COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
Trente et unième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Observations finales: Argentine
1. Le Comité a examiné le deuxième
rapport périodique de l’Argentine (CRC/C/70/Add.10), qui avait été soumis le
12 août 1999, à ses 807e et 808e séances
(voir CRC/C/SR.807 et 808), tenues le 17 septembre 2002, et
a adopté à sa 833e séance (CRC/C/SR.833),
le 4 octobre 2002, les observations finales ci‑après.
A.
Introduction
2. Le Comité se félicite de la présentation du deuxième rapport périodique de l’État partie mais note avec regret qu’il ne suit pas les directives relatives à l’établissement des rapports. Il regrette également que les réponses écrites à sa liste de points à traiter (CRC/C/Q/ARG/2) aient été remises tardivement et soient incomplètes. Il se félicite toutefois de la présence d’une délégation de responsables de haut rang bien informés envoyée par l’État partie ainsi que du dialogue franc qui s’est engagé et des réactions positives aux suggestions et recommandations faites au cours du débat.
B.
Mesures de suivi mises en œuvre et progrès accomplis par l’État partie
3. Le Comité note avec satisfaction que la législation relative aux enfants en vigueur dans certaines provinces telles que Mendoza, Chubut et la ville de Buenos Aires est conforme aux dispositions et aux principes de la Convention.
4. Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 24417 sur la protection contre les violences familiales.
5. Le Comité prend note de la création récente du Conseil national du mineur et de la famille ainsi que du Bureau d’assistance aux victimes de délinquance suite aux recommandations qu’il avait faites dans ses précédentes observations finales (CRC/C/15/Add.35, par. 20).
6. Le Comité constate avec satisfaction que la coopération s’est améliorée entre l’État partie et les organisations non gouvernementales qui s’intéressent aux questions relatives aux droits de l’enfant.
7. Le Comité se félicite de la signature d’un mémorandum d’accord avec le Programme international pour l’abolition du travail des enfants et de la création en 2000 d’une commission nationale pour l’élimination du travail des enfants.
8. Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption d’un plan national d’action contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.
9. Le Comité se félicite enfin de la ratification par l’État partie du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.
C.
Facteurs et difficultés entravant les progrès dans la mise en œuvre
de la Convention
10. Le Comité reconnaît que l’État partie rencontre de nombreuses difficultés dans la mise en œuvre de la Convention, en particulier à cause de la crise économique, politique et sociale que connaît le pays, et que la pauvreté croissante fait obstacle à la réalisation et à la jouissance intégrales des droits reconnus dans la Convention.
D.
Principaux sujets de préoccupation et recommandations
1.
Mesures d’application générales
Recommandations antérieures du Comité
11. Le Comité regrette que la plupart des préoccupations et des recommandations (ibid.), qu’il avait formulées à l’issue de l’examen du rapport initial de l’État partie (CRC/C/8/Add.2 et 17), n’aient pas été suffisamment prises en compte, en particulier celles qui figurent aux paragraphes 14 (réserves), 15 (coordination) et 16 (révision des mesures budgétaires). Il réitère donc ces préoccupations et ces recommandations dans le présent document.
12. Le Comité invite instamment l’État partie à
faire tout son possible pour donner suite aux recommandations formulées dans
les observations finales relatives au rapport initial qui n’ont pas encore été
appliquées et pour répondre aux préoccupations formulées dans les présentes
observations finales.
Réserves
13. Le Comité reste préoccupé par les réserves (ibid., par. 8), formulées par le Gouvernement argentin lors de la ratification de la Convention en ce qui concerne l’article 21 b), c), d) et e).
14. Le Comité réitère sa recommandation (ibid.,
par. 14) tendant à ce que l’État partie songe à revoir les réserves qu’il
a formulées lors de la ratification de la Convention en vue de les
retirer.
Législation
15. Le Comité note avec préoccupation que la législation en vigueur sur la protection des mineurs − la loi no 10903 (Ley de Patronato) – remonte à 1919 et est fondée sur la notion de «situation irrégulière» selon laquelle les enfants font l’objet d’une «protection judiciaire». La Chambre des députés a adopté un projet de loi sur la protection générale des droits de l’enfant en novembre 2001 mais cette loi n’a pas encore été promulguée (media sanción), de sorte qu’il n’existe aucune législation en vigueur au niveau fédéral qui considère l’enfant comme un sujet possédant des droits. Le Comité constate par ailleurs que souvent la législation des provinces n’est pas conforme aux dispositions et aux principes de la Convention.
16. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De prendre toutes les
mesures nécessaires en vue de l’adoption sans délai par le Parlement du projet
de loi sur la protection générale des droits de l’enfant;
b) D’assurer la pleine
application de la loi sur la protection générale des droits de l’enfant,
lorsque celle‑ci aura été promulguée, dans le respect de
la Convention, en tenant compte tout particulièrement de la nécessité
d’allouer les ressources humaines et financières nécessaires à l’établissement
des structures appropriées;
c) De veiller à ce que la
législation appliquée au niveau provincial dans son ensemble soit pleinement
conforme aux dispositions et aux principes de la Convention;
d) De demander une assistance
technique, notamment au Fonds des Nations Unies pour l’enfance
(UNICEF).
Coordination
17. Tout en reconnaissant les efforts faits récemment par le Conseil national des mineurs et de la famille pour améliorer la coordination et en prenant note de la création d’équipes de suivi dans 17 provinces, le Comité regrette que sa recommandation précédente tendant à ce qu’une meilleure coordination soit assurée entre les divers mécanismes et institutions qui s’occupent déjà de la promotion et de la protection des droits de l’enfant (ibid., par. 15), n’ait pas été vraiment suivie d’effets et que l’État partie n’ait pas encore mis au point une politique bien définie et détaillée en faveur des droits de l’enfant et un plan d’action en vue de l’application de la Convention.
18. Le Comité réitère sa
recommandation précédente (ibid., par. 15) tendant à ce que l’État partie
adopte une approche globale de l’application de la Convention, notamment:
a) En améliorant la
coordination entre les divers mécanismes et institutions qui s’occupent déjà de
la promotion et de la protection des droits de l’enfant;
b) En renforçant les mesures
en faveur des droits de l’enfant et en élaborant un plan national d’action en
vue de l’application de la Convention qui devrait être élaboré dans le
cadre d’un processus ouvert de consultation et de participation.
Ressources destinées aux enfants
19. Le Comité juge préoccupant que les crédits budgétaires alloués pour les enfants restent insuffisants par rapport aux priorités fédérales, nationales et locales en matière de protection et de promotion des droits de l’enfant et pour surmonter et corriger les inégalités existantes entre les zones urbaines et les zones rurales ainsi qu’à l’intérieur des zones urbaines, en particulier à Buenos Aires, du point de vue des services publics fournis aux enfants. Il note avec une profonde préoccupation que selon les statistiques récentes dont l’État partie a fait état dans sa réponse à la liste des points, 69,2 % des enfants argentins vivent dans la pauvreté et pour 35,4 % d’entre eux dans l’extrême pauvreté.
20. Eu égard à
l’article 4 de la Convention, le Comité encourage l’État partie:
a) À
revoir les politiques économiques et sociales et le montant des allocations
budgétaires afin de veiller à ce que le maximum de ressources disponibles soit
consacré à la promotion et à la protection des droits de l’enfant aux niveaux
fédéral, régional et local, en particulier dans le domaine de la santé, de
l’éducation, de la protection sociale et de la sécurité, conformément à sa
recommandation antérieure (ibid., par. 16);
b) À
déterminer le montant et la part du budget consacrés aux enfants aux niveaux
national et local afin d’évaluer l’effet de ces dépenses sur les enfants.
Suivi indépendant
21. Tout en prenant note de l’existence du Défenseur du peuple, le Comité est préoccupé par l’absence de mécanisme national global chargé de suivre et d’évaluer régulièrement les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Convention et habilité à recevoir et à traiter les plaintes émanant d’enfants. Il note également que le projet de loi sur la protection intégrale des droits de l’enfant, qui n’a pas encore été promulgué, contient des dispositions prévoyant la création d’un défenseur des droits de l’enfant.
22. Le Comité encourage l’État partie, comme il
l’a recommandé précédemment (ibid., par. 13), à créer, conformément aux
Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et
la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de
l’Assemblée générale, annexe), un mécanisme dans le cadre d’une institution
nationale des droits de l’homme ou un organe distinct tel qu’un ombudsman pour
les enfants doté de ressources humaines et financières suffisantes et auquel
les enfants auraient facilement accès, pour:
a) Surveiller
la mise en œuvre de la Convention;
b) Examiner
diligemment et avec tact les plaintes émanant d’enfants;
c) Offrir
des voies de recours en cas de violations des droits qui leur sont reconnus par
la Convention.
À cet égard,
le Comité recommande également à l’État partie d’étudier la possibilité de
demander une assistance technique, notamment à l’UNICEF et au Haut‑Commissariat
des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).
Collecte de données
23. Le Comité prend note de la création d’un système unifié de collecte de données mais reste cependant préoccupé par le fait que les données statistiques concernant les enfants ne portent pas sur tous les domaines visés par la Convention et ne sont pas suffisamment désagrégées et que, lorsqu’elles sont disponibles, ces données ne sont pas utilisées de façon appropriée pour évaluer les tendances et ne servent pas de base à l’élaboration de mesures de protection des droits de l’enfant.
24. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) D’améliorer
son système de collecte de données en vue d’y intégrer des données désagrégées
sur tous les domaines visés par la Convention. Ce système devrait concerner
tous les enfants de moins de 18 ans, en donnant la priorité à ceux qui
sont particulièrement vulnérables, notamment les enfants handicapés;
b) D’utiliser
effectivement ces indicateurs et ces données en vue de la formulation et de
l’évaluation de mesures et de programmes visant à assurer la mise en œuvre et
le suivi de la Convention.
2.
Définition de l’enfant
25. Le Comité réitère sa préoccupation quant au fait qu’en droit argentin, l’âge minimum du mariage n’est pas le même pour les filles et pour les garçons (ibid., par. 10).
26. Eu égard aux articles 1er
et 2 et d’autres dispositions connexes de la Convention, le Comité
recommande à l’État partie de revoir sa législation afin d’aligner l’âge
minimum du mariage des filles sur celui des garçons.
3.
Principes généraux
27. Le Comité note avec préoccupation que les principes de la non‑discrimination, de l’intérêt supérieur de l’enfant, du droit à la vie, à la survie et au développement de l’enfant ainsi que du respect de l’opinion de l’enfant ne sont pas pleinement pris en compte dans la législation et les décisions administratives et judiciaires de l’État partie et dans les politiques et programmes concernant les enfants aux niveaux fédéral, provincial et local.
28. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) D’intégrer
de façon appropriée les principes généraux énoncés dans la Convention, en
particulier les dispositions des articles 2, 3, 6 et 12, dans tous
les textes de loi concernant les enfants;
b) D’appliquer
ces principes dans toutes les décisions politiques, judiciaires et
administratives ainsi que dans les projets, programmes et services ayant des
incidences sur les enfants en général;
c) D’appliquer
également ces principes dans la planification et l’élaboration des politiques à
tous les niveaux ainsi que dans les mesures prises par les institutions de
protection sociale et sanitaires, les établissements d’enseignement, les
tribunaux et les autorités administratives.
Non‑discrimination
29. Le Comité est préoccupé par le fait que le principe de la non‑discrimination n’est pas pleinement appliqué s’agissant des enfants vivant dans la pauvreté, des enfants autochtones, des enfants des travailleurs migrants, principalement ceux qui sont originaires des pays voisins, des enfants de la rue, des enfants handicapés et des adolescents marginalisés qui ne vont pas à l’école et ne travaillent pas non plus, notamment en ce qui concerne l’accès à des établissements de soins de santé et d’enseignement appropriés.
30. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De
suivre la situation des enfants qui sont exposés à la discrimination, en
particulier de ceux qui appartiennent aux groupes vulnérables susmentionnés;
b) D’élaborer,
en se fondant sur les résultats de ce suivi, des stratégies globales de mise en
œuvre d’actions précises et ciblées visant à mettre un terme à toutes les
formes de discrimination.
31. Le Comité demande à l’État partie d’inclure
dans son prochain rapport périodique des informations précises sur les mesures
et programmes concernant la Convention qu’il aura mis en œuvre pour donner
suite à la Déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés à la
Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie
et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte également de l’Observation
générale no 1 du Comité concernant l’article 29,
paragraphe 1, de la Convention (buts de l’éducation).
Respect des opinions de l’enfant
32. Le Comité note qu’il faut renforcer encore le droit de tous les enfants de participer à l’école et en dehors de l’école à toutes les décisions les concernant.
33. Eu égard à l’article 12 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) De
donner suite à la recommandation précédente du Comité (ibid., par. 21)
tendant à ce que de nouvelles mesures soient prises pour encourager la
participation active des enfants à l’école et dans la société en général, dans
l’esprit de l’article 12 de la Convention;
b) De
veiller à ce que tous les enfants suffisamment mûrs pour exprimer leur opinion
soient entendus dans toutes les procédures judiciaires et administratives les
intéressant;
c) D’organiser
des campagnes pour faire comprendre aux enfants, aux parents, aux
professionnels qui travaillent avec et pour les enfants et au public dans son
ensemble que les enfants ont le droit d’être entendus et que leurs opinions
doivent être prises au sérieux.
4.
Droits et libertés civils
Préservation de l’identité
34. Le Comité reconnaît le travail accompli par la Commission nationale pour le droit à l’identité pour retrouver les enfants disparus sous le régime militaire au pouvoir de 1976 à 1983, et note que 73 des 500 enfants disparus environ ont été retrouvés.
35. Eu égard à l’article 8 de la
Convention, le Comité encourage l’État partie à poursuivre et à renforcer ses
efforts pour retrouver les enfants disparus sous le régime militaire.
Droit de ne pas être soumis à la torture
36. Le Comité se dit profondément préoccupé par la violence subie par les enfants dans des institutions et en particulier par les informations selon lesquelles des tortures et des mauvais traitements sont infligés à des enfants dans les commissariats de police (commissarias) et, dans certains cas, des enfants sont décédés des suites de ces violences. Il est également extrêmement préoccupé par d’autres informations faisant état de brutalités policières, et plus précisément du phénomène du gatillo fácil (syndrome de la gâchette facile), en particulier dans la province de Buenos Aires, qui a entraîné la mort d’un grand nombre d’enfants. Il constate que selon la Cour suprême de justice de la province de Buenos Aires, plusieurs enfants décédés avaient auparavant dénoncé les pressions et les tortures dont ils avaient fait l’objet de la part de membres de la police provinciale, que la majorité des faits en question n’ont pas donné lieu à des enquêtes en bonne et due forme et que leurs auteurs n’ont pas été traduits en justice.
37. Eu égard à l’article 37 a) de la
Convention, le Comité invite instamment l’État partie:
a) À effectuer une étude sur
les questions susmentionnées afin d’évaluer l’ampleur, la portée et la nature
de ces pratiques;
b) À faire appliquer le Plan
national d’action pour la prévention et l’élimination de la violence en
institution qui a été récemment signé;
c) À enquêter effectivement
et dans des délais raisonnables sur les informations selon lesquelles des
enfants ont été tués, torturés et maltraités;
d) À prendre de toute urgence
des mesures pour que les auteurs présumés de ces actes soient mis en inactivité
ou suspendus de leurs fonctions, selon le cas, tant qu’ils font l’objet d’une
procédure d’enquête, et pour qu’ils soient démis de leurs fonctions s’ils sont
reconnus coupables;
e) À dispenser
systématiquement aux membres des forces de l’ordre une formation en matière de
droits de l’homme et de droits de l’enfant et à leur apprendre comment éviter
de recourir à la force;
f) À créer un mécanisme de
dépôt et d’examen de plaintes auquel les enfants puissent avoir facilement
accès et qui soit adapté à leurs besoins, et à informer les enfants de leurs
droits, y compris celui de porter plainte;
g) À faire en sorte qu’il
soit procédé à des examens médicaux réguliers des enfants détenus par un
personnel médical qualifié et indépendant;
h) Eu égard à l’article 39, à
prendre toutes les mesures voulues pour garantir des possibilités de
réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale aux enfants
victimes de tortures et/ou de mauvais traitements et veiller à ce qu’ils soient
indemnisés.
Châtiments corporels
38. Le Comité note avec préoccupation que les châtiments corporels ne sont pas expressément interdits par la loi et qu’ils sont encore largement pratiqués au foyer et dans certaines institutions.
39. Le Comité recommande à l’État partie
d’interdire expressément les châtiments corporels au foyer et dans toutes les
institutions et de mener des campagnes d’information pour promouvoir des formes
positives et non violentes de discipline à la place des châtiments corporels.
5.
Milieu familial et protection de remplacement
Enfants privés de leur milieu familial
40. Le Comité juge extrêmement préoccupant que la loi no 10903 de 1919 et la loi no 22278 qui sont actuellement toujours en vigueur et sont fondées sur la notion de «situation irrégulière» ne fassent pas de distinction du point de vue des procédures judiciaires et du traitement entre les enfants nécessitant prise en charge et protection et les enfants en conflit avec la loi.
41. Le Comité recommande à l’État partie
d’établir des mécanismes et des procédures appropriés pour les enfants nécessitant
prise en charge et protection qui puissent être immédiatement mis en œuvre dès
l’entrée en vigueur du projet de loi sur la protection intégrale des droits de
l’enfant actuellement en cours d’examen (media sanción) et qui
remplacera les lois no 10903 et no 22278.
42. Le Comité juge profondément préoccupant qu’un grand nombre d’enfants, en particulier d’enfants de familles pauvres, soient privés de milieu familial et placés dans des institutions de l’assistance publique ou des foyers souvent situés loin de chez eux.
43. Eu égard à l’article 20 de
la Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) De prendre des mesures efficaces pour
développer et renforcer le placement en famille d’accueil, les foyers
d’adoption et d’autres systèmes de protection de remplacement de type familial;
b) De ne placer les enfants en institution
qu’en dernier ressort;
c) De prendre toutes les
mesures nécessaires pour améliorer les conditions de vie dans les institutions;
d) De fournir un appui et de
dispenser une formation au personnel travaillant dans les institutions;
e) D’établir des mécanismes
efficaces chargés de recevoir et de traiter les plaintes émanant d’enfants
placés, de surveiller les normes de placement et, à la lumière de
l’article 25 de la Convention, de prévoir un examen périodique régulier du
placement.
Sévices et défaut de soins
44. Tout en prenant note de l’adoption de la loi n° 24417 sur la protection contre la violence familiale, le Comité demeure préoccupé par l’ampleur du phénomène de la violence familiale, l’absence de procédures normalisées d’identification et de signalement des cas de délaissement, de mauvais traitements et de maltraitance et par le nombre limité de services d’aide aux victimes, en particulier dans les provinces.
45.
Eu égard à l’article 19 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) De faire des études sur la
violence familiale, la violence dirigée contre les enfants, les mauvais
traitements et les sévices, y compris les sévices sexuels, infligés aux enfants
et de développer le système de collecte de données dans l’ensemble du pays afin
de recenser les cas de violence physique et psychologique et de défaut de soins
dont des enfants sont victimes, afin d’évaluer l’ampleur, la portée et la
nature de ces pratiques;
b) D’adopter et de mettre en
œuvre de façon efficace des mesures et des politiques appropriées, y compris
des campagnes publiques sur d’autres formes de discipline qui contribuent à
modifier les comportements;
c) De mener des enquêtes
efficaces sur les affaires de violence familiale ainsi que de mauvais
traitements et de sévices, y compris des sévices sexuels, subis par des enfants
au sein de la famille, dans le cadre d’une procédure d’enquête et d’une
procédure judiciaire adaptées aux enfants afin d’assurer une meilleure
protection des enfants victimes, notamment la protection de leur droit au
respect de la vie privée;
d) De prendre d’autres
mesures pour fournir des services de soutien aux enfants dans les procédures
judiciaires et pour assurer la réadaptation physique et psychologique et la
réinsertion sociale des victimes de viol, de négligence, de mauvais traitements
et de violence, conformément à l’article 39 de la Convention;
e) De tenir compte des
recommandations adoptées par le Comité lors de ses journées de débat général
sur la violence contre les enfants au sein de la famille et à l’école (voir
CRC/C/111) et sur la violence de l’État contre les enfants (voir CRC/C/100).
6.
Santé et bien-être
Santé et services médicaux
46. Tout en notant la diminution des taux de mortalité infantile et maternelle, le Comité constate néanmoins avec préoccupation que ces taux demeurent élevés et reflètent de grandes disparités notamment en ce qui concerne les enfants des milieux socioéconomiques défavorisés, les enfants vivant dans les zones rurales, en particulier dans les provinces du nord et les enfants autochtones. Il note également que 6 sur 10 décès de nourrissons pourraient être évités grâce à des mesures peu coûteuses.
47. Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’allouer des ressources
suffisantes et d’élaborer des politiques et des programmes exhaustifs afin
d’améliorer la situation sanitaire de tous les enfants sans discrimination, en
particulier en axant davantage l’attention sur la promotion sanitaire et la prévention;
b) Afin de faire diminuer
encore les taux de morbidité infantile et de mortalité maternelle, de prendre
des mesures pour assurer l’application de la loi sur la procréation responsable
et la santé génésique de juillet 2000;
c) De fournir des services
de soins de santé prénatals et postnatals appropriés et de mener des campagnes
pour fournir aux parents des connaissances de base sur la santé et la nutrition
des enfants, les avantages de l’allaitement maternel, l’hygiène et
l’assainissement de l’environnement, la planification familiale et la santé
génésique, en particulier dans les provinces.
Malnutrition
48. Le Comité note avec une profonde préoccupation que la malnutrition, dont le taux est en hausse, touche, selon les statistiques les plus récentes, plus de quatre millions d’enfants, en particulier les nourrissons et ceux qui vivent dans les provinces du nord. Il note en outre que l’impact de la crise économique sur l’état de santé et l’état nutritionnel des enfants n’a pas encore été évalué.
49. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De faire une étude sur la
malnutrition infantile et de mettre en place un système global de statistiques
pour recenser les cas de malnutrition afin d’évaluer l’ampleur, la portée et la
nature de ce phénomène;
b) D’élaborer un programme nutritionnel complet afin de prévenir et de combattre la malnutrition;
c) De solliciter la
coopération internationale, notamment de l’UNICEF et de l’Organisation mondiale
de la santé (OMS).
Santé des
adolescents
50. Le Comité note avec préoccupation le nombre croissant de cas de VIH/sida chez les jeunes en dépit de l’application du Plan national d’action contre le VIH/sida et réitère sa préoccupation devant le taux élevé de grossesses chez les adolescentes, en particulier dans certaines des provinces.
51. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De revoir et de relancer
ses programmes de lutte contre le VIH/sida et d’intensifier ses efforts pour
promouvoir la santé des adolescents. Il faudrait accorder l’attention voulue à
la santé génésique et renforcer encore le programme d’éducation sanitaire et
sexuelle dans les écoles;
b) D’entreprendre une étude
globale et pluridisciplinaire pour évaluer l’ampleur et la nature des problèmes
de santé des adolescents, notamment pour mesurer l’incidence négative des
maladies sexuellement transmissibles et du VIH/sida, et de continuer à élaborer
les politiques et les programmes voulus;
c) D’adopter des mesures
supplémentaires, notamment l’allocation de ressources humaines et financières
suffisantes, pour évaluer l’efficacité des programmes de formation dans le
domaine de l’éducation sanitaire, en particulier en ce qui concerne la santé
génésique, et de mettre en place des services d’orientation confidentiels et
adaptés aux jeunes, ainsi que des structures de soins et de réadaptation
accessibles sans le consentement des parents lorsque l’intérêt supérieur de
l’enfant est en jeu;
d) De solliciter la
coopération technique, notamment du FNUAP, de l’UNICEF, de l’OMS et de
l’ONUSIDA.
Enfants handicapés
52. Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les enfants handicapés en Argentine. Il note également avec préoccupation que certains enfants sont placés en institution en raison du manque de soutien apporté aux familles pauvres comptant des enfants handicapés.
53. Eu égard à l’article 23 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) D’entreprendre
des études sur la situation des enfants handicapés afin d’évaluer l’ampleur, la
portée et la nature du problème;
b) De
prendre des mesures pour que la situation des enfants handicapés soit
surveillée afin de bien évaluer leur état et leurs besoins;
c) D’organiser
des campagnes de sensibilisation du public afin de susciter une prise de
conscience de la situation et des droits des enfants handicapés;
d) D’allouer
les ressources nécessaires en vue de la mise en place de programmes et de
services en faveur de tous les enfants handicapés, en particulier de ceux qui
vivent dans les zones rurales, et de renforcer les programmes axés sur la
collectivité pour que ces enfants puissent vivre chez eux avec les membres de
leur famille;
e) De
soutenir les parents d’enfants handicapés en leur fournissant des conseils,
et si nécessaire, une aide financière;
f) Compte
tenu des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés
(résolution 48/96 de l’Assemblée générale, annexe) et des recommandations
adoptées par le Comité lors de la journée de débat général sur les droits
des enfants handicapés (CRC/C/69, par. 310 à 339), de continuer à encourager
l’intégration des enfants handicapés dans le système d’enseignement ordinaire
et leur insertion dans la société, notamment en dispensant une formation
spéciale aux enseignants et en rendant les établissements scolaires plus
accessibles.
Niveau de vie
54. Le Comité constate avec préoccupation que la crise économique, politique et sociale récente a provoqué une augmentation de la pauvreté, en particulier chez les enfants et les groupes vulnérables.
55. Le Comité recommande à l’État partie de
poursuivre ses efforts en vue de prévenir une baisse du niveau de vie des
familles, en particulier chez les groupes vulnérables, notamment en adoptant
une stratégie globale de réduction de la pauvreté qui intègre les principes
relatifs aux droits de l’homme.
7.
Éducation, loisirs et activités culturelles
Éducation
56. Le Comité, tout en prenant note de l’augmentation du taux de scolarisation, tant dans le primaire que dans le secondaire, reste préoccupé par les difficultés d’accès à l’éducation et les taux élevés d’abandon scolaire et de redoublement, notamment dans l’enseignement secondaire, observés en particulier chez les enfants des zones urbaines et rurales marginalisées, les enfants autochtones et les enfants des familles de migrants, notamment les migrants en situation irrégulière. Il note en outre avec préoccupation la réduction des dépenses consacrées à l’éducation, qui touche en particulier les enfants pauvres.
57. Eu égard aux articles 28 et 29 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) D’accroître
la part du budget allouée à l’éducation;
b) De
faire appliquer le plan social d’éducation afin d’assurer la régularité de la
fréquentation scolaire et de réduire les taux d’abandon scolaire,
particulièrement en ce qui concerne les enfants les plus vulnérables;
c) De
renforcer les programmes de subventions et de bourses en faveur des enfants qui
sont le plus touchés par la crise économique;
d) De
renforcer et de développer l’enseignement dans le domaine des droits de l’homme
et des droits de l’enfant;
e) D’améliorer
la qualité de l’enseignement afin d’atteindre les objectifs définis au
paragraphe 1 de l’article 29, conformément à l’Observation générale no 1
du Comité sur les buts de l’éducation.
8.
Mesures spéciales de protection
Exploitation économique
58. Tout en notant que l’État partie a ratifié les Conventions de l’OIT no 138 de 1996 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi et no 182 de 2001 concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, le Comité constate avec une profonde préoccupation que de plus en plus d’enfants de moins de 14 ans font l’objet d’une exploitation économique, en particulier dans les zones rurales, à cause de la crise économique. Il est également préoccupé par le manque de données et d’informations sur cette question.
59. Eu égard à l’article 32 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) D’entreprendre
une étude exhaustive sur le travail des enfants afin d’évaluer l’ampleur, la
portée et la nature de ce problème;
b) De
continuer à appliquer et à renforcer sa législation pour assurer une protection
aux enfants qui travaillent conformément aux Conventions nos 138
et 182 de l’OIT, notamment en vue de porter à 15 ans l’âge minimum
d’admission à l’emploi;
c) De
continuer à élaborer et à mettre en œuvre le Plan national pour la prévention
et l’élimination du travail des enfants;
d) De
mettre en place un système fiable de collecte de données d’information sur le
travail des enfants;
e) De
combattre et d’éliminer aussi efficacement que possible toutes les formes de
travail des enfants, notamment en renforçant sa coopération avec le Programme
international de l’OIT pour l’abolition du travail des enfants et avec
l’UNICEF.
Exploitation sexuelle et trafic d’enfants
60. Le Comité craint que le phénomène de la prostitution des enfants n’augmente, en particulier dans les grandes villes. Il constate en outre que, malgré l’adoption en 2000 du Plan national d’action contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, il n’existe toujours pas de politiques et de programmes concertés sur cette question.
61. Eu égard aux articles 32 à 36 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) D’entreprendre
une étude sur la question de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et
du trafic d’enfants afin d’en connaître l’ampleur et les causes, et de mettre
en place des mesures de suivi efficaces et d’autres mesures de prévention;
b) De
combattre et d’éliminer l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et le
trafic d’enfants, notamment par l’application du Plan national d’action et la
mise en place de programmes d’intégration sociale ainsi que de politiques et de
programmes de réadaptation des enfants victimes, conformément à la Déclaration
et au Programme mondial ainsi qu’à l’Engagement mondial adoptés lors des
Congrès mondiaux contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins
commerciales de 1996 et de 2001.
Administration de la justice pour mineurs
62. Le Comité prend note avec satisfaction de la promulgation du projet de loi sur la responsabilité pénale des mineurs qui fixe l’âge minimal dans ce domaine et établit les procédures à suivre, conformément à l’article 40, paragraphe 3, de la Convention. Toutefois, il se dit à nouveau préoccupé par le fait que la loi no 10 903 de 1919 et la loi no 22 278, actuellement en vigueur et fondées sur la notion de «situation irrégulière», ne font pas de distinction nette entre les enfants ayant besoin d’une prise en charge et d’une protection et ceux qui sont en conflit avec la loi. Le Comité note à cet égard que plusieurs projets de loi de réforme du système de justice pour mineurs qui sont actuellement examinés par le Parlement, prévoient qu’un juge puisse ordonner la mise en détention d’enfants sans que soient respectées les garanties d’une procédure régulière uniquement en raison de leur situation sociale et que cette décision soit sans appel. En outre, il juge préoccupant qu’en vertu de l’article 205 du Code de procédure pénale, un enfant puisse être détenu au secret pendant 72 heures au maximum. Il note aussi avec préoccupation les mauvaises conditions de détention des enfants incarcérés, notamment le manque de services de base appropriés, notamment des services éducatifs et sanitaires; l’absence de personnel qualifié et le recours aux châtiments corporels et à l’isolement cellulaire.
63. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De
revoir ses textes de loi et ses pratiques concernant le système
d’administration de la justice pour mineurs, afin de les mettre aussi
rapidement que possible en pleine conformité avec la Convention, en particulier
avec les dispositions des articles 37, 40 et 39, ainsi qu’avec les autres
normes internationales pertinentes dans ce domaine, telles que l’Ensemble de
Règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice
pour mineurs (Règles de Beijing) et les Principes directeurs des Nations Unies
pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad);
b) D’accélérer
ce processus, notamment par l’octroi de ressources humaines et financières
appropriées;
c) De
veiller à ce qu’une distinction nette soit établie, du point de vue des
procédures et du traitement, entre les enfants en conflit avec la loi et les
enfants ayant besoin d’une protection;
d) De
n’avoir recours à la détention, y compris avant jugement, qu’en dernier
ressort, et de veiller à ce que cette détention soit aussi brève que possible
et ne dépasse pas la durée prévue par la loi, et à ce que les enfants soient
toujours séparés des adultes;
e) D’appliquer,
chaque fois que possible, des mesures autres que la détention avant jugement et
d’autres formes de privation de la liberté;
f) D’incorporer
dans sa législation et d’appliquer dans la pratique les Règles des Nations
Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, en particulier afin de
leur garantir l’accès à des procédures de plainte efficaces portant sur tous
les aspects de la façon dont ils sont traités;
g) De
prendre les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de détention;
h) Eu
égard à l’article 39, de prendre les mesures voulues pour favoriser la
réadaptation et la réinsertion sociale des enfants qui ont eu affaire à la
justice pour mineurs;
i) De solliciter l’assistance, notamment, du HCDH, du Centre des Nations Unies pour la prévention de la criminalité internationale, du Réseau international de la justice pour mineurs et de l’UNICEF, par l’intermédiaire du Groupe de coordination des Nations Unies pour les conseils et l’assistance technique dans les domaines de la justice pour mineurs.
9.
Protocoles facultatifs
64. Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la participation d’enfants dans les conflits armés, mais note qu’il n’a toujours pas ratifié le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
65. Le Comité recommande à
l’État partie de poursuivre ses efforts actuels en vue de la ratification du
Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants
et la pornographie mettant en scène des enfants.
10.
Diffusion des rapports
66. Enfin, le Comité recommande qu’à la lumière du paragraphe 6 de l’article 44 de la Convention, le deuxième rapport périodique et les réponses écrites présentées par l’État partie soient largement diffusés auprès du public dans son ensemble et que l’État partie envisage de publier le rapport avec les comptes rendus des séances consacrées à son examen et les observations finales adoptées par le Comité. Le document ainsi produit devrait être largement diffusé afin de susciter un débat et de faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi au Gouvernement, au Parlement et au grand public, y compris aux organisations non gouvernementales concernées.
11.
Prochains rapports
67. Le Comité souligne qu’il importe que les rapports soient présentés en pleine conformité avec les dispositions de l’article 44 de la Convention. Un aspect important des responsabilités incombant aux États parties en vertu de cet instrument consiste à veiller à ce que le Comité des droits de l’enfant puisse examiner régulièrement les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Convention. Il est donc crucial que les États parties présentent leurs rapports régulièrement et à temps. Le Comité a conscience que certains États parties ont du mal à soumettre leur rapport dans les délais impartis. À titre exceptionnel, et pour aider l’État partie à rattraper son retard dans ce domaine et à se conformer à la Convention, le Comité l’invite à présenter son prochain rapport périodique avant la date fixée pour la présentation du quatrième rapport périodique, c’est‑à‑dire le 2 janvier 2008. Les troisième et quatrième rapports périodiques seront ainsi combinés en un seul document.
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