COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
Trente‑cinquième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES
ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Observations finales: Royaume des Pays‑Bas
(Pays‑Bas et Aruba)*
1. Le Comité a examiné les
rapports présentés par le Royaume des Pays‑Bas, soit le deuxième rapport
périodique des Pays‑Bas (CRC/C/117/Add.1) et le rapport initial d’Aruba
(CRC/C/117/Add.2), à ses 928e et 929e séances (voir
CRC/C/SR.928 et 929), tenues le 19 janvier 2004, et a adopté à
sa 946e séance (voir CRC/C/SR.946), tenue le
30 janvier 2004, les observations finales ci‑après.
A. Introduction
2. Le Comité se félicite de la
présentation des rapports de l’État partie, ainsi que des réponses écrites
détaillées à sa liste des points à traiter (CRC/C/Q/NLD/2), qui lui ont permis
de se faire une meilleure idée de la situation des enfants dans l’État partie.
Il note également avec satisfaction que l’État partie était représenté par une
délégation pluridisciplinaire de haut niveau, avec laquelle il a pu avoir un
dialogue franc et ouvert.
3. Le Comité réitère par
ailleurs la préoccupation qu’il avait déjà exprimée dans ses observations
finales sur le rapport du Royaume des Pays‑Bas (Antilles néerlandaises)
(CRC/C/15/Add.186, par. 2) quant au fait que le Royaume des Pays‑Bas,
bien qu’étant un État partie unitaire, a présenté des rapports distincts pour
chacune des trois entités autonomes qui le composent. Le Comité
demande donc de nouveau à l’État partie de soumettre un troisième rapport
périodique d’ensemble qui portera sur les trois entités.
B. Aspects positifs
4. Le Comité observe avec satisfaction
que l’État partie s’est attaché à améliorer la coordination des
politiques, notamment en créant aux Pays‑Bas, en 2004, un poste
de commissaire à la jeunesse.
5. Le Comité salue les
initiatives prises par l’État partie pour associer davantage les jeunes
à l’élaboration des politiques, dont la mise en place à Aruba, en 2003,
d’un Conseil national de la jeunesse et d’un parlement de la
jeunesse.
6. Le Comité se félicite des
réformes législatives qui ont été menées pour améliorer la mise en œuvre de la
Convention, en particulier:
a) La
modification en 2003 des dispositions du Code pénal d’Aruba relatives
aux infractions sexuelles;
b) L’adoption
en 2001 de la loi sur le travail et le soin d’autrui;
c) L’entrée
en vigueur en 1998 de la loi sur l’aide aux jeunes handicapés.
7. Le Comité note aussi avec satisfaction que, conformément à l’objectif
fixé par l’Organisation des Nations Unies, l’État partie
consacre désormais au moins 0,7 % de son revenu national brut
à l’aide publique au développement.
C. Principaux sujets de préoccupation et
recommandations
1. Mesures d’application générales
Recommandations antérieures
du Comité
8. Le Comité relève avec
satisfaction qu’il a été tenu compte, par l’adoption de mesures législatives et de politiques, de plusieurs
préoccupations qu’il avait exprimées et recommandations qu’il avait
faites (CRC/C/15/Add.114, 26 octobre 1996) à l’issue de l’examen du
rapport initial de l’État partie relatif aux Pays‑Bas (CRC/C/51/Add.1).
Il regrette toutefois que certaines de ses recommandations n’aient
pas été suffisamment suivies, notamment celles qui concernaient l’institution d’un mécanisme indépendant chargé de
suivre la mise en œuvre des droits de l’enfant, tel un médiateur
pour les enfants (par. 12), la protection de remplacement et la nécessité
de trouver d’autres solutions que le placement en établissement pour les
enfants privés de leur milieu familial (par. 16), les mutilations
sexuelles féminines (par. 18) et la sensibilisation aux droits de
l’homme (par. 21). Ces préoccupations et recommandations
sont réitérées dans le présent document.
9. Le Comité demande instamment à l’État partie de ne
ménager aucun effort pour donner effet aux recommandations figurant dans les
observations finales relatives au rapport initial qui n’ont pas encore été
appliquées, de même qu’à celles qui sont formulées dans les présentes
observations finales concernant le Royaume des Pays‑Bas.
Réserves
10. Le Comité est préoccupé par
les réserves que l’État partie a émises concernant les articles 26, 37 et
40 lors de son adhésion à la Convention.
11. À la lumière de la Déclaration et du Programme d’action
de Vienne adoptés en 1993 par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme,
le Comité recommande à l’État partie de retirer les réserves qu’il a formulées
à l’égard de la Convention.
Législation
12. Comme il a été dit plus haut (par. 6), le Comité se félicite des réformes qui ont été opérées en vue de mieux adapter la législation interne aux dispositions de la Convention. Il constate néanmoins avec préoccupation que certains textes internes des Pays‑Bas et d’Aruba ne sont pas encore pleinement conformes aux principes et dispositions de la Convention, notamment en ce qui concerne l’enseignement dans les langues minoritaires et la justice pour mineurs, ainsi que l’instruction obligatoire à Aruba.
13. Le Comité recommande à l’État partie de
prendre toutes les mesures voulues pour faire en sorte que les législations
internes des Pays‑Bas et d’Aruba soient pleinement conformes aux
principes et dispositions de la Convention, notamment en ce qui concerne
l’enseignement dans les langues minoritaires et la justice pour mineurs, ainsi
que l’instruction obligatoire à Aruba.
Coordination
14. Tout en reconnaissant les efforts qui ont été déployés pour améliorer la coordination des politiques, le Comité craint que la concertation entre les ministères, de même qu’entre les autorités nationales et les autorités locales, ne soit insuffisante.
15. S’agissant des Pays‑Bas, le Comité
recommande à l’État partie de faire en sorte que le Commissaire à la jeunesse
facilite la coordination entre les ministères ainsi qu’entre les autorités
fédérales et les autorités locales, et de lui allouer à cet effet des
ressources financières et humaines suffisantes. Il recommande en outre à l’État
partie d’évaluer l’efficacité de l’action du Commissaire à la jeunesse en vue
d’établir un mécanisme permanent chargé de coordonner la mise en œuvre de la
Convention.
16. Pour ce qui est d’Aruba, le Comité
recommande à l’État partie de veiller à ce que la Commission nationale des
droits de l’enfant soit dotée de ressources financières et humaines suffisantes
pour pouvoir s’acquitter efficacement de son mandat.
Plan d’action national
17. Le Comité regrette l’absence dans l’État partie d’un plan d’action national d’ensemble en faveur de l’enfance.
18. En ce qui concerne les Pays‑Bas,
le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’élaboration et l’adoption
de l’actuel plan d’action pour la mise en œuvre du document final de la session
extraordinaire que l’Assemblée générale des Nations Unies a consacrée aux
enfants en mai 2002 (Un monde digne des enfants) et de veiller à ce que
ce plan d’action tienne compte de tous les aspects de la Convention.
19. Au sujet d’Aruba, le Comité recommande à
l’État partie de revoir sa politique de la jeunesse pour la période
2001‑2005 de façon qu’elle englobe tous les domaines visés par la
Convention pour tous les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans.
Suivi indépendant
20. Le Comité a appris avec satisfaction de la part de la délégation qu’un membre du Parlement des Pays‑Bas avait déposé une proposition de loi portant création d’un poste de médiateur pour les enfants. Il note par ailleurs qu’une étude réalisée en 2002 à la demande du Gouvernement néerlandais a abouti à une conclusion allant dans le même sens. Le Comité regrette qu’il n’y ait pas été donné suite et réitère par conséquent sa préoccupation devant l’absence d’un mécanisme indépendant chargé notamment de suivre et d’évaluer de façon systématique les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Convention, et habilité à recevoir et à examiner les plaintes déposées par des particuliers concernant des violations des droits de l’homme commises aux Pays‑Bas et à Aruba.
21. Eu égard à ses recommandations
antérieures et à la conclusion de l’étude de 2002 susmentionnée, le Comité prie
instamment l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour créer, tant
aux Pays‑Bas qu’à Aruba, un poste de médiateur pour les enfants,
conformément à l’observation générale no 2 du Comité (2002) sur
le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de
l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant et aux
Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et
la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de
l’Assemblée générale, annexe). Les Pays‑Bas et Aruba étant dotés de
cadres institutionnels différents, le Comité suggère à l’État partie d’établir
un mécanisme indépendant et efficace dans chacune des deux entités. Les
médiateurs pour les enfants ainsi mis en place devraient surveiller
l’application de la Convention, examiner avec tact et diligence les
plaintes émanant d’enfants et offrir des voies de recours en cas de violation
des droits que la Convention reconnaît à ces derniers. Ils devraient aussi être
dotés de ressources humaines et financières suffisantes et être facilement
accessibles aux enfants.
Ressources consacrées aux enfants
22. Tout en relevant que les dotations budgétaires en faveur de l’enfance sont relativement importantes, le Comité est préoccupé par le fait que, ces dernières années, les ressources financières consacrées à l’éducation, à la protection de l’enfance et à la prévention des sévices à enfant ont diminué et que, aux Pays‑Bas, les fonds alloués à l’aide juridique aux enfants et aux activités des organisations de jeunesse ont été sensiblement réduits, ce qui met en péril la continuité des services.
23. Le Comité recommande à l’État partie
d’accorder une attention particulière à la pleine application de
l’article 4 de la Convention en définissant ses priorités budgétaires
d’une manière propre à garantir la réalisation des droits économiques, sociaux
et culturels des enfants, notamment ceux qui appartiennent aux groupes économiquement
défavorisés, «dans toutes les limites des ressources dont il dispose».
Collecte de données
24. Le Comité accueille avec satisfaction les données statistiques fournies par l’État partie dans ses réponses écrites à la liste de questions (CRC/C/RESP/48) mais déplore l’absence d’informations sur la manière dont elles sont collectées. Il regrette en outre qu’aux Pays‑Bas les statistiques semblent être ventilées par classe d’âge jusqu’à 25 ans, si bien qu’il est difficile d’apprécier la situation des enfants de moins de 18 ans.
25. Le Comité recommande à l’État partie de
mettre au point un système de collecte des données qui soit compatible
avec la Convention et permette de recueillir des données ventilées par sexe,
par âge et en fonction d’autres indicateurs pertinents. Ce système devrait
prendre en considération tous les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans et
mettre plus spécifiquement l’accent sur les plus vulnérables d’entre eux,
notamment ceux qui sont privés de leur milieu familial, les victimes de sévices,
d’exploitation sexuelle et de traite et les enfants en conflit avec la
loi. Il conviendrait par ailleurs d’utiliser les données recueillies pour
élaborer des programmes et des politiques aux fins de la mise en œuvre
de la Convention.
Coopération avec la société civile
26. Le Comité prend acte avec satisfaction de la coopération qui s’est instaurée entre l’État partie et les organisations non gouvernementales (ONG) pour la rédaction du rapport, et du soutien financier que l’État partie a accordé aux ONG pour l’élaboration d’un rapport distinct dont le Comité a été saisi. Le Comité estime cependant qu’il serait possible d’intensifier et de rendre plus systématique encore la coopération avec la société civile.
27. Le Comité recommande à l’État partie de
s’attacher systématiquement à coopérer avec la société civile pour la mise en
œuvre de la Convention, y compris lorsqu’il s’agit d’élaborer des politiques.
Diffusion et formation
28. Le Comité prend note avec satisfaction des efforts accomplis par l’État partie pour faire largement connaître les dispositions et principes de la Convention, mais il estime qu’ils sont encore insuffisants.
29. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre les efforts qu’il déploie pour assurer une large diffusion des principes et dispositions de la Convention auprès des adultes et des enfants et faire en sorte qu’ils soient bien compris de tous. À cet égard, il l’incite à mettre sur pied des programmes d’enseignement et de formation systématiques pertinents à l’intention des enfants, des parents et de tous les groupes de professionnels qui travaillent pour et avec les enfants, notamment les juges, les avocats, les responsables de l’application des lois, les enseignants, le personnel de santé et les travailleurs sociaux.
2.
Principes généraux
Non‑discrimination
30. Le Comité prend acte des efforts notables consentis par l’État partie pour lutter contre la discrimination raciale, dont le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale s’est fait amplement l’écho dans ses conclusions (CERD/C/304/Add.104) sur les treizième et quatorzième rapports périodiques des Pays‑Bas. Il n’en observe pas moins avec préoccupation qu’il subsiste au sein de la société des préjugés et des comportements discriminatoires, en particulier à l’égard des enfants appartenant à des minorités ethniques ainsi que des enfants réfugiés et demandeurs d’asile et que, dans certaines collectivités et écoles des Pays‑Bas, il existe toujours une ségrégation de fait entre les familles néerlandaises de souche et celles d’origine étrangère. En ce qui concerne Aruba, le Comité s’inquiète des actes de discrimination dont sont victimes les enfants des familles de migrants, en particulier s’agissant de l’accès aux services, et du fait que la Constitution ne reconnaît pas la discrimination fondée sur le handicap.
31. Le Comité recommande à l’État partie de
redoubler d’efforts pour faire appliquer les lois qui garantissent le
principe de non‑discrimination et le strict respect de l’article 2
de la Convention, et d’adopter une stratégie d’ensemble à caractère
volontariste en vue d’éliminer la discrimination de tous ordres et contre tous
les groupes vulnérables, quels qu’ils soient. Le Comité demande à l’État
partie d’œuvrer tout particulièrement à l’élimination des stéréotypes négatifs
dont sont victimes les enfants réfugiés et demandeurs d’asile aux Pays‑Bas
et de s’attaquer aux causes profondes de la ségrégation de fait qui s’exerce
dans les écoles et les collectivités locales. Il recommande en outre à l’État
partie de garantir aux enfants des familles de migrants d’Aruba l’accès,
dans des conditions d’égalité, à l’éducation, aux soins de santé et aux autres
services, et de veiller à ce qu’il existe des textes législatifs
protégeant les enfants handicapés de la discrimination.
32. Le Comité demande à l’État partie de
fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les
mesures et programmes pertinents au regard de la Convention relative aux
droits de l’enfant qu’il aura mis en œuvre pour donner suite
à la Déclaration et au Programme d’action adoptés en 2001 à la
Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie
et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte de l’observation
générale no 1 du Comité sur le paragraphe 1
de l’article 29 de la Convention (buts de l’éducation).
Droit à la vie, à la survie et au développement
33. Le Comité note que l’euthanasie demeure une infraction en vertu de l’article 293 du Code pénal, mais qu’elle ne donne pas lieu à des poursuites si elle est pratiquée par un médecin qui respecte les critères expressément énoncés au paragraphe 2 dudit article et observe les procédures prescrites par les textes législatifs et réglementaires. Étant donné que cette législation est également applicable aux mineurs âgés de 12 ans ou plus, qu’elle dispose que des demandes d’euthanasie expresses et répétées doivent avoir été faites par l’enfant et qu’elle requiert le consentement des parents si l’enfant a moins de 16 ans, le Comité s’inquiète du contrôle exercé sur de telles demandes, d’une part parce qu’il n’intervient qu’a posteriori et d’autre part parce que les médecins ne notifient pas tous les cas. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des membres du personnel médical ont mis fin à la vie de nouveau‑nés présentant de graves malformations.
34. Eu égard aux recommandations formulées à
cet égard par le Comité des droits de l’homme (CCPR/CO/72/NET,
par. 5), le Comité recommande à l’État partie:
a) De jauger fréquemment et,
au besoin, de réviser les règles et procédures appliquées aux Pays‑Bas en
ce qui concerne l’euthanasie sur demande pour faire en sorte que les enfants, y
compris les nouveau‑nés souffrant de graves malformations, bénéficient
d’une protection spéciale et que les règles et procédures en vigueur soient
conformes à l’article 6 de la Convention;
b) De prendre toutes les
mesures nécessaires pour contrôler plus strictement la pratique de
l’euthanasie et veiller à ce que tous les cas soient notifiés, et pour garantir
la prise en considération de l’état mental et psychologique de l’enfant et
des parents ou tuteurs demandant l’euthanasie lorsqu’il est statué sur une
telle demande;
c) De fournir dans son
prochain rapport périodique un complément d’information sur l’application des
lois et règlements relatifs à l’euthanasie sur demande.
Respect des opinions de l’enfant
35. Le Comité se félicite de la création, tant aux Pays‑Bas qu’à Aruba, d’un Conseil national de la jeunesse, et du soutien financier accordé par l’État partie à ces deux nouvelles structures. Il se félicite de même de l’enquête lancée en 2002 aux Pays‑Bas aux fins d’associer les jeunes de 12 à 18 ans au débat portant sur leurs droits, qui a montré que les intéressés connaissaient très bien ces droits et leur a permis d’exprimer leurs préoccupations sur la question. Il craint toutefois qu’aux Pays‑Bas, les organisations regroupant des jeunes d’origine étrangère n’aient pas pu exercer pleinement leur droit d’exprimer librement leurs opinions et d’obtenir qu’elles soient prises en considération.
36. Le Comité recommande à l’État partie, en
ce qui concerne les Pays‑Bas, de renforcer le soutien qu’il apporte au
Conseil national de la jeunesse et aux organisations de jeunesse ainsi que
d’intensifier l’appui qu’il fournit aux organisations composées de jeunes
d’origine étrangère et d’intégrer ces organisations dans des réseaux de
dialogue et de consultation. Il lui recommande par ailleurs de continuer
d’appuyer le Conseil national de la jeunesse d’Aruba et le prie instamment
d’appuyer l’organisation dans l’île d’une enquête auprès des jeunes sur leurs
droits, du type de celle qui a été menée aux Pays‑Bas.
3.
Libertés et droits civils
Enregistrement des naissances
37. Le Comité partage les préoccupations de l’État partie face au nombre important de naissances non enregistrées à Aruba.
38. Le Comité recommande à l’État partie
d’intensifier ses efforts à Aruba pour assurer l’enregistrement de toutes les
naissances, y compris celles des enfants de migrants en situation irrégulière.
Il suggère à cet égard à l’État partie d’étudier les possibilités
de coopération entre Aruba et les
Antilles néerlandaises, et éventuellement d’autres pays de la région.
4.
Milieu familial et protection de remplacement
Responsabilités parentales
39. Le Comité juge préoccupante la réduction des fonds alloués aux établissements, structures et services de prise en charge des enfants, y compris les garderies, dans l’État partie, qui s’est traduite par l’apparition de listes d’attente et la fragmentation des services destinés à aider les parents à exercer leurs responsabilités vis‑à‑vis de l’enfant.
40. Eu égard à l’article 18 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie d’évaluer les services
disponibles pour aider les parents à exercer leurs responsabilités vis‑à‑vis
de l’enfant afin de déterminer les causes du phénomène des listes d’attente
aux Pays‑Bas et d’évaluer la qualité des services fournis. Il
recommande en outre à l’État partie, pour l’ensemble du Royaume, d’allouer
davantage de fonds aux structures et services d’accueil de qualité et d’en
augmenter le nombre, d’appuyer les programmes d’éducation parentale, notamment
à l’intention des parents d’enfants et d’adolescents défavorisés et
vulnérables, et de faire en sorte que tous les enfants et adolescents dont
les parents travaillent aient accès à ces structures et services.
41. Le Comité s’inquiète, comme l’État partie, de ce que les mécanismes et établissements qui sont en place à Aruba pour assurer la protection de remplacement sont insuffisants au regard des besoins et réitère ses préoccupations quant à l’absence, aux Pays‑Bas, d’autres solutions que le placement en institution pour les enfants privés de leur milieu familial.
42. Le Comité recommande à l’État partie de
développer la protection de remplacement dans toutes les parties du Royaume,
notamment en augmentant l’offre de services de soutien et l’aide financière aux
familles d’accueil, ainsi qu’en accroissant l’effectif des foyers pour enfants
d’Aruba de façon que ces derniers bénéficient de l’attention voulue à tout
moment, y compris pendant les week-ends.
Violence, sévices et abandon moral
43. Le Comité relève avec satisfaction qu’aux Pays‑Bas la loi sur la protection de la jeunesse, qui vise à améliorer l’efficacité des services de protection de l’enfance et oblige notamment le personnel médical à signaler les cas où il soupçonne une maltraitance à enfant, a été adoptée par la chambre basse du Parlement et est en attente d’adoption par le Sénat. Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait qu’il existe encore aux Pays‑Bas des listes d’attente pour l’accès aux services destinés aux victimes de sévices et que les ressources financières consacrées à la prévention de la maltraitance ainsi qu’aux services de réadaptation et d’assistance sociopsychologique sont insuffisantes. Le Comité partage aussi les préoccupations de l’État partie devant l’absence à Aruba d’une politique clairement définie de prévention de la maltraitance et de l’abandon moral des enfants et d’aide aux victimes, et devant l’insuffisance des services qui existent dans ce domaine. Il observe aussi avec préoccupation que la loi n’interdit pas les châtiments corporels au sein de la famille.
44. Le
Comité recommande à l’État partie:
a) De veiller à ce qu’il
existe, tant aux Pays‑Bas qu’à Aruba, une politique clairement définie
relative à la maltraitance et à l’abandon moral des enfants, qui englobe la
prévention, le signalement des cas et l’aide aux victimes, et à ce que des
ressources financières et humaines suffisantes soient dégagées pour sa mise en
œuvre;
b) De veiller, en ce qui
concerne les Pays‑Bas, à ce que la loi sur la protection de la jeunesse
soit conforme aux dispositions et principes de la Convention et d’accélérer sa
mise en vigueur;
c) De promulguer le décret
du Gouvernement arubais de 1993 portant création d’un bureau d’expertise
médicale chargé d’enregistrer les cas de maltraitance et d’abandon moral
d’enfants et de coordonner l’investigation des cas et le traitement des
victimes dans le respect de leur sensibilité;
d) De faire en sorte que la loi interdise expressément les châtiments corporels sur l’ensemble du territoire de l’État partie, de lancer des campagnes visant à sensibiliser le public aux conséquences négatives des mauvais traitements infligés aux enfants et de promouvoir des formes de discipline non violentes pour remplacer les châtiments corporels.
5.
Santé de base et bien‑être
Enfants handicapés
45. Le Comité se félicite de la poursuite des efforts visant à intégrer les enfants handicapés dans le système éducatif ordinaire, notamment aux Pays‑Bas. Il constate toutefois avec préoccupation que dans cette partie du Royaume, les enfants handicapés doivent attendre très longtemps avant de pouvoir bénéficier des services et programmes prévus à leur intention. Le Comité s’inquiète par ailleurs de ce que, à Aruba, les enfants handicapés ne sont pas pleinement intégrés dans la société.
46. Conformément aux Règles pour l’égalisation
des chances des handicapés (résolution 48/96 de l’Assemblée générale du 20 décembre 1993),
le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts en faveur
de l’insertion des enfants handicapés dans le système éducatif ordinaire et
dans la vie de la cité et, à cet effet:
a) De
prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’il n’y ait plus aux Pays‑Bas
de listes d’attente pour l’accès aux services et programmes destinés aux
enfants handicapés;
b) De
développer les possibilités d’éducation offertes aux enfants handicapés
d’Aruba, y compris ceux qui souffrent de difficultés d’apprentissage, au
niveau de l’enseignement secondaire;
c) D’améliorer
l’accessibilité physique des établissements scolaires, des structures de
loisirs et des installations récréatives d’Aruba, et des autres bâtiments et
espaces publics de l’île;
d) De
mener des campagnes de sensibilisation pour abolir les préjugés à l’égard des
enfants handicapés, et de favoriser la pleine insertion de ceux-ci dans la
société.
Santé et soins de santé
47. Le Comité se félicite de ce que toutes les entités de l’État partie enregistrent des taux de mortalité infantile et juvénile peu élevés, mais observe avec préoccupation que les taux de vaccination sont relativement bas dans certaines communautés religieuses. Il s’inquiète aussi de l’accroissement des taux d’infection à VIH des mères et des enfants.
48. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De
faire tout le nécessaire, en collaboration avec les parents et les autorités
religieuses, pour assurer la vaccination universelle des enfants;
b) De
prendre toutes mesures utiles pour réduire la transmission du VIH/sida de la
mère à l’enfant, y compris mais non exclusivement en administrant des
antirétroviraux aux femmes enceintes séropositives.
Santé des adolescents
49. Le Comité constate avec préoccupation que les services de santé mentale destinés aux adolescents sont insuffisants dans l’État partie et que la toxicomanie et l’alcoolisme y sont très répandus. Il s’inquiète aussi de l’accroissement des grossesses précoces et de la propagation des infections sexuellement transmissibles aux Pays‑Bas ainsi que du peu de services existant à Aruba à l’intention des mères adolescentes, qui sont parfois exclues des écoles.
50. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De
prendre toutes les mesures financières et administratives requises pour faire
en sorte qu’il existe suffisamment de services de santé mentale destinés aux
adolescents;
b) De
faire tout le nécessaire pour prévenir la toxicomanie et l’alcoolisme,
notamment en organisant des campagnes de sensibilisation, et de veiller à ce
qu’il existe suffisamment de services de réadaptation expressément destinés aux
enfants et aux adolescents;
c) De
renforcer les programmes d’éducation sexuelle, notamment dans les écoles, ainsi
que les consultations en matière d’hygiène de la procréation destinées aux
adolescents, et de prendre des mesures efficaces pour prévenir les grossesses
précoces;
d) De
fournir aux mères adolescentes d’Aruba une aide appropriée et de veiller à ce
qu’elles puissent achever leur scolarité.
6.
Éducation, loisirs et activités culturelles
51. Le Comité prend note des informations communiquées par la délégation selon lesquelles les efforts visant à prévenir l’abandon scolaire et à aider les élèves en décrochage aux Pays‑Bas et à Aruba vont être intensifiés, tandis qu’il est prévu de développer l’enseignement bilingue (papiamento et néerlandais) dans les écoles secondaires d’Aruba. Il constate néanmoins avec inquiétude que l’enseignement primaire n’est pas obligatoire à Aruba et que l’éducation préscolaire n’est pas universellement assurée sur le territoire de l’État partie.
52. Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’accélérer
les efforts déployés pour combattre l’absentéisme et l’abandon scolaire;
b) De
veiller à ce que tous les enfants aient accès à une éducation préscolaire de
qualité dont le coût soit abordable;
c) D’accélérer,
à Aruba, l’adoption du décret national sur l’instruction obligatoire et de
veiller à ce qu’il soit appliqué, y compris aux enfants des migrants en
situation irrégulière;
d) De
faire en sorte qu’il existe à Aruba suffisamment de matériel pédagogique en
papiamento pour les élèves des cycles primaire et secondaire;
e) D’intégrer
l’enseignement des droits de l’homme dans les programmes scolaires à la fois
aux Pays‑Bas et à Aruba.
7.
Mesures spéciales de protection
Enfants réfugiés et demandeurs d’asile
53. Le Comité relève avec préoccupation qu’aux Pays‑Bas la définition du mineur demandeur d’asile non accompagné n’est pas conforme aux normes internationales, si bien qu’il peut être difficile pour les enfants concernés d’avoir accès aux services de base lorsqu’ils se trouvent dans le pays. Il observe aussi avec inquiétude que la pratique consistant à traiter et à rejeter une proportion de plus en plus importante des demandes d’octroi du statut de réfugié dans le cadre de la procédure accélérée d’examen en 48 heures est contraire à l’article 22 de la Convention et aux normes internationales. Par ailleurs, le Comité est préoccupé de ce que les enfants dont la demande d’asile est rejetée sont placés en rétention dans des camps fermés où les possibilités en matière d’enseignement et de loisirs sont limitées. Enfin, le Comité déplore l’absence de procédures formelles d’asile et de protection à Aruba et les pratiques en vigueur concernant la rétention et l’expulsion des migrants en situation irrégulière.
54. Le Comité recommande à
l’État partie, en ce qui concerne les Pays‑Bas:
a) De
revoir la loi sur les étrangers de 2001 et ses modalités d’application pour les
rendre pleinement conformes aux normes internationales relatives aux réfugiés
ainsi qu’aux dispositions de la Convention;
b) De
modifier la définition du mineur demandeur d’asile non accompagné figurant dans
cette loi de façon à l’adapter aux normes internationales;
c) De
faire en sorte que la détermination du statut de réfugié des mineurs soit
conforme aux normes internationales et, par conséquent, de reconsidérer la
procédure accélérée d’examen en 48 heures;
d) De
veiller à ce que les enfants dont la demande d’asile a été rejetée ne soient
placés en détention qu’en dernier ressort et à ce que tous les enfants en
attente d’expulsion aient accès à un enseignement et à un logement adéquats.
55. Le Comité recommande à l’État partie, en ce
qui concerne Aruba, de mettre en place, en coopération avec le Haut‑Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés, des procédures officielles d’asile et
de protection des réfugiés qui soient conformes à la Convention ainsi qu’aux
normes internationales applicables.
Exploitation sexuelle et traite des enfants
56. Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie aux Pays‑Bas pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants, en particulier en dispensant une formation aux membres de la police. Il craint toutefois que l’«obligation de dépôt préalable d’une plainte» par les victimes de plus de 12 ans et l’exigence de la «double incrimination» ne fassent obstacle à l’engagement de poursuites contre les auteurs de sévices sexuels à enfant commis aux Pays‑Bas et à l’étranger. Pour ce qui est d’Aruba, le Comité relève avec préoccupation que les enfants sont exposés à la traite à des fins de trafic de drogues ou d’exploitation sexuelle, notamment par le biais du tourisme.
57. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) D’élaborer,
tant pour les Pays-Bas que pour Aruba, un plan d’action national contre
l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, selon ce qui a été
convenu par les premier et second Congrès mondiaux contre l’exploitation
sexuelle des enfants à des fins commerciales (1996 et 2001) et de renforcer la
coopération régionale en la matière;
b) En ce qui concerne les
Pays‑Bas, de modifier la législation aux fins de supprimer l’obligation
de dépôt préalable d’une plainte et l’exigence de la double incrimination pour
l’engagement de poursuites contre les auteurs de délits sexuels commis sur
la personne d’enfants;
c) De renforcer les moyens
dont disposent les services de la police des Pays‑Bas et d’Aruba pour
recevoir et examiner avec le tact voulu les plaintes concernant la traite et l’exploitation
sexuelle des enfants, notamment en leur attribuant davantage de ressources
humaines et financières et, le cas échéant, en dispensant à leurs membres une
formation appropriée;
d) De veiller à ce que tous
les enfants victimes de la traite et de la prostitution dans l’État partie
aient accès à des programmes et services de réadaptation et de réintégration
appropriés;
e) De mener une étude
approfondie sur la traite et l’exploitation sexuelle des enfants à Aruba,
y compris sur l’éventuelle existence d’un tourisme sexuel.
Justice pour mineurs
58. Le Comité est préoccupé par le fait que, dans l’État partie:
a) Les enfants âgés de 16 à 18 ans qui transgressent la loi peuvent se voir condamnés aux mêmes peines que les adultes;
b) Aux Pays‑Bas, une proportion croissante d’enfants délinquants sont condamnés à des peines d’emprisonnement;
c) Aux Pays‑Bas, les mineurs délinquants sont parfois placés en détention dans des établissements qui accueillent des enfants présentant des troubles du comportement;
d) À Aruba, il n’existe guère d’autres solutions que le placement en détention pour les enfants en conflit avec la loi.
59. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De veiller à la pleine
application, à tous les enfants de moins de 18 ans, des normes relatives à la
justice pour mineurs, en particulier les articles 37, 39 et 40 de la
Convention, ainsi que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies
concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing)
et les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de
la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), compte tenu
également des débats que le Comité a eus à l’occasion de sa journée de débat
général sur l’administration de la justice pour mineurs, organisée en
1995;
b) D’apporter aux
législations en vigueur aux Pays‑Bas et à Aruba les modifications voulues
pour empêcher que des mineurs âgés de 16 à 18 ans puissent se voir imposer
une peine d’emprisonnement à vie et fixer pour cette tranche d’âge une durée
maximale;
c) De veiller à ce que, dans
le cas des mineurs délinquants, la privation de liberté n’intervienne qu’en
dernier ressort;
d) D’éviter que des mineurs
délinquants ne soient placés en détention dans des établissements qui
accueillent des enfants présentant des troubles du comportement;
e) En ce qui concerne Aruba,
d’accélérer les efforts visant à prévoir d’autres solutions que le placement en
détention pour les enfants ayant maille à partir avec la justice.
8.
Protocoles facultatifs à la Convention
60. Le Comité note que l’État partie a signé, le 7 septembre 2000, les deux Protocoles facultatifs à la Convention concernant, l’un, la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et, l’autre, l’implication d’enfants dans les conflits armés, mais constate avec préoccupation qu’il ne les a pas encore ratifiés.
61. Le Comité recommande à l’État partie
d’accélérer la ratification des Protocoles facultatifs à la Convention
concernant respectivement la vente d’enfants, la prostitution des enfants et
la pornographie mettant en scène des enfants, et l’implication d’enfants
dans les conflits armés.
9.
Diffusion des documents
62. Conformément au paragraphe 6 de l’article 44 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d’assurer à son deuxième rapport périodique et aux réponses qu’il a faites par écrit une large diffusion auprès du public, et d’envisager de publier le rapport ainsi que les comptes rendus des séances consacrées à son examen et les observations finales adoptées par le Comité. Le document ainsi produit devrait être largement diffusé de façon à susciter un débat et contribuer à faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi aux autorités de l’État, au Parlement et au grand public, y compris aux ONG concernées.
10.
Prochain rapport
63. Le
Comité compte que l’État partie lui soumettra son troisième rapport périodique,
qui devrait contenir des renseignements sur les trois entités autonomes du
Royaume des Pays‑Bas et ne pas dépasser 120 pages (voir CRC/C/118),
avant le 6 mars 2007, date à laquelle ce rapport est attendu.
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* Par pure commodité, la partie européenne du Royaume des Pays‑Bas sera simplement dénommée ci‑après «les Pays‑Bas».