1. Le Comité a examiné le rapport initial de l'Algérie (CRC/C/28/Add.4) à ses 387ème à 389ème séances (CRC/C/SR.387 à 389) tenues les 29 et 30 mai 1997 et a adopté /A sa 398ème séance, tenue le 6 juin 1997/ les observations finales ci-après :
2. Le Comité remercie l'Etat partie d'avoir soumis son rapport initial ainsi que ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CRC/C/Q/ALG.1). Il se félicite de ce que l'Etat partie ait engagé un dialogue franc et constructif avec le Comité. Il tient en particulier à exprimer sa satisfaction au sujet de la méthode d'autocritique employée et se réjouit de la réaction positive aux suggestions et recommandations formulées dans le cadre du débat. Cependant le Comité regrette que le rapport, s'il fournit des renseignements détaillés sur la législation nationale en matière de promotion et de protection des droits de l'enfant, omette de fournir des informations sur les facteurs et difficultés qui entravent la mise en oeuvre de la Convention et l'exercice effectif, par les enfants, de leurs droits.
3. Le Comité note avec satisfaction qu'il est pleinement tenu compte des dispositions de la Convention dans le droit interne et qu'en vertu de l'article 132 de la Constitution les conventions internationales l'emportent sur la législation nationale. Il note en outre avec intérêt que les dispositions de la Convention sont directement applicables et peuvent être directement invoquées devant les tribunaux.
4. Le Comité se félicite des initiatives prises par le Gouvernement, telles que la création d'un Observatoire national des droits de l'homme en 1992 et d'un Observatoire des droits de la mère et de l'enfant, à une date plus récente. Le Comité prend acte aussi, avec satisfaction, de la création dans chaque wilaya de directions de l'action sociale chargées, entre autres, de suivre la mise en oeuvre des politiques adoptées en faveur de l'enfance. De plus, le Comité se félicite de l'adoption, à l'issue du Sommet mondial pour les enfants, du Plan national d'action pour la survie, le développement et la protection de l'enfant.
5. Le Comité se félicite en outre de ce qu'en janvier 1997, un programme national de communication dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de la protection sociale, de la jeunesse, des sports, de l'information et de la culture ait été lancé en liaison avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et avec la collaboration d'organes d'information comme l'Agence nationale pour les informations filmées, la télévision, la radio et la presse, en vue d'assurer, notamment, une large diffusion des principes et dispositions de la Convention.
6. Le Comité note avec satisfaction que l'enseignement est gratuit à tous les niveaux et que la fréquentation scolaire est quasi universelle. Le Comité note en outre avec intérêt que les services médicaux sont gratuits pour tous les enfants et qu'un programme national de protection sanitaire dans les établissements scolaires a été élaboré.
7. Le Comité prend acte avec satisfaction de ce que, conformément au paragraphe 2 a) de l'article 32 de la Convention, l'article 15 de la loi No 90-11 du 21 avril 1990 fixe l'âge minimum d'admission à l'emploi à 16 ans, sauf dans le cadre de contrats d'apprentissage établis conformément à la loi.
8. Le Comité note que, conformément à l'article 39 de la Convention, des mesures ont été prises pour la mise en place de services spéciaux d'assistance aux enfants victimes de la violence qui règne dans le pays, afin de faciliter leur réadaptation physique et psychologique et leur réinsertion sociale.
9. Le Comité reconnaît que les difficultés économiques et sociales graves auxquelles le pays est confronté ont eu une incidence défavorable sur la situation des enfants. En particulier, il note que le niveau élevé de la dette extérieure, les contraintes des programmes d'ajustement structurel, le niveau élevé du chômage et de la pauvreté ainsi que l'existence de coutumes et de pratiques traditionnelles préjudiciables sont, parmi d'autres, des facteurs qui empêchent les enfants d'exercer pleinement leurs droits.
10. Le Comité note en outre que la violence continue qui règne en Algérie depuis 1992 a eu un effet défavorable sur la mise en oeuvre de certaines dispositions de la Convention.
11. Le Comité note que l'Algérie a fait des déclarations interprétatives sur les articles 13 et 14, paragraphes 1 et 2, ainsi que sur les articles 16 et 17 de la Convention. A cet égard le Comité, estimant que les préoccupations exprimées par l'Etat partie dans ses déclarations sont dûment prises en compte dans les dispositions pertinentes de la Convention, considère qu'en maintenant ces déclarations l'Etat partie pourrait laisser planer quelque incertitude sur sa volonté de mettre en oeuvre les droits visés par ces articles.
12. Le Comité note avec inquiétude que les mesures prises par l'Etat partie pour aligner la législation nationale sur les principes et dispositions de la Convention sont insuffisantes. Le Comité note en particulier que le Code de la famille actuellement en vigueur en Algérie ne tient pas suffisamment compte de tous les droits reconnus dans la Convention. Le Comité note en outre que les dispositions relatives à la protection et la promotion des droits de l'enfant sont réparties dans la législation interne tout entière si bien qu'on peut difficilement déterminer dans quel cadre juridique les droits de l'enfant s'inscrivent en fait.
13. Le Comité, tout en prenant note avec satisfaction de l'existence de divers organismes publics chargés de la protection de l'enfance aux échelons national et local, regrette le manque de coordination entre ces organismes pour ce qui est de promouvoir et protéger les droits de l'enfant et d'élaborer une méthode globale pour la mise en oeuvre de la Convention.
14. Le Comité, bien qu'il reconnaisse que des efforts ont été accomplis pour sensibiliser davantage les élèves et les enseignants aux dispositions de la Convention, demeure préoccupé par l'insuffisance des mesures prises à ce jour pour faire mieux connaître et comprendre, aussi bien aux enfants qu'aux adultes, les principes et dispositions de celle-ci. Il note avec une inquiétude particulière que la formation aux droits de l'enfant, dispensée aux membres des forces de police et de sécurité et aux autres responsables de l'application des lois, au personnel judiciaire, aux enseignants des différents degrés de l'enseignement, aux travailleurs sociaux et au personnel médical, est insuffisante et ne présente pas un caractère systématique.
15. Le Comité est préoccupé par le fait qu'on ait omis de prendre des mesures appropriées pour collecter systématiquement des données quantitatives et qualitatives ventilées sur les aspects visés par la Convention eu égard à tous les groupes d'enfants, en vue d'évaluer les progrès accomplis et de mesurer l'impact des politiques adoptées en faveur de l'enfance.
16. Le Comité note avec inquiétude que les principes de l'intérêt supérieur de l'enfant, du respect de ses opinions ainsi que de son droit de participer à la vie familiale, scolaire et sociale ne sont ni pleinement pris en compte dans la législation interne ni mis en pratique. A cet égard, le Comité regrette que l'idée directrice de la Convention, à savoir que les enfants sont les sujets de leurs propres droits, ne trouve pas suffisamment son expression dans la législation algérienne. Le Comité note avec préoccupation que si les articles 117 et 124 du Code de la famille prévoient que les enfants capables de discernement seront consultés dans les matières les concernant, l'article 43 du Code civil ne reconnaît pas cette capacité de discernement aux enfants de moins de 16 ans. En outre, le Comité se dit préoccupé par l'absence de mécanismes systématiques d'enregistrement et d'examen des plaintes susceptibles d'être formulées par des enfants au titre de violations de droits qui leur sont reconnus par la loi et la Convention.
17. Le Comité exprime sa préoccupation devant l'existence de comportements discriminatoires à l'égard des filles et des enfants nés hors mariage, dans certains groupes de la population.
18. En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'article 4 de la Convention, le Comité note l'absence de mesures législatives, administratives et autres, nécessaires pour garantir aux enfants, notamment aux plus vulnérables d'entre eux - y compris les enfants de sexe féminin, les enfants souffrant d'un handicap, les enfants abandonnés, les enfants nés hors mariage, les enfants de familles monoparentales, les enfants victimes de mauvais traitements et/ou d'exploitation, et les enfants nomades et réfugiés - le plein exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels dans les limites les plus larges des ressources dont l'Etat partie dispose.
19. Le Comité prend note avec préoccupation de l'absence de toute réglementation expresse et appropriée régissant l'enregistrement, conformément au paragraphe 1 de l'article 7 de la Convention, des enfants appartenant à des groupes nomades.
20. Le Comité note avec une profonde préoccupation que la législation applicable en cas de viol d'une mineure met l'auteur de ce crime à l'abri de toutes poursuites pénales s'il est disposé à épouser sa victime. Qui plus est, pour rendre légale la célébration du mariage laquelle, dans le cas contraire, enfreindrait la loi, l'article 7 du Code algérien de la famille autorise le juge à abaisser l'âge légal du mariage si la victime est mineure.
21. Le Comité est préoccupé par l'absence de mesures appropriées destinées à prévenir et combattre les mauvais traitements et la violence au sein de la famille, ainsi que par le manque d'informations en la matière. Le Comité constate aussi avec préoccupation que, malgré l'interdiction faite par la loi, les mesures disciplinaires appliquées dans les écoles consistent souvent en châtiments corporels.
22. Le Comité prend note avec regret du manque d'informations sur la situation des enfants réfugiés en Algérie, s'agissant notamment de l'accès qu'ont ces enfants aux soins de santé et à l'éducation, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 22 de la Convention.
23. Le Comité regrette l'absence d'informations sur les programmes d'enseignement et les services médicaux dont les enfants nomades devraient pouvoir bénéficier en application de l'article 30 de la Convention.
24. Le Comité prend note avec préoccupation de l'insuffisance des mécanismes de suivi de la mise en oeuvre de la loi No 90-11 du 21 avril 1990, qui régit l'emploi de mineurs dans les secteurs privé et agricole.
25. Tout en notant que les textes de loi interne régissant le système judiciaire pour mineurs tiennent compte des principes et dispositions de la Convention, le Comité regrette le manque d'informations sur la mise en oeuvre de ces textes ainsi que sur l'exercice effectif de leurs droits par les enfants ayant affaire à la justice pour mineurs.
26. Le Comité note avec préoccupation qu'en vertu de l'article 249 du Code de procédure pénale les enfants de 16 à 18 ans soupçonnés d'activités terroristes ou subversives sont traduits devant un tribunal pénal par assimilation aux adultes. Le Comité prend note de l'article 50 du Code pénal, qui interdit de condamner un mineur à la peine capitale ou l'emprisonnement à vie; il regrette toutefois l'absence de précisions sur le point de savoir si le régime de droit applicable à ces mineurs, s'agissant de la procédure de mise en jugement et de l'exécution de la peine, est celui qui s'applique à des mineurs ou celui qui s'applique à des adultes.
27. Le Comité note avec préoccupation l'absence de mesures visant à prévenir les effets de la violence sur les enfants. Il constate en particulier que le nombre des orphelins a récemment augmenté du fait même de la violence et qu'aucune mesure expresse ne semble avoir été adoptée pour trouver une solution à ce problème.
28. Le Comité suggère que l'Etat partie envisage de réexaminer ses déclarations interprétatives en vue de les retirer, dans l'esprit de la Déclaration et Programme d'action de Vienne.
29. Le Comité recommande à l'Etat partie d'aligner la législation existante sur les principes et dispositions de la Convention et d'envisager la possibilité de promulguer un code détaillé de l'enfance.
30. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre des mesures complémentaires pour renforcer la coordination entre les divers organismes publics qui se consacrent aux droits de l'enfant, tant au niveau national qu'au niveau local, et d'intensifier les efforts pour assurer une coopération plus étroite avec les organisations non gouvernementales qui oeuvrent dans le domaine des droits de l'homme et des droits de l'enfant.
31. Le Comité recommande d'intensifier les efforts pour favoriser une connaissance étendue et une large compréhension des dispositions de la Convention tant parmi les adultes que parmi les enfants. Le Comité recommande en outre d'organiser systématiquement des programmes de formation et de recyclage sur les droits de l'enfant à l'intention des personnels appelés à s'occuper d'enfants ou à oeuvrer en faveur de l'enfance, tels que les juges, les avocats, les fonctionnaires de l'ordre judiciaire, les responsables de l'application des lois, les militaires, les enseignants, les directeurs d'établissements scolaires, le personnel médical, les travailleurs sociaux, les fonctionnaires des administrations centrale ou locale ainsi que le personnel des établissements de soins aux enfants.
32. Le Comité recommande en outre de revoir le système de collecte de données en vue de couvrir tous les domaines visés par la Convention. Ce système devrait tenir compte de tous les enfants, et mettre tout spécialement l'accent sur les enfants vulnérables et ceux qui se trouvent dans une situation particulièrement difficile. Il conviendrait de rassembler et d'analyser des données ventilées appropriées en vue d'évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des droits de l'enfant et de contribuer à la définition de politiques visant à améliorer la mise en oeuvre des dispositions de la Convention. S'agissant de cette dernière question, le Comité recommande de procéder à des études plus poussées et à des enquêtes complémentaires sur les groupes d'enfants vulnérables et engage l'Etat partie à envisager la possibilité de solliciter une assistance technique du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).
33. Le Comité recommande de poursuivre les efforts en vue d'assurer la pleine conformité de la législation nationale avec la Convention, en tenant dûment compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, de la non-discrimination, du respect des opinions de l'enfant et de son droit de participer à la vie familiale, scolaire et sociale ainsi que de son droit à la vie, à la survie et au développement. Il conviendrait de lancer des campagnes pour sensibiliser en particulier les enfants, les parents et les personnels appelés à s'occuper d'enfants ou à oeuvrer en leur faveur, à la nécessité d'accorder une attention accrue à ces principes. A cet égard, le Comité suggère de créer un mécanisme indépendant, tel qu'un ombudsman pour les enfants, qui serait chargé d'accueillir les plaintes susceptibles d'être formulées par des enfants au titre de violations de droits qui leur sont reconnus par la loi et la Convention, et de donner suite à ces plaintes.
34. Compte tenu de l'article 4 de la Convention, le Comité recommande de donner, lors de l'affectation des crédits budgétaires, la priorité à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, en veillant tout particulièrement à l'exercice de ces droits par les enfants défavorisés.
35. Le Comité recommande d'accorder une attention particulière au problème des mauvais traitements et de la violence, y compris la violence sexuelle, infligés à des enfants au sein de la famille et à celui des châtiments corporels à l'école, et souligne la nécessité d'organiser des campagnes d'information et d'éducation pour prévenir et combattre le recours à toute forme de violence physique ou mentale contre des enfants, conformément à l'article 19 de la Convention. Le Comité suggère en outre d'entreprendre des études détaillées sur ces problèmes afin de mieux les comprendre, et de faciliter l'élaboration de politiques et de programmes, y compris des programmes de réadaptation, pour lutter efficacement contre eux.
36. Le Comité recommande d'adopter toutes les mesures nécessaires pour assurer la déclaration immédiate des naissances d'enfants nomades.
37. Le Comité recommande de prendre des mesures complémentaires pour assurer aux enfants nomades l'accès à l'éducation et aux services médicaux, grâce à un système de programmes d'éducation et de protection sanitaire expressément ciblés qui permettront à ces enfants d'exercer, en commun avec les autres membres de leur groupe, le droit à leur propre vie culturelle, comme le stipule l'article 30 de la Convention.
38. Le Comité recommande de continuer de veiller à la pleine réalisation des droits des enfants réfugiés, conformément à l'article 22 de la Convention.
39. Le Comité recommande en outre d'adopter toutes les mesures nécessaires pour assurer le suivi de la mise en oeuvre de la loi No 90-11 du 21 avril 1990, en particulier dans les secteurs privé et agricole de l'économie, moyennant le renforcement des mécanismes d'inspection existants.
40. En ce qui concerne le système judiciaire pour mineurs, le Comité appelle l'attention de l'Etat partie sur les articles 37, 39 et 40 de la Convention ainsi que sur les normes pertinentes des Nations Unies telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Le Comité recommande notamment que dans le cadre de l'application de règles et réglementations spéciales réprimant les activités terroristes et subversives, il soit veillé tout particulièrement à la mise en oeuvre des articles 37 a), c) et d) et 40, paragraphe 3 de la Convention.
41. Le Comité recommande d'adopter des mesures appropriées pour prévenir dans la plus large mesure possible l'incidence préjudiciable de la violence ambiante, en organisant dans les établissements scolaires des campagnes d'éducation et d'information sur la cohabitation pacifique et le règlement pacifique des différends. Il recommande en outre de prendre des mesures pour trouver une solution au problème spécifique de l'augmentation du nombre des enfants devenus orphelins du fait de cette violence.
42. Enfin, le Comité recommande que, compte tenu du paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le rapport initial et les réponses écrites présentés par l'Etat partie soient largement diffusés auprès du public et qu'il soit envisagé de publier le rapport, les comptes rendus analytiques pertinents et les observations finales que le Comité a adoptées sur ce rapport. Il faudrait leur assurer une large diffusion afin de sensibiliser l'opinion et de susciter, au sein du Gouvernement, du Parlement et du grand public, y compris des ONG concernées, un débat sur la Convention, sa mise en oeuvre et son suivi et de faire connaître les dispositions de cet instrument.