COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DE TOUS LES
TRAVAILLEURS MIGRANTS ET DES MEMBRES DE LEUR FAMILLE
CMW/C/BOL/CO/1
2 mai 2008FRANÇAIS
Original: ANGLAIS
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 74 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité pour la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
BOLIVIE
1. Le Comité a examiné le rapport initial de la Bolivie (CMW/C/BOL/1) à ses74e et
75e séances (voir les documents CMW/C/SR.74 et SR.75), tenues les 16 et 17 avril 2008, et a adopté les observations finales ci-après à sa 85e séance, tenue le 24 avril 2008.A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du rapport initial de l’État partie et remercie celui-ci de ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CMW/C/BOL/Q/1/Add.1). Il se félicite de la volonté de coopérer manifestée par la délégation lors du dialogue constructif avec le Comité. Il regrette toutefois que le rapport et les réponses écrites ne contiennent pas suffisamment d’informations sur plusieurs questions importantes de caractère tant juridique que pratique, et que les réponses écrites n’aient pas été soumises suffisamment à l’avance pour permettre leur traduction en temps voulu dans les autres langues de travail du Comité. Le Comité regrette également qu’aucun expert des questions couvertes par la Convention, exerçant des responsabilités correspondantes dans le pays, n’ait été présent lors de la présentation du rapport, ce qui a rendu difficile le dialogue entre le Comité et l’État partie.
3. Le Comité constate que la Bolivie est principalement un pays d’origine de travailleurs migrants, qui compte toutefois un nombre non négligeable de travailleurs migrants en transit ou restant sur son territoire, en particulier des Péruviens.
4. Le Comité note que certains pays dans lesquels sont employés des travailleurs migrants boliviens ne sont pas encore parties à la Convention, ce qui risque de faire obstacle à l’exercice par ces travailleurs des droits que la Convention leur reconnaît.
B. Aspects positifs
5. Le Comité se félicite de l’engagement de l’État partie en faveur des droits des travailleurs migrants, comme en témoigne le fait qu’il reconnaisse expressément que l’immigration constitue un atout important pour le pays.
6. Le Comité salue le programme mis en œuvre pour venir en aide aux migrants à l’étranger (Programa de Atención al Boliviano en el Exterior), les «consulats mobiles» qui fournissent une assistance directe aux migrants et le programme «Matrícula Consular» mis en œuvre dans un pays de destination de migrants boliviens pour faciliter leur enregistrement.
7. Le Comité accueille avec satisfaction le Plan national de développement 2007-2010 (Plan Nacional de Desarrollo), destiné à aider les microentreprises et à créer de nouveaux emplois et qui vise expressément les questions relatives aux migrants.
8. Le Comité est heureux que, conformément à l’article 93 b) du Code électoral, les étrangers aient le droit de voter aux élections municipales.
9. Le Comité se félicite de l’adhésion récente de l’État partie aux instruments suivants:
a) Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et le Protocole facultatif à la même Convention concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, ratifiés respectivement le 3 juin 2003 et le 22 décembre 2004;
b) Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnels à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, ratifiés le 18 mai 2006;
c) La Convention no 182 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, de 1999, ratifiée le 6 juin 2003;
d) La Convention interaméricaine sur le trafic international des mineurs, de 1994, ratifiée le 4 décembre 2003.
C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention
10. Le Comité note que l’État partie a entrepris de procéder à de profonds changements institutionnels et juridiques, et s’emploie en particulier à faire adopter une nouvelle constitution.
D. Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations
1. Mesures générales d’application (art. 73 et 84)
Législation et mise en œuvre
11. Le Comité note que la Bolivie n’a pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, par lesquelles elle reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir des communications d’États parties et de particuliers.
12. Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.
13. Le Comité note avec préoccupation que, bien qu’un grand nombre des dispositions du décret administratif no 24423 réglementant les questions liées aux migrations soient caduques, aient fait l’objet de dérogations, ou aient été déclarées inconstitutionnelles par la Cour suprême, ce décret n’a toujours pas été remplacé par un texte intégrant les dispositions de la Convention dans le droit interne. Le Comité prend note de l’assurance donnée par l’État partie qu’un projet de loi sur les migrations (Anteproyecto de Ley Migratoria) est en cours d’élaboration.
14. L’État partie est encouragé à redoubler d’efforts pour intégrer pleinement les dispositions de la Convention en droit interne. Il devrait veiller à ce qu’une loi sur les migrations pleinement conforme aux instruments internationaux soit adoptée rapidement.
15. Le Comité note que la Bolivie n’a pas encore adhéré aux Conventions de l’OIT no 97
de 1949 sur les travailleurs migrants, et no 143 de 1975 sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires).16. Le Comité invite l’État partie à envisager la possibilité d’adhérer, dans les meilleurs délais, aux Conventions nos 97 et 143 de l’OIT sur les travailleurs migrants.
Collecte de données
17. Tout en prenant note des difficultés rencontrées par l’État partie à cet égard, le Comité regrette l’absence d’informations et de statistiques adéquates sur les flux migratoires et autres questions liées à la migration. Il rappelle que ces données sont indispensables pour connaître la situation des travailleurs migrants dans l’État partie et évaluer la mise en œuvre de la Convention.
18. Le Comité encourage l’État partie à créer une solide base de données sur tous les aspects de la Convention, y compris des données systématiques − aussi ventilées que possible − qui favoriserait la mise en place d’une politique migratoire efficace et l’application des diverses dispositions de la Convention. Lorsqu’il n’est pas possible de recueillir des données précises, par exemple concernant les travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité souhaiterait recevoir des données fondées sur des études ou des estimations.
Formation à la Convention et diffusion de celle-ci
19. Tout en prenant note des séminaires sur les migrations organisés dans l’État partie en coordination avec le Défenseur du peuple, le Comité note avec préoccupation l’absence de toute autre information indiquant que l’État partie aurait pris des mesures pour diffuser des informations sur la Convention et la promouvoir auprès de toutes les parties prenantes intéressées, en particulier des organisations de la société civile.
20. Le Comité encourage l’État partie à intensifier la formation à l’intention de tous les fonctionnaires qui travaillent dans le domaine des migrations, en particulier les fonctionnaires de police et les agents de contrôle aux frontières, ainsi que les fonctionnaires s’occupant des travailleurs migrants au niveau local. Il l’encourage également à faire le nécessaire pour garantir l’accès des migrants à l’information sur les droits que leur reconnaît la Convention. En outre, le Comité encourage l’État partie à continuer de travailler avec les organisations de la société civile, pour diffuser l’information et promouvoir la Convention.
2. Principes généraux (art. 7 et 83)
Non-discrimination
21. Tout en prenant note des mesures prises par l’État partie pour lutter contre la discrimination, le Comité reste préoccupé par les informations indiquant que certains migrants et membres de leur famille, dont des Péruviens, auraient été victimes de discrimination et de stigmatisation par suite du comportement des autorités publiques, notamment le Service national des migrations (SENAMIG) et la police. Il est préoccupé en particulier par des informations selon lesquelles certains cas individuels ont été politisés par les médias, ce qui a contribué à perpétuer la stigmatisation des migrants.
22. Le Comité engage l’État partie à redoubler d’efforts:
a) Pour garantir à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction les droits reconnus dans la Convention sans distinction aucune, conformément à l’article 7;
b) Pour mener des campagnes de sensibilisation des fonctionnaires qui s’occupent des questions de migration, en particulier à l’échelon local, et pour continuer de s’employer à modifier la perception que le grand public a des travailleurs migrants et son attitude à leur égard et à combattre la stigmatisation et la marginalisation de ceux-ci. L’État partie devrait prendre des mesures en vue de prévenir la stigmatisation des migrants par les médias.
Droit à un recours utile
23. Le Comité prend note des informations reçues de l’État partie indiquant que toute personne, qu’il s’agisse d’un de ses ressortissants ou d’un étranger, a accès aux tribunaux et se voit accorder la protection des droits reconnus dans sa législation, et que les mécanismes de saisine du Défenseur du peuple sont accessibles aux travailleurs migrants. Il constate toutefois avec préoccupation que les travailleurs migrants, quel que soit leur statut juridique, n’ont dans la pratique qu’un accès limité à la justice, faute d’informations sur les recours administratifs et judiciaires qui leur sont ouverts.
24. Le Comité encourage l’État partie à redoubler d’efforts pour informer les travailleurs migrants sur les recours d’ordre administratif et judiciaire qui leur sont ouverts et pour traiter leurs plaintes le plus efficacement possible. Il lui recommande de veiller à ce que dans la loi comme dans la pratique les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, aient les mêmes droits que les nationaux de porter plainte et de demander réparation devant les tribunaux, y compris les tribunaux du travail.
3. Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)
25. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations en ce qui concerne: a) le nombre et la situation des migrants actuellement placés en rétention administrative ou en détention pour infraction aux dispositions relatives à l’immigration; et b) la durée et le lieu de ces détentions.
26. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les migrants ou les membres de leur famille qui sont arrêtés pour infraction aux dispositions relatives à l’immigration soient privés de leur liberté pendant une période aussi courte que possible; il lui recommande également de prendre des mesures pour garantir que ces personnes sont détenues séparément de celles qui attendent d’être jugées ou qui sont déjà condamnées, conformément au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention.
27. Tout en prenant note des efforts faits par l’État partie pour améliorer et développer ses services consulaires, le Comité est préoccupé par le fait que les Boliviens doivent attendre longtemps la délivrance de documents qui pourraient les aider à exercer pleinement leurs droits.
28. Le Comité recommande que les services consulaires de l’État partie répondent plus efficacement au besoin de protection des travailleurs migrants boliviens et des membres de leur famille et, en particulier, qu’ils délivrent dans les meilleurs délais des documents de voyage à tous les travailleurs migrants boliviens et aux membres de leur famille, notamment à ceux qui souhaitent ou doivent rentrer en Bolivie.
29. Le Comité note avec préoccupation que les informations fournies par l’État partie n’indiquent pas clairement si les migrants ont accès à une procédure de recours contre les décisions d’expulsion.
30. L’État partie est invité à veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille ne puissent être expulsés de son territoire qu’en application d’une décision prise par l’autorité compétente conformément à la loi, et à ce que cette décision puisse être réexaminée en appel.
4. Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)
31. Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la lenteur des procédures, leur coût et le non-respect des délais sont autant d’obstacles à la régularisation de la situation des travailleurs migrants, ce qui peut décourager ceux-ci de poursuivre les démarches et perpétue donc leur situation illégale ou irrégulière. Il relève avec préoccupation que le décret no 24423 n’offre pas de protection spécifique aux migrants dont l’enregistrement est en cours.
32. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour rendre les procédures de régularisation plus accessibles, notamment en en revoyant le coût et en supprimant les retards. L’État partie devrait instituer un régime qui protège les migrants pendant la durée de l’examen de leur statut au regard de la législation relative à l’immigration.
33. Le Comité note avec préoccupation que les travailleurs migrants boliviens qui vivent à l’étranger ne peuvent pas exercer leur droit de vote.
34. Le Comité encourage l’État partie à prendre des mesures pour faciliter l’exercice du droit de vote par les travailleurs migrants boliviens qui vivent à l’étranger.
5. Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)
35. Le Comité prend note de la création de différentes institutions chargées des questions de migrations, comme le Service national des migrations (SENAMIG), le Conseil national des migrations, la Direction nationale des étrangers, la Direction nationale des affaires juridiques, la Direction nationale du contrôle et de l’enregistrement des habitants et les administrations départementales des migrations. Il constate cependant avec préoccupation que certaines ne sont pas encore opérationnelles et qu’il ne semble pas y avoir de coordination entre ces institutions et services.
36. Le Comité encourage l’État partie à instituer un mécanisme de coordination de façon à améliorer les services offerts aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille tout en garantissant la cohérence et la conformité avec les instruments régionaux et internationaux auxquels la Bolivie est partie. Les institutions et services créés pour traiter les différents aspects des migrations devraient être rapidement opérationnels. En outre, le Comité encourage l’État partie à veiller à ce qu’il soit tenu compte de la Convention dans l’élaboration et la mise en œuvre de toutes les politiques concernant les droits des travailleurs migrants.
37. Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie, dont il ressort que 60 % de la population autochtone du pays a émigré. Il est préoccupé par les conséquences de cette émigration massive, compte tenu de la situation souvent vulnérable des migrants autochtones.
38. Le Comité invite l’État partie à envisager l’adoption de mesures de protection des migrants concernés.
39. Le Comité est préoccupé par la situation des enfants restés en Bolivie tandis que leur mère a émigré à l’étranger et par l’absence d’informations à ce sujet. Comme l’État partie lui-même l’a reconnu, cette situation a des effets très néfastes sur le développement des enfants concernés.
40. Le Comité encourage l’État partie à appuyer une étude globale de la situation des enfants de familles migrantes, en vue d’élaborer des stratégies adéquates pour les protéger et leur garantir la pleine jouissance de leurs droits.
41. Tout en prenant note de la volonté de l’État partie de combattre la traite des personnes, le Comité regrette qu’il n’existe aucun mécanisme pour faciliter l’identification des réfugiés ou des victimes de la traite parmi les migrants, et constate que l’assistance offerte aux victimes est très limitée.
42. Le Comité encourage l’État partie à créer des mécanismes pour faciliter l’identification des groupes de migrants vulnérables, comme les demandeurs d’asile et les victimes de la traite, dans les mouvements illégaux ou clandestins de travailleurs migrants et de membres de leur famille. Il lui demande aussi de sanctionner les personnes ou les groupes qui organisent ou facilitent ces mouvements et d’apporter une aide appropriée aux victimes.
43. Conscient des besoins des Boliviens à l’étranger, le Comité regrette qu’il n’existe aucun mécanisme pour aider les travailleurs migrants boliviens et les membres de leur famille qui le souhaitent à rentrer en Bolivie.
44. Le Comité invite l’État partie à adopter des mesures, et à envisager de mettre en place des mécanismes, propres à faciliter le retour volontaire des migrants boliviens et des membres de leur famille, ainsi que leur réinsertion sociale et culturelle à long terme.
6. Suivi et diffusion
Suivi
45. Le Comité se félicite que le rapport initial de l’État partie donne une description détaillée des lois et règlements en rapport avec les dispositions de la Convention, mais il constate que nombre de ces textes sont en cours de révision. Il prie donc l’État partie de lui communiquer dans son deuxième rapport des informations détaillées sur l’avancement de ces réformes ainsi que sur la mise en application effective des lois et règlements en question.
46. Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son deuxième rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la mise en œuvre de ces recommandations, notamment en les transmettant aux membres du Gouvernement et du Parlement, ainsi qu’aux autorités locales, pour examen et suite à donner.
47. Le Comité prie l’État partie d’associer les organisations de la société civile à l’élaboration de son deuxième rapport.
Diffusion
48. Le Comité prie également l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organismes publics et de l’appareil judiciaire, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile, et d’informer les migrants boliviens établis à l’étranger, de même que les travailleurs migrants étrangers qui transitent ou résident en Bolivie, des droits que la Convention leur reconnaît ainsi qu’aux membres de leur famille.
7. Prochain rapport périodique
49. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre son deuxième rapport périodique le
1er juillet 2009 au plus tard.-----