University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Colombie, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.15 (1994).



COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Cinquième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations préliminaires du Comité
des droits de l'enfant : Colombie


1. Le Comité a commencé à examiner le rapport initial de la Colombie (CRC/C/8/Add.3) à ses 113ème, 114ème et 115ème séances (CRC/C/SR.113 à 115), les 17 et 18 janvier 1994. Etant donné qu'il n'a pas été possible, pendant la session, de répondre avec précision aux diverses et graves préoccupations exprimées au sujet de la mise en oeuvre de la Convention, le Comité a décidé de poursuivre l'examen du rapport initial de la Colombie à une session ultérieure et a adopté */ les observations préliminaires suivantes. A cet égard, le Comité prie l'Etat partie de lui fournir des réponses écrites aux questions énoncées dans la liste de questions (CRC/C.5/WP.2) qui a été transmise officiellement à l'Etat partie. De même, le Comité prie l'Etat partie de lui communiquer des renseignements complémentaires sur les domaines critiques qu'il a identifiés, comme on peut le voir plus loin aux paragraphes 10 à 16. Le Comité a recommandé à la Colombie de lui faire parvenir ces renseignements avant le 28 février 1994.

A. Introduction

2. Le Comité sait gré à l'Etat partie d'avoir présenté son rapport initial et prend note des renseignements qu'il contient, notamment de ceux qui ont trait aux mesures adoptées pour établir un cadre juridique auquel se référer pour l'application de la Convention. Le Comité estime que le dialogue qui s'est amorcé avec l'Etat partie est constructif et se déroule dans un climat de coopération. Il regrette toutefois de ne pas avoir reçu suffisamment de précisions concernant la situation actuelle des enfants en Colombie ou les mesures spécifiques effectivement en vigueur pour protéger les groupes tout particulièrement vulnérables.

B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite des initiatives législatives importantes qui ont été prises pour établir un cadre juridique auquel se référer pour l'application de la Convention, notamment l'adoption du Code du mineur et la mention des droits de l'enfant dans la Constitution révisée. Le Comité se réjouit aussi des mesures que le gouvernement a prises pour mettre en place des mécanismes spéciaux d'application de la Convention, notamment le Comité interinstitutionnel pour la défense, la protection et la promotion des droits de l'enfant et des jeunes et le Service du Conseiller présidentiel pour la jeunesse, la femme et la famille. A cet égard, il salue également les efforts qui ont été faits pour encourager la participation des organisations non gouvernementales (ONG) au processus de mise en oeuvre.

4. Le Comité prend note des progrès accomplis ces dix dernières années pour abaisser le taux de mortalité infantile. Il se félicite aussi de l'élaboration, par l'Etat partie, d'un Programme national d'action et de la définition d'objectifs concrets pour le suivi du Sommet mondial pour les enfants.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention

5. Le Comité prend note de ce que la Colombie traverse une période de transition économique difficile et qu'elle est confrontée à de graves problèmes politiques dus au terrorisme lié à la drogue, à la violence et à la pauvreté. Il note aussi les disparités qui existent dans le pays tant au niveau économique que social.

D. Principaux sujets de préoccupation

6. Le Comité note avec inquiétude l'écart important qu'il y a entre les lois adoptées pour promouvoir et protéger les droits de l'enfant et l'application pratique de ces lois dans la situation qui est aujourd'hui celle d'un grand nombre d'enfants en Colombie. Le Comité s'inquiète de l'insuffisance de coordination des efforts entrepris pour mettre en oeuvre la Convention. Il s'inquiète aussi de l'attitude discriminatoire et hostile à l'égard des groupes d'enfants vulnérables qui se manifeste en particulier parmi les agents de la force publique.

7. Le Comité se déclare profondément préoccupé par les risques d'atteinte à leur vie que courent d'innombrables enfants en Colombie, en particulier ceux qui, pour survivre, travaillent et/ou vivent dans la rue. Beaucoup de ces enfants sont arrêtés arbitrairement et torturés et subissent, de la part des autorités, d'autres formes de traitement inhumain ou dégradant. Ils sont aussi victimes des agissements de bandes de criminels : contrainte, disparitions, formes diverses de trafic, voire assassinats.

8. Le Comité constate avec une vive inquiétude que beaucoup d'enfants colombiens continuent à vivre dans une extrême pauvreté alors que, dans la région, la Colombie enregistre l'un des taux de croissance économique les plus favorables et l'un des taux les plus faibles d'endettement extérieur par habitant. En Colombie, de nombreux enfants, dont beaucoup sont d'origine rurale et autochtone, ont été marginalisés économiquement et socialement et n'ont qu'un accès limité, voire inexistant, à un enseignement adéquat ou à des soins de santé suffisants.

9. Les règles en vigueur concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi sont inférieures aux normes internationales; elles ne sont d'ailleurs même pas respectées. Le travail des enfants employés à des activités dangereuses, notamment dans les mines, est un sujet d'extrême préoccupation.

E. Suggestions préliminaires

10. Le Comité suggère que des mesures énergiques soient prises d'urgence pour garantir le droit à la survie de tous les enfants en Colombie, notamment de ceux qui font partie des groupes vulnérables. Une réaction rapide s'impose quand des renseignements sont recueillis ou que des plaintes sont déposées concernant des enfants, victimes de la violence, de disparitions, de meurtres ou d'un trafic présumé d'organes. Des enquêtes approfondies et systématiques doivent être menées et les coupables de violences à l'encontre d'enfants doivent être sévèrement punis. Les résultats des enquêtes et les condamnations prononcées doivent trouver un très large écho pour exercer un effet dissuasif.

11. Le Comité suggère, pour accroître la portée et la qualité des services destinés aux enfants et pour les étendre aux groupes vulnérables, d'attribuer des ressources budgétaires plus importantes aux services destinés aux enfants, en particulier dans les domaines de l'éducation et des soins de santé, compte tenu notamment des articles 2 et 3 de la Convention.

12. Le Comité suggère de rassembler et d'analyser systématiquement des renseignements quantitativement et qualitativement fiables pour suivre de près la situation des enfants marginalisés, en particulier ceux qui appartiennent aux groupes autochtones, afin de susciter de nouveaux efforts visant à améliorer leur sort.

13. En ce qui concerne les problèmes liés au travail des enfants, le Comité suggère que la Colombie ratifie la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi et revoie toute la législation pertinente afin de l'aligner sur les normes internationales minimales. La législation relative au travail des enfants doit être renforcée, les plaintes doivent donner lieu à l'ouverture d'enquêtes et toute violation doit être sévèrement punie. Le Comité suggère que le gouvernement sollicite plus activement l'appui des ONG et d'autres organismes du secteur privé pour sensibiliser l'opinion publique au problème et pour veiller à l'application des lois.

14. En ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, de plus grands efforts doivent être faits pour assurer le respect des normes et des garanties juridiques prévues dans la Convention, compte tenu notamment des articles 37, 39 et 40, et aussi des autres instruments internationaux pertinents que l'Organisation des Nations Unies a adoptés dans ce domaine. De plus, le Comité suggère le recensement et un suivi attentif de tous les enfants privés de liberté afin qu'ils puissent bénéficier de la protection que leur garantit la Convention.

15. Le Comité suggère que des mesures soient prises pour renforcer le système d'enseignement, notamment dans les régions rurales. Il faut améliorer la qualité de l'enseignement et abaisser le taux élevé d'abandons scolaires. Des services d'orientation destinés à la jeunesse doivent être créés à titre de mesure préventive pour réduire le nombre de cas de grossesses chez les adolescentes et freiner l'augmentation spectaculaire du nombre de mères célibataires. Il faudrait lancer des campagnes d'éducation pour mettre un frein à la violence dans la société et au sein de la famille et lutter contre les préjugés fondés sur le sexe.

16. Pour évaluer la mise en oeuvre de la Convention et réduire l'écart entre la législation et l'application des lois, le Comité suggère que l'Etat partie crée un mécanisme permettant de surveiller la situation effective des enfants, en particulier ceux qui appartiennent à des groupes vulnérables. Etant donné la gravité du problème, le Comité suggère que l'Etat partie cherche à collaborer plus étroitement avec les organismes internationaux qui pourraient lui apporter un soutien et le fruit de leur expérience pour entreprendre une réforme fondamentale dans les domaines retenus par le Comité. Celui-ci suggère qu'une nouvelle attitude et une nouvelle approche soient adoptées, notamment en ce qui concerne la police et les forces armées, afin d'encourager le respect de tous les enfants, quelles que soient leur origine sociale, économique ou autre, et de réaffirmer leur valeur. A cet égard, il conviendrait de développer les programmes d'information et de formation tant au niveau de la communauté que de la famille. On pourrait envisager encore d'autres mesures pour renforcer la coopération avec les ONG afin d'obtenir une mobilisation sociale plus étendue en faveur des droits de l'enfant.


*/ Adoptées à la 130ème séance, le 28 janvier 1994.



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