Vingt-quatrième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité des droits de l'enfant
CAMBODGE
4. Le Comité se félicite également que l'État partie ait inscrit dans sa Constitution de 1993 (art. 48) la protection des droits consacrés par la Convention relative aux droits de l'enfant.
5. Le Comité prend acte avec satisfaction du mémorandum d'accord signé par le Gouvernement cambodgien et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme (1996), qui instituait un programme d'assistance technique et de services consultatifs relatifs aux droits de l'homme, notamment aux droits de l'enfant.
6. Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l'État partie pour combattre le travail des enfants avec notamment la ratification, en 1999, de la Convention (No 138) de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi et la signature d'un mémorandum d'accord entre le Gouvernement cambodgien et l'OIT/IPEC (Programme international pour l'abolition du travail des enfants) en 1997.
7. Le Comité se félicite que des organisations non gouvernementales aient participé à l'établissement du rapport initial de l'État partie ainsi qu'à la mise en œuvre de la Convention.
1. Mesures générales d'application
9. Sachant que le cadre législatif de l'État partie couvre plusieurs dispositions de la Convention et que des efforts ont été faits pour rédiger une nouvelle législation, le Comité reste toutefois préoccupé par le fait que la législation interne doit encore être revue et que de nouvelles lois doivent être promulguées pour que la Convention soit pleinement respectée. Le fait que la législation existante ne soit pas pleinement mise en œuvre est également source de préoccupation.
10. Le Comité recommande que les lois existantes soient réexaminées afin d'être mises en conformité avec les dispositions de la Convention, en particulier avec ses principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12). Une attention particulière doit être portée aux domaines tels que l'enregistrement des naissances, le milieu familial et la protection de remplacement ainsi que la justice pour mineurs. Le Comité recommande en outre à l'État partie de prendre en compte le droit des enfants dans le cadre des processus actuel et à venir d'élaboration de la législation, en particulier dans le cadre de l'élaboration des projets de codes civil et pénal et de codes de procédures civile et pénale. À cet égard, le Comité encourage l'État partie à continuer à solliciter l'assistance technique du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et de l'UNICEF, entre autres.
Coordination
11. Tout en saluant la création du Conseil national cambodgien pour les enfants (CNCE), qui est chargé de coordonner la mise en œuvre de la Convention, le Comité exprime sa préoccupation touchant la capacité du Conseil de s'acquitter pleinement de son mandat, avec efficacité, sur l'ensemble du territoire de l'État partie. Le Comité s'inquiète en particulier du manque de ressources humaines et financières dont souffre le Conseil.
12. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures efficaces, en recourant notamment à la coopération internationale, pour renforcer le rôle du Conseil national cambodgien pour les enfants (CNCE) en tant que coordonnateur de la mise en œuvre de la Convention aux niveaux national, régional, et local. L'État partie doit redoubler d'efforts pour doter le CNCE de ressources humaines et financières plus importantes et instaurer une coopération et une coordination plus étroites avec les organisations non gouvernementales œuvrant dans le domaine des droits de l'enfant.
Suivi
13. Le Comité est préoccupé par le fait que l'État partie n'a que des moyens limités pour suivre la mise en œuvre de la Convention et par l'absence de mécanisme indépendant pour enregistrer et examiner les plaintes émanant d'enfants qui signalent des violations des droits que leur reconnaît la Convention.
14. Le Comité recommande à l'État partie d'envisager d'établir un mécanisme indépendant (par exemple, un médiateur pour les enfants) chargé de suivre la mise en œuvre de la Convention et d'examiner, dans le souci des intérêts des enfants et avec diligence, les plaintes pour violation de leurs droits présentées par les enfants, et de proposer des recours en cas de violation. Le Comité suggère également à l'État partie de mener des campagnes de sensibilisation pour inciter les enfants à faire effectivement appel à ce mécanisme.
Collecte de données
15. Le Comité salue les mesures prises par l'État partie dans le domaine de la collecte de données, avec notamment la création du système d'information sur la gestion de l'éducation et du système d'information sur la santé. Il est néanmoins préoccupé par le fait que l'État partie ne dispose pas de mécanisme permettant la collecte systématique et complète de données quantitatives et qualitatives désagrégées dans tous les domaines couverts par la Convention, notamment les sévices et mauvais traitements à enfant, les enfants appartenant à des groupes minoritaires, les filles, les enfants des zones rurales et les victimes de la vente, de la traite et de la prostitution d'enfants.
16. Le Comité recommande à l'État partie de continuer à développer et à renforcer son système de collecte de données, afin d'y inclure tous les domaines couverts par la Convention. Ce système devrait se rapporter à tous les enfants jusqu'à l'âge de 18 ans et mettre spécialement l'accent sur les groupes particulièrement vulnérables pour mesurer les progrès réalisés dans la matérialisation des droits de l'enfant, et devrait servir à élaborer les mesures visant à améliorer la mise en œuvre des dispositions de la Convention. À cet égard, le Comité encourage l'État partie à rechercher une assistance internationale auprès de l'UNICEF, entre autres.
Affectation de ressources budgétaires
17. Le Comité n'ignore pas que la plupart des infrastructures et des services sociaux de l'État partie ont été détruits par des dizaines d'années de guerre, mais il se dit préoccupé par le fait que l'on n'ait pas accordé l'attention voulue aux dispositions de l'article 4 de la Convention, qui demande d'allouer des crédits budgétaires en faveur des enfants "dans toutes les limites des ressources disponibles".
18. Le Comité recommande à l'État partie de veiller en priorité à affecter le maximum de ressources disponibles aux services de santé, aux services d'enseignement et aux services sociaux destinés aux enfants, et à accorder une attention particulière à la protection des enfants appartenant à des groupes vulnérables et marginalisés. À cet égard, le Comité encourage l'État partie à poursuivre et à développer une large coopération avec la communauté internationale, en particulier dans le cadre du Groupe consultatif des donateurs sur le Cambodge.
Diffusion de la Convention
19. Conscient des mesures prises pour sensibiliser la population aux principes et aux dispositions de la Convention, en inscrivant notamment la Convention dans les programmes scolaires, le Comité estime toutefois que ces mesures doivent être renforcées.
20. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts pour diffuser les principes et dispositions de la Convention de manière à sensibiliser la société aux droits de l'enfant. L'accent devrait être mis tout spécialement sur la diffusion de la Convention auprès des groupes minoritaires ainsi que dans les régions rurales et reculées. Le Comité encourage l'État partie à envisager de solliciter, dans ce domaine, l'assistance technique de l'UNICEF et du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, entre autres.
Formation de personnel professionnel
21. Le Comité salue les efforts déployés par l'État partie, en coopération avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et l'UNICEF, pour offrir une formation aux professionnels qui travaillent avec et pour les enfants. Il estime toutefois que les programmes actuels doivent être encore développés afin de toucher tous les groupes professionnels travaillant dans ce secteur.
22. Le Comité encourage l'État partie à continuer d'organiser des programmes systématiques d'enseignement et de formation sur les dispositions de la Convention à l'intention de tous les groupes professionnels travaillant pour et avec les enfants, en particulier les députés, les juges, les avocats, les responsables de l'application des lois, les fonctionnaires, les travailleurs municipaux, le personnel employé dans les institutions et lieux de détention pour enfants, les enseignants, le personnel de santé, y compris les psychologues, et les travailleurs sociaux. À cet égard, l'État partie pourrait continuer à solliciter l'assistance technique du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et de l'UNICEF, entre autres.
24. Compte tenu des principes et dispositions de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'inclure dans sa législation une définition de l'enfant. Le Comité recommande en outre à l'État partie d'envisager, dans le cadre de l'élaboration de sa nouvelle législation, d'y inclure l'âge minimum de la responsabilité pénale et l'âge minimum du consentement aux relations sexuelles. En outre, le Comité recommande à l'État partie de faire respecter la loi sur l'âge minimum du mariage.
26. Le Comité recommande que les principes généraux de la Convention (à savoir la non-discrimination (art. 2), l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3), le droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6) et le respect des opinions de l'enfant (art. 12)) figurent dans tous les textes législatifs relatifs aux enfants et soient pris en considération dans toutes les décisions administratives et judiciaires, ainsi que dans toutes les politiques et tous les programmes concernant les enfants. Il faudrait renforcer les programmes de sensibilisation de l'ensemble du public, y compris les dirigeants communautaires et religieux, ainsi que les programmes d'enseignement sur la mise en œuvre de ces principes afin de modifier les attitudes traditionnelles selon lesquelles l'enfant est considéré comme un objet et non comme un sujet de droits.
Non-discrimination
27. En ce qui concerne l'article 2 de la Convention, le Comité se dit préoccupé par les formes actuelles de discrimination fondée sur le sexe, l'origine ethnique, la séropositivité et le handicap. Il se dit en particulier préoccupé par le fait que la Constitution de l'État partie ne mentionne que les droits des citoyens khmers.
28. Le Comité recommande à l'État partie de faire en sorte que tous les enfants, sans distinction aucune, jouissent de tous les droits énoncés dans la Convention. Le Comité recommande en outre à l'État partie de prendre des mesures efficaces pour éliminer la discrimination à l'égard des filles, en particulier touchant leur accès à l'éducation. Des efforts doivent être faits pour éliminer la discrimination à l'égard des enfants qui vivent et/ou travaillent dans la rue et des enfants appartenant à des groupes minoritaires, spécialement ceux d'origine vietnamienne. En outre, le Comité fait siennes les recommandations adressées à l'État partie par le Comité des droits de l'homme en 1999 (CCPR/C/79/Add.108, par. 17) et par le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale en 1998 (CERD/C/304/Add.54, par. 11 à 13) dans ce domaine.
29. En ce qui concerne l'application de l'article 7 de la Convention, le Comité se dit préoccupé par le fait que l'enregistrement de la naissance n'est pas obligatoire et que, par conséquent, les enfants ne sont pas tous enregistrés à la naissance.
30. Le Comité recommande à l'État partie de réexaminer sa législation interne pour l'aligner sur les principes et dispositions de la Convention, de manière à rendre obligatoire l'enregistrement de tous les enfants à la naissance, sans discrimination aucune. Les enfants de citoyens non khmers, indépendamment de leur statut juridique, ou les enfants réfugiés, lorsqu'ils sont nés au Cambodge, devraient toujours être enregistrés à la naissance, même s'ils n'ont pas droit à la nationalité cambodgienne. Le Comité recommande en outre à l'État partie de prendre des mesures efficaces pour faire appliquer les sous-décrets concernant la carte de résident (No 73) et le bulletin de famille (No 74), datés l'un et l'autre de 1997, de sorte que, en particulier, tous les enfants qui n'ont pas été enregistrés à la naissance le soient. De plus, le Comité recommande à l'État partie de mener des campagnes de sensibilisation afin d'encourager la population à faire enregistrer tous les enfants à la naissance. Le Comité encourage l'État partie à envisager de solliciter à cet effet la coopération internationale en s'adressant à l'UNICEF et à d'autres organisations internationales.
Nationalité
31. Le Comité est préoccupé par le fait que la loi sur la nationalité (1996) de l'État partie pourrait donner lieu à une discrimination à l'égard des enfants d'origine non khmère et avoir pour effet, en violation de l'article 7 de la Convention, de rendre apatrides un grand nombre d'enfants nés au Cambodge, par exemple les enfants appartenant à des groupes minoritaires.
32. Le Comité recommande à l'État partie de réexaminer sa loi sur la nationalité à la lumière de la Convention afin d'éliminer tous les motifs de discrimination éventuelle et d'écarter la possibilité que des enfants soient apatrides.
Droits de participation des enfants
33. En ce qui concerne les droits des enfants à la participation, le Comité s'inquiète de l'insuffisance des mesures prises par l'État partie pour promouvoir la participation des enfants dans la famille, la communauté, l'école et d'autres institutions sociales, ainsi que pour garantir une jouissance réelle par les enfants de leurs libertés fondamentales, notamment la liberté d'opinion, d'expression et d'association.
34. À la lumière des articles 12 à 17 de la Convention, le Comité recommande que des mesures supplémentaires, comprenant notamment une réforme législative, soient prises pour promouvoir la participation des enfants dans la famille, à l'école et dans d'autres institutions, ainsi que pour garantir la jouissance effective par les enfants de leurs libertés fondamentales, notamment les libertés d'opinion, d'expression et d'association. Il faut accroître la prise de conscience par le public des droits des enfants à la participation dans la famille, dans les communautés, les institutions et les écoles.
Accès à une information appropriée
35. Le Comité s'inquiète de l'absence de législation pour protéger les enfants contre l'information pernicieuse et les matériels qui nuisent à leur bien-être et leur développement, ainsi que pour garantir leur accès à une information appropriée.
36. À la lumière de l'article 17 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de promulguer une législation spéciale pour protéger les enfants contre l'information pernicieuse, en particulier contre les programmes et films de télévision contenant des images cruelles de violence et de pornographie, et pour garantir leur accès à une information appropriée. Le Comité recommande en outre à l'État partie de prendre en compte les recommandations faites par le Comité durant la journée de débat général (1996) sur l'enfant et les médias (CRC/C/57).
37. Le Comité est préoccupé par le fait que les enfants sont souvent placés dans des centres de protection de l'enfance ou des institutions pour enfants au lieu d'être confiés à des familles nourricières ou adoptés, par l'absence de règlements applicables au fonctionnement des centres en question et par le nombre croissant d'orphelins dont le père ou la mère a été victime de l'épidémie du VIH/sida, ainsi que par le caractère limité des mesures prises pour faire face à cette situation.
38. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures efficaces pour promouvoir, grâce à des programmes de consultations et des programmes faisant appel à la communauté, l'idée que la famille constitue le meilleur milieu pour l'enfant et pour donner aux parents le moyen de s'occuper de leurs enfants afin d'éviter leur placement dans des centres de protection de l'enfance.
39. Le Comité recommande à l'État partie d'élaborer des mesures et une réglementation concernant les institutions pour enfants et d'autres formes de protection de remplacement. Les services sociaux doivent être renforcés et s'adresser à un plus grand nombre d'enfants, en particulier aux enfants rendus orphelins par l'épidémie du VIH/sida, et les formes de protection de remplacement, telles que les familles nourricières, doivent être développées. Le Comité recommande en outre que des ressources humaines et financières suffisantes soient affectées à toutes ces activités. À cet égard, il recommande également de faire appel à l'assistance technique et financière internationale.
Adoption
40. Notant les efforts faits par l'État partie pour élaborer une nouvelle loi sur l'adoption internationale qui soit conforme à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale de 1993, le Comité demeure toutefois préoccupé par le fait que la législation existante sur l'adoption dans le pays n'est pas conforme à la Convention et que les procédures d'adoption actuelles ne sont généralement pas respectées et seraient en fait caractérisées par la corruption et les abus. Le Comité est également préoccupé par la prédominance d'adoptions illicites et sans formalités.
41. Le Comité encourage l'État partie à continuer à promulguer sa législation sur l'adoption internationale et à procéder à une réforme législative des textes existants sur l'adoption dans le pays. À cet égard, le Comité prend note du fait que l'État partie est disposé à envisager d'adhérer à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale de 1993 et l'encourage à le faire. En outre, le Comité recommande à l'État partie de renforcer le bureau des adoptions. Une assistance internationale pourrait être sollicitée à ce sujet auprès de l'UNICEF, entre autres.
Sévices et mauvais traitements à enfant
42. Le Comité s'inquiète que l'on n'ait pas suffisamment conscience de l'ampleur et des conséquences néfastes de la maltraitance et des sévices à enfant, notamment des abus sexuels, commis aussi bien au sein de la famille qu'en dehors, de l'insuffisance des ressources, financières et humaines, disponibles pour prévenir et combattre les sévices à enfant et l'insuffisance des mesures de traitement et de réadaptation, notamment des structures disponibles pour accueillir les enfants victimes d'abus.
43. À la lumière des articles 19 et 39 de la Convention, entre autres, le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures efficaces, en mettant en place notamment des programmes pluridisciplinaires ainsi que des mesures de traitement et de réadaptation, pour prévenir et combattre les sévices et les mauvais traitements à enfant au sein de la famille, à l'école et dans d'autres institutions, ainsi que dans la société en général. Il suggère, entre autres, que la répression soit renforcée à l'égard de tels crimes; il faudrait renforcer les procédures et mécanismes d'examen des plaintes pour sévices à enfant qui sont adéquats et soucieux des enfants afin d'offrir à ces derniers un accès rapide à la justice et éviter l'impunité pour les auteurs. En outre, des programmes éducatifs devraient être mis en place pour combattre les attitudes traditionnelles qui ont cours dans la société touchant cette question. Le Comité encourage l'État partie à envisager de solliciter à cet effet la coopération internationale de l'UNICEF et d'organisations non gouvernementales.
44. Le Comité salue l'initiative de coopération internationale sur le "Renforcement des systèmes de santé" conclue entre le Ministère de la santé et plusieurs institutions des Nations Unies (OMS, UNICEF, PNUD et FNUAP), qui vise à redonner au Gouvernement les moyens de mettre sur pied un programme national de vaccination, en particulier contre la poliomyélite. Toutefois, le Comité s'inquiète des taux de mortalité infantile et de mortalité des enfants de moins de 5 ans qui, dans l'État partie, demeurent les plus élevés de la région. La malnutrition des enfants est également un sujet de préoccupation.
45. Le Comité recommande à l'État partie de se pencher sur la question de la morbidité et de la mortalité des enfants en adoptant une démarche multisectorielle prenant en compte le rôle décisif que jouent l'analphabétisme, l'absence d'approvisionnement en eau non polluée et l'insécurité alimentaire dans la structure actuelle des maladies de l'enfance. Des secteurs prioritaires doivent être identifiés sur la base de données de référence recueillies dans le cadre d'études minutieuses et approfondies. Il faut prendre en compte dans cette stratégie le fait que la plupart des soins de santé sont dispensés en dehors des structures de santé et ne pas négliger les besoins des communautés particulièrement isolées. En outre, le Comité recommande que des mesures soient prises pour mettre en place un secteur de soins de santé primaires efficace, notamment pour encourager une demande de soins pour les maladies de l'enfance. À cet égard, le Comité encourage l'État partie à continuer à travailler en coopération avec les institutions internationales.
Enfants touchés ou infectés par le VIH/sida
46. Sans méconnaître les mesures prises par l'État partie pour la prévention du VIH/sida et le traitement des personnes infectées, le Comité se dit vivement préoccupé par le fait que l'État partie connaît le taux d'accroissement de l'infection par le VIH/sida le plus élevé de la région et que les enfants figurent parmi les groupes les plus touchés, en raison notamment de la transmission de la mère à l'enfant.
47. Le Comité recommande à l'État partie de continuer à prendre des mesures efficaces de prévention du VIH/sida, en organisant notamment des campagnes de sensibilisation et d'éducation. Le Comité recommande en outre à l'État partie de prendre en considération les recommandations adoptées par le Comité lors de la journée de débat général sur "les enfants vivant dans un monde marqué par le VIH/sida" (CRC/C/80). L'État partie devrait continuer à solliciter, à cet égard, une assistance technique internationale auprès de l'UNICEF, de l'OMS et d'ONUSIDA, entre autres.
Enfants handicapés
48. Le Comité exprime sa vive préoccupation devant le fait qu'à la suite du conflit armé prolongé qui a sévi, l'État partie a l'un des taux de personnes handicapées les plus élevés du monde. À cet égard, le Comité note que la plupart des services s'adressant aux enfants handicapés sont fournis par des organisations non gouvernementales, qui ont besoin de ressources considérables pour préserver le niveau élevé de qualité des services de soins et de rééducation qu'elles fournissent actuellement.
49. Compte tenu des Règles pour l'égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l'Assemblée générale) et des recommandations adoptées par le Comité lors de sa journée de débat général sur les "droits des enfants handicapés" (CRC/C/69), le Comité recommande à l'État partie de collaborer étroitement avec les ONG travaillant dans ce domaine, et de soutenir leurs activités, afin de mettre au point des programmes de diagnostic précoce pour prévenir les handicaps, de recourir à des solutions de substitution au placement des enfants handicapés en institution, de préparer et de mener des campagnes de sensibilisation visant à réduire la discrimination, de mettre en place des programmes et des centres d'enseignement spécialisé et d'encourager l'intégration des enfants handicapés dans le système éducatif et dans la société et enfin d'établir une surveillance adéquate des institutions privées pour enfants handicapés. Le Comité recommande en outre à l'État partie de faire appel à la coopération technique pour former le personnel professionnel travaillant avec et pour les enfants handicapés.
Droit à la santé et aux services de santé
50. Le Comité est préoccupé par le fait que les enfants ont un accès limité aux services de santé, en raison notamment de la pénurie de personnel médical et de santé publique et du nombre insuffisant de centres de santé primaires, en particulier dans les zones rurales. Il exprime également son inquiétude devant le coût élevé des soins de santé et des médicaments, qui amène les familles à s'endetter et à s'appauvrir.
51. Le Comité recommande que les services de soins de santé et les médicaments soient améliorés et leur diffusion élargie afin de garantir que les enfants appartenant aux familles pauvres et à d'autres groupes marginalisés y aient accès.
Santé des adolescents
52. Le Comité se dit préoccupé par le taux élevé de mortalité maternelle, par l'accès limité qu'ont les adolescents aux services de consultations et d'éducation en matière d'hygiène sexuelle et de santé génésique, notamment en dehors du système scolaire, et par le faible recours à la contraception. Il se dit également préoccupé par l'attention insuffisante qui a été portée aux problèmes de santé mentale chez les adolescents.
53. Le Comité recommande à l'État partie de procéder à une étude globale et pluridisciplinaire visant à déterminer l'ampleur des problèmes de santé des adolescents, notamment en matière de santé mentale, en vue ensuite de promouvoir des politiques de santé à l'intention des adolescents et de renforcer l'éducation en matière de santé génésique. Le Comité recommande aussi que soient renforcés les efforts pour développer les services de consultations adaptés aux enfants ainsi que des structures de soins et de réadaptation pour les adolescents.
55. Le Comité recommande à l'État partie de continuer à prendre des mesures efficaces pour rendre l'enseignement primaire gratuit et obligatoire pour tous les enfants, pour relever les taux de scolarisation et faire baisser les taux d'abandon et de redoublement, pour améliorer l'accès à l'école, en particulier pour les enfants pauvres, les filles, les enfants appartenant à des groupes minoritaires et les enfants vivant dans des zones reculées. Le Comité recommande en outre à l'État partie de continuer à prendre des mesures pour améliorer son système éducatif en augmentant les crédits budgétaires affectés au secteur de l'éducation, en dispensant une formation aux enseignants pour qu'ils se perfectionnent, en adaptant les programmes scolaires aux besoins des enfants, en développant les possibilités de suivre une formation professionnelle et un enseignement non scolaire, notamment au niveau préscolaire et secondaire, et en instaurant un système d'évaluation permettant de mesurer l'efficacité du système éducatif.
56. Le Comité exprime son inquiétude devant l'absence de cadre juridique pour la protection des enfants non accompagnés, des enfants demandeurs d'asile et des enfants réfugiés.
57. Le Comité recommande à l'État partie de prendre les mesures nécessaires pour se doter d'une législation destinée à protéger les droits des enfants réfugiés, conformément aux normes internationales pertinentes, et pour mettre au point une procédure de réunification familiale pour venir en aide aux enfants réfugiés qui pourraient être séparés de leur famille. L'assistance technique du HCR pourrait être sollicitée à cet égard.
Enfants touchés par des conflits armés
58. Tout en saluant la promulgation d'une législation qui interdit le recrutement dans les forces armées d'enfants âgés de moins de 18 ans et la volonté de l'État partie de démobiliser les enfants soldats qui se trouvent encore sous les drapeaux, le Comité se dit préoccupé par l'insuffisance des mesures prises pour la réinsertion sociale et la réadaptation physique des anciens enfants soldats. Le Comité s'inquiète également du nombre élevé de mines terrestres déposées sur le territoire de l'État partie au cours du récent conflit armé, qui représentent une menace pour la vie des enfants.
59. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures efficaces pour l'identification, la démobilisation ainsi que la réadaptation psychologique et la réinsertion des enfants soldats dans la société et de mener des campagnes de sensibilisation à l'intention des cadres de l'armée pour faire cesser le recrutement d'enfants soldats. Le Comité recommande en outre à l'État partie de continuer à œuvrer en coopération avec l'UNICEF en vue de la réadaptation et de la réinsertion des enfants soldats.
60. En ce qui concerne le problème des mines terrestres, le Comité recommande à l'État partie d'accroître les crédits budgétaires affectés au déminage des zones d'après conflit et de mener des campagnes de sensibilisation pour prévenir les accidents dus aux mines. En outre, le Comité recommande à l'État partie de continuer à travailler en coopération avec les institutions internationales pour l'élimination des mines terrestres.
Exploitation économique
61. Le Comité s'inquiète du nombre élevé d'enfants qui travaillent, notamment dans le secteur informel, dans l'agriculture et dans le cadre de la famille. Il se dit également préoccupé par l'inefficacité de la mise en œuvre des lois existant sur le travail.
62. Le Comité recommande à l'État partie d'appliquer les dispositions de la loi sur le travail concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, de former des inspecteurs de travail et de leur donner les moyens de contrôler le travail des enfants et d'infliger des sanctions appropriées aux contrevenants. Le Comité recommande en outre à l'État partie de promulguer une législation protégeant les enfants contre les travaux dangereux. Le Comité reconnaît que l'État partie envisage de ratifier la nouvelle Convention No 182 de l'OIT concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination, de 1999, et l'encourage à le faire.
Exploitation sexuelle et traite des enfants
63. Tout en saluant la promulgation d'une législation spéciale pour combattre l'exploitation sexuelle et l'adoption d'un Plan d'action quinquennal contre l'exploitation sexuelle des enfants (2000-2004) ainsi que d'autres mesures connexes dans ce domaine, le Comité se dit préoccupé par le phénomène largement répandu de la prostitution des enfants et par la vente et la traite d'enfants, par l'application insuffisante de la nouvelle législation sur ces questions et par la pénurie de personnel et d'institutions qualifiés pour s'occuper de la réadaptation des victimes.
64. Le Comité recommande à l'État partie de revoir sa législation afin de la renforcer et, en attendant, d'appliquer pleinement la législation actuelle contre l'exploitation sexuelle, de mettre pleinement en œuvre le Plan d'action, d'affecter des ressources humaines et financières suffisantes à la mise en œuvre de ce plan, de renforcer et de développer les services sociaux s'occupant de la réadaptation des enfants victimes d'exploitation sexuelle, de poursuivre les contrevenants et de renforcer la coopération bilatérale, en particulier avec les pays limitrophes, et d'augmenter les contrôles aux frontières. Le Comité suggère que l'État partie sollicite une assistance technique supplémentaire auprès du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et de l'UNICEF, entre autres.
Administration de la justice pour mineurs
65. En ce qui concerne la situation des enfants en conflit avec la loi, le Comité se dit préoccupé par l'absence de législation, de politiques et de programmes spéciaux dans ce domaine, par les informations faisant état d'enfants détenus dans les prisons avec des adultes, par la situation des enfants détenus pendant des périodes prolongées sans chef d'inculpation et sans avoir accès à un avocat ou à un juge et par les informations faisant état d'enfants détenus qui seraient passés à tabac et victimes d'autres sévices.
66. Le Comité recommande à l'État partie de mettre en place un système de justice pour mineurs, en tenant compte des principes et dispositions de la Convention, en particulier ceux des articles 37, 40 et 39, ainsi que des autres normes pertinentes des Nations Unies dans ce domaine, telles que l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Le Comité recommande en outre à l'État partie de mettre au point une politique et des programmes complets relatifs à la situation des enfants en conflit avec la loi, en portant une attention particulière à la situation des enfants privés de liberté et à la prévention de la délinquance juvénile. De surcroît, le Comité recommande à l'État partie d'envisager de solliciter une assistance technique auprès du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, du Centre de la prévention de la criminalité internationale, de l'UNICEF et du Réseau international en matière de justice pour mineurs par l'intermédiaire du Groupe de coordination des services consultatifs et de l'assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs, entre autres.
Diffusion du rapport
67. Enfin,
conformément au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le Comité
recommande que l'État partie assure à son rapport initial et à ses réponses
écrites une large diffusion auprès du public et envisage la possibilité
de publier ledit rapport, ainsi que les comptes rendus des séances consacrées
à son examen et les observations finales adoptées par le Comité. Le document
ainsi produit devrait être largement diffusé de façon à susciter un débat
et contribuer à faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et
son suivi auprès des pouvoirs publics, du Parlement et dans la population
en général, y compris les organisations non gouvernementales concernées.