Présentée par : Kashif Ahmad (représenté par un conseil)
Au nom de : L'auteur
État partie intéressé : Danemark
Date de la communication : 28 mai 1999 (lettre initiale)
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, créé en
application de l'article 8 de la Convention internationale sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination raciale,
Réuni le 13 mars 2000,
Ayant achevé l'examen de la communication No 16/1999, soumise au Comité
en vertu de l'article 14 de la Convention internationale sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination raciale,
Ayant pris en considération tous les renseignements écrits qui lui avaient
été communiqués par l'auteur et l'État partie,
Tenant compte de l'article 95 de son règlement intérieur, en vertu duquel
il est tenu de formuler son opinion sur la communication dont il est saisi,
Adopte le texte ci-après :
1.2 Conformément au paragraphe 6 a) de l'article 14 de la Convention, le Comité a transmis la communication à l'État partie le 27 août 1999.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 16 juin 1998, proches et amis étaient venus retrouver les élèves à la fin des examens qui avaient lieu au lycée Avedore, à Hvidovre, comme le veut la coutume au Danemark. L'auteur et son frère, munis d'une caméra vidéo, attendaient à l'extérieur de la salle d'examen où l'un de leurs amis passait des épreuves. Un professeur, M. Kai Pedersen, leur a alors demandé de partir. Devant leur refus, il a informé le directeur, M. Ole Thorup, qui a immédiatement appelé la police. M. Thorup a qualifié publiquement l'auteur et son frère de "bande de macaques". Lorsque l'auteur a dit à M. Thorup qu'il allait porter plainte contre la façon dont il avait été traité, M. Pedersen a exprimé des doutes quant à l'efficacité d'une telle plainte et a dit que l'auteur et son frère étaient "une bande de macaques" qui ne savaient pas s'exprimer correctement. Lorsque les policiers sont arrivés, l'auteur et ses amis leur ont raconté l'incident. Les policiers ont promis de parler à M. Thorup.
2.2 Le même jour, l'auteur a reçu une lettre de M. Thorup l'informant que
sa présence était indésirable à la cérémonie officielle de remise des diplômes
qui aurait lieu à l'école le 19 juin 1998. Le 17 juin 1998, le père de l'auteur
est allé au lycée Avedore pour parler de l'affaire avec M. Thorup. M. Thorup
a d'abord refusé de le recevoir; lorsqu'il l'a finalement reçu, il lui a dit
que l'affaire avait été réglée et lui a demandé de partir. Par la suite, l'auteur
a appris par l'un des employés de l'école que M. Thorup avait donné pour consigne
aux gardes de ne pas le laisser entrer dans l'établissement.
2.3 Par une lettre datée du 25 juin 1998, le conseil a informé M. Thorup que
l'affaire était grave et que les termes dans lesquels il s'était adressé à
l'auteur constituaient une infraction à l'article 266 b) du Code pénal danois.
Le conseil a également demandé qu'une explication et des excuses soient présentées
à son client. M. Thorup a répondu que l'auteur et son frère avaient fait du
bruit à l'extérieur des salles d'examen mais il n'a pas nié avoir utilisé
les termes racistes susmentionnés.
2.4 Le conseil a déposé une plainte auprès de la police de Hvidovre le 7 juillet
1998. Par une lettre datée du 23 septembre 1998, la police l'a informé qu'elle
avait interrogé M. Thorup et M. Pedersen et avait conclu que les termes incriminés
n'entraient pas dans le champ d'application de l'article 266 b) du Code pénal.
Elle avait donc classé l'affaire conformément au paragraphe 2 de l'article
749 de la loi danoise sur l'administration de la justice. La police ajoutait
que les termes utilisés devaient être replacés dans le contexte d'une situation
tendue. À son avis, ils ne devaient pas être interprétés comme des termes
insultants ou dégradants en rapport avec la race, la couleur, l'origine nationale
ou ethnique, étant donné qu'ils pouvaient être proférés à l'encontre de personnes
d'origine danoise qui se seraient comportées comme l'auteur l'avait fait.
2.5 Par une lettre datée du 1er octobre 1998, le conseil a demandé à la police
de porter l'affaire à la connaissance du Procureur général. Le 30 novembre
1998, ce dernier a confirmé la décision de la police.
2.6 Le conseil affirme que, conformément à l'article 101 de la loi sur l'administration
de la justice, les décisions du Procureur général relatives aux enquêtes de
police ne peuvent faire l'objet d'un recours devant d'autres autorités. Étant
donné que la décision de donner suite aux accusations portées contre des particuliers
est laissée entièrement à l'appréciation de la police, il n'est pas possible
de porter l'affaire devant un tribunal. En outre, toute action en justice
intentée par l'auteur contre M. Thorup et M. Pedersen serait vaine puisque
la police de Hvidovre et le Procureur général ont rejeté les plaintes de l'auteur.
2.7 Le conseil affirme par ailleurs que la Haute Cour de la circonscription
de l'Est a estimé, dans une décision en date du 5 février 1999, qu'un acte
de discrimination raciale n'impliquait pas en soi une atteinte à l'honneur
et à la réputation d'une personne en vertu de l'article 26 de la loi danoise
sur les délits civils. D'après le conseil, la position adoptée par la Haute
Cour à la suite de cette décision est qu'un acte de discrimination raciale
commis poliment, ne constitue pas en soi un motif sur lequel fonder une demande
de réparation.
Teneur de la plainte
3.1 Il est indiqué que l'affaire n'a pas été dûment examinée par les autorités nationales et que l'auteur n'a jamais obtenu ni excuses ni satisfaction ou réparation adéquates. En conséquence, le Danemark a violé ses obligations en vertu du paragraphe 1 d) de l'article 2 et de l'article 6 de la Convention.
3.2 Le conseil affirme que ni la police de Hvidovre ni le Procureur général
n'ont examiné, en particulier, les questions suivantes : a) si M. Thorup et
M. Pedersen avaient effectivement dit que l'auteur et son frère étaient "une
bande de macaques" et qu'ils ne savaient pas s'exprimer correctement;
b) si ces termes avaient été utilisés par référence à l'origine pakistanaise
de l'auteur et de son frère; c) si ces termes exprimaient une discrimination
à l'égard de l'auteur et de son frère. D'après le conseil, la police s'est
contentée d'interroger M. Thorup et M. Pedersen. Elle n'a même pas envisagé
d'interroger l'auteur et son frère ainsi que six témoins dont elle avait les
noms et les adresses.
Observations de l'État partie concernant la recevabilité et le fond
4.1 Dans une réponse datée du 29 novembre 1999, l'État partie affirme que l'auteur n'a pas apporté d'élément établissant que la communication pouvait être recevable et qu'elle devait donc être déclarée irrecevable. Il ne conteste pas que les autres conditions de recevabilité prévues à l'article 14 de la Convention et à l'article 91 du règlement intérieur du Comité soient en l'espèce réunies. Dans l'hypothèse où le Comité ne déclarerait pas la communication irrecevable pour le motif susmentionné, l'État partie fait valoir qu'il n'y a pas eu violation de la Convention et que la communication est manifestement infondée.
4.2 L'État partie cite la plainte déposée le 7 juillet 1998 auprès du chef
de la police de Hvidovre, la lettre du conseil en date du 22 juin 1998, demandant
au lycée Avedore des explications et des excuses, ainsi que la réponse du
directeur. Il affirme qu'à la suite de la plainte déposée par le Conseil la
police a interrogé M. Pedersen le 9 septembre 1998.
4.3 M. Pedersen a expliqué à la police que l'auteur avait été l'un de ses
élèves et qu'ils avaient eu des différends, notamment au sujet de notes. Le
jour en question, il était chargé de surveiller les couloirs de l'établissement
et, entre autres, de maintenir l'ordre. À un moment donné, il a remarqué la
présence de deux personnes au sous-sol, à la porte conduisant au terrain de
sport. Il a également remarqué qu'un gobelet était placé dans la porte pour
l'empêcher de se refermer. Il a demandé aux deux personnes, dont l'une était
le frère de l'auteur, ce qu'elles faisaient là. Elles lui ont répondu qu'elles
attendaient l'auteur qui était en train de rendre des livres. M. Pedersen
s'est étonné de leur présence à cet endroit, ajoutant qu'à trois reprises
des voleurs s'étaient introduits dans l'établissement, précisément par cette
porte. Les deux jeunes gens se sont énervés et se sont mis à crier contre
M. Pedersen. L'auteur, qui se trouvait au comptoir où l'on rend les livres
s'est retourné et a insulté M. Pedersen.
4.4 Un peu plus tard, M. Pedersen a noté la présence de quatre à six personnes
d'origine étrangère, parmi lesquelles se trouvaient l'auteur et son frère,
à l'extérieur d'une salle d'examen. Il y avait beaucoup de bruit dans le couloir
et les enseignants avaient dû sortir des salles à plusieurs reprises afin
de demander le silence. M. Pedersen a alors décidé de faire évacuer les couloirs.
Tout le monde est parti, sauf le groupe dont faisaient partie l'auteur et
son frère. Ce dernier a crié qu'ils ne s'en iraient pas. À quatre reprises,
M. Pedersen leur a demandé calmement et pacifiquement de quitter le couloir,
mais en vain. L'auteur et son frère, l'il menaçant et rivé sur M. Pedersen,
pointaient du doigt vers lui en hurlant. M. Pedersen a pressé le bouton du
système de communication intérieure placé sur le mur et le directeur est arrivé
peu après. Celui-ci a essayé pendant environ cinq minutes de parler aux intéressés
qui ont maintenu leur refus de quitter les lieux. Le groupe, qui avait pour
principal meneur le frère de l'auteur et, dans une certaine mesure, l'auteur
lui-même, a proféré des insultes et s'est montré de plus en plus menaçant,
même en présence d'autres enseignants. La police a donc été appelée. M. Pedersen
ne savait plus exactement si le groupe était parti de lui-même après avoir
compris que la police venait ou si c'était la police qui l'avait fait partir.
Quoi qu'il en soit, il a noté ultérieurement que la police discutait avec
le groupe à l'extérieur de l'école. On a demandé à M. Pedersen si le directeur
avait mentionné le mot "macaques" en parlant au groupe. Il a répondu
qu'il n'avait rien entendu de la sorte. On lui a demandé s'il avait dit quelque
chose d'analogue. Il a répondu qu'il ne le pensait pas mais ne pouvait pas
non plus le nier catégoriquement. Le mot "macaques", s'il lui était
venu à la bouche, n'avait rien à voir avec la race, la religion, l'origine
ethnique, ou autre des membres du groupe et n'était qu'une façon familière
de désigner une "bande" au comportement anormal. M. Thorup et lui-même
n'avaient pas voulu porter plainte auprès de la police au sujet des menaces
reçues car ils avaient l'habitude des différences culturelles et des comportements
différents.
4.5 Le 18 septembre 1998, la police a interrogé M. Thorup, le directeur du
lycée. Celui-ci a expliqué, entre autres, que M. Pedersen était venu lui dire
qu'il ne maîtrisait pas la situation au deuxième étage où un groupe d'étrangers
refusait de lui obéir. En arrivant sur les lieux, il avait constaté qu'un
groupe de huit à dix étrangers, dont l'auteur et certains de ses camarades
de classe, faisait du vacarme. Lorsqu'il leur a demandé de s'en aller, le
frère de l'auteur s'est mis à crier, l'a insulté et a fait des gestes menaçants.
L'auteur était debout et tenait une caméra vidéo. M. Thorup avait le sentiment
qu'il était en train de filmer. Un groupe de parents qui était assis au bout
du couloir était absolument scandalisé. Plusieurs adultes étaient sortis dans
le couloir et observaient la scène avec stupéfaction. Lorsqu'on lui a demandé
pourquoi il n'avait pas porté plainte auprès de la police, M. Thorup a indiqué
qu'il était habitué à côtoyer des élèves issus de nombreuses nationalités
au lycée et que son seuil de tolérance était probablement plus élevé. Pour
ce qui est des mots "bande de macaques", il ne pouvait nier avoir
dit quelque chose de ce genre. S'il l'avait fait, le terme "macaques"
ne renvoyait qu'au comportement du groupe et n'avait rien à voir avec l'appartenance
religieuse, la couleur, l'origine ethnique, ou autre de ses membres. Il aurait
pu tout aussi bien l'utiliser pour désigner un groupe de Danois de souche
se comportant de la même manière. Il ne se rappelait pas avoir entendu M.
Pedersen traiter le groupe de "bande de macaques qui ne savent pas s'exprimer
de façon grammaticalement correcte".
4.6 Dans une lettre datée du 23 septembre 1998, le chef de la police de Hvidovre
a informé le conseil de ce qui suit :
J'ai mené une enquête sur cette affaire, notamment en interrogeant M. Thorup et M. Pedersen.
En conséquence, je suis d'avis que les propos incriminés et les circonstances dans lesquelles ils ont pu être tenus n'entrent pas dans le champ de l'article 266 b) du Code pénal.
J'ai donc décidé de clore l'enquête et de classer l'affaire, conformément à l'article 749 2) de la loi sur l'administration de la justice.
En examinant cette affaire, j'ai attaché une grande importance aux éléments suivants :
M. Thorup ne nie pas catégoriquement qu'il ait pu prononcer des mots proches de ceux cités dans la communication.
Toutefois, ces propos doivent être replacés dans le contexte d'une scène tendue dans les couloirs du lycée, pendant laquelle M. Pedersen, l'enseignant, et en particulier M. Thorup, le directeur, ont été la cible de diverses invectives et ont même dû faire appel à la police pour rétablir la paix dans les salles d'examen.
Quoi qu'il en soit, je suis d'avis que les paroles incriminées ne peuvent être interprétées en l'occurrence comme des termes insultants ou dégradants se référant à la race, la couleur, ou l'origine nationale ou ethnique étant donné qu'elles auraient pu s'adresser pareillement à d'autres personnes, y compris de souche danoise, qui se seraient comportées de la même manière. Elles visaient le comportement et non les personnes.
Toute demande de réparation devra faire l'objet d'une action au civil."
4.8 Le 6 octobre 1998, le chef de la police a transmis l'affaire au Procureur
général de district en expliquant que, compte tenu du contexte dans lequel
les propos en cause avaient été tenus, il n'avait pas jugé nécessaire d'interroger
l'auteur. Il n'avait pas vu le film vidéo, estimant que ce n'était pas utile
puisque l'incident proprement dit n'y figurait pas. Le 30 novembre 1998, le
Procureur général de district a informé le conseil qu'il était pleinement
d'accord avec l'analyse du chef de la police et qu'il ne voyait aucune raison
de revenir sur sa décision.
4.9 L'État partie est d'avis que les propos qui auraient été tenus par M.
Perdersen et M. Thorup sont au cur du problème. S'ils l'ont été, ils ne traduisent
pas une différence de traitement constituant une discrimination au sens du
paragraphe 1 de l'article 2 et de l'alinéa e) v) de l'article 5 de la Convention.
Ils relèvent davantage de l'alinéa a) de l'article 4 de la Convention qui
oblige les États parties à punir certains types de comportements répréhensibles.
L'article 266 b) et d'autres articles du Code pénal danois ont été modifiés
afin de permettre au Danemark de ratifier la Convention. En vertu de l'article
266 b), est passible de sanctions quiconque, publiquement ou avec l'intention
d'atteindre un vaste public, fait des déclarations ou tient des propos menaçants,
insultants ou offensants à l'égard d'un groupe de personnes au motif de sa
race, couleur ou origine nationale ou ethnique.
4.10 Ces propos doivent viser un groupe au motif de sa race, etc. S'ils visent
un individu et ne peuvent être considérés comme des insultes ou des actes
de persécution dirigés contre le groupe auquel appartient l'intéressé, ils
doivent être analysés à la lumière des dispositions générales du Code pénal
relatives à l'atteinte à la vie privée et à la diffamation. Pour déterminer
si certains propos violent l'article 266 b) du Code pénal, il faut les évaluer
concrètement quant au fond et tenir compte de leur contexte. C'est ce qu'ont
fait le chef de la police et les procureurs généraux de district lorsqu'ils
ont pris la décision de clore l'enquête. Le Gouvernement souscrit entièrement
leur analyse et considère que l'auteur n'a pas prouvé ou montré de façon plausible
qu'il a été la cible de propos racistes constituant une violation de la Convention,
étant donné que les propos en question ne visaient pas un groupe particulier
au motif de sa race ou de son origine ethnique. L'auteur n'a donc pas apporté
d'élément établissant que la communication pouvait être recevable.
4.11 L'État partie n'ignore pas qu'en vertu de la Convention les autorités
ont certaines obligations quant au traitement des allégations de discrimination
raciale émanant de particuliers (1). Toutefois, l'enquête menée par la police
satisfait pleinement à ces obligations, telles qu'elles ressortent de la pratique
du Comité. La police disposait de renseignements précis sur la teneur des
propos incriminés émanant tant de l'auteur et de son conseil que de l'enseignant
et du directeur. L'auteur a bien souligné que la police aurait dû vérifier
si les propos qui ont motivé la plainte avaient été réellement tenus. L'État
partie objecte que la police et le Procureur général ont jugé inutile de trancher
sur ce point car, même si ces paroles avaient été prononcées, elles ne pouvaient
pas constituer une infraction au sens de l'article 266 b).
4.12 La mission de la police en matière de plainte diffère de celle des tribunaux en matière pénale. Elle n'est pas d'établir les faits de manière irrévocable mais d'évaluer "si les conditions créant la responsabilité pénale sont réunies" (art. 743 de la loi sur l'administration de la justice). La police a estimé qu'il n'était pas nécessaire pour ce faire de déterminer si les propos avaient été réellement tenus car, même s'ils l'avaient été, ils ne constituaient pas une infraction.
4.13 L'auteur a également souligné que la police aurait dû déterminer si ces
propos avaient été tenus dans l'intention de dénigrer l'origine nationale
de l'auteur et s'ils avaient le caractère d'une discrimination raciale. Selon
l'État partie, cette vérification a bien été faite comme en témoignent les
décisions du chef de la police et du Procureur général de district.
4.14 L'auteur a souligné en outre que lui-même, son frère et six témoins cités
n'avaient pas été interrogés par la police. L'État partie fait valoir que
les propos en cause, même s'ils ont été tenus, ne peuvent pas être considérés
comme entrant dans le champ de l'article 266 b) du Code pénal. Il n'était
donc pas nécessaire d'interroger le plaignant qui avait de toute manière présenté
par écrit sa version des faits dans sa lettre. L'État partie considère en
l'occurrence qu'il était également inutile d'interroger le frère du plaignant
et les six témoins.
4.15 L'État partie estime que la police a enquêté comme elle le devait. Le
paragraphe 1 d) de l'article 2, l'alinéa e) v) de l'article 5 et l'article
6 de la Convention n'ont donc pas été violés, pas plus que l'article 4 a).
Observations du conseil
5. Dans une lettre datée du 10 janvier 2000, le conseil fait valoir que l'État
partie reconnaît dans sa réponse certains des éléments essentiels qui ont
amené l'auteur à signaler l'incident à la police. Dans des affaires précédentes,
le Comité a souligné la nécessité de mener des enquêtes approfondies lorsque
des cas de discrimination raciale étaient signalés. Comme le relevait la communication
initiale, la police a décidé de classer l'affaire après avoir interrogé seulement
les deux représentants du lycée. Afin de respecter l'obligation de mener une
enquête approfondie, d'élucider les questions soulevées par les propos incriminés
et de vérifier s'ils relevaient de la législation danoise, la police aurait
dû au moins interroger l'auteur et/ou les témoins.
Délibérations du Comité
6.1 L'État partie fait valoir que M. Pedersen n'a pas nié avoir traité l'auteur et son groupe de "macaques"; il reconnaît aussi que M. Thorup n'a pas nié avoir dit quelque chose d'analogue. Par ailleurs, il a été établi que ces propos avaient été tenus au cours d'un épisode tendu survenu dans un couloir du lycée en présence de plusieurs témoins. Le Comité estime donc que l'auteur a été insulté en public, tout au moins par M. Thorup.
6.2 Le Procureur général de district n'a pas établi si l'auteur avait été
insulté en raison de son origine nationale ou ethnique en violation des dispositions
du paragraphe 1 d) de l'article 2 de la Convention. Le Comité est d'avis que
si la police chargée d'examiner l'affaire n'avait pas interrompu son enquête,
on aurait pu déterminer si l'auteur avait effectivement été insulté pour des
motifs raciaux.
6.3 Sur la base des renseignements communiqués par l'État partie dans son
quatorzième rapport périodique (CERD/C/362/Add.1), le Comité croit comprendre
que des personnes ont été à plusieurs reprises condamnées par des tribunaux
danois pour infraction à l'article 266 b) du Code pénal, parce qu'elles avaient
proféré des insultes ou tenu des propos dégradants analogues à ceux qui ont
été proférés en l'espèce. En conséquence, le Comité ne partage pas l'opinion
de l'État partie selon laquelle les propos en question ne tombent pas sous
le coup de l'article 266 b) du Code pénal.
6.4 Du fait que la police n'a pas poursuivi son enquête et que le Procureur
général a pris une décision définitive non susceptible de recours, l'auteur
s'est vu refuser toute possibilité d'établir si ses droits au titre de la
Convention avaient été violés. Il s'ensuit que l'État partie ne lui a pas
assuré une protection efficace contre la discrimination raciale, ni donné
accès aux voies de recours correspondantes.
7. Le Comité considère que l'auteur a fourni un commencement de preuve en
ce qui concerne la recevabilité de sa plainte. Il considère aussi que les
conditions de cette recevabilité sont réunies. Il décide donc, en vertu de
l'article 91 de son règlement intérieur, que la communication est recevable.
8. Sur le fond, le Comité considère qu'à la lumière des constatations qui
précèdent, les faits présentés constituent une violation de l'article 6 de
la Convention.
9. Le Comité recommande à l'État partie de veiller à ce que la police et les
procureurs généraux enquêtent de manière appropriée sur les accusations et
plaintes concernant des actes de discrimination raciale qui devraient être
punissables par la loi conformément à l'article 4 de la Convention.
1. Voir les opinions adoptées par le Comité dans les affaires suivantes : L. K. c. Pays-Bas (CERD/C/42/D/4/1991), Yilmaz-Dogan c. Pays-Bas (CERD/C/36/D/1/1984) et Habassi c. Danemark (CERD/C/54/D/10/1997).