Au nom de: L'auteur
État partie intéressé: Pays-Bas
Date de la communication: 4 mai 1998 (date de la lettre initiale)
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, créé en application de l'article 8 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
Réuni le 21 mars 2001,
Ayant achevé l'examen de la communication n° 15/1999, soumise au Comité en vertu de l'article 14 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
Ayant pris en considération tous les renseignements écrits qui lui avaient été communiqués par l'auteur et l'État partie,
Tenant compte de l'article 95 de son règlement intérieur, en vertu duquel il est tenu de formuler son opinion sur la communication dont il est saisi,
Adopte le texte ci-après:
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur affirme avoir été renvoyé de l'École de police néerlandaise pour
motifs raciaux et fait état de plusieurs actes de discrimination dont il aurait
été victime lors de sa formation à l'École de police entre 1991 et 1993. Il
signale notamment ceci:
- Lorsqu'un élève blanc arrivait en retard aux cours, ce n'était pas noté. Si l'auteur arrivait avec un léger retard, c'était noté, ce qui entraînait la perte d'un point qu'il ne pouvait pas récupérer.
- Lorsque l'auteur ne faisait pas assez bien un exercice, le professeur d'éducation physique disait au groupe: «Les muscles nécessaires pour bien faire cet exercice sont peu développés chez les singes».
- Lors d'un test sportif, l'une des épreuves consistait à parcourir une certaine distance en un temps donné. Lorsque l'auteur eut parcouru cette distance, il se trouva que le professeur avait oublié de le chronométrer, cela n'était pas arrivé aux élèves blancs.
- L'École avait été invitée à participer à un tournoi de football. En tant que membre du comité du groupe sportif, l'auteur devait décider de la composition de l'équipe. L'un des enseignants lui avait dit: «Veillez à ce que l'école soit bien représentée, ne choisissez pas trop de Noirs».
- Le 9 juillet 1993, le directeur de l'École avait informé l'auteur par écrit
qu'il souhaitait s'entretenir avec lui de ses résultats dans le courant du
mois d'août 1993. L'auteur devait être informé à cette occasion qu'il devait
finir ses examens avant la fin octobre 1993. Or, il se trouvait au Suriname
entre le 8 juillet et le 26 août 1993. Il ne pouvait donc pas être au courant
de l'«accord» concernant la date limite d'octobre 1993. Il n'avait donc pas
fini ses examens avant la fin d'octobre 1993. L'École de police a, par la
suite, fait valoir qu'il avait dû partir parce qu'il n'avait pas passé ses
examens.
2.3 L'auteur a saisi la Division du droit administratif du tribunal d'Amsterdam de son cas. Le 3 avril 1996, celle-ci avait annulé la décision de renvoi et reconnu que l'auteur avait été victime de discrimination. Cependant, par une décision du 6 novembre 1997, la cour d'appel centrale d'Utrecht chargée des questions relatives à la fonction publique et à la sécurité sociale avait confirmé la décision de renvoi.
Teneur de la plainte
3. L'auteur affirme que les faits, tels qu'ils sont décrits ci-dessus, constituent
une violation par l'État partie des articles 2, 5, 6 et 7 de la Convention.
Les actes de discrimination dont il a été victime lui ont causé un grave préjudice,
tant matériel que moral et il devrait être indemnisé.
Observations de l'État partie
4.1 L'État partie signale que le recrutement à l'École de police d'élèves issus
de minorités ethniques faisait partie à l'origine du Projet police et minorités
ethniques, auquel avait fait suite, en 1988, le Plan de mesures antidiscriminatoires
à l'embauche dans la police des minorités ethniques. L'Organisation police et
minorités ethniques, créée en 1991, mène à bien divers projets en matière de
recrutement et de sélection, de formation, d'orientation professionnelle et
de recherche. En 1991, un cours a été proposé au corps enseignant de l'École
de police pour lui permettre de développer ses connaissances et d'apprendre
de quelle façon aborder les cultures des minorités ethniques. Le Comité Brekelmans
a été créé le 11 mars 1992 pour mesurer le degré d'intégration des étudiants
issus de minorités ethniques et leur capacité d'adaptation et faire des recommandations.
Le Comité a présenté ses recommandations finales au Directeur de la police le
18 juillet 1992.
4.2 Le 14 décembre 1993, 21 élèves de l'École de police issus de minorités ethniques,
dont l'auteur, ont adressé une lettre ayant pour titre «Appel au secours urgent»
au Directeur général de l'ordre public et de la sécurité, à l'Institut de formation
et de sélection de la police nationale ainsi qu'à plusieurs syndicats. Dans
cette lettre, ils faisaient état d'attitudes discriminatoires dont ils avaient
été l'objet à l'École de police. Un autre groupe d'élèves issus de minorités
ethniques a écrit une lettre dans laquelle ils se distanciaient du contenu de
la lettre du 14 décembre 1993. Ces deux lettres ont amené les Ministres de l'intérieur
et de la justice, en consultation avec l'Institut de formation et de sélection
de la police nationale, entre autres à ouvrir une enquête qui allait porter
essentiellement sur les questions suivantes: a) celle de savoir si et dans quelle
mesure les élèves issus de minorités ethniques n'étaient pas convenablement
traités à l'École de police et, si tel était le cas, que faire pour que cette
situation ne se reproduise pas; b) celle de savoir si, d'après les conclusions
de l'enquête, il convenait de prendre des mesures et, éventuellement, lesquelles
pour éviter que pareille situation ne se reproduise à l'avenir; c) celle de
savoir si les élèves issus de minorités ethniques devaient accomplir des tâches
qu'il n'était pas raisonnable de leur demander.
4.3 L'enquête a été confiée à un organe composé de trois membres, la Commission
Boekraad, qui a conclu à l'absence de discrimination institutionnelle systématique
dirigée contre les élèves de l'École de police issus de minorités ethniques,
mais aussi que l'École ne dispensait pas encore un enseignement véritablement
multiculturel et que les mesures prises pour atteindre ce but étaient inappropriées.
La Commission a fait 14 recommandations visant à mettre en place un enseignement
véritablement multiculturel. La recommandation nº 4 proposait de nommer un comité
spécial d'experts extérieurs qui examineraient le cas de certains élèves issus
de minorités ethniques dont les études avaient stagné. Le Comité sur les progrès
des élèves issus de minorités ethniques (SAS) a été créé à cet effet.
4.4 Le Comité SAS a communiqué ses conclusions au Ministre de l'intérieur le
30 août 1995 et présenté des recommandations sur les 9 élèves dont il avait
étudié le cas. Sur ces 9 élèves, 3 avaient finalement achevé leurs études, 1
allait les terminer dans l'année, 2 avaient été inscrits ailleurs dans le cadre
d'une procédure de réorientation, 2 avaient bénéficié de prestations et le dernier
avait engagé une procédure judiciaire sur la question de savoir si le fait de
ne pas avoir achevé ses études avait occasionné ou non pour lui une perte de
revenu.
4.5 L'auteur est né au Suriname et vit aux Pays-Bas depuis de nombreuses années.
Avant d'entrer à l'École de police, il a suivi des cours de formation professionnelle
supérieure à l'École de service social, puis il a travaillé comme enseignant.
Il est entré à l'École de police le 20 août 1991, à l'issue d'une procédure
de sélection qui ne différait de la procédure d'entrée habituelle appliquée
aux élèves d'origine néerlandaise que sur quelques points de détail. Son admission
signifiait qu'en tant qu'élève il était aussi fonctionnaire employé à titre
temporaire par le Ministre de l'intérieur.
4.6 Le 6 juillet 1992, à la fin de sa première année d'études à l'École de police,
l'auteur a été informé par le secrétaire du Comité responsable de l'organisation
des examens qu'il n'était pas admis en deuxième année car ses résultats étaient
insatisfaisants. En réalité, ses résultats étaient tels qu'il aurait pu être
expulsé de l'École. Toutefois, il était autorisé à redoubler la première année.
À ce stade, il ne s'est pas plaint d'attitudes discriminatoires à l'intérieur
de l'École, ni envers lui-même ni envers ses camarades. À la fin de la deuxième
année, ses résultats ont été de nouveau si médiocres que les enseignants ont
estimé qu'il y avait lieu d'en discuter avec lui. Comme il avait été absent
(pour cause de maladie) et qu'il n'avait pu passer tous ses examens, l'École
a décidé de lui donner une seconde chance de les passer. Le directeur de l'École
l'a donc invité à le rencontrer pour faire le point.
4.7 Lors de cette rencontre, le 6 septembre 1993, le directeur a informé l'auteur qu'il avait jusqu'à la fin du mois d'octobre 1993 pour passer les examens restants. L'auteur ne s'est pas non plus plaint à ce moment-là d'avoir subi un traitement discriminatoire. Le 16 septembre 1993, un projet de calendrier ayant été établi, l'auteur a été invité à en discuter mais il a refusé de le faire. Il a ensuite été formellement invité à passer ses examens. Il a alors déclaré qu'il était malade et ne s'est pas présenté le jour des épreuves.
4.8 Le 24 septembre 1993, lors d'une réunion de l'équipe médico-sociale de l'École
de police, il a été noté que de l'avis des professeurs, l'auteur était parfaitement
capable d'obtenir de bons résultats. En revanche, des doutes ont été émis quant
aux raisons qu'il avait données de son absence. Il n'a été fait référence ni
à la couleur de sa peau ni à son origine ethnique.
4.9 En décembre 1993, le Comité responsable de l'organisation des examens a
décidé de proposer au directeur de l'École de renvoyer l'auteur le 1er mars
1994. Le directeur a notifié son renvoi à l'auteur le 26 janvier 1994. Le représentant
de l'auteur a, par lettres datées du 18 février et du 24 mars 1994, demandé
qu'une nouvelle chance soit donnée à l'auteur mais ce dernier a été renvoyé
le 1er octobre 1994.
4.10 L'auteur a recouru contre son renvoi le 5 août 1994. Il a affirmé que ses
notes médiocres et ses fréquentes absences n'étaient que la conséquence de la
façon dont il avait été traité par le corps enseignant de l'École. Il a également
déclaré que le Ministre avait eu tort de ne pas tenir compte dans son cas de
la recommandation nº 4 de la Commission Boekraad mentionnée plus haut. À l'audience,
tenue le 26 septembre 1994 dans le cadre de la procédure de recours, l'auteur
a donné des exemples tendant à prouver que les enseignants avaient manqué d'objectivité
à son égard. Toutefois, ces exemples ne faisaient nullement état de discrimination.
Il a mentionné:
4.12 L'auteur a fait appel de la décision devant le tribunal d'instance d'Amsterdam
qui a déclaré le recours recevable au motif que le Ministre aurait dû tenir
compte des conclusions de la Commission Boekraad. Le tribunal a également estimé
qu'en créant le Comité sur les progrès des élèves issus de minorités ethniques
(SAS), le Ministre avait implicitement assumé la responsabilité des problèmes
rencontrés par ces élèves. Le tribunal a jugé que, dans la mesure où les autres
élèves issus de minorités ethniques avaient eu la possibilité de bénéficier
d'une évaluation individuelle effectuée par le Comité SAS, ce dont n'avait pas
bénéficié l'auteur, le Ministre avait agi de manière incompatible avec le principe
d'égalité.
4.13 Le 27 février 1997, le Ministre avait fait appel devant le Tribunal central
de recours de la décision rendue par le tribunal d'instance au motif notamment
que ce dernier avait, à tort, supposé que l'auteur était dans la même position
que les neuf élèves issus de minorités ethniques dont le cas avait été étudié
par le Comité SAS lors de son enquête. Ceux-ci avaient tous fait leurs études
ailleurs qu'aux Pays-Bas et n'étaient pas dans le pays depuis très longtemps
lorsqu'ils avaient commencé leurs études à l'École de police. Ils n'étaient
donc pas encore pleinement intégrés dans la société néerlandaise. Ils avaient
bénéficié d'une procédure d'entrée distincte, conçue spécialement pour les «authentiques»
élèves issus de minorités ethniques, à savoir la procédure de sélection PPA
mise au point dans le cadre du Plan de mesures antidiscriminatoires. L'auteur
n'appartenait pas à cette catégorie. La procédure de sélection dans son cas
ne différait de la procédure ordinaire appliquée aux élèves d'origine néerlandaise
que sur quelques points de détail. Il n'y avait donc pas de raison que le cas
de l'auteur soit examiné individuellement par le Comité SAS.
4.14 Le Tribunal central de recours a déclaré recevable le recours du Ministre
et a cassé la décision du tribunal d'instance au motif que ni le rapport de
la Commission Boekraad ni celui du Comité SAS ne permettaient de conclure que
les mauvais résultats de l'auteur étaient la conséquence d'un traitement discriminatoire.
En outre, sa situation était fondamentalement différente de celle des élèves
qui n'avaient passé que peu de temps aux Pays-Bas avant de commencer leurs études,
qui maîtrisaient mal la langue néerlandaise et qui n'étaient pas encore pleinement
intégrés dans la société néerlandaise. Il n'y avait donc pas violation de l'obligation
de diligence suffisante et/ou du principe d'égalité.
4.15 L'État partie conteste l'affirmation de l'auteur selon laquelle la discrimination
et le racisme sont des pratiques institutionnelles et systématiques au sein
de la police et que le Ministre n'a pas pris les mesures qui s'imposaient pour
y mettre fin.
4.16 L'auteur affirme notamment que l'émission d'information télévisée Netwerk
a attiré l'attention sur son cas et sur l'aspect institutionnel de la discrimination
dans la police. Cependant, il a complètement omis de préciser quel était le
propos du documentaire en question et quelles étaient les conclusions à en tirer.
L'État partie considère donc que cela est sans rapport avec la question à l'examen.
4.17 L'auteur affirme sans raison que le Comité SAS est, en apparence, de parti
pris car il a été constitué par le Ministre de l'intérieur et l'École de police.
Six personnes indépendantes en étaient membres et ni le Gouvernement ni l'École
de police n'ont influencé leurs travaux.
4.18 Le Gouvernement a estimé que les allégations de discrimination fondées
sur l'origine ethnique présentées par 21 élèves issus de minorités ethniques
justifiaient l'ouverture d'une enquête indépendante sur l'existence d'une quelconque
discrimination. Les plaintes ont été instruites et des recommandations faites
pour éviter toute discrimination à l'avenir. Toutes ces recommandations ont
été suivies. Force est donc de conclure que le Gouvernement a agi conformément
au paragraphe 1 b de l'article 2 et à l'article 7 de la Convention.
4.19 Le cas de l'auteur n'a pas été retenu pour être individuellement examiné
par le Comité SAS, notamment parce que l'intéressé avait déjà été renvoyé lorsque
le Comité a commencé son enquête. Mais même s'il avait toujours été inscrit
à l'École à ce moment-là, il n'aurait pas eu droit à cet examen car rien n'indiquait
que ses mauvais résultats étaient liés en quoi que ce soit à son origine ethnique.
Le Ministre de l'intérieur s'est néanmoins penché sur la question de savoir
si la médiocrité des notes de l'auteur était due, comme il l'affirmait, à une
discrimination exercée par les enseignants tout au long du processus de prise
de la décision de renvoi, jusques et y compris à l'audience du Tribunal central
de recours.
4.20 L'auteur n'a pas apporté d'éléments prouvant qu'il avait été renvoyé parce
qu'il était l'instigateur de la lettre «Appel au secours urgent» et que le Tribunal
central de recours avait rendu sa décision sur la base de faits inexacts. Quant
à l'affirmation selon laquelle le Ministre n'a pas pris en considération les
conclusions de la Commission Boekraad au moment de se prononcer sur le recours
formé par l'auteur, l'État partie souligne que le Ministre en a bel et bien
tenu compte mais qu'elles ne lui ont pas permis de revenir sur sa décision.
4.21 Sur la base de ce qui précède, l'État partie déclare que le Gouvernement
s'est conformé à l'obligation qui lui incombe en vertu des articles 5 a
et 6 de la Convention d'assurer aux victimes de la discrimination raciale une
protection effective de la loi et, le cas échéant, réparation pour tout dommage
qu'elles pourraient subir par suite d'une telle discrimination. L'État partie
conclut aussi qu'il n'a violé aucune disposition de la Convention à l'égard
de l'auteur.
Commentaires du conseil
5.1 Le conseil relève un certain nombre d'inexactitudes dans les observations
de l'État partie (1), qui montrent que l'affaire n'a pas été étudiée
avec beaucoup de soin. Par exemple, avant d'entrer à l'École de police, l'auteur
vivait aux Pays-Bas depuis six ans et non depuis «de nombreuses années» comme
l'indique l'État partie. En outre, il n'a pas étudié à l'École de service social;
il a étudié la médecine à l'Université d'Amsterdam de 1987 à 1990 et n'a jamais
été enseignant.
5.2 L'auteur affirme que le fait de faire partie du groupe d'élèves de l'École
issus de minorités ethniques qui n'avaient pas besoin d'une aide particulière
(cours de néerlandais par exemple) ne le mettait pas à l'abri de la discrimination
raciale. Les mécanismes d'exclusion en place à l'École de police étaient intacts
en dépit du fait que le corps enseignant avait eu la possibilité de suivre une
formation sur la façon de s'y prendre avec des étudiants de cultures différentes.
5.3 La lettre écrite en réponse à l'«Appel au secours urgent» était le fait
non pas d'autres élèves issus de minorités ethniques (2) mais d'élèves
blancs et il en ressortait que des incidents qui pouvaient être qualifiés de
racistes avaient eu lieu. Les élèves blancs demandaient l'instauration d'un
dialogue pour trouver une solution.
5.4 Bien que la Commission Boekraad ait conclu à l'absence de discrimination
institutionnelle à l'École de police, elle a déclaré qu'il y avait de la discrimination
et elle a recommandé à l'École d'instituer un code antidiscrimination.
5.5 L'auteur se plaint que le Comité SAS ne s'est jamais penché sur son cas
bien qu'il ait été l'un des signataires de la lettre «Appel au secours urgent».
Il ne comprend pas pourquoi ce comité n'a examiné que le cas de 9 des 21 signataires
de la lettre et il exprime des doutes quant à son indépendance à l'égard du
Ministère de l'intérieur. Il indique que le secrétaire du Comité était membre
de la Direction de la police au Ministère de l'intérieur et que son Président
avait siégé à la Commission Boekraad. Il affirme qu'une enquête indépendante
aurait dû porter sur tous les aspects du problème et pas seulement sur le cas
de quelques personnes. Il exprime également des doutes quant à l'indépendance
de l'équipe médico-sociale de l'École de police, dont les membres étaient tous
liés à l'École. L'équipe ne l'avait pas vraiment cru lorsqu'il avait exposé
les raisons de son absence. En fait, tout ce qu'il avait dit avait été mis en
doute. Autre élément attestant la discrimination, le fait que son renvoi de
l'École ne lui avait été notifié qu'avec un préavis de deux jours, au lieu des
trois mois exigés par la loi. Ce n'était que lorsqu'il avait menacé d'engager
une action en justice que l'École avait rectifié la chose.
5.6 L'auteur ne partage pas l'avis de l'État partie selon lequel les incidents
auxquels il a fait référence à l'audience du 26 septembre 1994 ne constituent
pas une discrimination (3). Ils auraient dû être examinés par le Comité
SAS ainsi que l'avait recommandé la Commission Boekraad. L'auteur ne partage
toujours pas l'opinion de l'État partie qui estime que les recommandations de
la Commission Boekraad ne s'appliquaient pas dans son cas et il appelle l'attention
du Comité sur le fait que le tribunal d'instance d'Amsterdam était totalement
de son avis. Par ailleurs, l'État partie semble dire que, ayant une bonne maîtrise
de la langue néerlandaise, l'auteur ne pouvait pas avoir été en butte à de la
discrimination. L'auteur fait observer que malgré tout il a toujours la peau
foncée.
5.7 L'auteur conteste vivement la thèse de l'État partie selon laquelle son
renvoi s'explique par ses mauvais résultats, lesquels seraient la conséquence
directe de la situation psychologique dans laquelle il se trouvait du fait de
la discrimination qu'il subissait. L'État partie ne peut nier que les policiers
issus de minorités ethniques qui quittent la police sont plus nombreux que ceux
qui y entrent, ce qui s'explique par la discrimination institutionnelle.
5.8 Enfin, l'auteur note que, dans ses observations, l'État partie ne nie pas
qu'il a effectivement été victime des incidents décrits dans le paragraphe 2.1
plus haut. L'auteur ne partage toutefois pas sa conclusion, à savoir que ces
incidents ont été pris en compte lorsque la décision de renvoi a été adoptée.
Ces incidents ayant été à l'origine de ses mauvais résultats, son cas aurait
dû être examiné attentivement et les recommandations de la Commission Boekraad
appliquées.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité pour
l'élimination de la discrimination raciale doit, conformément au paragraphe
7 a de l'article 14 de la Convention et aux articles 86 et 91 de son
règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable. Le Comité
note que l'État partie ne soulève pas d'objections quant à la recevabilité de
la communication et qu'il a formulé des observations détaillées sur le fond.
Le Comité estime que toutes les conditions énoncées dans les dispositions susvisées
sont remplies. En conséquence, il décide que la communication est recevable.
6.2 Quant au fond de la communication, le Comité estime que certaines des allégations
formulées par l'auteur, résumées au paragraphe 2.1 plus haut, ont une connotation
raciste réelle. Toutefois, elles n'ont été évoquées ni devant le tribunal d'instance
d'Amsterdam ni devant le Tribunal central de recours qui ont eu à connaître
principalement de la question du renvoi de l'École de police. En outre, il n'apparaît
pas, d'après les renseignements reçus par le Comité, que la décision de mettre
fin à la participation de l'auteur à l'École de police soit le résultat d'une
discrimination fondée sur la race. Rien ne vient non plus étayer l'allégation
selon laquelle ses mauvais résultats scolaires étaient liés aux incidents visés
au paragraphe 2.1.
7. Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, agissant en vertu du paragraphe 7 a de l'article 14 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, estime que les faits, tels qu'ils sont présentés, ne font pas apparaître une violation de la Convention par l'État partie.