University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Bulgarie, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.66 (1997).



COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Quatorzième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Bulgarie


1. Le Comité a examiné le rapport initial de la Bulgarie (CRC/C/8/Add.29) de sa 345ème à sa 347ème séance, les 7 et 8 janvier 1997 (CRC/C/SR.345 à 347), et a adopté A sa 371ème séance, le 24 janvier 1997. les observations finales ci-après.


A. Introduction


2. Le Comité remercie le Gouvernement bulgare d'avoir engagé, par le truchement de sa délégation, un dialogue ouvert, constructif et fructueux. Il se félicite aussi de la présentation des renseignements supplémentaires détaillés qui lui ont été fournis par écrit. Le Comité est encouragé par la franchise et l'esprit de coopération qui ont caractérisé les débats, au cours desquels les représentants de l'Etat partie ont indiqué non seulement les orientations de ses politiques et programmes, mais aussi les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la Convention.


B. Aspects positifs

3. Le Comité note avec satisfaction que le gouvernement a consenti des efforts importants pour réformer la législation en vigueur, en adoptant notamment une nouvelle Constitution (1991) et une série de lois sur la protection sociale (1991), l'éducation nationale (1992), les centres d'hébergement d'enfants sans foyer (1995) ainsi qu'en apportant des modifications au Code pénal (1995) et à la récente loi de répression et de prévention de la délinquance juvénile (1996).

4. Le Comité se félicite que la Constitution stipule que les instruments internationaux ratifiés par la Bulgarie font partie intégrante de la législation nationale et priment sur les dispositions de cette dernière qui pourraient leur être contraires.

5. Le Comité salue la création, en 1995, du Comité de la jeunesse et de l'enfance.


C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention


6. Le Comité reconnaît les difficultés auxquelles se heurte l'Etat partie dans la présente période de transition à l'économie de marché, transition qui a eu de graves incidences sur la population, en particulier sur tous les groupes vulnérables - y compris les enfants - et s'est traduite par une augmentation du chômage et de la pauvreté.


D. Principaux sujets de préoccupation


7. Le Comité constate avec préoccupation que les lois et règlements nationaux ne sont pas entièrement conformes aux principes et aux dispositions de la Convention. Il s'inquiète également de ce qu'une loi sur la protection de l'enfance n'ait pas encore été élaborée et adoptée.

8. Tout en se félicitant de l'existence d'organismes gouvernementaux ayant compétence pour traiter du bien-être des enfants aux niveaux national et local, le Comité estime qu'une coordination effective doit être établie entre ces organismes pour mettre au point une méthode globale de mise en oeuvre de la Convention.

9. Le Comité est préoccupé par l'absence de stratégie intégrée concernant les enfants et de mécanisme de contrôle systématique des progrès réalisés dans tous les domaines dont traite la Convention et intéressant tous les groupes d'enfants en milieu urbain et rural, particulièrement ceux qui sont touchés par les conséquences de la transition économique. Il juge nécessaire que l'Etat partie renforce ses moyens de collecte et de traitement des données pour évaluer les résultats obtenus et l'effet des politiques adoptées sur les enfants, en particulier sur les groupes d'enfants les plus vulnérables.

10. Malgré l'existence d'un débat national, le Comité regrette l'absence d'un organisme indépendant qui serait chargé de veiller au respect des droits de l'homme, en particulier des droits de l'enfant.

11. En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'article 4 de la Convention, le Comité constate avec préoccupation l'insuffisance des mesures prises et le peu de moyens dont disposent les organismes en place, notamment le Comité de la jeunesse et de l'enfance, pour assurer la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels des enfants dans toute la mesure des ressources disponibles. Il s'inquiète particulièrement de l'insuffisance des politiques, des mesures et des programmes visant à protéger les droits des enfants les plus vulnérables, en particulier dans le cas des enfants vivant dans la pauvreté, des enfants nés hors mariage, des enfants abandonnés, des enfants handicapés, des enfants victimes de sévices, des enfants appartenant à des minorités, notamment des enfants roms, et de ceux qui tentent de survivre en vivant ou en travaillant dans les rues.

12. Le Comité note avec préoccupation que les principes généraux de la Convention énoncés dans les articles 2 (non-discrimination), 3 (intérêt supérieur de l'enfant) et 12 (respect des opinions de l'enfant) ne sont pas encore pleinement appliqués et dûment pris en compte en vue de la mise en oeuvre intégrale de la Convention. Il s'inquiète particulièrement de l'insuffisance des mesures adoptées pour empêcher et combattre les discriminations dont sont victimes les enfants roms, les enfants handicapés et les enfants nés hors mariage. Il est tout autant préoccupé par la prise en compte insuffisante du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant dans des situations telles que la détention, le placement en institution et l'abandon d'enfants ainsi qu'en ce qui concerne le droit de l'enfant de témoigner devant un tribunal.

13. Malgré les initiatives déjà prises par les autorités, le Comité s'inquiète de l'insuffisance des mesures adoptées pour faire connaître et pour enseigner à tous les acteurs de la société, adultes et enfants confondus, les dispositions et les principes de la Convention. Les carences de la formation dispensée à ce sujet aux catégories professionnelles telles que les juristes, les juges, les agents de la force publique, les enseignants et les fonctionnaires, constituent également un sujet de préoccupation.

14. Le Comité s'inquiète en outre des mauvais traitements auxquels seraient soumis des enfants placés dans des familles ou des institutions ainsi que de l'absence de mesures propres à assurer la réadaptation psychosociale des enfants qui en sont victimes. Le fait que des mauvais traitements sont infligés à des enfants par des agents de la force publique à l'intérieur comme à l'extérieur des centres de détention est jugé très préoccupant, même s'il s'agit de cas isolés. De plus, l'augmentation récente de la prostitution des enfants ainsi que de la production et de la diffusion accrues de matériels pornographiques impliquant des enfants constituent un motif d'inquiétude. A cet égard, le Comité est gravement préoccupé par le fait que les lois et les programmes voulus n'ont pas été adoptés pour empêcher et combattre l'exploitation et les sévices sexuels.

15. En ce qui concerne l'adoption, malgré les modifications apportées récemment à la législation en vigueur, le Comité s'inquiète de l'incompatibilité du cadre juridique actuel avec les principes et les dispositions de la Convention, en particulier avec le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3).

16. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures prises en ce qui concerne la malnutrition infantile, les enfants handicapés physiques et mentaux ainsi que les grossesses et les mariages précoces. Le problème du suicide des jeunes le préoccupe également.

17. Au sujet de la pleine application des articles 28 et 29 de la Convention et malgré la coopération internationale existant dans ce domaine, le Comité s'inquiète du taux d'abandon scolaire et de l'absence de programmes pédagogiques de substitution. Il est également préoccupé par l'insuffisance des mesures prises pour s'assurer que les programmes scolaires sont inspirés par les principes et les dispositions de la Convention, notamment dans le domaine de l'enseignement des droits de l'homme.

18. Par ailleurs, le Comité s'inquiète de ce qu'aucune disposition juridique ne protège les enfants employés dans le secteur non structuré.

19. La situation en ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, et notamment la question de sa compatibilité avec les articles 37, 39 et 40 de la Convention ainsi qu'avec d'autres normes applicables telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, donne matière à préoccupation. Malgré les modifications récemment apportées à la législation, le Comité est particulièrement préoccupé, entre autres, par la question du droit des enfants de bénéficier de l'aide judiciaire et d'un pourvoi en révision, par le fait que la privation de liberté n'est pas utilisée comme une mesure de dernier ressort, et par la discrimination des catégories d'enfants les plus vulnérables, notamment de ceux appartenant à la minorité rom.


E. Suggestions et recommandations


20. Le Comité recommande au gouvernement de procéder à un réexamen complet de la législation nationale afin de la rendre pleinement conforme aux principes et aux dispositions de la Convention, en particulier dans les domaines du travail, de l'adoption, de l'administration de la justice pour mineurs et de la violence familiale. En outre, il recommande au gouvernement d'envisager, au plus tôt, d'adopter une loi sur la protection de l'enfance.

21. Le Comité recommande à l'Etat partie de renforcer la coordination entre les différents organes gouvernementaux qui s'occupent des droits de l'enfant aux niveaux national et local, en vue d'élaborer une politique nationale relative à l'enfance et d'évaluer efficacement la mise en oeuvre de la Convention dans le pays. Il engage l'Etat partie à continuer de s'employer à renforcer le cadre institutionnel élaboré pour promouvoir et protéger les droits de l'homme en général et les droits de l'enfant en particulier. Il l'invite également à coopérer étroitement avec les organisations non gouvernementales (ONG).

22. Le Comité recommande en outre à l'Etat partie de s'attacher en priorité à mettre au point un système de collecte de données et à définir des indicateurs précis appropriés couvrant tous les aspects de la Convention et tous les groupes d'enfants de la société. Ces mécanismes pourront jouer un r_le crucial dans la surveillance systématique de la situation des enfants et dans l'évaluation des progrès réalisés et des difficultés empêchant la réalisation des droits de tous les enfants. Ils pourront servir à concevoir des programmes propres à améliorer la situation des enfants, en particulier celle des enfants qui appartiennent aux groupes les plus défavorisés, notamment les enfants handicapés, les enfants nés hors mariage, les enfants maltraités et soumis à des sévices au sein de la famille, les enfants placés en institution ou privés de liberté, les enfants victimes d'exploitation sexuelle, les enfants appartenant à des groupes minoritaires, notamment à la minorité rom, et ceux qui, pour survivre, sont contraints de vivre ou de travailler dans les rues. Le Comité suggère également à l'Etat partie de faire appel à la coopération internationale à cet égard.

23. Le Comité encourage l'Etat partie à continuer d'envisager la création d'un mécanisme indépendant chargé de veiller au respect des droits de l'enfant, tel qu'un médiateur ou une commission nationale pour les droits de l'enfant.

24. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre toutes les mesures voulues pour que chaque décision relative au droit de l'enfant de témoigner devant un tribunal tienne pleinement compte du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3).

25. Le Comité recommande à l'Etat partie de lancer, à l'intention des enfants et des adultes, une campagne systématique d'information portant sur la Convention relative aux droits de l'enfant. L'Etat partie devrait envisager d'inscrire des cours sur la Convention dans les programmes d'enseignement et prendre des mesures appropriées pour faciliter l'accès des enfants aux informations qui concernent leurs droits. Le Comité suggère à l'Etat partie d'élaborer un vaste programme de formation à l'intention des catégories professionnelles travaillant avec et pour les enfants, telles que les juristes, les juges, les enseignants, les travailleurs sociaux, les médecins, les agents de la force publique et le personnel des établissements pour enfants. Les fonctionnaires de police doivent recevoir une formation spéciale portant sur les sévices et les actes de négligence dont sont victimes les enfants.

26. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre toutes les mesures qui s'imposent, à la lumière des articles 2, 3 et 4 de la Convention, dans toutes les limites des ressources disponibles, pour garantir que des fonds budgétaires suffisants seront alloués au financement de services pour enfants et d'accorder une attention particulière à la protection des enfants appartenant à des groupes vulnérables et marginalisés. A cet égard, il suggère que l'impact sur les enfants des décisions prises par les autorités soit évalué en permanence.

27. Le Comité propose également que le placement en institution soit remplacé par des formules appropriées donnant la priorité à l'intérêt supérieur de l'enfant et ayant pour but de promouvoir son développement harmonieux et de le préparer à une participation responsable à la vie de la société. Pour les cas où le placement d'un enfant dans une institution serait nécessaire, des mesures devraient être adoptées prévoyant la révision périodique du traitement auquel l'enfant est soumis et de tous les autres aspects de son placement. On devrait envisager de mettre en place un système de "tutelle ad litem".

28. Le Comité suggère en outre à l'Etat partie d'adopter des mesures pour aider de manière appropriée les familles à élever leurs enfants, par le biais de conseils aux parents, en vue notamment de prévenir la violence et les sévices au sein du foyer, l'abandon des enfants et leur placement en institution. La recherche devrait être favorisée dans tous ces domaines.

29. Afin de prévenir les grossesses précoces, le Comité préconise de renforcer l'éducation sexuelle et d'organiser des campagnes d'information sur la planification familiale. Il recommande également au gouvernement d'entreprendre une étude nationale détaillée sur le suicide des jeunes, en vue de permettre aux autorités de mieux comprendre ce phénomène et de prendre les mesures voulues pour réduire le taux de suicide.

30. Concernant les articles 19, 34 et 37 a) de la Convention, le Comité recommande vivement à l'Etat partie de prendre toutes les mesures appropriées pour empêcher et combattre les châtiments corporels, les sévices et l'exploitation sexuels ainsi que les mauvais traitements dont sont victimes les enfants, y compris dans les institutions et dans les centres de détention. Il suggère que les châtiments corporels soient interdits par la législation civile et que des dispositions juridiques appropriées soient adoptées pour lutter contre les sévices et l'exploitation sexuels auxquels les enfants sont soumis. Les cas de sévices devraient faire l'objet d'une enquête en règle, des sanctions devraient être prises contre leurs auteurs et les décisions adoptées dans ces affaires devraient recevoir la publicité voulue. De nouvelles mesures devraient être prises en vue d'assurer la réadaptation physique et psychologique des victimes de sévices, de négligences, de mauvais traitements, de violences ou d'exploitation conformément à l'article 39 de la Convention.

31. En ce qui concerne l'adoption, le Comité préconise de prendre des mesures d'ordre juridique et institutionnel afin d'harmoniser intégralement les lois et procédures, aux niveaux national et international, avec les principes et les dispositions de la Convention. A cet égard, il suggère à l'Etat partie de continuer d'envisager de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale (1993).

32. Dans le domaine de l'éducation, le Comité recommande à l'Etat partie de prendre toutes les mesures voulues pour prévenir l'abandon scolaire, et de renforcer les programmes visant à maintenir les enfants scolarisés. Les programmes scolaires devraient être remaniés dans le souci de promouvoir le respect de la Convention. Celle-ci devrait être inscrite dans les programmes de formation professionnelle.

33. Tout en se félicitant de la ratification par l'Etat partie de la Convention No 138 de l'OIT, le Comité recommande à ce dernier de prendre toutes les mesures juridiques et autres nécessaires pour protéger les enfants de l'exploitation économique par le travail, y compris dans le secteur non structuré.

34. Le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager d'entreprendre une réforme générale du système de justice pour mineurs dans l'esprit de la Convention, en tenant compte en particulier des articles 37, 39 et 40 et d'autres normes applicables des Nations Unies, telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. L'Etat partie devrait accorder une attention particulière au droit des enfants de bénéficier rapidement de l'aide judiciaire et d'un pourvoi en révision. Des programmes de formation portant sur les normes internationales devraient être organisés en priorité à l'intention de tous les professionnels intervenant dans le système de justice pour mineurs et auprès des tribunaux spécialisés. Le Comité suggère en outre à l'Etat partie d'envisager de solliciter à cette fin les services d'assistance technique du Haut Commissaire aux droits de l'homme (Centre pour les droits de l'homme) et de la Division de la prévention du crime et de la justice pénale des Nations Unies.

35. Enfin, à la lumière du paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le Comité recommande à l'Etat partie de veiller à ce que son rapport initial ainsi que ses réponses écrites soient mis à la disposition du public et d'envisager de publier le rapport ainsi que les comptes rendus analytiques pertinents et les observations finales du Comité. Il faudrait que ce document soit distribué largement en vue de susciter un débat sur la Convention, son application et sa surveillance au sein du gouvernement, au Parlement, dans l'opinion et chez les organisations non gouvernementales concernées, et pour mieux la faire connaître.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens