie économique.

37. Le mariage précoce a non seulement des répercussions sur l'équilibre personnel des femmes, mais aussi sur le développement de leurs capacités et leur indépendance, et il réduit leur accès à l'emploi, ce qui a des répercussions négatives pour leur famille et leur communauté.

38. Certains pays fixent un âge différent pour le mariage de l'homme et de la femme. Etant donné qu'elles partent du principe erroné que les femmes se développent à un rythme différent des hommes sur le plan intellectuel ou que le stade de leur développement physique et intellectuel est sans importance, ces dispositions devraient être abrogées. Dans d'autres pays, les fiançailles des filles et les engagements pris par les membres de leur famille en leur nom sont autorisés. Ces pratiques sont contraires aux dispositions de la Convention, ainsi qu'au droit de la femme de choisir librement un partenaire.

39. Les Etats parties doivent rendre l'enregistrement de tous les mariages obligatoire, qu'ils soient contractés civilement ou suivant la coutume ou un rite religieux. Les Etats seraient ainsi en mesure de faire respecter les dispositions de la Convention et les lois qui garantissent l'égalité entre les partenaires ainsi qu'un âge légal pour le mariage et qui interdisent la bigamie ou la polygamie et qui garantissent la protection des droits des enfants.

Recommandations

La violence à l'égard des femmes

40. S'agissant de la place qu'occupe la femme dans la vie de la famille, le Comité tient à souligner que les dispositions de la recommandation générale 19 (onzième session) concernant la violence à l'égard des femmes revêtent une grande importance en ce qui concerne l'aptitude des femmes à jouir des droits et libertés dans les mêmes conditions que les hommes. Les Etats parties sont instamment priés de se conformer à cette recommandation générale pour faire en sorte que, dans la vie publique et dans la vie de famille, les femmes soient affranchies de la violence qui s'exerce contre elles et qui entrave si gravement leurs droits et libertés individuels.

Réserves

41. Le Comité a noté avec inquiétude qu'un grand nombre d'Etats parties avaient formulé des réserves à l'égard de certains paragraphes ou de l'ensemble de l'article 16 et qu'ils les avaient assorties d'une réserve à l'égard de l'article 2, parce que ses dispositions n'étaient pas compatibles avec leur conception générale de la famille compte tenu notamment de la culture, de la religion, de la situation économique et des institutions politiques de leur pays.

42. Beaucoup de ces pays sont attachés à une conception patriarcale de la famille qui attribue au père, au mari ou au fils un rôle prédominant. Dans certains pays, où des idées fondamentalistes ou d'autres idées extrémistes ou la crise économique ont favorisé un retour aux valeurs et traditions du passé, la place des femmes dans la famille s'est nettement dégradée. Dans d'autres, où il a été reconnu qu'une société moderne devait, pour le progrès économique et le bien-être général de la communauté, associer tous les adultes sur un pied d'égalité sans considération de sexe, ces tabous et idées réactionnaires ou extrémistes ont été progressivement découragés.

43. Conformément aux articles 2, 3 et 24 en particulier, le Comité demande que tous les Etats parties favorisent une évolution progressive en décourageant résolument la notion d'inégalité des femmes au sein de la famille, pour en arriver à retirer leurs réserves concernant notamment les articles 9, 15 et 16 de la Convention.

44. Les Etats parties devraient décourager résolument toute notion d'inégalité entre les hommes et les femmes, consignée dans les lois et pratiques réglementaires, coutumières ou religieuses et parvenir à un stade où les réserves, notamment à l'article 16, seront retirées.

45. Le Comité a noté, en examinant les rapports périodiques initiaux et les rapports ultérieurs, que dans certains Etats parties à la Convention qui l'avaient ratifiée ou y avaient adhéré sans faire de réserves, certaines lois, en particulier celles qui ont trait à la famille, ne sont pas vraiment conformes aux dispositions de la Convention.

46. Ces lois prévoient encore de nombreuses mesures discriminatoires envers les femmes, qui sont fondées sur des normes, des coutumes et des préjugés socioculturels. Ces Etats, qui sont dans une situation particulière en ce qui concerne ces articles, ne facilitent pas au Comité sa tâche d'évaluation et de compréhension de la condition des femmes.

47. En s'appuyant particulièrement sur les articles 1 et 2 de la Convention, le Comité demande à ces Etats parties de s'efforcer dûment d'examiner la situation de fait dans ce domaine et d'introduire les mesures nécessaires dans leur législation nationale si celle-ci contient toujours des dispositions discriminatoires envers les femmes.

Rapports

48. Compte tenu des observations figurant dans la présente recommandation générale, les Etats parties devraient dans leur rapport :

a) Indiquer à quelle étape du processus devant aboutir au retrait de toutes les réserves concernant la Convention, et en particulier à l'article 16, le pays est arrivé.

b) Indiquer si leurs lois sont conformes aux principes énoncés aux articles 9, 15 et 16 et les cas où les lois et pratiques religieuses, réglementaires ou coutumières rendent impossible le respect du droit ou des dispositions de la Convention.

Législation

49. Les Etats parties devraient promulguer et faire appliquer les lois nécessaires pour respecter les dispositions de la Convention et en particulier les articles 9, 15 et 16.

Promotion du respect de la Convention

50. Compte tenu des observations figurant dans la présente recommandation générale et comme l'exigent les articles 2, 3 et 24, les Etats parties devraient prendre des mesures pour encourager le respect intégral des principes de la Convention, notamment lorsque les lois et pratiques réglementaires, coutumières ou religieuses vont à leur encontre.



* Figurant dans le document A/49/38.



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