Convention internationale sur la protection des droits de tous les
travailleurs migrants et des membres de leur familleDixième session
20 avril-1er mai 2009
Distr.
GÉNÉRALECMW/C/COL/CO/1
22 mai 2009
FRANÇAIS
Original: ESPAGNOL
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 74 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
COLOMBIE
1. Le Comité a examiné le rapport initial de la Colombie (CMW/C/COL/1) à ses 101e et 103e séances (voir CMW/C/SR.101 et 103), tenues les 21 et 22 avril 2009, et adopté les observations finales suivantes à ses 112e et 114e séances, tenues les 29 et 30 avril 2009.
A. Introduction
2. Le Comité, tout en regrettant qu’il ait été soumis tardivement, accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, ainsi que les réponses apportées à la liste de points à traiter et les renseignements complémentaires donnés par la délégation, qui lui ont permis de se faire une idée plus précise de l’état de l’application de la Convention dans l’État partie. Il se félicite aussi du dialogue franc qui s’est engagé avec la délégation.
3. Le Comité a bien conscience que la Colombie est essentiellement un pays d’origine de travailleurs migrants, mais relève qu’un certain nombre de travailleurs migrants étrangers séjournent sur son territoire ou transitent par son territoire.
4. Le Comité note que certains des pays dans lesquels sont employés des travailleurs migrants colombiens ne sont pas encore parties à la Convention, ce qui risque de faire obstacle à l’exercice par ces travailleurs des droits que la Convention leur reconnaît.
B. Aspects positifs
5. Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie en vue de promouvoir et de protéger les droits des travailleurs migrants colombiens établis à l’étranger ainsi que la conclusion d’accords bilatéraux avec des pays qui emploient des travailleurs migrants colombiens, dans la mesure où ils s’attachent à promouvoir les droits des travailleur migrants.
6. Le Comité se félicite en outre:
a) De la création, par le décret 1239 de 2003, de la Commission intersectorielle des migrations en tant qu’organe chargé de promouvoir, pour les travailleurs et les membres de leur famille, des conditions de migration satisfaisantes, équitables, dignes et licites;
b) De la création du Centre d’accueil et d’information pour les migrants (CIAMI), qui est chargé de fournir des informations sur le travail et les services offerts à l’étranger;
c) De l’entrée en vigueur de la loi 1070 de 2006, qui règlemente le vote des étrangers résidant en Colombie, et de la résolution 0373 du 31 janvier 2007, qui a permis l’inscription des étrangers résidant en Colombie sur les listes électorales à l’occasion de l’élection, le 28 octobre 2007, des maires, des conseillers municipaux et des membres des conseils d’administration locaux;
d) Du lancement, en 2003, du programme «La Colombie nous unit» dans le cadre du Plan national de développement 2006-2010, qui a pour objectif de promouvoir les liens entre les Colombiens qui résident à l’étranger et les membres de leur famille, leur région d’origine et, de façon plus large, la Colombie;
e) De l’engagement de deux procédures de régularisation des migrants dans l’État partie, la première en 2001, et la deuxième, actuellement en cours;
f) De l’entrée en fonctions du Comité interinstitutionnel pour la lutte contre la traite des êtres humains en novembre 2008 et de l’instauration de la stratégie nationale intégrée 2007-2012 et du Centre opérationnel de lutte contre la traite;
g) Du processus actuel d’élaboration de la politique migratoire intégrée, auquel participent tous les acteurs gouvernementaux appelés à intervenir dans le processus migratoire et dont l’objectif consiste à traiter sous toutes leurs formes les phénomènes sociaux, politiques, économiques, culturels, juridiques et institutionnels associés aux migrations internationales.
7. Le Comité se félicite aussi que l’État partie ait adhéré aux instruments suivants ou les ait ratifiés:
a) Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, auxquels l’État partie a adhéré respectivement les 11 novembre 2003 et 25 mai 2005;
b) Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ratifié le 4 août 2004;
c) La Convention no 182 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, de 1999, ratifiée le 28 janvier 2005.
C. Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations
1. Mesures générales d’application (art. 73 et 84)
Législation et mise en œuvre
8. Le Comité considère que les réserves formulées par l’État partie au sujet des articles 15, 46 et 47 de la Convention semblent avoir un caractère déclaratoire et technique sans qu’il y ait apparemment conflit entre les objectifs de la Convention et ceux de la législation pertinente de l’État partie.
9. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de retirer ses réserves aux articles 15, 46 et 47 de la Convention.
10. Le Comité constate que la Colombie n’a pas encore formulé les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir des communications d’États parties et de particuliers.
11. Le Comité encourage l’État partie à étudier la possibilité de formuler la déclaration prévue aux articles 76 et 77 de la Convention.
12. Le Comité relève avec préoccupation que la Colombie n’a pas encore ratifié les deux conventions suivantes de l’OIT: la Convention no 97 sur les travailleurs migrants (révisée) de 1949 et la Convention no 143 sur les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l’égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants, de 1975. Il s’inquiète par ailleurs de ce que l’État partie n’a pas encore adhéré au Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, de 2000, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, ratifiée le 4 août 2004.
13. Le Comité invite l’État partie à étudier la possibilité d’adhérer le plus tôt possible à la fois aux Conventions nos 97 et 143 de l’OIT et au Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer.
Collecte de données
14. Le Comité tient à rappeler qu’il est indispensable de disposer d’informations sur les courants migratoires, y compris l’immigration et le transit, pour comprendre la situation des travailleurs migrants dans l’État partie et évaluer l’application effective de la Convention. Il manque d’informations sur différentes catégories de migrants pour pouvoir apprécier l’application effective de la Convention, en particulier sur les migrants en transit, les femmes, les mineurs non accompagnés ainsi que les enfants de travailleurs migrants qui restent dans le pays et de travailleurs frontaliers et saisonniers.
15. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De poursuivre ses efforts pour créer une base de données qui tienne compte de tous les aspects de la Convention, dans laquelle seraient introduites des données détaillées sur la situation des travailleurs migrants en Colombie, des migrants en transit et des émigrants;
b) De recueillir dans cette base des informations et des données statistiques sur les femmes migrantes, les mineurs migrants non accompagnés, ainsi que les enfants de travailleurs migrants qui restent dans le pays et de travailleurs frontaliers et saisonniers. Si l’État partie ne dispose pas d’informations précises, par exemple sur les travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité souhaiterait recevoir des données obtenues à partir d’études ou de calculs approximatifs;
c) De mener à bien des études sur les effets du phénomène migratoire sur les enfants, dont ceux de migrants colombiens qui restent dans le pays;
d) De fournir au Comité des renseignements détaillés sur la situation des travailleuses migrantes colombiennes à l’étranger.
Formation et diffusion de la Convention
16. Le Comité se félicite que des séminaires soient organisés dans l’État partie pour faire connaître les dispositions de la Convention et que la Convention soit diffusée auprès des pouvoirs publics. Néanmoins, il manque de données sur l’élaboration et la réalisation de programmes spécifiques et de caractère permanent qui offrent une formation au contenu de la Convention.
17. Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir les programmes de formation de caractère permanent propres à faire connaître la teneur de la Convention à tous les fonctionnaires qui travaillent dans le domaine des migrations ou sont en contact avec les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris au niveau local.
18. Le Comité recommande également à l’État partie de diffuser largement les dispositions de la Convention tant auprès des travailleurs migrants colombiens à l’étranger qu’auprès des travailleurs migrants étrangers qui résident en Colombie ou transitent par la Colombie, ainsi que de la population en général, grâce notamment à l’organisation de campagnes de sensibilisation de longue durée.
Participation de la société civile
19. Le Comité regrette que la société civile n’ait pas été associée à l’élaboration du rapport de l’État partie.
20. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’associer les organisations de la société civile qui militent en faveur des droits des migrants à l’élaboration et à l’établissement du prochain rapport, ainsi qu’à des activités inhérentes à la mise en œuvre de la Convention.
2. Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)
21. Le Comité note que les centres du Département administratif de la sécurité (DAS) sont les lieux désignés pour la rétention des migrants en situation irrégulière. Il est préoccupé par les lacunes des informations fournies par l’État partie concernant les procédures de rétention des migrants par le DAS.
22. Le Comité invite l’État partie à lui communiquer des informations détaillées au sujet des procédures de rétention des travailleurs migrants et des membres de leur famille appliquées au sein du DAS. Il souhaiterait aussi recevoir des renseignements détaillés sur le système d’enregistrement et sur les conditions matérielles des locaux des centres du DAS où sont retenus les migrants.
23. Le Comité relève que le projet de centre d’accueil des migrants sera mis en route prochainement.
24. Le Comité recommande à l’État partie de donner suite au projet de centre d’accueil des migrants afin qu’il existe un centre expressément destiné à l’accueil des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui respecte et garantisse les droits visés dans la Convention.
25. Le Comité constate que la tâche consistant à fournir aux travailleurs migrants l’information énoncée à l’article 33 de la Convention est répartie entre différentes administrations, et il se félicite de la création du Centre d’accueil et d’information pour les migrants (CIAMI), chargé de fournir des renseignements sur le travail à l’étranger. Le Comité ne dispose cependant pas d’informations sur la manière dont les travailleurs migrants colombiens peuvent obtenir ces renseignements et il ignore si ce type de service existe aussi pour les étrangers qui immigrent en Colombie.
26. Le Comité invite l’État partie à redoubler d’efforts pour garantir le droit de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (émigrants, immigrants et personnes en transit) de recevoir des informations sur les droits visés dans la Convention et sur les conditions mises en place pour leur admission, ainsi que leurs droits et leurs obligations légales, et sur toute autre question susceptible de leur permettre d’accomplir les formalités administratives ou autres. Par ailleurs, le Comité incite l’État partie à communiquer ces informations aux migrants étrangers en Colombie.
27. Le Comité observe qu’en règle générale, il est possible de contester les actes administratifs d’expulsion en engageant un recours administratif (révision ou appel) qui a un effet suspensif. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait qu’il est impossible d’introduire un recours lorsque l’expulsion est effectuée pour des motifs visés à l’article 105 du décret 4000 de 2004 (pour atteinte à la sécurité nationale, à l’ordre public ou à la santé publique, par exemple). Le Comité constate également avec préoccupation qu’aucun recours n’est recevable contre la décision du Ministère des relations extérieures d’annuler un visa.
28. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour que les procédures d’expulsion ou d’éloignement soient respectées, conformément aux dispositions de l’article 22 de la Convention, en particulier afin de garantir:
a) Dans tous les cas, que les intéressés ont le droit de faire valoir les raisons de ne pas les expulser et de faire examiner leur cas par l’autorité compétente, à moins que des raisons impératives de sécurité nationale n’exigent qu’il n’en soit autrement;
b) Le droit de demander que l’exécution de la décision d’expulsion soit suspendue en attendant l’examen mentionné à l’alinéa ci-dessus;
c) Le droit de demander des réparations conformément à la loi si une décision d’expulsion déjà exécutée est par la suite annulée;
d) D’envisager la possibilité d’étudier la compatibilité entre la législation interne et la Convention en matière d’expulsion et d’éloignement.
29. Le Comité note avec préoccupation que, bien que les enfants de tous les travailleurs migrants, y compris ceux qui ne sont pas pourvus de documents, puissent être inscrits sur les registres de l’état civil, seuls les enfants dont l’un au moins des parents est domicilié en Colombie ont droit à la nationalité. Le Comité s’inquiète en particulier du sort des enfants susceptibles de devenir apatrides. À ce propos, le Comité se félicite que l’État partie ait adhéré à la Convention relative au statut des apatrides de 1954 et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961.
30. Le Comité recommande à l’État partie de garantir, tant dans la législation que dans la pratique, le droit de tous les enfants à un nom, à l’enregistrement de leur naissance et à une nationalité, conformément aux dispositions de l’article 29 de la Convention. Il engage l’État partie à finaliser dans les plus brefs délais le processus d’adhésion à la Convention relative au statut des apatrides de 1954 et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961.
3. Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont pourvus de documents
ou en situation régulière (art. 36 à 56)
31. Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas beaucoup d’informations concernant la manière dont le droit d’association est garanti aux travailleurs migrants dans l’État partie.
32. Le Comité engage l’État partie à adopter les mesures nécessaires pour garantir aux travailleurs migrants le droit de constituer des associations ou d’adhérer à des syndicats et de faire partie de leurs organes dirigeants, conformément à l’article 40 de la Convention et à la Convention no 87 de l’OIT concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical de 1948.
33. Le Comité prend acte des progrès et des efforts accomplis par l’État partie pour garantir aux travailleurs colombiens résidant à l’étranger l’exercice du droit de vote aux élections présidentielles et sénatoriales. Il regrette toutefois le manque d’informations détaillées sur les modalités d’application pratique de ce droit et les mesures mises en œuvre par l’État partie pour en faciliter l’exercice par les travailleurs colombiens à l’étranger.
34. Le Comité invite l’État partie à lui communiquer des informations détaillées et à jour sur le nombre de travailleurs migrants colombiens qui exercent leur droit de vote à l’étranger. Il prie également l’État partie de lui indiquer quelles mesures il prend pour garantir l’exercice effectif de ce droit.
4. Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et
des membres de leur famille (art. 64 à 71)
35. Le Comité accueille avec satisfaction l’organisation de campagnes d’information destinées à remédier à l’absence d’informations sur le phénomène migratoire et à éviter que les Colombiens qui migrent ne soient victimes des réseaux de traite et de trafic illicite des personnes. Il salue aussi, notamment, les mesures prises pour accroître les ressources afin de venir en aide aux victimes et de poursuivre les groupes criminels qui organisent ces activités illicites. Le Comité est néanmoins préoccupé de constater que l’État partie demeure l’un des principaux pays d’origine des victimes de la traite, surtout en ce qui concerne les femmes et les fillettes victimes d’exploitation commerciale, sexuelle et par le travail.
36. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’intensifier ses efforts pour lutter contre la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, et contre le trafic illicite de travailleurs migrants, en particulier en adoptant des mesures visant à:
a) Lutter contre la diffusion de fausses informations en matière d’émigration et d’immigration;
b) Détecter et éliminer les déplacements illégaux ou clandestins de travailleurs migrants et de membres de leur famille, et à imposer des sanctions effectives aux personnes, groupes ou entités qui organisent ou dirigent ces déplacements ou qui y apportent leur concours;
c) Imposer des sanctions effectives aux personnes, groupes ou entités qui recourent à la violence, aux menaces ou à l’intimidation contre les travailleurs migrants ou les membres de leur famille;
d) Assurer la protection consulaire des victimes de la traite qui sont à l’étranger;
e) Intensifier les campagnes visant à prévenir les migrations irrégulières, notamment la traite de personnes.
5. Suivi et diffusion
Suivi
37. Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans son deuxième rapport périodique, les informations détaillées sur les mesures qu’il aura adoptées pour donner suite aux recommandations énoncées dans les présentes observations finales. Il recommande à l’État partie de prendre toutes les dispositions appropriées pour que soient appliquées les présentes recommandations, notamment en les transmettant aux autorités nationales et locales compétentes ainsi qu’aux autorités locales, afin qu’elles les examinent et adoptent les mesures pertinentes.
Diffusion
38. Le Comité demande également à l’État partie de diffuser les présentes observations finales, en particulier auprès des organismes publics et du pouvoir judiciaire, des organisations non gouvernementales et autres organisations de la société civile, et d’adopter les mesures nécessaires pour les faire connaître aux travailleurs migrants colombiens à l’étranger ainsi qu’aux travailleurs migrants étrangers en transit ou résidant en Colombie.
Document de base commun
39. Le Comité invite l’État partie à mettre à jour son document de base conformément aux directives harmonisées de 2006 pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).
6. Prochain rapport périodique
40. Le Comité constate que la date de présentation du deuxième rapport périodique de l’État partie est le 1er juillet 2009. Compte tenu des circonstances, le Comité invite l’État partie à présenter son deuxième rapport périodique le 1er mai 2011 au plus tard.
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