COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Troisième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Conclusions du Comité des droits de l'enfant : Bolivie
1. Le Comité a examiné le rapport initial de la Bolivie (CRC/C/3/Add.2)
à ses 52ème, 53ème et 54ème séances (CRC/C/SR.52 à 54), les 14
et 15 janvier 1993, et a adopté */ les conclusions suivantes :
*/ A la 65ème séance, le 22 janvier 1993.
A. Introduction
2. Le Comité note avec satisfaction que la Bolivie, qui a été l'un des
premiers Etats à signer la Convention relative aux droits de l'enfant, a
présenté son rapport initial dans les délais. Bien que celui-ci contienne
des renseignements utiles sur le cadre législatif dans lequel la Convention
est appliquée, le dialogue engagé a permis au Comité de demander de plus
amples renseignements sur la façon dont les lois sont appliquées dans la
pratique et sur les mécanismes d'évaluation des résultats obtenus.
3. Le Comité attache une grande importance à la possibilité qu'offre
l'examen du rapport d'un Etat partie d'engager un dialogue fructueux avec
celui-ci sur la mise en oeuvre de la Convention. A ce propos, il remercie
la délégation bolivienne pour la discussion franche et utile qui a eu lieu et
pour les renseignements complémentaires qu'elle lui a fournis. Il a pu ainsi
se faire une meilleure idée de la façon dont la Convention est appliquée en
Bolivie. Il a pris note du regret de la délégation de ne compter en son sein
aucun représentant de rang élevé, envoyé par les ministères que concerne
la mise en oeuvre de la Convention, qui aurait pu tirer profit d'une
participation directe aux travaux du Comité.
B. Aspects positifs
4. Le Comité se félicite de l'adoption et de l'entrée en vigueur récentes
du nouveau code des mineurs qui, en mettant en place le cadre juridique
nécessaire à la mise en oeuvre de la Convention, représente un pas important
sur la voie d'une harmonisation de la législation et des mesures prises
avec les dispositions de la Convention. Il prend note avec satisfaction
de la procédure d'établissement des rapports, de la participation du
pouvoir judiciaire et de ce qui a été fait pour que des organisations non
gouvernementales soient associées à l'élaboration de la législation pertinente
et de la politique relative aux enfants, élargissant ainsi la participation
populaire à la mise en oeuvre de la Convention. Il relève que, chose
importante, les dispositions de cet instrument peuvent être invoquées
devant les tribunaux boliviens.
C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention
5. Le Comité note que, pour des raisons économiques, notamment le montant
élevé de la dette extérieure, il est plus difficile d'appliquer intégralement
toutes les dispositions de la Convention. Il constate avec inquiétude qu'il
n'est pas tenu suffisamment compte des besoins des enfants d'aujourd'hui
dans les considérations à long terme qui entrent en ligne de compte dans les
mesures d'ajustement structurel. Même s'il incombe à l'Etat de mettre en
oeuvre la Convention relative aux droits de l'enfant, le Comité reconnaît la
nécessité d'une assistance internationale supplémentaire pour s'attaquer plus
efficacement à la tâche qui s'impose d'améliorer la situation des enfants qui
vivent dans la misère, en particulier dans les zones rurales du pays.
6. Le Comité reconnaît également que le nouveau code des mineurs n'ayant été
adopté que depuis peu, le temps a manqué pour le mettre totalement en oeuvre
ou en mesurer l'efficacité.
D. Principaux sujets de préoccupation
7. Le Comité est préoccupé par le coût social élevé des mesures budgétaires
draconiennes qui ont été prises et qui ont des retombées négatives sur les
droits de l'enfant en Bolivie. Il se félicite de l'adoption du Plan décennal
d'action en faveur de l'enfant bolivien qui a pour objet de remédier à
certains déséquilibres actuels préjudiciables aux enfants; il souligne
toutefois la nécessité d'élaborer une stratégie globale visant à mettre en
oeuvre la Convention et celle de mettre en place un dispositif de surveillance
efficace pour l'évaluation des progrès accomplis et des difficultés
rencontrées. Pour le moment, on ne sait pas très bien comment les
organisations non gouvernementales et les citoyens participeront à la
surveillance et à l'évaluation de la mise en oeuvre de la Convention.
8. Le Comité est préoccupé de voir que, dans le code des mineurs, la
définition de l'enfant n'est pas conforme à l'article premier de la Convention.
9. Le Comité souligne qu'il importe d'appliquer toutes les dispositions de
la Convention à la lumière des principes généraux énoncés dans les articles
2,
3, 6 et 12. Il note avec préoccupation les différences de situation
et de traitement des enfants de Bolivie en fonction de la race, du sexe, de
la
langue ou de l'origine ethnique ou sociale. Les groupes vulnérables (filles,
autochtones, pauvres, etc.) sont particulièrement défavorisés en ce qui
concerne l'accès aux services de santé et aux moyens d'enseignement et sont
les premières victimes d'abus, tels que la vente, la traite et le travail des
enfants, ainsi que l'exploitation sexuelle et autres formes d'exploitation.
Il est discriminatoire que l'âge minimum auquel on peut contracter le mariage
soit plus bas pour les filles, qui bénéficient donc d'une protection moindre.
Elles sont aussi privées de ce fait de la protection qu'offrent diverses
autres dispositions de la Convention.
10. Le Comité est préoccupé par le fait que 47 % seulement des accouchements
ont lieu sous la surveillance d'un personnel médical qualifié et s'inquiète
des incidences que cela peut avoir, c'est-à-dire des risques accrus de
maladies et d'infirmités consécutives à des problèmes survenus au moment
de l'accouchement et qui auraient pu être évités. Pour remédier à cette
situation, il faudrait augmenter les crédits budgétaires et apporter un
appui suffisant aux programmes en faveur des enfants handicapés moteurs
et déficients mentaux. Il note avec préoccupation, en ce qui concerne
l'éducation, que c'est dans les groupes vulnérables d'enfants (filles,
autochtones et enfants vivant en milieu rural) que l'on trouve le plus
grand nombre d'enfants non scolarisés.
11. Pour ce qui est des articles 37 et 40, le Comité constate avec inquiétude
qu'il n'existe pas de garanties suffisantes pour protéger contre la
discrimination dans l'application de ces dispositions de la Convention,
que selon la procédure discrétionnaire en vigueur, on tienne compte, dans
le jugement d'un mineur, de sa "personnalité" car cette pratique,
telle
qu'appliquée actuellement, risque souvent d'être discriminatoire à l'endroit
des enfants vivant dans la misère et, enfin, que les enfants ne soient pas
convenablement séparés des adultes dans les centres de détention et qu'ils
puissent être détenus 45 jours - période d'une longueur excessive - avant
qu'il soit statué sur la légalité de cette détention. On ne sait pas très
bien à quel âge un enfant peut demander des consultations juridiques sans le
consentement de ses parents et la pratique dans ce domaine n'est peut-être
pas conforme à l'article 37 d) de la Convention.
12. Le Comité est tout particulièrement inquiet pour les enfants qui, pour
survivre, travaillent ou vivent dans la rue et ont besoin d'une attention
spéciale en raison des sérieux risques auxquels ils sont exposés.
E. Suggestions et recommandations
13. Le Comité recommande d'apporter au code des mineurs les modifications
voulues pour qu'il soit en tous points conforme à la Convention, en
particulier en ce qui concerne la définition du cadre législatif et
l'évaluation de ses conséquences pour les enfants, ceux surtout qui
appartiennent à des groupes vulnérables. A ce propos, il faudrait surveiller
activement l'impact du Plan décennal d'action en faveur de l'enfant bolivien
et il conviendrait que la Bolivie indique, dans son deuxième rapport
périodique, les indicateurs statistiques et autres nécessaires à l'évaluation
des progrès accomplis. Le Comité se félicite du fait que la délégation
s'est engagée à lui fournir sous peu d'autres informations sur les
indicateurs, en ce qui concerne en particulier la santé, l'éducation,
les enfants en conflit avec la loi, les enfants handicapés ou abandonnés.
14. Le Comité souligne que le principe de la non-discrimination qui est
énoncé à l'article 2 de la Convention doit être fermement appliqué.
Il faudrait en outre veiller plus activement à éliminer la discrimination à
l'encontre de certains groupes d'enfants, tout particulièrement les filles.
Le Comité note à ce propos que l'application de ce principe et celle d'autres
principes généraux de la Convention ne sauraient dépendre des ressources
budgétaires. Pour ce qui est des priorités budgétaires dans l'attribution des
ressources disponibles, l'Etat partie doit se laisser guider par le principe
de l'intérêt supérieur de l'enfant, comme il est dit à l'article 3 de la
Convention, en particulier à l'égard des groupes les plus vulnérables tels
que les filles, les enfants appartenant à un groupe autochtone et les enfants
vivant dans la misère, y compris les enfants abandonnés.
15. Le Comité encourage le Gouvernement bolivien à envisager la possibilité
d'adhérer à la Convention contre la torture et autres traitements cruels,
inhumains ou dégradants.
16. Le Comité recommande que l'Etat partie s'engage à offrir une protection
adéquate aux enfants défavorisés du point de vue économique et social qui sont
aux prises avec la loi et que des solutions autres que le placement dans des
institutions soient proposées, comme le prévoit l'article 40 (par. 3 et 4) de
la Convention.
17. Le Comité insiste sur l'utilité de porter les dispositions de la
Convention à la connaissance du public et, en particulier, des magistrats,
avocats, enseignants et membres d'autres professions qui travaillent avec
les enfants ou qui sont concernés par la mise en oeuvre de la Convention.
La formation des policiers et du personnel des établissements de rééducation
est à cet égard particulièrement importante. Des initiatives en ce sens
pourraient être efficacement prises en collaboration avec des organisations
non gouvernementales.
18. Le Comité recommande une plus large diffusion de la Convention dans
les langues locales. Il faudrait prendre des mesures pour encourager les
communautés locales à apporter leur appui aux droits de l'enfant et pour faire
de la Convention un instrument d'incitation à l'élaboration de programmes
de participation populaire bénévole. Ce serait là un moyen d'apporter un
complément aux ressources budgétaires disponibles au profit des enfants.