Présentée par : Paul Barbaro
Au nom de : L'auteur
Etat partie : Australie
Date de la communication : 31 mars 1995 (date de la lettre initiale)
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, institué
en application de l'article 8 de la Convention internationale sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination raciale,
Réuni le 14 août 1997,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Paul Barbaro, qui est d'origine italienne
et réside actuellement à Golden Grove en Australie méridionale. Il affirme
avoir été victime de discrimination raciale de la part de l'Australie,
bien qu'il n'invoque pas les dispositions de la Convention internationale
sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L'Australie
a fait le 28 janvier 1993 la déclaration prévue au paragraphe 1 de l'article
14 de la Convention.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 25 juin 1986, l'auteur a obtenu un emploi temporaire au casino
d'Adelaïde, en Australie méridionale; il a d'abord travaillé comme employé
de bar puis comme serveur. Le 16 avril 1987, le Commissaire chargé de
délivrer les permis de vente d'alcool, qui assure le respect des principes
moraux régissant l'administration du casino d'Adélaïde et veille à ce
que les activités du casino fassent l'objet d'une surveillance constante,
a retiré l'autorisation de travail temporaire délivrée à l'auteur et a
refusé d'approuver son recrutement à un emploi permanent au casino. Une
audition au cours de laquelle le Commissaire chargé de délivrer les permis
de vente d'alcool a interrogé l'auteur sur un certain nombre de points
et lui a expliqué ses préoccupations a eu lieu le 30 avril 1987.
2.2 En septembre 1993, plus de six ans plus tard, l'auteur a porté plainte
devant la Commission australienne des droits de l'homme et de l'égalité
des chances en faisant valoir que la décision du Commissaire chargé de
délivrer les permis de vente d'alcool était contraire aux articles 9 et
15 de la loi australienne contre la discrimination raciale de 1975. L'auteur
affirmait, notamment, que le Commissaire chargé de délivrer les permis
de vente d'alcool s'était opposé à ce qu'il obtienne un contrat permanent
parce que l'auteur et sa famille étaient d'origine italienne et que certains
membres de sa famille auraient été impliqués dans des activités criminelles,
notamment dans le trafic de drogues illicites, dont il n'avait aucunement
connaissance. M. Barbaro affirme que, dans la pratique, cette attitude
limite les possibilités d'emploi des Italiens qui ne sont pas eux-mêmes
des criminels mais qui peuvent avoir des membres de leur famille qui le
sont. A l'appui de cet argument, l'auteur se réfère aux lettres de soutien
qu'il a reçues de M. Peter Duncan, membre du Parlement, qui a sérieusement
contesté et dénoncé cette pratique considérée comme une forme de "culpabilité
par association".
2.3 L'auteur mentionne des cas analogues dans lesquels les antécédents
ethniques des postulants à un emploi dans des casinos autorisés à vendre
de l'alcool ont été invoqués comme motif de la non-approbation de l'embauche.
En particulier, il rappelle le cas de Carmine Alvaro, qui a fait l'objet
d'une décision de la Cour suprême d'Australie méridionale en décembre
1986, auquel un emploi permanent avait été refusé en raison de l'implication
de sa famille dans la production et la vente de drogues illicites. Dans
cette affaire, le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool
avait déclaré tenir de la police elle-même que, d'après des informations
reçues par celle-ci, l'une des familles liées à la drogue dans la région
cherchait à placer l'un de ses agents au casino.
2.4 La Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances a
transmis la plainte de l'auteur au Ministère de la justice d'Australie
méridionale (South Australian Attorney-General's Department). Le Ministère
de la justice a informé la Commission des droits de l'homme et de l'égalité
des chances que la "seule raison pour laquelle un emploi avait été
refusé à l'auteur était la nécessité de sauvegarder l'intégrité du casino
d'Adélaïde et la confiance du public dans cette institution". A cet
égard, le Ministère se référait à un rapport du Commissaire de police
qui indiquait ce qui suit :
"Paul Barbaro n'a pas de casier judiciaire dans cet Etat. Il est
membre d'un large groupe familial que l'on ne saurait décrire autrement,
à mon avis, que comme un puissant groupe criminel organisé ... Dix-huit
membres de ce groupe ont été déclarés coupables de délits majeurs liés
à la drogue ... Ces délits ont été commis dans quatre Etats d'Australie.
Tous les membres du groupe sont d'origine italienne. Tous sont unis
entre eux par le mariage ou par le sang".
2.5 Il y a certaines divergences entre les affirmations de l'auteur et
du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool quant aux
degrés de parenté de certains membres, notamment en ce qui concerne les
liens de parenté résultant de mariages des frères et soeurs de l'auteur.
Celui-ci a souligné qu'il avait conservé une certaine indépendance par
rapport aux membres de sa famille et qu'il ne connaissait pas personnellement
bon nombre des personnes mentionnées dans le rapport du Commissaire de
police. Il insiste également sur le fait qu'il ne savait rien des délits
liés à la drogue commis par des membres de sa famille.
2.6 Le 30 novembre 1994, le Commissaire pour l'élimination de la discrimination
raciale de la Commission australienne des droits de l'homme et de l'égalité
des chances a rejeté la plainte de l'auteur concernant son licenciement
illégal, étant parvenu à la conclusion que c'étaient les relations supposées
ou réelles de l'auteur avec des personnes ayant un dossier criminel, et
non pas son origine ethnique italienne, qui avaient motivé la décision
du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool. Le Commissaire
pour l'élimination de la discrimination raciale a déclaré que "le
fait que l'auteur et des membres de sa famille soient d'origine ou d'ascendance
italienne n'a aucun rapport" avec la décision prise dans cette affaire.
2.7 Le 7 décembre 1994, l'auteur a fait appel de la décision du Commissaire
pour l'élimination de la discrimination raciale et demandé un réexamen
de cette décision. Par une décision du 21 mars 1995, le Président de la
Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances a confirmé
la décision du Commissaire pour l'élimination de la discrimination raciale,
estimant que rien ne prouvait que l'origine ethnique de l'auteur avait
été un facteur pris en considération dans la décision du Commissaire chargé
de délivrer les permis de vente d'alcool.
Teneur de la plainte
3. Bien que l'auteur n'invoque aucune disposition de la Convention, il
ressort de sa communication qu'il allègue une violation de l'article 1,
paragraphe 1, et de l'article 5, alinéas a) et d) i) de la Convention
par l'Etat partie.
Conclusions de l'Etat partie sur la recevabilité de la communication
et observations de l'auteur
4.1 Dans ses conclusions de mars 1996, l'Etat partie conteste la recevabilité
de la communication pour plusieurs motifs. Il commence par compléter les
faits présentés par l'auteur. En particulier, l'Etat partie note que l'auteur,
lorsqu'il a obtenu un emploi temporaire en 1986, a donné au Commissaire
de police d'Australie méridionale l'autorisation écrite de transmettre
au Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool des renseignements
sur toutes condamnations, ainsi que toutes informations que le département
de police pourrait détenir à son sujet. Le 25 juin 1986, M. Barbaro a
reconnu par écrit que l'autorisation d'emploi à titre temporaire était
subordonnée aux résultats de toutes les enquêtes ouvertes à la suite de
sa demande d'agrément en qualité d'employé du casino, qui devaient être
jugées satisfaisantes par le Commissaire chargé de délivrer les permis
de vente d'alcool, et que l'agrément temporaire pouvait être retiré à
tout moment.
4.2 Le 30 avril 1987, l'auteur, accompagné de son avocat et de deux témoins
de moralité, a participé à une audition devant le Commissaire chargé de
délivrer les permis de vente d'alcool, audition au cours de laquelle le
Commissaire a expliqué ses préoccupations au sujet de relations de l'auteur
avec un groupe criminel organisé. L'auteur a eu la possibilité de présenter
ses observations sur les faits que le Commissaire de police avait portés
à la connaissance du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente
d'alcool.
4.3 En ce qui concerne la plainte adressée par l'auteur à la Commission
des droits de l'homme et de l'égalité des chances, l'Etat partie note
qu'après le rejet de la plainte de M. Barbaro par le Commissaire pour
l'élimination de la discrimination raciale, l'auteur a fait appel de la
décision afin qu'elle soit réexaminée conformément à l'article 24AA 9
(1) de la loi australienne contre la discrimination raciale. Le Président
de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, Sir
Ronald Wilson, ancien juge à la Cour suprême, a confirmé la décision conformément
à l'article 24AA 2 b) i) de la loi estimant qu'il n'y avait aucune preuve
établissant que l'origine ethnique de l'auteur constituait un motif de
la discrimination alléguée.
4.4 L'Etat partie affirme que la plainte est irrecevable parce que incompatible
avec les dispositions de la Convention en vertu de l'article 91 c) du
règlement intérieur du Comité, attendu que le Comité n'aurait pas compétence
pour connaître de cette communication. A cet égard, l'Etat partie affirme
que la législation australienne et la loi contre la discrimination raciale
sont conformes aux dispositions de la Convention sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination raciale. La loi contre la discrimination
raciale a été promulguée par le Gouvernement fédéral et applique les articles
2 et 5 de la Convention en déclarant la discrimination raciale illégale
et en garantissant l'égalité devant la loi (art. 9 et 10). Le libellé
de l'article 9 suit de près le libellé de la définition de la discrimination
raciale figurant à l'article 1 de la Convention. L'article 15 de la loi
contre la discrimination raciale applique à l'emploi les dispositions
de l'article 5 de la Convention. Au demeurant, la Commission des droits
de l'homme et de l'égalité des chances est une autorité nationale instituée
en 1986 pour connaître de toute allégation d'infraction à la loi contre
la discrimination raciale et pour enquêter à ce sujet. Les membres de
la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances sont membres
de droit de la Commission et jouissent à ce titre d'un haut degré d'indépendance.
La Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances a ouvert
une enquête approfondie à la suite de la plainte de l'auteur et n'a trouvé
aucune preuve de discrimination raciale.
4.5 Compte tenu de ce qui précède, l'Etat partie estime qu'il serait
inopportun que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale
examine la décision de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité
des chances. Tout en reconnaissant que le Comité pour l'élimination de
la discrimination raciale a compétence pour dire si la décision de la
Commission était arbitraire, équivalait à un déni de justice ou violait
l'obligation d'impartialité et d'indépendance à laquelle est soumise la
Commission, l'Etat partie affirme que l'auteur de la plainte n'a pas présenté
de preuve à cet égard. Au contraire, les faits mentionnés dans la transcription
de l'audition qui a eu lieu devant le Commissaire chargé de délivrer les
permis de vente d'alcool, ainsi que la correspondance avec la Commission
des droits de l'homme et de l'égalité des chances, montrent que la plainte
de l'auteur a été examinée conformément aux dispositions aussi bien de
la loi contre la discrimination raciale que de la Convention.
4.6 L'Etat partie affirme en outre que la plainte est irrecevable faute
d'éléments corroborants, et fait observer que l'auteur n'a pas fourni
de preuve établissant que le traitement dont il a fait l'objet constituait
une "distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur
la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique qui
a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance,
la jouissance ou l'exercice des droits de l'homme dans des conditions
d'égalité ..." (par. 1 de l'article premier de la Convention). Il
n'y aurait aucune preuve indiquant que l'origine ethnique ou nationale
de l'auteur ait été un facteur entrant en ligne de compte dans la décision
prise par le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool
en refusant à l'auteur un engagement à titre permanent; le Commissaire
a plut_t cherché à s'acquitter de l'obligation qui lui incombe de veiller
à ce que le fonctionnement du casino soit soumis à une surveillance constante
et de garantir la confiance du public dans le fonctionnement et la gestion
légitimes du casino.
4.7 Enfin, l'Etat partie fait valoir que l'auteur n'a pas épuisé tous
les recours internes disponibles, comme il est prescrit au paragraphe
7 a) de l'article 14 de la Convention et qu'il avait accès à deux voies
de recours efficaces et disponibles dont il aurait dû se prévaloir à l'appui
de ses allégations de licenciement arbitraire. Premièrement, il était
loisible à l'auteur de contester la décision de la Commission des droits
de l'homme et de l'égalité des chances devant la Cour fédérale d'Australie,
conformément à la loi de 1977 sur l'examen judiciaire des décisions administratives.
L'Etat partie souligne que la décision du Président de la Commission des
droits de l'homme et de l'égalité des chances pouvait être réexaminée
au titre de la loi sur l'examen judiciaire des décisions administratives
: les motifs d'examen sont énumérés à l'article 5 de la loi - au nombre
de ces motifs figurent l'absence de preuves ou autres éléments justifiant
l'adoption de la décision, et le fait que l'adoption de la décision constitue
un abus de pouvoir. L'Etat partie fait valoir que son mécanisme d'examen
est à la fois disponible et efficace au regard des conditions de recevabilité
des communications présentées au Comité : c'est ainsi qu'à la suite d'une
requête présentée conformément à la loi sur l'examen judiciaire des décisions
administratives, la Cour peut annuler la décision incriminée, la renvoyer
à la première instance pour nouvel examen sous réserve des orientations
formulées, ou énoncer les droits des parties.
4.8 D'après l'Etat partie, l'auteur pouvait également contester la décision
du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool devant
la Cour suprême d'Australie méridionale, en demandant une révision judiciaire
conformément à l'article 98.01 du règlement intérieur de la Cour suprême
d'Australie méridionale. Aux termes de l'article 98.01, la Cour suprême
peut prendre une décision de révision sous forme d'ordonnance de certiorari
ou de mandamus. Aux termes de l'article 98.09, la Cour suprême
peut accorder des dommages-intérêts en ordonnant une révision judiciaire.
Il est souligné qu'une demande de révision judiciaire sur la base de l'article
98 était un recours disponible en l'espèce.
4.9 L'Etat partie admet que l'auteur n'était pas tenu d'épuiser des recours
internes qui sont inefficaces ou n'offrent objectivement aucune chance
de succès. Il rappelle à cet égard la décision rendue le 23 décembre 1986
par la Cour suprême d'Australie méridionale siégeant en réunion plénière
dans l'affaire R. c. Seckler pour Alvaro ("affaire
Alvaro"). Les circonstances matérielles de cette affaire étaient
très semblables à celles de l'espèce. La partie mise en cause était le
Commissaire d'Australie méridionale chargé de délivrer les permis de vente
d'alcool, la même personne qu'en l'espèce, et l'enjeu du litige était
le refus de la partie mise en cause d'approuver l'embauche du requérant.
La Cour suprême d'Australie méridionale a estimé, à la majorité, que le
requérant n'avait pas droit à réparation. De l'avis de l'Etat partie,
le précédent judiciaire constitué par la décision rendue dans l'affaire
Alvaro n'exonérait pas l'auteur de l'obligation d'épuiser le recours
disponible sous forme d'examen judiciaire; l'Etat partie ajoute que, "contrairement
à ce que soutient une doctrine juridique établie, un jugement rendu à
la majorité simple dans un domaine relativement nouveau du droit ne répond
pas au critère de flagrante futilité qui doit être rempli pour justifier
le non-épuisement d'un recours disponible".
4.10 Toujours dans le même contexte, l'Etat partie rejette comme une
interprétation trop vague l'argument selon lequel l'épuisement des recours
internes ne saurait être exigé lorsqu'il paraît probable que la poursuite
des recours disponibles ne se solderait pas par un résultat favorable.
C'est pourquoi la révision judiciaire dans le contexte de l'article 98
du règlement intérieur de la Cour suprême est qualifiée de recours à la
fois disponible et efficace, dont l'auteur a omis de se prévaloir. L'Etat
partie note que l'auteur n'a pas présenté sa requête dans le délai de
six mois à compter du moment où les motifs de révision ont pris pour la
première fois naissance (7 novembre 1987), comme l'exige l'article 98.06
du règlement intérieur de la Cour suprême. En conséquence, tout en constatant
que ce recours ne peut être formé aujourd'hui, les délais prescrits par
la loi étant dépassés, l'Etat partie note que si le recours n'a pas été
présenté dans les délais voulus, cette défaillance est imputable à l'auteur.
Il est fait à cet égard référence à la jurisprudence du Comité des droits
de l'homme.
5.1 Dans ses observations datées du 28 avril 1996, l'auteur récuse les
arguments de l'Etat partie et les rejette comme sans objet en l'espèce.
Il conteste la crédibilité des arguments de l'Etat partie en s'appuyant
sur les lettres de soutien qu'il a reçues d'un membre du Parlement, M.
Peter Duncan.
5.2 De l'avis de l'auteur, le Comité a compétence pour examiner sa plainte
quant au fond. Il affirme que la Commission des droits de l'homme et de
l'égalité des chances n'a pas examiné sa plainte avec l'impartialité requise.
Dans ce contexte, il note, sans donner d'autres explications, que la loi
contre la discrimination raciale autorise les requérants à assister à
une audience en un lieu désigné à cet effet pour présenter des arguments
à l'appui de leur plainte, et qu'il n'en a pas été ainsi dans son cas.
C'est ce qui a conduit, selon lui, la Commission des droits de l'homme
et de l'égalité des chances à prendre une décision qui n'était pas étayée
par une information suffisante et n'était pas compatible avec les dispositions
de la Convention.
5.3 L'auteur note que le Président de la Commission des droits de l'homme
et de l'égalité des chances, Sir Ronald Wilson, qui a rejeté sa plainte
le 21 mars 1995, était juge à la Cour suprême d'Australie méridionale
quand a été rendue, en décembre 1986, la décision sur l'affaire Alvaro.
Il affirme maintenant qu'il y avait un conflit d'intérêts de la part du
Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances,
qui s'était prononcé sur la validité d'une requête dans une affaire pratiquement
comparable présentée à la Cour suprême d'Australie méridionale avant de
statuer sur la plainte de l'auteur. Celui-ci estime donc que la décision
de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances était
entachée de partialité et d'arbitraire, et que le Comité a compétence
pour examiner la plainte.
5.4 L'auteur réaffirme qu'il y a des preuves suffisantes pour
montrer que sa plainte relève a priori du paragraphe 1 de l'article premier
de la Convention. Il fait valoir que "conformément aux pratiques
normales du racisme institutionnalisé il n'a pas été donné de raisons
claires et précises [pour justifier le licenciement] et rien n'obligeait
à le faire". L'auteur affirme en outre qu'on voit mal comment les
actes commis à son égard par des agents de l'Etat ne constituent
pas une "distinction" au sens de la Convention, étant
donné les termes employés par le Commissaire de police dans son rapport
de 1987 au Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool,
où il était expressément dit que l'auteur était "membre d'un large
groupe familial ... Tous sont d'extraction italienne". De ce raisonnement,
affirme l'auteur, il ressort clairement que les personnes ayant les mêmes
antécédents que lui sont empêchées de jouir de leurs droits, ou de les
exercer, dans des conditions d'égalité par rapport aux autres membres
de la collectivité. Il se réfère également à un jugement rendu dans l'affaire
Mandala & Anor c. Dowell Lee / (1983) A11
ER 1062./ où il était dit que des déclarations flagrantes et manifestement
discriminatoires ne sont généralement pas nécessaires dans les enquêtes
sur les cas de discrimination raciale, étant donné que les preuves directes
de préjugé racial sont souvent déguisées.
5.5 Quant à l'obligation d'épuiser les recours internes, l'auteur note
que la décision rendue le 21 mars 1995 par le Président de la Commission
des droits de l'homme et de l'égalité des chances, qui lui a été transmise
le 24 mars 1995, omettait de mentionner les possibilités de recours ultérieurs.
Il fait observer que la loi contre la discrimination raciale ne dit rien
de la possibilité d'un examen judiciaire des décisions du Président de
la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances par la
Cour fédérale d'Australie.
5.6 Enfin, l'auteur affirme que la possibilité d'un examen judiciaire,
dans le contexte du règlement intérieur de la Cour suprême d'Australie
méridionale, de la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis
de vente d'alcool lui refusant un emploi permanent n'était pas une possibilité
réaliste pour l'auteur de la communication. Il estime que le jugement
rendu par la Cour suprême d'Australie méridionale dans l'affaire Alvaro
constituait un précédent pertinent pour l'examen de sa plainte,
d'autant plus que l'Etat partie lui-même reconnaît que l'affaire Alvaro
présentait de nombreuses analogies avec la présente affaire. Si l'on ajoute
à cela le fait que le Président de la Commission des droits de l'homme
et de l'égalité des chances qui a rejeté l'appel de l'auteur avait auparavant
participé à l'examen de l'affaire Alvaro, note encore l'auteur,
les chances de pouvoir contester avec succès sa décision devant la Cour
suprême étaient minces.
6.1 Dans de nouvelles conclusions, datées du 22 juillet 1996, l'Etat
partie rejette à son tour, comme partiales ou incorrectes, plusieurs des
observations de l'auteur. Il note que l'auteur a fait preuve de partialité
dans le choix des citations tirées du rapport du Commissaire de police
et que les citations complètes indiquent que la décision prise par le
Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool concernant
l'aptitude de M. Barbaro à occuper un emploi au casino avait pour motif
principal l'association de l'auteur avec 18 membres de sa famille condamnés
pour des délits graves liés à la drogue. La question de l'appartenance
ethnique n'a été soulevée par le Commissaire de police que comme un facteur
s'ajoutant à d'autres tels que les liens familiaux et le type de délit;
l'ascendance ethnique de l'auteur n'entrait en considération que dans
la mesure où elle contribuait à établir l'existence de ce faisceau d'associations.
6.2 L'Etat partie admet que dans la pratique suivie en Australie en matière
d'emploi, les relations des demandeurs d'emploi ne sont généralement pas
considérées comme un facteur pertinent pour déterminer l'aptitude à l'emploi.
En l'occurrence, ce facteur était pertinent parce que le Commissaire chargé
de délivrer les permis de vente d'alcool n'est pas un employeur mais un
fonctionnaire public. Son r_le, défini par la loi, consiste à assurer
la surveillance constante des opérations du casino, r_le reconnu par la
Cour suprême dans l'affaire Alvaro. Bref, le Commissaire chargé
de délivrer les permis de vente d'alcool était chargé de veiller à l'intégrité
interne et externe du casino. Cependant, de même qu'un employeur, il était
soumis aux dispositions de la loi contre la discrimination raciale de
1975; dans le cas présent, l'Etat partie réaffirme que le fait qu'il y
ait eu dans la famille élargie de l'auteur des personnes ayant commis
des infractions à la législation sur les stupéfiants était une justification
fondée de la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de
vente d'alcool.
6.3 L'Etat partie accepte en principe l'argument de l'auteur selon lequel
il n'est pas nécessaire d'établir, dans les cas de distinctions fondées
sur la race, qu'il y a eu des manifestations évidentes et flagrantes de
discrimination raciale. Il note à cet égard que l'interdiction des actes
indirectement discriminatoires ou involontairement discriminatoires est
un principe établi du droit australien. Cependant, l'Etat partie souligne
une fois encore que les décisions prises dans le cas de M. Barbaro reposaient
sur des motifs autres que la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine
nationale ou ethnique.
6.4 L'Etat partie note que les observations de l'auteur soulèvent de
nouvelles allégations quant à l'impartialité des procédures suivies devant
la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances. L'auteur
affirme, en particulier, qu'un examen équitable de sa cause lui a été
refusé étant donné qu'il n'aurait pas eu la possibilité de participer
à une audition pour présenter sa plainte. L'Etat partie fait valoir que
l'auteur n'a pas épuisé les recours internes à cet égard et que l'auteur
aurait pu présenter une demande d'examen judiciaire de cette allégation
dans le cadre de la loi sur la révision judiciaire des décisions administratives.
En tout état de cause, poursuit l'Etat partie, l'impartialité de la procédure
ne dépendait pas de la présence personnelle de M. Barbaro lors de la présentation
de sa plainte. En ce qui concerne la Commission des droits de l'homme
et de l'égalité des chances, les motifs justifiant le rejet de la plainte
avant conciliation sont énoncés au paragraphe 2 de l'article 24 de la
loi contre la discrimination raciale. Il s'agit des motifs suivants :
a) si le Commissaire pour l'élimination de la discrimination raciale
est convaincu que l'acte discriminatoire n'est pas illégal en vertu d'une
disposition de la loi contre la discrimination raciale;
b) si le Commissaire estime que la personne lésée ne souhaite pas que
l'enquête soit engagée ou poursuivie;
c) si la plainte présentée à la Commission concerne un acte qui s'est
produit plus de douze mois avant la présentation de la plainte;
d) si le Commissaire estime que la plainte à l'examen est futile, vexatoire,
mal conçue ou sans fondement.
En l'espèce, le Président de la Commission des droits de l'homme et
de l'égalité des chances a rejeté la plainte en se fondant sur le paragraphe
2, alinéa d), de l'article 24 de la loi contre la discrimination raciale.
6.5 L'Etat partie rejette comme dénué de tout fondement l'argument de
l'auteur selon lequel la décision de la Commission des droits de l'homme
et de l'égalité des chances était partiale en raison d'un prétendu conflit
d'intérêts concernant le Président de la Commission. L'Etat partie souligne
la longue carrière de juriste du Président et ajoute qu'il est tout à
fait normal qu'un homme possédant le profil et l'expérience du Président
de la Commission soit à différentes périodes appelé à examiner des questions
entre lesquelles il peut y avoir un rapport en droit ou en fait. L'Etat
partie souligne que le fait de s'être précédemment occupé d'une affaire
analogue (en fait ou en droit) n'entraîne pas un conflit d'intérêts. Il
faudrait des preuves supplémentaires de la prétendue partialité, preuves
que l'auteur a manifestement omis de fournir.
6.6 Quant à l'argument de M. Barbaro qui affirme ne pas avoir été informé
des recours internes disponibles après la décision de la Commission du
21 mars 1995, l'Etat partie note que ni la Convention ni la loi australienne
de 1975 contre la discrimination raciale n'imposent l'obligation d'indiquer
à un plaignant tous les mécanismes d'appel disponibles.
6.7 Enfin, en ce qui concerne les lettres de soutien qu'un membre du
Parlement, M. Peter Duncan, ancien secrétaire parlementaire à la justice
(parliamentary secretary to the Attorney-General) a adressées en faveur
de l'auteur à la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des
chances, l'Etat partie rappelle qu'il arrive souvent que des membres du
Parlement fédéral écrivent à la Commission en faveur de membres de leurs
circonscriptions pour défendre les droits de leurs électeurs, ce qui est
leur r_le de représentants démocratiquement élus. L'Etat partie affirme
qu'il y a une distinction à établir entre ce r_le, d'une part, et la fonction
d'enquête d'un organe indépendant comme la Commission des droits de l'homme
et de l'égalité des chances et le r_le de direction du Secrétaire parlementaire
à la justice, d'autre part. Dans le cas présent, il est clair que le membre
du Parlement est intervenu en faveur de l'auteur dans son r_le de représentation.
Plus important encore, ces lettres avaient pour objet de demander que
la plainte de l'auteur fasse l'objet d'une enquête approfondie de la part
de la Commission. Une fois qu'une décision a été prise dans cette affaire,
M. Duncan n'a plus écrit de lettres à ce sujet.
7. A sa quarante-neuvième session, en août 1996, le Comité a examiné
la communication mais est parvenu à la conclusion qu'il avait besoin d'informations
complémentaires de l'Etat partie avant de pouvoir se prononcer en pleine
connaissance de cause sur la recevabilité. En conséquence, l'Etat partie
a été prié de donner des éclaircissements sur les points suivants :
a) au cas où des plaintes présentées par l'auteur en vertu de la loi
sur l'examen judiciaire des décisions administratives et dans le contexte
de l'article 98.01 du Règlement intérieur de la Cour suprême d'Australie
méridionale auraient été rejetées, l'auteur aurait-il eu la possibilité
de faire ensuite appel devant la Cour fédérale d'Australie, ou aurait-il
pu s'adresser directement à la Cour fédérale d'Australie ?
b) selon sa pratique habituelle, l'Etat partie informe-t-il, ou n'informe-t-il
pas, les personnes se trouvant dans la situation de l'auteur, de l'existence
de voies de recours judiciaires dans les affaires les concernant ?
8.1 Dans sa réponse, l'Etat partie fait valoir que M. Barbaro aurait
eu la possibilité de faire appel devant la Cour fédérale d'Australie puis
devant la Haute Cour d'Australie au cas où une plainte présentée en vertu
de la loi sur l'examen judiciaire des décisions administratives aurait
été rejetée. Aux termes de l'article 8, la Cour fédérale d'Australie a
compétence pour examiner les requêtes présentées en application de la
loi sur l'examen judiciaire des décisions administratives; les requêtes
peuvent porter sur les décisions auxquelles la loi s'applique, et les
décisions du Président de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité
des chances entrent dans le cadre de la définition des "décisions
auxquelles la loi s'applique" (art. 3 1)). L'auteur était donc admis
à demander un examen judiciaire de la décision du Président devant un
juge unique de la Cour fédérale d'Australie pour l'un quelconque des motifs
pertinents énoncés à l'article 5 de la loi sur l'examen judiciaire des
décisions administratives, et ce dans un délai de 28 jours à compter de
la décision du Président de la Commission des droits de l'homme et de
l'égalité des chances. Au cas où une requête présentée devant un juge
unique de la Cour fédérale n'aurait pas abouti, l'auteur aurait pu demander
l'autorisation de faire appel devant la Cour fédérale siégeant en réunion
plénière.
8.2 Si sa requête présentée à la Cour fédérale d'Australie en réunion
plénière avait été rejetée, l'auteur aurait encore eu la possibilité de
demander l'autorisation spéciale de se pourvoir devant la Haute Cour d'Australie
au titre de l'ordonnance 69A du règlement intérieur de la Cour; les critères
à remplir pour obtenir l'autorisation spéciale de faire appel sont énoncés
à l'article 35A de la loi de 1903 sur l'organisation judiciaire. Lorsque
l'autorisation spéciale de faire appel est accordée, le pourvoi en appel
doit être présenté dans les trois semaines qui suivent la décision d'accorder
cette autorisation.
8.3 L'Etat partie note en outre que l'auteur aurait pu faire appel devant
la Cour suprême d'Australie méridionale siégeant en réunion plénière puis
devant la Haute Cour d'Australie si une plainte présentée dans le contexte
de l'article 98.01 du Règlement intérieur de la Cour suprême d'Australie
méridionale avait été rejetée par un juge unique (art. 50 de la loi de
1935 relative à la Cour suprême d'Australie méridionale). M. Barbaro aurait
dû présenter un appel dans les 14 jours suivant la décision du juge unique.
Au cas où un appel formé devant la Cour d'Australie méridionale siégeant
en réunion plénière aurait été rejeté, M. Barbaro aurait pu solliciter
de la Haute Cour d'Australie l'autorisation spéciale de faire appel de
la décision de la réunion plénière de la Cour suprême d'Australie méridionale
en invoquant l'article 35 de la loi fédérale de 1903 sur l'organisation
judiciaire.
8.4 L'Etat partie réaffirme que la Convention n'impose pas d'obligation
d'indiquer à un requérant tous les mécanismes d'appel disponibles. Il
n'existe, ni en droit fédéral ni dans la législation de l'Australie méridionale,
d'obligation légale de fournir aux particuliers des informations sur les
voies de recours possibles; ni le gouvernement fédéral ni le Gouvernement
de l'Australie méridionale n'ont pour habitude d'informer les particuliers
des voies d'appel qui leur sont offertes. Cependant, quelques dispositions
imposent l'obligation d'informer les particuliers de leurs droits d'appel
: il en est ainsi de la loi fédérale de 1975 contre la discrimination
raciale, qui prévoit que lorsque le Commissaire pour l'élimination de
la discrimination raciale décide de ne pas ouvrir d'enquête sur un acte
contesté, il doit informer le plaignant de la décision et de ses motifs,
et de son droit de demander que la décision soit examinée par le Président
de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances (art.
24 3)). Dans l'affaire Barbaro, il a été satisfait à cette obligation.
Au demeurant, dans la pratique de la Commission, lorsqu'un requérant a
manifesté son intention de contester une décision du Président de la Commission,
celle-ci l'informe des autres voies de recours possibles. Rien n'indique
que la Commission se soit écartée de cette pratique dans le cas de l'auteur.
8.5 L'Etat partie note que M. Barbaro ne semble pas avoir demandé l'avis
de juristes sur les voies d'appel et de recours qu'il avait à sa disposition;
il ajoute que chacun sait qu'il existe en Australie, y compris en Australie
méridionale, un système d'aide judiciaire financé par des fonds publics,
ainsi qu'un réseau national de centres communautaires d'assistance juridique
(Community Legal Centres). Aussi bien les services d'aide judiciaire que
les centres communautaires d'assistance juridique auraient donné à l'auteur,
à titre gracieux, des avis juridiques sur les mécanismes d'appel disponibles
pour les personnes dans sa situation. Si M. Barbaro n'a pas cherché à
bénéficier de ces avis juridiques gratuits, cette carence ne saurait être
imputée à l'Etat partie; à cet égard, il est fait référence à la jurisprudence
du Comité, selon laquelle il appartient à l'auteur lui-même d'épuiser
les recours internes / Voir décision No 5/1994 (C.P. et
son fils c. Danemark), par. 6.2./.
9.1 Dans ses observations, l'auteur admet que le Commissaire pour l'élimination
de la discrimination raciale l'a informé de son droit de faire appel de
la décision aux termes de l'article 24AA 1) de la loi contre la discrimination
raciale. Cependant, il fait valoir que le Président de la Commission des
droits de l'homme et de l'égalité des chances ne l'a pas informé de la
possibilité de faire appel de la décision communiquée à l'auteur le 24
mars 1995; il affirme que le Président de la Commission, ancien juge à
la Haute Cour aurait dû le mettre au courant des voies de recours possibles.
M. Barbaro ajoute qu'il ne pouvait être au courant, n'étant qu'un profane,
de l'existence d'autres voies de recours possibles contre la décision
du Président de la Commission.
9.2 L'auteur réaffirme qu'une demande adressée à la Cour suprême d'Australie
méridionale conformément à l'article 98.01 du règlement de la Cour aurait
été inutile, étant donné le jugement rendu précédemment par la Cour suprême
dans l'affaire Alvaro.
9.3 Enfin, en ce qui concerne la référence de l'Etat partie à la possibilité
de demander un avis juridique à des centres communautaires d'assistance
juridique (Community Legal Centres), M. Barbaro fait valoir que "cette
assistance n'est fournie que dans des situations extrêmes et ... seulement
s'il s'agit d'un délit pouvant donner lieu à l'ouverture de poursuites
pénales."
Délibérations du Comité
10.1 Avant d'examiner les faits incriminés dans une communication, le
Comité pour l'élimination de la discrimination raciale doit, conformément
au paragraphe 7 a) de l'article 14 de la Convention, décider si la communication
est ou non recevable.
10.2 L'Etat partie affirme que la plainte de l'auteur est irrecevable
attendu que l'auteur n'a pas démontré que la décision prise en mai 1987
par le Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool présentait
les caractéristiques d'une discrimination raciale. Le Comité note que
l'auteur a formulé des allégations précises, dans la mesure notamment
où il y ait fait mention de passages du rapport du Commissaire de police
d'Australie méridionale communiqué au Commissaire chargé de délivrer les
permis de vente d'alcool, pour appuyer son affirmation selon laquelle
son ascendance nationale et/ou ethnique aurait influencé la décision du
Commissaire chargé de délivrer les permis. De l'avis du Comité, l'auteur
a apporté des preuves suffisantes, aux fins de la recevabilité, pour corroborer
ses griefs relevant des paragraphes a) et e) i) de l'article 5 lus dans
le contexte du paragraphe 1 de l'article premier de la Convention.
10.3 Finalement, l'Etat partie a également affirmé que l'auteur n'avait
pas épuisé les recours internes à la fois disponibles et efficaces qui
s'offraient à lui, vu qu'il aurait pu contester la décision du Président
de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances en
vertu de la loi sur l'examen judiciaire des décisions administratives,
et la décision du Commissaire chargé de délivrer les permis de vente d'alcool
en application de l'article 98.01 du règlement intérieur de la Cour suprême
d'Australie méridionale. L'auteur a répondu a) qu'il n'était pas au courant
de l'existence de ces recours disponibles, et b) qu'il eût été futile
de faire appel devant la Cour suprême d'Australie méridionale étant donné
le précédent établi par le jugement rendu dans l'affaire Alvaro.
10.4 Le Comité note tout d'abord que l'auteur avait un représentant
juridique lors de l'audition du 30 avril 1987 devant le Commissaire chargé
de délivrer les permis de vendre de l'alcool. Il incombait à son représentant
juridique de l'informer des voies d'appel possibles après la décision
de licenciement prise à l'encontre de l'auteur par le Commissaire chargé
de délivrer les permis de vente d'alcool. Le fait que les autorités judiciaires
d'Australie méridionale n'aient pas informé l'auteur des voies de recours
possibles ne le dispensait pas de chercher à se prévaloir des voies de
recours judiciaire à sa disposition; et l'impossibilité de le faire après
l'expiration des délais légaux d'appel, n'est pas davantage imputable
à l'Etat partie.
10.5 De l'avis du Comité, le jugement rendu par la Cour suprême d'Australie
méridionale dans l'affaire Alvaro n'avait pas nécessairement d'incidence
négative sur la présente affaire. Tout d'abord, le jugement rendu dans
l'affaire Alvaro n'était pas un jugement unanime, mais un jugement
rendu à la majorité. Deuxièmement, le jugement concernait des questions
juridiques qui constituaient, comme le note l'Etat partie, un terrain
en grande partie inexploré. Dans ces conditions, l'existence d'un jugement,
fût-ce un jugement sur des questions analogues à celles qui se posaient
en l'espèce, ne dispensait pas M. Barbaro de chercher à se prévaloir du
recours prévu à l'article 98.01 du règlement intérieur de la Cour suprême.
Enfin, même si ce recours avait été rejeté, l'auteur avait la possibilité
de faire appel devant les instances de la Cour fédérale. En l'occurrence,
le Comité conclut que l'auteur n'a pas satisfait aux conditions énoncées
au paragraphe 7 a) de l'article 14 de la Convention.
11. En conséquence, le Comité sur l'élimination de la discrimination
raciale décide :
a) que la communication est irrecevable;
b) que cette décision sera communiquée à l'Etat partie et à l'auteur.