Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Burkina Faso,
U.N. Doc. CRC/C/15/Add.19 (1994).
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Sixième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Conclusions du Comité des droits de l'enfant :
BURKINA FASO
1. Le Comité a examiné le rapport initial du Burkina Faso (CRC/C/3/Add.19) de sa 135ème à sa 137ème séance (CRC/C/SR.135, 136 et 137), les 7 et 8 avril 1994, et il a adopté / A la 156ème séance, tenue le 22 avril 1994./ les conclusions suivantes :
A. Introduction
2. Le Comité exprime sa satisfaction à l'Etat partie pour son rapport, qui a été établi conformément aux directives du Comité, et il est reconnaissant au Gouvernement du Burkina Faso des précisions qu'il lui a adressées par écrit en réponse à la liste des points à traiter. Il note avec satisfaction que les renseignements complémentaires fournis par la délégation ont permis d'engager un dialogue franc et constructif avec l'Etat partie.
B. Aspects positifs
3. Le Comité se réjouit des mesures prises par le Gouvernement du Burkina Faso, depuis l'entrée en vigueur de la Convention en 1990, pour promouvoir et protéger les droits de l'enfant. Il note l'adoption par le Gouvernement du Burkina Faso du Plan national d'action (PNA) et la création du Comité de suivi et d'évaluation, chargé d'en surveiller l'application, l'adoption de mesures législatives interdisant l'excision et la création d'un comité national pour lutter contre cette pratique, et la révision annoncée de la législation pénale et de la législation du travail, qui, entre autres choses, permettra d'aligner le droit interne sur les normes internationales de protection des droits de l'enfant qui sont énoncées dans la Convention relative aux droits de l'enfant.
4. Le Comité se réjouit beaucoup de la volonté qu'a le Gouvernement du Burkina Faso de coopérer avec diverses institutions intergouvernementales et non gouvernementales dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l'enfant, conformément aux normes énoncées dans la Convention. Il apprécie aussi les efforts accomplis par le gouvernement pour faire participer à la réalisation des droits de l'enfant, sur le plan national et sur le plan local, les chefs religieux et coutumiers.
C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention
5. Le Comité est conscient des difficultés rencontrées par le Burkina Faso, et en particulier de celles qui sont liées au faible niveau des ressources et à l'application de politiques d'ajustement structurel ainsi qu'à la récente dévaluation du franc CFA. Certaines pratiques traditionnelles et coutumes, en vigueur notamment dans les zones rurales, créent également des difficultés pour l'application des dispositions de la Convention. Le Comité note que le Gouvernement du Burkina Faso est tout à fait conscient des obstacles que rencontre la mise en oeuvre de la Convention, et il apprécie beaucoup, à cet égard, la franchise et l'esprit d'autocritique qui caractérisent le rapport. En outre, le Comité prend note de ce que le gouvernement s'est engagé à faire tout ce qui est en son pouvoir, par des mesures prises au niveau national comme au niveau international, pour faire en sorte que, dans cette situation difficile, les problèmes de l'enfance soient traités de manière aussi hautement prioritaire que possible.
D. Principaux sujets de préoccupation
6. Le Comité exprime sa préoccupation au sujet des conséquences négatives de la pauvreté et de l'ajustement structurel sur la situation des enfants au Burkina Faso, dont on a des exemples dans le taux élevé de mortalité infantile, la malnutrition et l'insuffisance des services de santé ainsi que de la fréquentation scolaire.
7. L'absence de mécanismes satisfaisants pour le rassemblement de données sur la situation des enfants est aussi un sujet de préoccupation.
8. Le Comité exprime sa grave inquiétude quant à la persistance de la discrimination à l'encontre des fillettes et des femmes. Il est inquiet de voir que, en particulier au niveau primaire, les filles fréquentent peu l'école et, souvent, abandonnent leurs études; inquiet aussi de voir persister des pratiques telles que l'excision, le mariage forcé et la violence au sein de la famille, ainsi que la faible portée géographique des programmes de planification de la famille, qui, par ailleurs, sont difficilement acceptés.
9. Les préoccupations du Comité concernent également la persistance d'attitudes sociales discriminatoires à l'égard de certains groupes d'enfants vulnérables, y compris ceux qui sont nés hors mariage et les enfants handicapés. L'absence de ressources suffisantes et de procédures d'examen de plaintes en ce qui concerne les enfants qui sont victimes de traitements cruels, y compris de violence au sein de la famille - pour des raisons culturelles aussi bien que matérielles - constitue également un sujet d'inquiétude.
10. Selon le Comité, les programmes de vaccination ne sont pas suffisants, qu'il s'agisse de la gamme des vaccins proposés ou des groupes de population visés, et ils ne répondent pas aux besoins réels, en particulier dans les zones rurales.
11. Le Comité note que les sanctions prévues dans la législation en ce qui concerne les jeunes délinquants, en particulier pour les faits punis de la peine de mort ou de l'emprisonnement à perpétuité, respectivement ramenés à l'emprisonnement à perpétuité ou à 20 ans d'emprisonnement, sont extrêmement sévères. La dureté des condamnations, ainsi que le fait que des jeunes sont arbitrairement arrêtés et que - ce qui est du reste reconnu - les conditions de détention sont très pénibles, vont à l'encontre des dispositions des articles 37 et 40 de la Convention.
12. Le Comité, se référant à l'article 3 de la Convention, exprime également sa préoccupation au sujet de l'insuffisance de la formation assurée aux fonctionnaires chargés de l'application des lois et au personnel judiciaire.
13. Le Comité est également inquiet de constater que les enfants qui travaillent, en particulier ceux qui sont employés dans l'agriculture, comme domestiques et dans le secteur non structuré, ne bénéficient pas d'une protection suffisante.
E. Suggestions et recommandations
14. Le Comité recommande au gouvernement de l'Etat partie d'élaborer et d'appliquer effectivement une stratégie globale visant à éliminer la discrimination existant actuellement à l'encontre des fillettes et des femmes. A cet égard, on devrait s'efforcer tout spécialement de lutter contre des pratiques persistantes telles que le mariage forcé, l'excision et la violence au sein de la famille. Il faudrait accorder plus d'attention à la possibilité de diffuser plus largement les connaissances relatives aux méthodes modernes de planification de la famille.
15. Le Comité recommande aussi au gouvernement de consentir un effort particulier pour poursuivre l'action visant à aligner la législation en vigueur sur les dispositions de la Convention et à tenir pleinement compte des intérêts de l'enfant au cours de la rédaction de nouveaux textes de lois, y compris en envisageant d'adopter un texte législatif de caractère global sur les droits de l'enfant. Le Code pénal et le Code du travail, actuellement en cours de révision, devraient être harmonisés avec les dispositions pertinentes de la Convention.
16. Le Comité recommande que le personnel qui s'occupe des enfants reçoive une formation suffisante, l'accent étant mis en particulier sur les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.
17. Le Comité suggère également qu'une partie de la formation du personnel chargé de l'application des lois, des juges et des autres personnels compétents, devrait être consacrée à une meilleure compréhension des normes internationales concernant la justice applicable aux mineurs, y compris les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Le système pénitentiaire national devrait être réformé, pour que les enfants privés de liberté reçoivent un traitement approprié, y compris un traitement hors institution.
18. Le Comité, conscient que les ressources financières nécessaires font défaut pour donner suite à certaines des recommandations formulées ci-dessus, recommande vivement à l'Etat partie d'envisager de demander l'aide du Centre pour les droits de l'homme, au titre de son programme de services consultatifs et d'assistance technique, dans le domaine de l'administration de la justice pour mineurs. Peut-être faudrait-il également que la communauté internationale apporte son soutien, en particulier dans les domaines ci-après : examen des textes de lois, formation du personnel chargé de l'application des lois, des juges et des autres fonctionnaires d'administration de la justice, et mise en place d'un système satisfaisant de rassemblement des données sur la situation des enfants.