Présentée par: Centre de documentation et de conseil en matière de
discrimination raciale
Au nom de: Le pétitionnaire
État partie: Danemark
Date de la communication: 3 décembre 2002 (lettre initiale)
Décision concernant la recevabilité
1.1 Le pétitionnaire est le Centre de documentation et de conseil en matière
de discrimination raciale, représenté par Mme Fakhra Mohammad, née le 6 mai
1960, qui préside le conseil d'administration du Centre. Le pétitionnaire
fait valoir que le Danemark a contrevenu aux dispositions du paragraphe 1
d) de l'article 2 et des articles 4, 5 et 6 de la Convention.
1.2 Conformément au paragraphe 6 a) de l'article 14 de la Convention, le
Comité a transmis la communication à l'État partie le 14 avril 2003.
Rappel des faits présentés par le pétitionnaire
2.1 Le 27 janvier 2002, une société privée, Torben Jensen A/S, a publié
une annonce d'emploi dans le journal danois Jyllands Posten, rédigée
comme suit:
«L'entreprise de bâtiment BAC SIA recherche
un contremaître danois
qui, en coopération avec un expert letton du bâtiment, sera responsable, dans
l'ensemble, de la rénovation et de l'agrandissement d'un bâtiment agricole
à quelque 80 km de Riga.».
2.2 Par un courrier en date du 30 janvier 2002, le pétitionnaire a signalé
cet incident au chef de la police de Vejle, district dans lequel se trouve
le siège de la société Torben Jensen A/S. Dans cette lettre, il faisait
valoir que ladite société avait enfreint l'article 5 de la loi no 459 du
12 juin 1996 relative à l'interdiction des traitements discriminatoires
sur le marché du travail, (1) soutenant que l'expression «contremaître
danois» utilisée dans l'annonce en cause constituait un traitement discriminatoire
fondé sur l'origine nationale ou l'appartenance ethnique.
2.3 Le 5 février 2002, la police a interrogé M. E. H., comptable de la
société Torben Jensen A/S, à la suite de quoi le chef de la police, par
une lettre datée du 13 mars 2002, a informé le pétitionnaire qu'il avait
décidé de classer l'affaire:
«Ma décision se fonde notamment sur le fait que, selon ce que la société
Torben Jensen A/S a déclaré lors de l'interrogatoire, et aussi selon le
libellé de l'annonce, il m'apparaît clairement qu'il n'y a pas violation
de ladite loi. La personne recherchée pour pourvoir le poste offert en
Lettonie est une personne résidant au Danemark et cette personne pourrait
tout à fait être d'une origine ethnique autre que danoise. Dans le pire
des cas, il s'agit d'une formulation malheureuse, mais le contenu de l'annonce
n'offre pas matière à poursuites.».
2.4 Le 22 mars 2002, le pétitionnaire a fait appel de la décision du chef
de la police auprès du Procureur général de la région de Sønderborg. Selon
le pétitionnaire, le fait que la société Torben Jensen A/S ait eu l'intention
d'embaucher une personne résidant au Danemark était en l'occurrence dénué
d'intérêt. Ce qui était fondamental au regard de l'article 5 de la loi no
459 était de déterminer si le libellé de l'annonce en cause pouvait être interprété
comme dénotant une préférence pour un contremaître d'origine danoise. L'article
5 sanctionnant également la négligence, ladite société aurait enfreint cette
disposition si l'annonce avait fortuitement eu pour effet d'exclure l'embauche
d'une personne appartenant à un groupe défini par l'un des critères visés
au paragraphe 1 de l'article premier de ladite loi.(2) Or le chef de
la police n'avait pas envisagé cette possibilité. Par ailleurs, le pétitionnaire
s'opposait à l'interprétation selon laquelle l'expression «contremaître danois»
était censée viser une personne résidant au Danemark, la résidence au Danemark
ne pouvant être logiquement considérée comme un critère d'embauche pour un
poste à pourvoir en Lettonie dans le secteur du bâtiment; en tout état de
cause, la publication de l'annonce dans un journal danois supposait que les
candidatures proviendraient essentiellement de personnes résidant au Danemark.
2.5 Par lettre datée du 3 juin 2002, le Procureur général de région a informé
le pétitionnaire qu'il rejetait l'appel pour les motifs visés dans la décision
du chef de la police.
2.6 Le 3 décembre 2002, le «Centre de documentation et de conseil en matière
de discrimination raciale, [représenté par] Fakhra Mohammad, Présidente
du conseil d'administration du Centre» a soumis la présente communication.
Teneur de la plainte
3.1 Le pétitionnaire fait valoir qu'en sa qualité de Présidente du Conseil
d'administration, Mme Fakhra Mohammad «représente [le Centre de documentation
et de conseil] pour toute plainte déposée en son propre nom». Bien que ni
Mme Fakhra Mohammad, ni aucune autre personne d'origine autre que danoise
n'ait répondu à l'annonce d'emploi en cause, Mme Mohammad devrait être considérée
comme étant victime d'un traitement discriminatoire car il aurait été vain
pour elle de présenter sa candidature. De plus, le pétitionnaire devrait
se voir reconnaître le statut de victime aux termes de l'article 14 de la
Convention dans la mesure où il représente «un groupe important en nombre
de personnes d'origine autre que danoise faisant l'objet d'un traitement
discriminatoire du fait de l'annonce d'emploi en cause». Pour étayer sa
plainte, le pétitionnaire déclare que la police aussi bien que le Procureur
général de région l'ont accepté en qualité de partie à des procédures internes.
3.2 Le pétitionnaire affirme avoir épuisé les recours internes, car il
n'a la possibilité ni de faire appel de la décision du Procureur général
de région en date du 3 juin 2002, ni de saisir les tribunaux danois. Une
action en justice contre la société Torben Jensen A/S aurait été vouée à
l'échec, étant donné que la police et le Procureur général de région avaient
rejeté sa plainte. Par ailleurs, selon une décision de la Haute Cour de
la région de l'Est, en date du 5 février 1999, un incident de discrimination
raciale ne constitue pas en soi une violation de l'honneur et de la réputation
d'une personne au sens de l'article 26 de la loi sur la responsabilité civile.
3.3 Le pétitionnaire fait valoir que l'État partie a violé ses obligations
en vertu des articles 4 et 6 de la Convention, en ne faisant pas procéder
à une enquête en vue d'établir si l'annonce d'emploi en cause constituait
un acte de discrimination raciale sanctionné par l'article 5 de la loi no
459 et en acceptant l'interprétation donnée par la société Torben Jensen
A/S selon laquelle l'expression «contremaître danois» visait une personne
résidant au Danemark. L'État partie aurait dû en particulier mener des recherches
pour déterminer: 1) si la personne finalement embauchée était ou non danoise
par son origine nationale ou son appartenance ethnique; 2) si la signification
supposée de l'annonce devait être prise en compte; 3) si l'interprétation
proposée par la société Torben Jensen A/S était logique; 4) si la publication
de l'annonce en cause constituait un acte de discrimination indirecte; 5)
si la publication de l'annonce en cause était un acte de négligence sanctionné
par la loi.
3.4 Le pétitionnaire avance que l'intention supposée de la société Torben
Jensen A/S d'embaucher une personne résidant au Danemark est dénuée de pertinence
dans la mesure où, pris dans son sens objectif, le mot «danois», dans l'annonce
en cause, se rapporte de toute évidence à l'origine nationale ou à l'appartenance
ethnique de la personne recherchée. L'annonce avait de facto pour effet
de porter atteinte au droit à l'égalité des chances de candidats d'origine
autre que danoise. Que ceci ait été délibéré ou non est en l'occurrence
sans intérêt, puisque l'article 5 de la loi no 459 sanctionne également
les actes de négligence. De plus, il résulte du paragraphe 1 de l'article
premier de ladite loi que l'article 5 vise également les actes de discrimination
indirecte, ce que les autorités danoises avaient omis d'examiner.
3.5 Par ailleurs, le pétitionnaire conteste que la société en cause ait
utilisé l'expression «contremaître danois» comme synonyme de «personne résidant
au Danemark» et réitère les arguments qu'il a fait valoir auprès du Procureur
général de région (voir par. 2.4 ci-dessus).
Observations de l'État partie concernant la recevabilité et le fond
de la communication
4.1 Par une note verbale datée du 7 juillet 2003, l'État partie a présenté
ses observations sur la recevabilité et, subsidiairement, sur le fond de
la communication.
4.2 En ce qui concerne la recevabilité, l'État partie conteste que le pétitionnaire
ait qualité pour présenter une communication au titre du paragraphe 1 de
l'article 14 de la Convention car il est une personne morale et non une
personne physique ou un groupe de personnes. Or en tant que personne morale,
il ne peut prétendre être victime de la violation d'un droit énoncé dans
la Convention. Qui plus est, le pétitionnaire n'a pas fourni de procuration
émanant d'une ou plusieurs personnes s'estimant victimes d'une violation,
ce qui l'autoriserait à présenter une telle communication en leur nom. L'État
partie en conclut que la communication devrait être déclarée irrecevable
ratione personae au regard du paragraphe 1 de l'article 14 de la
Convention.
4.3 Tout en admettant que la décision du Procureur général de région, prononcée
en appel, ne peut faire l'objet d'un appel auprès d'une instance supérieure,
et que les particuliers ne peuvent engager des poursuites au titre de l'article
5 de la loi no 459, l'État partie conteste que le pétitionnaire ait épuisé
les recours internes, cet épuisement devant être effectué par les pétitionnaires
mêmes et non par d'autres organisations ou particuliers. Le fait que le
pétitionnaire a participé à une procédure interne en portant plainte auprès
des autorités danoises est hors de propos puisque le pétitionnaire est une
personne morale qui ne peut se voir accorder le statut de victime aux termes
de la Convention. L'État partie en conclut que la communication devrait
être aussi déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 7 a) de l'article
14 de la Convention.
4.4 L'État partie fait de plus valoir que l'appréciation du chef de la
police et du Procureur général de région selon laquelle l'article 5 de la
loi no 459 ne s'applique pas à la présente affaire était essentiellement
une question d'interprétation et d'application de la législation interne,
ce qui ne relève pas de la compétence du Comité. La communication est donc
aussi incompatible avec la Convention ratione materiae.
4.5 Subsidiairement, l'État partie affirme, en ce qui concerne le fond,
que le pétitionnaire n'a pas apporté la preuve que la législation danoise
n'était pas conforme aux obligations contractées en vertu de l'article 4
de la Convention. Tout au contraire, la communication se fonde sur l'hypothèse
que les autorités danoises n'ont pas appliqué correctement les dispositions
de la loi no 459.
4.6 L'État partie affirme que l'article 6 de la Convention, tout en stipulant
qu'une enquête doit être menée avec la diligence et la rapidité voulues
et doit être suffisamment approfondie pour que l'on puisse déterminer s'il
s'agit d'un incident relevant de la discrimination raciale, ne garantit
pas qu'une information doive être ouverte dans tous les cas où une plainte
est déposée auprès de la police, et encore moins qu'elle aboutisse. S'il
est déterminé que l'ouverture d'une information est sans fondement, la Convention
n'interdit pas de classer l'affaire. Dans la présente affaire, les décisions
des autorités danoises se fondent sur des renseignements suffisants, à savoir
l'interrogatoire du comptable de la société en cause par le chef de la police.
Ceci ressort aussi du fait que le pétitionnaire n'a pas jugé utile de demander
un complément d'information pour déterminer si l'annonce en cause contrevenait
aux dispositions de l'article 5 de la loi no 459. Toutefois, cette question
relève elle aussi de l'interprétation et de l'application de la législation
danoise, ce qui n'est pas du ressort du Comité.
4.7 S'agissant des questions précises soulevées par le pétitionnaire (voir
par. 3.3 ci-dessus), l'État partie fait valoir: 1) que l'embauche d'une
personne d'origine ou d'ethnie danoise au Danemark ne saurait être considérée
comme étant la preuve d'un acte de discrimination supposé; 2) que l'intention
de la société Torben Jensen A/S est pertinente au regard de l'interprétation
du libellé de l'annonce en cause, bien que son évaluation juridique ne relève
pas d'une enquête policière ordinaire; 3) que la question de savoir si l'explication
que donne la société Torben Jensen A/S est convaincante ne relève pas non
plus d'une enquête policière ordinaire, et qu'il s'agit plutôt d'évaluer
sous un angle critique les renseignements fournis par la police aussi bien
que par le pétitionnaire; qu'il n'appartenait pas à la police de déterminer
si l'annonce en cause constituait: 4) un acte de discrimination indirecte,
ou 5) un acte de négligence sanctionné par l'article 5 de la loi no 459,
puisque cette question relève de l'application et de l'interprétation de
la législation danoise, ce qui n'est pas du ressort du Comité.
4.8 Sans préjudice des arguments ci-dessus, l'État partie affirme que le
chef de la police et le Procureur général de la région de Søndeborg ont
estimé à juste titre que l'adjectif «danois» tel qu'employé dans l'annonce
en cause se rapporte à des personnes résidant au Danemark, dans la mesure
où la nature de la relation avec le Danemark n'était pas précisée. L'annonce
ne relève donc pas de l'article 5 de la loi no 459, une personne résidant
au Danemark pouvant être de toute appartenance ethnique ou origine nationale.
4.9 L'État partie en conclut qu'il n'y a pas eu violation des dispositions
de l'article 6 de la Convention, le pétitionnaire ayant eu accès à une voie
de recours effective et les autorités danoises ayant formulé leurs décisions
au vu d'une information suffisante conformément aux dispositions de la Convention.
Observations du pétitionnaire
5.1 Par une communication du 18 juillet 2003, le pétitionnaire a fait part
de ses commentaires sur les observations de l'État partie et a ajouté un
nouvel élément à la plainte formulée dans sa communication du 3 décembre
2002, soutenant que le fait que l'État partie ait omis, à ses dires, de
mener une enquête approfondie contrevenait non seulement, comme initialement
indiqué, aux articles 4 et 6 de la Convention mais aussi à son article 5
et au paragraphe 1 d) de son article 2.
5.2 Tout en admettant que la communication avait été présentée «par Fakhra
Mohammad en sa qualité de Présidente du conseil d'administration» du Centre
de documentation et de conseil en matière de discrimination raciale, et
donc «par une personne morale», le pétitionnaire n'accepte pas la conclusion
à laquelle est parvenu l'État partie, à savoir qu'une personne morale ne
peut ni présenter de communication ni prétendre au statut de victime au
titre de l'article 14 de la Convention. Le pétitionnaire affirme qu'il ressort
des travaux préparatoires de la Convention que les mots «personnes ou groupes
de personnes» figurant au paragraphe 1 de l'article 14 devaient être interprétés
dans un sens large, de façon que les organisations non gouvernementales
aient elles aussi le droit de porter plainte auprès du Comité.
5.3 S'agissant du statut de victime, le pétitionnaire fait valoir que,
aux termes de l'article 5 de la loi no 459, cette qualité ne saurait être
reconnue uniquement à une ou plusieurs personnes dans la mesure où cette
disposition sanctionne d'une manière générale toute discrimination, dans
une annonce d'emploi, à l'encontre de postulants autres que danois, et donc
protège toute personne d'origine autre que danoise contre cette forme de
discrimination. Étant donné qu'il a expressément pour vocation de venir
en aide aux victimes d'actes de discrimination raciale et vu l'appartenance
ethnique des membres de son conseil d'administration ainsi que ses antécédents
en matière de représentation de victimes supposées d'actes de discrimination
raciale auprès du Comité, le pétitionnaire devrait être reconnu comme victime
ou comme représentant un nombre non précisé de victimes anonymes d'une violation
de l'article 5 de la loi no 459 et, en conséquence, des articles 2, 4, 5
et 6 de la Convention. Le pétitionnaire conclut que la communication est
recevable ratione personae au regard de l'article 14 de la Convention
et réaffirme que le chef de la police et le Procureur général de région
l'ont reconnu comme partie prenante à des procédures internes - soit
en qualitÚ de victime soit comme ayant un intÚrÛt particulier dans l'issue
de l'affaire - ce qui ressort du fait que l'appel interjetÚ auprÞs
du Procureur gÚnÚral de rÚgion n'a pas ÚtÚ rejetÚ pour vice de forme.
5.4 Le pÚtitionnaire affirme avoir ÚpuisÚ les recours internes, que ce
soit en sa qualitÚ de pÚtitionnaire ou, respectivement, de reprÚsentant
d'un ½groupe important en nombre de pÚtitionnaires anonymes╗. Il soutient
que la communication est aussi recevable ratione materiae car elle
ne se rapporte pas à l'évaluation juridique de l'incident supposé mais au
défaut d'enquête approfondie de la part des autorités danoises, enquête
qui aurait produit des faits propres à fonder cette évaluation.
5.5 S'agissant des violations éventuelles des articles 2, 4, 5 et 6 de
la Convention, le pétitionnaire se fonde également sur le défaut d'enquête
approfondie et non pas sur l'évaluation juridique effectuée par les autorités
danoises. Il fait cependant aussi valoir que le chef de la police ne serait
pas parvenu à la conclusion que la personne recherchée pour pourvoir un
poste en Lettonie était une personne résidant au Danemark, quelle que soit
son origine nationale ou son appartenance ethnique, s'il avait engagé une
information en bonne et due forme au lieu de se fonder simplement sur un
interrogatoire informel du comptable de la société Torben Jensen A/S, sur
la plainte déposée par le pétitionnaire et sur le libellé de l'annonce d'emploi
en cause. Une information en bonne et due forme aurait en effet permis de
déterminer quel genre de personne avait été finalement embauchée, et donc
de disposer d'une indication quant à la commission ou non d'un acte de discrimination
et de déterminer sur des bases suffisantes si l'annonce constituait un acte
de discrimination indirecte.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une communication quant au fond, le Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale doit, conformément à l'article 91 de son Règlement
intérieur, décider si la communication est recevable ou non en vertu de
la Convention.
6.2 Le Comité note que la communication a été présentée par le «Centre
de documentation et de conseil en matière de discrimination raciale. Il
note par ailleurs que, dans ses communications du 18 juillet 2003, le pétitionnaire
précise que Mme Fakhra Mohammad, en sa qualité de Présidente du Conseil
d'administration, représentait le Centre lors de la présentation de la lettre
initiale.
6.3 Le Comité prend note de l'objection que l'État partie a formulée, à
savoir qu'étant une personne morale et non une personne ou un groupe de
personnes physiques, le pétitionnaire ne peut ni présenter une communication
ni prétendre à la qualité de victime aux termes du paragraphe 1 de l'article
14. Il note également que le pétitionnaire fait valoir que le paragraphe
1 de l'article 14 devrait être interprété dans un sens large, de façon que
les organisations non gouvernementales aient elles aussi le droit de porter
plainte auprès du Comité et qu'il devrait être reconnu «comme victime ou
comme représentant un nombre non précisé de victimes anonymes d'une violation
des articles 2, 4, 5 et 6 de la Convention», c'est-à-dire de personnes d'origine
autre que danoise qui ont fait l'objet d'une discrimination du fait de l'annonce
d'emploi en cause.
6.4 Le Comité n'exclut pas qu'une association de personnes représentant,
par exemple, les intérêts d'un groupe racial ou ethnique, puisse soumettre
une communication individuelle, si elle arrive à prouver qu'elle a été victime
d'une violation de la Convention ou qu'un des membres l'a été, et si elle
fournit en même temps une procuration à cet effet.
6.5 Le Comité note que, selon le pétitionnaire, aucun membre du Conseil
d'administration n'a postulé pour cet emploi. De plus, le pétitionnaire
n'a pas fait valoir que l'un quelconque des membres de son conseil d'administration
ou toute autre personne identifiable qu'il serait habilité à représenter
était véritablement intéressé par ce poste et avait les qualifications voulues
pour y prétendre.
6.6 Si l'article 5 de la loi no 459 interdit la discrimination à l'encontre
de toutes les personnes d'origine autre que danoise dans une annonce d'emploi,
qu'elles fassent ou non acte de candidature, il ne s'ensuit pas automatiquement
que des personnes qui ne sont pas directement et personnellement touchées
par cette discrimination puissent prétendre être victimes d'une violation
de l'un quelconque des droits garantis par la Convention. Toute autre conclusion
ouvrirait la voie à des actions publiques (actio popularis) contre
la législation pertinente des États parties.
6.7 En l'absence de victimes identifiables personnellement affectées par
l'annonce d'emploi attaquée comme étant discriminatoire que le pétitionnaire
serait habilité à représenter, le Comité conclut que le pétitionnaire n'a
pas étayé par des faits, aux fins du paragraphe 1 de l'article 14, son affirmation
selon laquelle il constitue ou représente un groupe de personnes prétendant
être victimes d'une violation, par le Danemark, du paragraphe 1 d) de l'article
2 et des articles 4, 5 et 6 de la Convention.
7. En conséquence, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale
décide:
a) Que la communication est irrecevable ratione personae au regard
du paragraphe 1 de l'article 14 de la Convention;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et au pétitionnaire.
__________________________
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]
Notes
1. L'article 5 de la loi no 459 du 5 juillet 1996 précise ce qui suit:
«Une annonce ne peut mentionner que la personne recherchée ou préférée à
l'embauche doit répondre à des critères fondés sur la race, la couleur de
la peau, la religion, les opinions politiques, l'orientation sexuelle ou
l'origine nationale, sociale ou ethnique. Elle ne peut non plus spécifier
qu'une personne répondant à des critères de cet ordre ne peut faire acte
de candidature.».
2. Le paragraphe 1 de l'article 1er de la loi no 459 du 5 juillet 1996
précise ce qui suit: «Aux fins de la présente loi, on entend par "discrimination"
toute discrimination, directe ou indirecte, fondée sur la race, la couleur
de la peau, la religion, les opinions politiques, l'orientation sexuelle
ou l'origine nationale, sociale ou ethnique.».