EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Arménie
1. À ses 603ème et 604ème séances (voir document CRC/C/SR. 603 et 604), tenues le 20 janvier 2000, le Comité des droits de l'enfant a examiné le rapport initial de l'Arménie (CRC/C/28/Add.9), qui avait été soumis le 19 février 1997, et a adopté à sa 615ème séance, tenue le 28 janvier 2000, les observations finales ci-après.
3. Le Comité se félicite de l'adoption de la loi relative aux droits de l'enfant de 1996 qui traduit la volonté de l'État partie de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.
4. Le Comité note que l'Arménie est partie aux six principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.
5. Le Comité se félicite de la constitution d'une Commission des droits de l'homme et d'une commission de la condition de la femme. En outre, il prend acte avec satisfaction des travaux préparatoires en vue de la création d'un poste de médiateur.
7. Le Comité note également les énormes problèmes socioéconomiques rencontrés du fait du conflit armé. Il note en particulier l'importante population de réfugiés et de personnes déplacées. En outre, le Comité constate que les conséquences du tremblement de terre de 1998 ont eu une grave incidence sur les conditions de vie de la population; ses effets néfastes ont été ressentis sur 40 % du territoire et par environ le tiers de la population, y compris les enfants.
D.1. Mesures d'application générales
8. Tout en notant que la loi relative aux droits de l'enfant de 1996 rend compte de certains des principes et dispositions de la Convention, le Comité demeure préoccupé par le fait que d'autres lois ne sont pas pleinement conformes à la Convention et qu'il existe des disparités entre la législation et la pratique.
9. Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre ses efforts en vue d'assurer une compatibilité totale entre sa législation et la Convention en adoptant une démarche axée sur les droits de l'enfant et en tenant dûment compte des principes et des dispositions de la Convention. Le Comité recommande en outre que des dispositions de plus vaste portée soient prises pour assurer la pleine application des mesures susmentionnées.
Coordination
10. Le Comité note avec préoccupation que l'absence de coordination et de coopération entre les organes administratifs au niveau national et local constitue un sérieux obstacle à l'application de la Convention.
11. Le Comité recommande à l'État partie d'adopter un plan d'action national détaillé en vue d'appliquer la Convention et de porter attention à la coordination et la coopération intersectorielles au sein des autorités nationales et locales et entre elles. L'État partie est encouragé à fournir aux autorités locales le soutien dont elles ont besoin pour appliquer la Convention.
Structures de suivi indépendantes
12. Le Comité est préoccupé par l'absence d'un mécanisme pour la collecte et l'analyse de données détaillées sur la situation dans tous les domaines visés par la Convention - des personnes âgées de moins de 18 ans - y compris les groupes les plus vulnérables (à savoir les enfants handicapés, les enfants nés hors mariage, les enfants vivant et/ou travaillant dans la rue, les enfants touchés par des conflits armés, les enfants vivant dans des zones rurales, les enfants réfugiés et les enfants appartenant à des groupes minoritaires).
13. Le Comité recommande à l'État partie de mettre en place un système global de collecte de données détaillées qui puisse servir de base pour l'évaluation des progrès accomplis dans la mise en œuvre des droits de l'enfant et faciliter l'élaboration de politiques pour l'application de la Convention. Le Comité encourage l'État partie à demander à cet effet une assistance technique, auprès notamment de l'UNICEF.
14. Le Comité tient à souligner qu'il est important de mettre en place un mécanisme indépendant qui aura pour mandat de surveiller et d'évaluer régulièrement les progrès accomplis dans l'application de la Convention aux niveaux national et local. À cet égard, il note avec satisfaction que l'État partie a l'intention de créer une commission nationale pour l'enfance.
15. Le Comité encourage l'État partie à mettre en place, par le biais de la législation, une commission nationale indépendante pour l'enfance dont le mandat consistera, entre autres, à surveiller et à évaluer régulièrement les progrès accomplis dans l'application de la Convention. En outre, une telle commission devrait être dotée des pouvoirs, des compétences et des ressources nécessaires pour pouvoir assumer efficacement un rôle de chef de file dans le processus de mise en œuvre de la Convention.
Allocation de ressources budgétaires (art. 4)
16. Le Comité note avec préoccupation que l'article 4 de la Convention, en vertu duquel les États parties sont tenus de prendre des "mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent" pour mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels des enfants, n'a pas bénéficié d'une attention suffisante.
17. Le Comité recommande à l'État partie d'établir des modalités pour une évaluation systématique des effets des allocations budgétaires sur la mise en œuvre des droits de l'enfant et pour la collecte et la diffusion d'informations à ce propos. Il recommande en outre à l'État partie d'assurer une bonne répartition des ressources aux niveaux national et local, si nécessaire dans le cadre de la coopération internationale.
Coopération avec les organisations non gouvernementales (ONG)
18. Le Comité note que la coopération avec les organisations non gouvernementales en vue de l'application de la Convention et notamment dans le cadre de l'élaboration du rapport de l'État partie, demeure limitée. Il est en outre préoccupé par les problèmes que pose le système d'enregistrement officiel des ONG.
19. Le Comité encourage l'État partie à songer à adopter une démarche méthodique, qui associerait les ONG et la société civile en général à tous les stades de l'application de la Convention, y compris au processus de prise de décisions. En outre, il lui recommande de fournir aux ONG le soutien nécessaire en vue de faciliter et d'accélérer leur enregistrement.
Formation/diffusion des dispositions de la Convention (art. 42)
20. Le Comité note que le grand public, y compris les enfants et les professionnels qui s'occupent d'eux, est insuffisamment sensibilisé à la Convention. Il constate avec préoccupation que l'État partie ne déploie pas d'efforts systématiques et ciblés pour la diffusion des dispositions de la convention et la sensibilisation du public.
21. À cet égard, le Comité recommande à l'État partie de lancer un programme continu pour la diffusion d'informations sur l'application de la Convention parmi les enfants et les parents, dans la société civile et dans tous les organes de l'État quel qu'en soit le niveau. Il encourage l'État partie à poursuivre les efforts qu'il consacre, à travers le pays, à l'éducation relative aux droits de l'enfant, y compris les initiatives visant à toucher les groupes les plus vulnérables. En outre, le Comité recommande à l'État partie de redoubler d'efforts pour élaborer des programmes de formation continue et systématique aux dispositions de la Convention à l'intention de tous les groupes professionnels qui s'occupent des enfants, à savoir les juges, les avocats, les responsables de l'application des lois, les fonctionnaires, les responsables locaux, le personnel des établissements et centres de détention pour enfants, les enseignants, le personnel de la santé, y compris les psychologues et les travailleurs sociaux. Le Comité encourage l'État partie à solliciter à cet effet l'assistance technique du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et de l'UNICEF, entre autres.
23. Le Comité recommande à l'État partie de revoir sa législation en vue d'aligner les prescriptions relatives à l'âge minimum sur les principales dispositions de la Convention et de redoubler d'efforts pour assurer l'application de ces prescriptions.
24. Notant que la discrimination est interdite par la loi, le Comité, à l'instar du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (voir document A/52/38/Rev.1), du Comité des droits de l'homme (voir document CCPR/C/79/Add.100) et du Comité des droits économiques sociaux et culturels (voir document E/C.12/1/Add.39), est préoccupé par la persistance de la discrimination de facto fondée sur le sexe. En outre, le Comité note avec préoccupation les disparités dans l'exercice des droits par certains groupes vulnérables : enfants handicapés, enfants vivant dans les zones rurales, enfants réfugiés, enfants appartenant à des familles pauvres, enfants vivant et/ou travaillant dans la rue et enfants placés dans des institutions.
25. Le Comité recommande à l'État partie de déployer des efforts concertés à tous les niveaux en vue de faire face aux inégalités sociales; il lui recommande à cet effet de revoir et de réorienter ses politiques, notamment d'augmenter les allocations budgétaires aux programmes destinés aux groupes les plus vulnérables. Le Comité encourage l'État partie à assurer l'application effective des lois protectrices, à entreprendre des études et à lancer de vastes campagnes d'information du public en vue de prévenir et de combattre toutes les formes de discrimination et de sensibiliser la société à la situation et aux besoins des enfants au sein de la collectivité, et en particulier dans la famille, en faisant appel, si nécessaire, à la coopération internationale.
Respect des opinions de l'enfant (art. 12)
26. Compte tenu de l'article 12 de la Convention, le Comité note avec préoccupation que ce principe général n'est pas dûment pris en compte dans la loi relative aux droits de l'enfant de 1996. En outre le Comité trouve préoccupant le fait que les opinions de l'enfant ne soient pas suffisamment respectées en raison des attitudes sociales traditionnelles à l'égard des enfants dans les écoles, les établissements de protection, les tribunaux et en particulier au sein de la famille.
27. Le Comité encourage l'État partie à promouvoir et à faciliter au sein de la famille, à l'école, dans les établissements de protection et dans les tribunaux le respect des opinions de l'enfant et sa participation à tout ce qui le touche, conformément à l'article 12 de la Convention. À cet égard, il recommande à l'État partie d'élaborer, dans une optique communautaire, à l'intention des enseignants, des travailleurs sociaux et des responsables locaux, des programmes de formation aux moyens d'aider les enfants à exprimer des décisions prises en connaissance de cause et à faire en sorte qu'il soit tenu compte de leurs opinions.
28. Le Comité est vivement préoccupé par les politiques et les pratiques privilégiant le placement en institution. Il juge en particulier inquiétant qu'une telle mesure, au lieu de constituer une solution de rechange pour les enfants privés de leurs parents, se substitue en fait au rôle des parents qui n'ont pas les moyens d'entretenir leur progéniture. En outre, le Comité est préoccupé par le nombre élevé des enfants placés en institution et par les conditions de vie dans ce type d'établissement. Le Comité craint en outre que les établissements pour enfants ne soient pas organisés de manière à assurer à l'enfant un environnement familial, à maintenir les liens avec sa famille ou à répondre aux besoins essentiels de chaque enfant; il note également avec préoccupation qu'il y a peu de services communautaires pour aider les parents à résoudre les problèmes qui les obligent à demander que leurs enfants soient placés dans des institutions. Dans l'optique de l'article 25 de la Convention, le Comité est préoccupé par les carences du système d'examen périodique du placement et de surveillance ou de suivi de la situation des enfants vivant dans des institutions.
29. Tout en notant que l'État partie étudie des projets de code déontologique et de règlement concernant le placement et l'assistance institutionnelle qui est fournie aux enfants privés de leur milieu familial, le Comité lui recommande d'élaborer et d'appliquer une politique nationale de prise en charge des enfants hors institutions. Il lui recommande, en outre, de promouvoir le recours à d'autres solutions en lieu et place de la prise en charge en institution telles que les programmes communautaires d'aide aux parents et le placement nourricier. En cas de fermeture d'institutions, il convient de veiller à concevoir et à fournir des services de remplacement aux enfants qui pourraient être ainsi déplacés. Le Comité recommande en outre de dispenser une formation au personnel des établissements pour enfants. Il recommande également d'instituer un examen périodique régulier du placement et de créer des mécanismes pour évaluer et surveiller les conditions dans les établissements pour enfants.
Adoption (art. 21)
30. Le Comité est préoccupé par l'absence de normes et de statistiques nationales sur le placement nourricier et l'adoption. Compte tenu de l'actuel système informel de placement nourricier, il s'inquiète de l'inexistence de mécanismes officiels d'examen, de surveillance et de suivi du placement des enfants. De même, en ce qui concerne l'adoption, le Comité est préoccupé par l'absence de procédures claires et de mécanismes d'examen, de surveillance et de suivi.
31. Notant que l'État partie envisage d'établir des projets de code déontologique applicables à l'adoption nationale et internationale, le Comité l'encourage à élaborer une politique et des directives nationales complètes en matière de placement nourricier et d'adoption et à mettre en place à cet effet un mécanisme central de suivi. En outre, le Comité recommande à l'État partie d'adhérer à la Convention (de La Haye) sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.
Violence/sévices/délaissement/mauvais traitements (art. 19)
32. À l'instar du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (voir document A/52/38/Rev.1) et du Comité des droits de l'homme (voir document CCPR/C/79/Add.100), le Comité note avec préoccupation que l'État partie ne reconnaît pas l'existence d'un problème de violence au foyer et ne fait rien pour combattre ce phénomène. Tout en prenant acte de la protection assurée par la loi relative aux droits de l'enfant, le Comité juge préoccupants les mauvais traitements, notamment les sévices sexuels, subis par les enfants, non seulement dans les écoles et les établissements pour enfants mais aussi au sein de la famille. L'accès limité aux mécanismes de plainte et l'insuffisance des mesures de réinsertion sont d'autres sujets de préoccupation pour le Comité.
33. Compte tenu, notamment, des articles 19 et 39 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de faire en sorte que toutes les formes de violence physique et mentale, y compris les châtiments corporels et les sévices sexuels à enfant au sein de la famille, à l'école et dans les établissements de protection soient interdits. Il est nécessaire de renforcer les programmes pour la réadaptation et la réinsertion des enfants victimes de sévices et de mettre en place les procédures et les mécanismes requis pour assurer l'examen des plaintes et pour que les cas de mauvais traitements soient surveillés et fassent l'objet d'enquêtes et que les responsables soient poursuivis. Le Comité recommande à l'État partie de lancer des campagnes de sensibilisation aux mauvais traitements infligés aux enfants et à leurs conséquences néfastes. Il lui recommande en outre de promouvoir pour le maintien de la discipline des méthodes constructives et non violentes en lieu et place des châtiments corporels, en particulier au sein de la famille et dans les écoles. Le Comité recommande de former les enseignants, les responsables de l'application des lois, le personnel chargé de la protection des enfants, le juges et les professionnels de la santé aux modalités d'identification, de dénonciation et de gestion des cas de mauvais traitements.
34. Tout en prenant acte de la protection apportée aux enfants handicapés en application de la loi relative aux droits de l'enfant de 1996, le Comité reste préoccupé par la situation déplorable de ces enfants qui sont souvent placés en institution.
35. Compte tenu des Règles pour l'égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l'Assemblée générale) et des recommandations adoptées lors de sa journée de débat général sur "les droits des enfants handicapés" /CRC/C/69), le Comité encourage l'État partie à redoubler d'efforts pour mettre en œuvre d'autres solutions que le placement en institution des enfants handicapés, notamment des programmes communautaires de réinsertion. Il l'encourage en outre à entreprendre à l'échelle nationale une étude complète de la situation des enfants handicapés. Des campagnes de sensibilisation, mettant l'accent sur la prévention, l'intégration dans des classes ordinaires, la protection familiale et la promotion des droits de l'enfant handicapé, devraient être lancées. En outre, une formation appropriée devrait être dispensée aux personnes qui s'occupent des enfants handicapés, et l'État partie est encouragé à élaborer des programmes d'éducation spéciale pour ces enfants. Le Comité encourage en outre l'État partie à redoubler d'efforts pour assurer l'allocation des ressources nécessaires et à solliciter une assistance, entre autres, auprès de l'UNICEF et de l'OMS, ainsi que des ONG concernées.
Droit à la santé et services de santé (art. 24)
36. Le Comité tient à réaffirmer les préoccupations exprimées par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (voir document E/C.12/1/Add.39) en ce qui concerne la détérioration de l'état de santé de la population arménienne, notamment des femmes et des enfants, et la diminution constante des allocations budgétaires au secteur de la santé. Le Comité s'inquiète en particulier de la baisse de la qualité des soins, de l'insuffisance des soins prénatals et néonatals, d'une nutrition laissant à désirer ainsi que du fait que le coût des soins empêche les ménages pauvres d'accéder à la santé et que l'avortement soit le moyen de planification familiale le plus courant.
37. Le Comité recommande à l'État partie de consacrer davantage de ressources à la mise en place d'un système de soins de santé primaire efficace. Il lui recommande en outre de poursuivre les efforts qu'il consacre à la distribution de denrées alimentaires aux segments les plus pauvres de la société, à la généralisation de l'emploi du sel iodé et à la mise en place de programmes de planification de la famille. En outre, l'État partie est encouragé à poursuivre sa coopération avec, entre autres, l'UNICEF, l'OMS, le Programme alimentaire mondial et la société civile et à solliciter leur assistance.
38. Pour ce qui est de la santé des adolescents, le Comité est préoccupé par le nombre élevé et croissant des grossesses précoces et le fort taux d'avortement qui en résulte parmi les filles âgées de moins de 18 ans, en particulier d'avortements illégaux. Il est également préoccupé par l'augmentation du nombre de cas de maladies sexuellement transmissibles et par la propagation du VIH. Bien que les parents jouent un rôle essentiel dans ce domaine, leurs attitudes culturelles ainsi que le fait qu'ils n'ont pas les connaissances personnelles et les techniques de communication requises constituent des obstacles à une information à une orientation précises dans le domaine de la santé en matière de reproduction.
39. Le Comité recommande à l'État d'entreprendre une étude globale de la nature et de l'ampleur des problèmes de santé des adolescents qui puisse servir de base pour l'élaboration de politiques en la matière. Dans l'optique de l'article 24 de la Convention, le Comité recommande d'assurer aux adolescents l'accès à une éducation dans le domaine de la santé en matière de reproduction et à des services de consultation et de réadaptation adaptés à leur situation.
40. Le Comité est préoccupé par les nombreux dangers menaçant l'environnement – notamment les risques de contamination des réserves en eau – qui ont une influence néfaste sur la santé des enfants. Il s'inquiète aussi du manque de données sur l'accès à l'eau salubre et à l'assainissement.
41. Compte tenu de l'article 24 c) de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de prendre les mesures requises, notamment dans le cadre de la coopération internationale, pour prévenir et combattre les effets nocifs sur les enfants de la détérioration de l'environnement, et notamment de la pollution et de la contamination des réserves en eau. Il l'encourage à recueillir des données sur l'accès à l'eau salubre et à l'assainissement.
Droit à un niveau de vie suffisant (art. 27)
42. Le Comité est préoccupé par la situation des enfants qui vivent et/ou travaillent dans la rue, qui comptent parmi les groupes d'enfants les plus marginalisés du pays.
43. Le Comité recommande à l'État partie de mettre en place des mécanismes pour que ces enfants puissent obtenir des documents d'identité et qu'ils soient nourris, vêtus et logés. En outre, l'État partie devrait assurer à ces enfants l'accès aux soins de santé, aux services de réadaptation en cas de sévices physiques ou sexuels ou d'abus de drogue, à des services pour la réconciliation avec leurs familles, à une éducation complète, et notamment à une formation professionnelle et à une préparation à la vie active, ainsi que l'accès à l'assistance juridique. L'État partie devrait à cet effet coopérer et coordonner ses efforts avec la société civile. Le Comité recommande à l'État partie d'entreprendre une étude sur la nature et l'ampleur de ce phénomène.
D. Éducation, loisirs et activités culturelles
44. À l'instar du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (voir document E/C.12/1/Add.39), le Comité juge préoccupantes la baisse des crédits budgétaires alloués au secteur éducatif et la détérioration de la qualité de l'enseignement. Il demeure également préoccupé par la persistance de taux élevé d'abandon scolaire, de redoublement et d'absentéisme ainsi que par le manque de possibilités d'accès à l'éducation dans les zones rurales. En outre, à l'instar du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (voir document CERD/C/304/Add.51), le Comité note avec préoccupation que le fait de rendre obligatoire l'enseignement en langue arménienne risque, dans la pratique, de restreindre l'accès à l'enseignement des minorités ethniques et nationales. Le Comité est également préoccupé par le fait que la faiblesse des salaires oblige les enseignants à donner des cours particuliers, ce qui crée un système d'enseignement à deux niveaux.
45. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour consacrer les ressources requises (humaines et financières) à l'amélioration de l'accès à l'enseignement des groupes d'enfants les plus vulnérables et de faire en sorte que la qualité de l'enseignement soit contrôlée et garantie. Il lui recommande en outre de renforcer ses politiques et son système éducatifs en lançant des programmes de prévention des abandons et en dispensant une formation aux élèves qui quittent l'école. Le Comité recommande que des efforts accrus soient consacrés à l'amélioration de la qualité des programmes de formation des enseignants et de l'environnement scolaire. Il recommande, d'autre part, à l'État partie d'accorder l'attention requise aux buts de l'éducation énoncés à l'article 29 de la Convention et d'envisager l'inscription aux programmes scolaires, y compris au niveau primaire, de cours sur les droits de l'homme et notamment sur la Convention relative aux droits de l'enfant. Le Comité encourage, enfin, l'État partie à solliciter une assistance, entre autres, auprès de l'UNICEF, de l'UNESCO et des ONG concernées.
46. Tout en notant avec satisfaction que le territoire de l'État partie est ouvert aux réfugiés originaires des pays voisins, le Comité demeure préoccupé par le fait que les enfants réfugiés, demandeurs d'asile et non accompagnés ne jouissent pas pleinement de leurs droits.
47. Le Comité recommande à l'État partie de redoubler d'efforts pour appliquer la loi sur les réfugiés de 1998 ainsi que pour adopter des règlements d'application. Vu que les prescriptions relatives à l'enregistrement du domicile peuvent entraver la naturalisation des réfugiés, le Comité recommande à l'État partie de poursuivre ses efforts en vue de faciliter la naturalisation en instituant l'enregistrement de facto du domicile et en assouplissant les modalités et les conditions devant être remplies pour en bénéficier. Le Comité recommande à l'État partie d'établir des procédures spéciales pour la détermination du statut des enfants non accompagnés et de délivrer les documents requis pour permettre aux demandeurs d'asile de séjourner légalement en Arménie. Il lui recommande en outre d'empêcher l'enrôlement des réfugiés dans l'armée. Le Comité recommande également à l'État partie de poursuivre les efforts qu'il a consacrés à l'enseignement de l'arménien aux enfants réfugiés et de faire face à la tendance à l'abandon scolaire parmi les enfants réfugiés. Il encourage l'État partie à continuer de développer sa coopération avec des organismes internationaux tels que le HCR et l'UNICEF en vue de faire face aux problèmes que pose l'insuffisance des services de santé, d'éducation et de réadaptation dont disposent les enfants réfugiés, en particulier ceux qui se trouvent dans des régions isolées.
Réadaptation des enfants touchés par des conflits armés (art. 38 et 39)
48. Le Comité est préoccupé par les effets néfastes des récents conflits armés sur les enfants. La conscription présumée de jeunes enfants dans les forces armées de l'État partie est un autre sujet d'inquiétude.
49. Compte tenu de l'article 38 et des autres articles de la Convention relatifs à la question, le Comité recommande à l'État partie d'assurer en permanence le respect des droits de l'homme et des règles du droit humanitaire destinées à assurer la protection et les soins nécessaires aux enfants en cas de conflit armé et de dispenser les soins et les services de réadaptation physique et psychologique requis à ces enfants. Il lui recommande également de s'abstenir d'enrôler des enfants dans les forces armées.
Exploitation économique (art. 32)
50. Le Comité note avec préoccupation que les effets néfastes de l'actuelle crise économique font qu'un nombre croissant d'enfants quittent l'école pour se livrer à une activité professionnelle. Il considère en outre inquiétant le fait que des enfants travaillent dans le secteur non structuré, en particulier dans l'agriculture, souvent dans des conditions dangereuses. Le Comité est en outre préoccupé par le fait qu'il n'y ait pas une prise de conscience suffisante des conséquences néfastes du travail des enfants et par l'absence de mesures appropriées pour faire face à ce phénomène en Arménie.
51. Le Comité recommande à l'État partie de veiller à ce que l'âge minimum d'admission à l'emploi soit appliqué. Les employeurs devraient être obligés d'avoir et de produire sur demande des documents attestant l'âge de tous les enfants qu'ils emploient. Il convient, en outre, de mettre en place un mécanisme national pour surveiller l'application des normes aux niveaux central et local; ce mécanisme devrait être habilité à recevoir et examiner les allégations de violation. Le Comité recommande à l'État partie de procéder, au niveau national, à une étude sur les caractéristiques et l'ampleur du travail des enfants. Il lui recommande en outre de mener des campagnes pour informer et sensibiliser le grand public, en particulier les parents et les enfants, quant aux risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles, ainsi que d'associer et de former les employeurs, les travailleurs, le personnel des organisations de la société civile ainsi que les hauts fonctionnaires, tels que les inspecteurs du travail et les responsables de l'application des lois, et d'autres professionnels concernés. L'État partie devrait solliciter à cet effet l'assistance d'organismes compétents des Nations Unies tels que l'OIT et l'UNICEF, ainsi que des ONG. Il est également recommandé à l'État partie de ratifier les Conventions de l'OIT, No 138 concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, et No 182 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination.
Abus de drogues (art. 33)
52. Le Comité est préoccupé par la consommation et le trafic croissants de drogues et par le pourcentage alarmant de fumeurs parmi les personnes âgées de moins de 18 ans.
53. Le Comité recommande à l'État partie d'élaborer un plan national de lutte contre la drogue, ou un plan directeur, en s'inspirant du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues. Il encourage l'État partie à poursuivre ses efforts en vue de fournir aux enfants une information précise et objective sur la consommation de substances psychoactives, y compris le tabac, de protéger les enfants des effets nocifs des informations erronées en imposant de vastes restrictions à la publicité sur le tabac. Le Comité recommande en outre à l'État partie de créer des services de réadaptation pour les enfants victimes de l'abus de substances psychoactives. Il lui recommande aussi de coopérer avec l'OMS et l'UNICEF et de solliciter l'assistance de ces deux organisations.
Exploitation sexuelle et sévices sexuels (art. 34)
54. Le Comité est préoccupé par le fait qu'il n'y ait pas assez de données sur les sévices sexuels à enfant et de l'exploitation sexuelle des enfants et que l'on ne soit pas suffisamment conscient de ces phénomènes en Arménie, et par l'absence d'une démarche globale et intégrée pour les prévenir et les combattre.
55. Le Comité recommande à l'État partie d'entreprendre à l'échelle nationale une étude de la nature et de l'ampleur des sévices sexuels à enfant et de l'exploitation sexuelle des enfants, et de recueillir en la matière des données détaillées et à jour qui puissent servir de base pour la formulation de politiques et l'évaluation des progrès. Le Comité recommande en outre à l'État partie de revoir sa législation et de veiller à ce que les sévices sexuels à enfant et l'exploitation sexuelle des enfants y soient interdits et à ce que tous ceux qui enfreignent la loi en la matière, aussi bien la nationaux que les étrangers, soient punis tout en évitant que les enfants victimes de ces pratiques ne soient pas pénalisés. Le Comité recommande à l'État partie de faire en sorte que la législation nationale relative à l'exploitation sexuelle des enfants soit sexuellement neutre, que des moyens de recours au civil soient disponibles, en cas de violation et que les procédures soient simplifiées de façon à faciliter l'adoption en temps voulu de contre-mesures appropriées, adaptées à la situation des enfants et respectueuses des victimes, que des dispositions législatives soient adoptées pour mettre à l'abri de la discrimination et des représailles ceux qui dénoncent les violations et que les lois soient rigoureusement appliquées. Des programmes de réinsertion devraient être élaborés et des refuges créés pour les enfants victimes de sévices et d'exploitation sexuels. Il y a d'autre part un besoin de personnel qualifié. Le Comité recommande également à l'État partie de mener des campagnes pour mobiliser le grand public et le sensibiliser au droit de l'enfant à l'intégrité physique et mentale et à son droit de ne pas faire l'objet d'une exploitation sexuelle. La coopération bilatérale et régionale, notamment avec les pays voisins, devrait être renforcée.
Administration de la justice pour mineurs (art. 37, 40 et 39)
56. Le Comité est vivement préoccupé par l'absence d'un système de justice pour mineurs en Arménie, en particulier par l'absence de lois et de procédures spéciales et de tribunaux pour mineurs. Il tient en outre à exprimer sa préoccupation au sujet de la durée excessive de la détention avant jugement et de l'accès limité des visiteurs aux détenus pendant cette période; le fait que la détention n'est pas une mesure de dernier ressort, la lourdeur des peines, qui sont souvent disproportionnées par rapport à la nature des infractions, les conditions de détention et le fait que les mineurs sont souvent détenus avec des adultes sont d'autres sujets d'inquiétude. Le Comité est également préoccupé par l'absence de services de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale des délinquants juvéniles.
57. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour intégrer pleinement dans sa législation et dans sa pratique les dispositions de la Convention, en particulier les articles 37, 40 et 39 ainsi que d'autres normes des Nations Unies applicables en la matière, notamment les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad, les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de leur liberté et les Directives (de Vienne) relatives aux enfants dans le système de justice pénale. Il faudra veiller en particulier à faire en sorte que la privation de liberté soit une mesure de dernier ressort, à ce que les enfants aient accès à l'assistance juridique et à ce qu'ils ne soient pas détenus avec des adultes. En outre des services et des programmes pour la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale des mineurs devraient être élaborés.
58. Le Comité recommande à l'État partie de tenir compte des recommandations adoptées lors de sa Journée de débat général sur l'administration de la justice pour mineurs (CRC/C/46). En outre, il lui recommande de solliciter une assistance, notamment auprès du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, du Centre de la prévention de la criminalité internationale, du Réseau international en matière de justice pour mineurs et de l'UNICEF, par l'intermédiaire du Groupe de coordination des services consultatifs et de l'assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs.
59. Enfin, le Comité recommande que conformément au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, l'État partie assure à son rapport initial une large diffusion auprès du public et envisage la possibilité de publier ledit rapport ainsi que les réponses écrites aux questions soulevées par le Comité, le compte rendu des séances consacrées à l'examen du rapport et les observations finales adoptées par le Comité. Le document ainsi produit devrait être largement diffusé pour susciter des débats et contribuer à faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi auprès des pouvoirs publics, du Parlement et du grand public, notamment des organisations non gouvernementales concernées.