CMW/C/PHL/CO/1/CRP.1
27 avril 2009
FRANÇAIS
Original: ANGLAISCOMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS
DE TOUS LES TRAVAILLEURS MIGRANTS
ET DES MEMBRES DE LEUR FAMILLEEXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 74 DE LA CONVENTION
Projet d’observations finales du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille
PHILIPPINES
1. Le Comité a examiné le rapport initial des Philippines (CMW/C/PHL/1) à ses 105e et 107e séances (voir les documents CMW/C/SR.105 et SR.107), tenues les 23 et 24 avril 2009, et a adopté les observations finales ci-après à sa … séance, tenue le … 2009.
A. Introduction
2. Le Comité, tout en regrettant la soumission tardive du rapport initial de l’État partie, a accueilli avec satisfaction ce rapport ainsi que les réponses à la liste des points à traiter. Il se félicite du dialogue constructif et fructueux engagé avec une délégation compétente et de haut niveau qui, en s’appuyant sur le rapport et les réponses écrites à la liste de points à traiter, a apporté des précisions sur des aspects juridiques et pratiques de l’application de la Convention.
3. Le Comité constate que les Philippines sont un pays d’origine de nombreux travailleurs migrants à l’étranger.
4. Le Comité note que plusieurs des pays dans lesquels sont employés des travailleurs migrants philippins ne sont pas encore parties à la Convention, ce qui risque de faire obstacle à l’exercice par ces travailleurs des droits que la Convention leur reconnaît.
B. Facteurs et difficultés
5. Le Comité reconnaît que la géographie physique de l’État partie constitué de milliers d’îles rend difficile une surveillance effective des mouvements de personnes et le contrôle des frontières afin de prévenir des migrations irrégulières et de protéger les droits de tous les travailleurs migrants.
C. Aspects positifs
6. Le Comité prend note avec satisfaction de la détermination de l’État partie à protéger les droits des travailleurs migrants, comme cela est illustré par les cadres constitutionnel, législatif, judiciaire et administratif nationaux qui comportent plusieurs mécanismes institutionnels1.
7. Le Comité sait gré à l’État partie de considérer la question des migrations comme une priorité dans son programme de politique intérieure et étrangère.
8. Le Comité note aussi avec satisfaction le rôle actif que jouent les Philippines pour promouvoir la ratification de la Convention par les pays d’origine, de transit et de destination2.
9. Le Comité se félicite également du rôle actif que jouent les Philippines dans les efforts déployés à l’échelon régional pour lutter contre le trafic, en particulier dans le cadre de l’ASEAN.
10. Le Comité note en outre avec satisfaction que les Philippines ont récemment ratifié les instruments suivants, ou y ont adhéré:
a) La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées;
b) Les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant respectivement l’implication d’enfants dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants;
c) Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, notamment des femmes et des enfants, et le Protocole contre le trafic illicite de migrants, par terre, mer et air, additionnels à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée;
d) La Convention no 143 de l’Organisation internationale du Travail (OIT).
11. Le Comité prend note avec intérêt des accords bilatéraux de sécurité sociale conclus par l’État partie qui atténuent les restrictions au paiement de prestations de sécurité sociale à l’étranger et permettent aux migrants philippins d’avoir droit à certaines prestations en fonction des périodes durant lesquelles ils ont vécu et travaillé aux Philippines et à l’étranger.
12. Le Comité note le rôle important que joue la société civile en tant que partenaire pour l’application des dispositions de la Convention.
D. Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations
13. Le Comité prend note avec intérêt de la multitude d’initiatives et de programmes entrepris par l’État partie pour surmonter les difficultés rencontrées dans sa politique de migration de la main-d’œuvre. Néanmoins, le Comité est préoccupé par le fait que la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de ces programmes ont été insuffisants.
14. Le Comité recommande l’adoption de procédures adaptées de suivi ainsi que d’objectifs clairs, mesurables et assortis de délais afin de faciliter le suivi de leur mise en œuvre.
15. Le Comité se félicite des informations données par la délégation de l’État partie sur la politique de migration de la main-d’œuvre et, en particulier, de ses efforts pour faire en sorte que les travailleurs migrants philippins ne soient envoyés que dans des pays où leurs droits sont respectés. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que les politiques de l’État partie, en particulier celles mises en œuvre par les décrets nos 247 et 248 de 2008 et 2009, respectivement, semblent viser davantage à favoriser l’emploi à l’étranger de travailleurs migrants plutôt qu’à assurer le respect de leurs droits fondamentaux3.
16. Le Comité recommande à l’État partie de réexaminer sa politique de migration de la main-d’œuvre afin d’accorder la priorité aux droits de l’homme, conformément à l’objectif exprimé par l’État partie lui-même et énoncé dans la loi de la République no 8042.
1. Mesures générales d’application (art. 73 et 84)
Législation et mise en œuvre
17. Le Comité note que les Philippines n’ont pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention afin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des communications d’États parties et de particuliers.
18. Le Comité engage l’État partie à étudier la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.
Collecte de données
19. Le Comité prend note avec intérêt des statistiques communiquées par l’État partie mais il est préoccupé par l’insuffisance des données mesurant le nombre et les flux de travailleurs migrants philippins. Le Comité déplore que le Conseil interinstitutions sur le système d’information gouvernemental partagé pour les migrations dont l’établissement était prévu par voie de décret exécutif ne soit pas encore en place. Il note en outre avec regret qu’il y a peu d’éléments d’information concernant le nombre de migrants philippins à l’étranger, leurs compétences et leur emploi, de données exactes sur les rapatriés et les Philippins de la deuxième et de la troisième génération à l’étranger, et de renseignements relatifs aux travailleurs migrants étrangers dans l’État partie.
20. Le Comité rappelle que des renseignements fiables et de qualité sont indispensables pour comprendre la situation des travailleurs migrants dans l’État partie, évaluer l’application de la Convention et mettre en place des politiques et des programmes adaptés.
À cet égard, le Comité engage l’État partie à:
a) Établir le système d’information gouvernemental partagé pour les migrations comme base de données harmonisée, conforme aux dispositions de la Convention et comportant des données ventilées, en tant que moyen permettant de renforcer l’efficacité de la politique de migration de la main-d’œuvre et l’application des dispositions de la Convention;
b) Renforcer la collaboration avec les ambassades et consulats des Philippines afin d’améliorer la collecte de données;
c) Adopter un mécanisme harmonisé de rassemblement de statistiques sur les migrants irréguliers y compris par des études ou des évaluations lorsque les renseignements sont insuffisants;
d) Continuer à collaborer avec les partenaires concernés pour analyser et interpréter les données statistiques et les flux;
e) Veiller à l’attribution de fonds suffisants.
Formation à la Convention et diffusion de celle-ci4
21. Le Comité note avec intérêt que des matériels d’information et d’éducation sur la Convention ont été élaborés par l’État partie ainsi que par des ONG. Le Comité regrette toutefois que les informations reçues ne fassent pas clairement ressortir quels sont les groupes cibles auxquels s’adressent les programmes et matériels de formation ni comment la diffusion de la Convention a été menée à bien. Le Comité note que les séminaires d’orientation organisés avant leur départ pour les travailleurs philippins contribuent à diffuser les droits reconnus par la Convention mais déplore qu’il ait été fourni peu de renseignements sur d’éventuelles évaluations existantes de l’efficacité de ces sessions.
22. Le Comité engage l’État partie à:
a) Procéder à une évaluation des programmes de formation et des campagnes d’information en cours pour assurer leur efficacité et leur impact sur les fonctionnaires travaillant dans le domaine des migrations, notamment les agents consulaires, les membres de la police des frontières, les travailleurs sociaux, les juges et les procureurs;
b) Veiller à organiser des séminaires d’orientation avant le départ à l’intention des travailleurs migrants qui comportent des objectifs clairs, incluent des renseignements propres à chaque pays et aient une portée nationale, en se fondant sur une approche axée sur les droits;
c) Collaborer avec les organismes de la société civile et d’autres partenaires concernés pour diffuser des informations sur les droits reconnus aux migrants en vertu de la Convention et donner des renseignements exacts aux travailleurs philippins envisageant de partir à l’étranger. De même, prendre des mesures pour agir en partenariat avec les médias;
d) Veiller à ce que des fonds suffisants soient alloués à la formation et − en collaboration avec les partenaires concernés, dont les organisations non gouvernementales (ONG) − dispenser une formation sur le renforcement des capacités à l’intention des organismes publics s’occupant des questions relatives aux migrations, comme l’Administration de la protection des travailleurs expatriés, l’Agence philippine pour l’emploi outre-mer et le Ministère des affaires étrangères.
2. Principes généraux (art. 7 et 83)
Non-discrimination
23. Le Comité note avec intérêt que le principe de non-discrimination existe de jure dans la Constitution philippine, la loi no 8042, ainsi que dans un certain nombre de dispositions législatives. Il est toutefois préoccupé par le fait que, dans la pratique, des droits ne sont accordés aux travailleurs étrangers aux Philippines que sous certaines conditions, notamment de réciprocité, qui ne semblent pas conformes à la Convention5.
24. Le Comité réaffirme que l’exercice des droits de l’homme n’est pas fondé sur le principe de réciprocité et il recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour mettre sa législation interne en conformité avec la Convention.
25. S’agissant des travailleurs philippins à l’étranger, le Comité note le rôle du Ministère des affaires étrangères et les activités du Conseiller juridique pour les affaires des travailleurs migrants pour défendre les droits des travailleurs migrants philippins dans les cas où il leur est juridiquement impossible d’engager individuellement une action. De plus, le Comité prend note avec intérêt de la création du Fonds d’assistance juridique destiné aux travailleurs migrants mais déplore l’insuffisance d’informations quant aux questions qui ont été traitées et dans quels pays6.
26. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts en vue de:
a) Continuer et renforcer ses activités visant à fournir une assistance juridique aux travailleurs migrants philippins;
b) Informer les travailleurs migrants philippins des recours administratifs et judiciaires qui sont à leur disposition par l’intermédiaire du Ministère des affaires étrangères.
3. Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)
27. Tout en se félicitant des activités entreprises par la Commission nationale sur le rôle des femmes philippines et de la législation nationale adoptée pour améliorer la situation des migrantes philippines7, le Comité relève avec intérêt le nombre important de travailleuses migrantes. En outre, le Comité − à l’instar du Comité des droits économiques, sociaux et culturels − note avec préoccupation que les femmes sont le plus souvent employées dans des activités réputées spécifiquement féminines, comme celles de soignantes, entraîneuses et domestiques, où elles sont exposées à des abus physiques, sexuels et verbaux, ne sont pas payées, sont sous-payées ou payées avec retard, et peuvent être soumises à des conditions de travail inéquitables8.
28. Le Comité recommande d’urgence à l’État partie de poursuivre ses efforts pour promouvoir la valorisation et l’autonomisation des femmes migrantes se trouvant en situation de vulnérabilité, notamment en:
a) Procédant à une évaluation approfondie de la situation et en prenant des mesures concrètes pour tenir pleinement compte dans ses politiques de migration de la main-d’œuvre de la féminisation des migrations9, en abordant notamment la question du revenu des femmes dans le secteur informel, et celle d’une protection sociale minimum pour les femmes10:
b) Négociant des possibilités et des conditions d’emploi plus sûres pour les femmes dans des secteurs vulnérables par voie d’accords bilatéraux dans les pays où les traitements discriminatoires et les abus sont plus fréquents11;
c) Menant des actions de formation et de sensibilisation au principe de l’égalité des sexes à l’intention des fonctionnaires s’occupant des questions de migration, en particulier les agents chargés de fournir une assistance juridique et consulaire aux ressortissants philippins à l’étranger qui tentent d’obtenir réparation d’abus subis sur le lieu de travail;
d) Mettant en œuvre le document final de l’Appel à l’action de Manille en tant qu’instrument permettant de guider les décisions politiques et les actions de mobilisation12;
e) Établissant des relations avec les réseaux de partenaires locaux et internationaux afin de fournir des services et un appui aux migrants et de défendre leurs droits.
29. Le Comité est préoccupé par les cas avérés où les fonctionnaires des ambassades ou consulats à l’étranger n’ont pas correctement aidé leurs compatriotes parce qu’ils n’étaient pas suffisamment informés des procédures dans le pays d’accueil13. Tout en prenant note des renseignements fournis par la délégation à propos des autres mécanismes de règlement des litiges, le Comité est préoccupé par les renseignements selon lesquels les migrants philippins sont peu enclins à engager des actions contre leurs employeurs à l’étranger parce qu’ils n’ont pas confiance dans le système de justice ou craignent des représailles et sont mal informés des voies de recours.
30. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De veiller à ce que les services consulaires répondent efficacement aux besoins de protection des travailleurs migrants philippins et des membres de leur famille;
b) De prendre des mesures pour que le personnel des ambassades et des consulats à l’étranger connaisse bien les lois et procédures des pays d’emploi de travailleurs étrangers philippins, en particulier dans les pays qualifiés de «hautement problématiques» par le Ministère des affaires étrangères et le Ministère de la main-d’œuvre et de l’emploi14;
c) D’entreprendre régulièrement des évaluations financières et de résultat des fonctionnaires et organismes publics s’occupant des questions de migration et de suivre leurs progrès.
31. Le Comité note avec préoccupation qu’en dépit des efforts déployés par l’État partie pour protéger les droits des travailleurs migrants à l’étranger, les abus et l’exploitation se poursuivent, en particulier à l’égard des femmes migrantes et que de tels faits sont encore négligés15.
32. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De procéder à un réexamen des accords bilatéraux et multilatéraux, des mémorandums d’accord ou d’autres mesures de protection avec les pays d’emploi de travailleurs étrangers philippins;
b) Dans les cas où aucun accord bilatéral ne peut être conclu, de poursuivre les arrangements de coopération avec les pays d’accueil de travailleurs migrants philippins dans des domaines d’intérêt communs16;
c) D’accroître les moyens de diffusion permettant de sensibiliser les femmes migrantes, en particulier celles employées comme domestiques, aux mécanismes existants de recours contre les employeurs de telle sorte que tous les abus, notamment la maltraitance, donnent lieu à des enquêtes et à des sanctions;
d) De fournir une assistance adéquate, par l’intermédiaire du personnel des ambassades et consulats à l’étranger, aux travailleurs migrants victimes du système de «parrainage» ou kafalah, notamment aux femmes employées comme domestiques et plus particulièrement dans les pays du Golfe, et de s'efforcer de négocier une réforme ou un réexamen de ce système avec les pays de destination concernés.
Quatrième partie. Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)
33. Le Comité est préoccupé de constater que le droit de participer directement ou indirectement à des activités syndicales, qui est reconnu aux travailleurs migrants étrangers résidant légalement aux Philippines, fait l’objet de restrictions, dans la mesure où il ne leur est reconnu que s’ils sont des ressortissants d’un pays qui reconnaît les mêmes droits ou des droits analogues aux travailleurs philippins. Le Comité considère avec inquiétude que le fait de lier l’exercice du droit d’adhérer à un syndicat ou d’en former un à une clause de réciprocité constitue une violation de la Convention17.
34. Le Comité réitère la demande faite par le Comité d’experts de l’OIT (2008)18, à savoir que l’État partie prenne les mesures nécessaires, notamment en modifiant les sections 269 et 272 b) du Code du travail, pour garantir que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille résidant légalement aux Philippines aient le droit d’adhérer à des associations ou à des syndicats, d’en former ou de faire partie de la direction de ceux-ci, conformément à l’article 40 de la Convention et à la Convention no 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, sans que l’exercice de ce droit soit lié à une clause de réciprocité19.
35. Le Comité constate avec satisfaction que le droit de participer au processus démocratique de prise des décisions est reconnu aux travailleurs migrants philippins en vertu de la loi de la République no 8042. Tout en prenant note des efforts déployés par l’État partie pour faciliter la participation des travailleurs migrants vivant à l’étranger aux élections organisées pour élire le Président, le Vice-Président, les sénateurs et les représentants des partis, le Comité s’inquiète de ce que la déclaration d’intention de retour aux Philippines dans un délai de trois ans qu’il est demandé aux immigrants/résidents permanents à l’étranger de faire au préalable risque de les empêcher d’exercer pleinement leur droit de vote20. D’autre part, le Comité est préoccupé par le très petit pourcentage de Philippins travaillant à l’étranger qui se sont inscrits sur les listes électorales21.
36. Le Comité invite l’État partie à poursuivre ses efforts en vue:
a) D’inciter les travailleurs philippins à l’étranger à s’inscrire sur les listes électorales;
b) De tenir un registre des électeurs vivant à l’étranger et de prendre des mesures supplémentaires pour faciliter l’exercice du droit de vote des travailleurs migrants philippins résidant à l’étranger;
c) D’inviter le Congrès philippin à examiner les propositions tendant à modifier la loi de la République no 9189 en supprimant la clause exigeant une «déclaration d’intention de retour».
37. Le Comité est préoccupé par le manque apparent de consultation ou de participation des travailleurs migrants et des membres de leur famille aux décisions qui les concernent22.
38. Le Comité recommande l’établissement d’un système qui permette de tenir compte des vues, besoins et aspirations des travailleurs philippins et de leur famille vivant à l’étranger, notamment lorsqu’il s’agit de formuler et de mettre en œuvre l’ensemble des politiques qui concernent leurs droits, conformément au paragraphe 1 de l’article 42 de la Convention.
39. Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour conclure des accords bilatéraux avec les pays de destination en vue de promouvoir l’emploi ainsi que le bien-être et les droits des travailleurs migrants. Toutefois, il est préoccupé de constater que les accords bilatéraux conclus jusqu’à présent ne contiennent pas de dispositions visant à promouvoir et à protéger les droits fondamentaux des migrants.
40. Le Comité recommande à l’État partie d’intégrer progressivement, dans la mesure du possible, les dispositions pertinentes et appropriées de la Convention dans les accords bilatéraux en vue de promouvoir une politique en matière de migration qui soit fondée sur le respect des droits.
Sixième partie. Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)
41. Le Comité prend note avec intérêt de la politique relative aux migrations de main-d’œuvre mise en œuvre par l’État partie, dans laquelle le Gouvernement joue un rôle de soutien et de régulation. Il prend acte par ailleurs des efforts déployés par l’État partie pour renforcer l’Agence philippine pour l’emploi outre-mer et le traitement par le Département des affaires étrangères de la question des migrations clandestines23. Cependant, le Comité est préoccupé par le grand nombre de travailleurs philippins qui restent dans un pays après la date d’expiration de leur visa et par la persistance de migrants philippins en situation irrégulière et sans documents à l’étranger, dont la plupart sont des femmes qui travaillent comme domestiques et sont probablement les plus exposées aux abus.
42. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à fournir une assistance aux migrants philippins en situation irrégulière ayant besoin de protection et:
a) De redoubler d’efforts pour prévenir les migrations clandestines de ressortissants philippins;
b) De poursuivre ses efforts en vue de conclure des accords de coopération avec les pays hôtes;
c) D’encourager les liens de collaboration entre ses services consulaires et ses attachés responsables des questions de main-d’œuvre à l’étranger et les pays qui accueillent des travailleurs philippins, afin de promouvoir des conditions saines, équitables, dignes et légales pour les travailleurs migrants.
43. Tout en notant que l’État partie a renforcé les sanctions frappant les agences pratiquant des tarifs de placement exorbitants, le Comité se dit préoccupé par les plaintes présentées, selon lesquelles des agences de recrutement privées continuent de pratiquer des tarifs excessifs pour leurs services et servent d’intermédiaires pour des recruteurs étrangers, ce qui peut, dans certains cas, accroître la vulnérabilité des migrants24.
44. Le Comité recommande à l’État partie d’examiner le rôle que jouent les agences de recrutement privées et approuve la recommandation faite par le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, tendant à renforcer le système actuel, réglementé par le Gouvernement, d’agrément des agences de recrutement et des mécanismes de régulation et de contrôle des migrations25.
45. Le Comité prend note avec intérêt des informations fournies par la délégation concernant le programme stratégique de réintégration des migrants et des membres de leur famille revenus
dans le pays, mis en place par l’État partie26. Le Comité regrette toutefois l’absence de plus amples informations concernant ce programme27.
46. Le Comité invite l’État partie à:
a) Travailler en partenariat avec tous les partenaires concernés afin de renforcer le programme de réintégration existant, pour résoudre notamment le problème de la fuite des cerveaux et mettre en place des initiatives de transfert des savoirs ou des mécanismes visant à attirer des cerveaux;
b) Affecter des crédits budgétaires suffisants aux programmes de réintégration, et en particulier au centre de réintégration qui a été ouvert en 2007;
c) Renforcer les programmes de réintégration pour obtenir des gains migratoires et associer les Philippins de retour dans le pays à des projets susceptibles de créer des emplois dans l’État partie;
d) Continuer à renforcer les programmes de formation visant à développer les aptitudes et les capacités techniques et entrepreneuriales pour préparer l’éventuelle réintégration aux Philippines28;
e) Adopter des mesures tenant compte des principes de la Convention dans la perspective de créer des mécanismes institutionnels locaux pour faciliter le retour volontaire des travailleurs migrants et des membres de leur famille et leur réintégration sociale et culturelle durable.
47. Le Comité exprime les préoccupations que lui inspirent la situation des enfants et l’effet négatif sur ceux-ci du départ de leurs parents à l’étranger. Les informations présentées au Comité font état d’enfants dont l’un des parents au moins travaille à l’étranger, qui ont peu de liens familiaux et de mauvais résultats à l’école, en particulier lorsque leur mère est absente. Ceci préoccupe le Comité étant donné que 50% des travailleurs migrants philippins sont des femmes29.
48. Le Comité invite l’État partie à apporter son soutien à l’élaboration d’une étude de grande ampleur sur la situation des enfants des familles migrantes, en vue de mettre au point des stratégies de nature à garantir leur protection et la pleine jouissance de leurs droits, par le biais notamment de programmes de soutien communautaire, de campagnes d’éducation et d’information et de programmes scolaires. Il l’invite également à poursuivre les actions qu’il mène en collaboration avec des ONG en faveur de ces enfants et de leurs mères.
49. Tout en notant que l’État partie a fait des efforts importants qu’illustrent notamment la condamnation récente de trafiquants et la campagne «Nous ne sommes pas à vendre», le Comité déplore le nombre important de travailleurs philippins à l’étranger qui sont victimes de la traite. Il déplore en outre qu’un très petit nombre de trafiquants aient été arrêtés, jugés et condamnés et que beaucoup d’affaires aient été classées au stade préliminaire de la procédure.
50. Le Comité approuve les recommandations faites par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes à ce sujet et recommande à l’État partie:
a) D’évaluer le phénomène de la traite des personnes et de recueillir des données systématiques ventilées en vue de mieux combattre la traite, en particulier celle des femmes et des enfants;
b) De prendre des mesures vigoureuses pour garantir l’application effective de la législation antitraite et d’intensifier ses efforts pour que soient poursuivis, condamnés et sanctionnés davantage de trafiquants et de fonctionnaires qui profitent de la traite ou sont impliqués dans celle-ci;
c) De renforcer la campagne de lutte contre le recrutement illégal et de fournir des fonds suffisants pour mettre en œuvre le plan d’action stratégique national contre la traite;
d) De continuer à collaborer avec tous les partenaires concernés pour développer les activités de plaidoyer, d’information, d’éducation et de sensibilisation générale du public et, également, de poursuivre ses activités de détection précoce et de prévention;
e) De coordonner et de contrôler la mise en œuvre des lois relatives au travail forcé et à l’esclavage et de poursuivre les programmes de formation visant à permettre d’identifier les personnes victimes de la traite et de leur fournir l’aide nécessaire; de continuer à former les procureurs pour qu’ils soient pleinement informés des nuances de la loi antitraite; de la même façon, de maintenir les partenariats visant à renforcer le développement des capacités techniques et la formation des responsables de l’application des lois, des procureurs et des prestataires de services30;
f) De continuer à travailler en partenariat avec des partenaires nationaux et internationaux concernés, y compris des ONG, pour fournir des services aux victimes de la traite31.
51. Le Comité prend acte du grand nombre de services gouvernementaux et d’organismes rattachés à ces services qui s’occupent des questions relatives aux migrations ainsi que des nombreux textes portant sur ces questions, notamment la loi de la République no 8042, la POEA (Agence philippine pour l’emploi outre-mer) et l’OWWA (Administration de la protection des travailleurs expatriés)32. Toutefois, il estime préoccupant que les responsabilités institutionnelles soient réparties entre différents ministères sans qu’il y ait d’entité de coordination, que ces ministères aient des moyens et des capacités limités pour s’acquitter dûment de leur mandat et qu’il y ait peu de coordination permettant de garantir la mise en œuvre effective des activités de promotion et de protection des droits des travailleurs migrants.
52. Afin d’améliorer la capacité des institutions à répondre aux problèmes affectant les travailleurs migrants, le Comité recommande à l’État partie de simplifier et de rationaliser la structure institutionnelle chargée des questions de migration et d’allouer des ressources, humaines et financières, suffisantes aux agents de cette structure pour qu’ils puissent accomplir leur travail efficacement.
53. Par ailleurs, le Comité recommande à l’État partie de faire davantage appel aux ONG de la société civile.
7. Suivi et diffusion
Suivi
54. Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son deuxième rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures prises pour donner suite aux recommandations contenues dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la mise en œuvre de ces recommandations, notamment en les transmettant aux membres du Gouvernement et du Congrès, ainsi qu’aux autorités locales, pour examen et suite à donner.
55. Le Comité invite l’État partie à associer des organisations de la société civile à l’élaboration de son deuxième rapport.
Diffusion
56. Le Comité demande également à l’État partie d’assurer une large diffusion aux présentes observations finales, y compris auprès des organismes publics et du corps judiciaire, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile, et de prendre des mesures pour les faire connaître aux migrants philippins établis à l’étranger ainsi qu’aux travailleurs migrants étrangers résidant ou en transit aux Philippines.
8. Prochain rapport périodique
57. Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base conformément aux indications relatives au document de base contenues dans les Directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).
58. Le Comité note que le deuxième rapport périodique de l’État partie est attendu pour le 1er juillet 2009. Cela étant, il demande à l’État partie de soumettre son deuxième rapport périodique avant le 1er mai 2011 au plus tard.
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Notes_______________
2 CMW/C/PHL/Q/1/Add.1, par. 36 et suiv.
3 Décret 246 cité dans: Centre for Migrant Advocacy-Philippines, Philippines Migrants Rights Groups’ Written Replies to the List of Issues Relating to the Consideration of the Initial Report of the Philippines.
4 CMW/C/PHL/1, par. 60 à 63; CMW/C/PHL/Q/1/Add.1, par. 3 et suiv.
5 Voir par exemple la condition de réciprocité exigée dans le domaine des syndicats, que ce soit pour y adhérer, en constituer ou être membre de la direction. CMW/C/PHL/1, par. 64 à 76; CMW/C/PHL/1, par. 179 à 181; CMW/C/PHL/Q/1/Add.1, par. 17 et suiv.; Observations de l’OIM, par. 18; Center for Migrant Advocacy-Philippines, Philippine Migrants Rights Groups’ Written Replies to the List of Issues Relating to the Consideration of the Initial Report of the Philippines.
6 CMW/C/PHL/1, par. 85; CMW/C/PHL/Q/1/Add.1, par. 26.
7 Ibid., par. 68; CMW/C/PHL/Q/1/Add.1, par. 10.
8 Rapport parallèle du Comité, p. 7.
9 Rapport de l’OIM, par. 6: 48 % des travailleurs migrants sont des femmes.
11 CMW/C/PHL/Q/1/Add.1, par. 14.
13 Rapport parallèle du Comité, Additional issues for the consideration of the Committee, Issue 1.
14 CMW/C/PHL/1, par. 350; Centre for Migrant Advocacy-Philippines, Philippine Migrants Rights Groups’ Written Replies to the List of Issues Relating to the Consideration of the Initial Report of the Philippines.
15 CMW/C/PHL/Q/1/Add.1, par. 33; The Commission on Human Rights of the Philippines, Response to the List of Issues on CMW, p. 7.
17 CMW/C/PHL/1, par. 179 à 181; CMW/C/PHL/Q/1/Add.1, par. 72 et suiv.: «Le principe de réciprocité s’inscrit dans le droit international et est fondé sur l’effort visant à protéger le droit des ressortissants philippins travaillant dans d’autres pays de former leurs propres associations en accordant la même protection aux ressortissants des pays hôtes.». Rapport parallèle du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, p. 11.
18 http://www.ilo.org/ilolex/english/newcountryframeE.htm.
19 Conformément aux déclarations faites par des membres du Comité à la cent cinquième session.
20 CMW/C/PHL/1, par. 325 et suiv.
21 CMW/C/PHL/Q/1/Add.1, par. 93 et suiv.
22 National Commission on the Role of Filipino Women, Manila Call to Action, International Conference on Gender Migration and Development: Seizing Opportunities, Upholding Rights, Manille, Philippines/25 et 26 septembre 2008.
23 CMW/C/PHL/1, par. 363 et suiv., rapport de l’OIM, par. 31 et 32.
24 CMW/C/PHL/Q/1/Add.1, par. 168; Centre for Migrant Advocacy-Philippines, Philippine Migrants Rights Groups’ Written Replies to the List of Issues Relating to the Consideration of the Initial Report of the Philippines.
25 Rapport du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants.
26 Il est simplement fait mention de ce programme; aucune information complémentaire n’a été reçue de l’État partie. CMW/C/PHL/1, par. 56.
27 Rapport parallèle du Comité, p. 9.
29 Centre for Migrant Advocacy-Philippines, Philippine Migrants Rights Groups’ Written Replies to the List of Issues Relating to the Consideration of the Initial Report of the Philippines.
30 CMW/C/PHL/1, par. 163 et suiv.; CMW/C/PHL/Q/1/Add.1, par. 133.
32 La Commission des droits de l’homme des Philippines, réponse à la liste des points à traiter du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, p. 4.