Observations finales du Comité des droits
de l'enfant
Colombie
4. Le Comité se félicite de la mise en place de structures pour la promotion et la protection des droits de l'enfant, telles que l'Oidor del Niño et la section des enfants au Bureau du Médiateur (Defensor del Pueblo), mesures qui ont été prises pour donner suite à ses recommandations (voir document CRC/C/15/Add.30, par. 14).
5. Le Comité prend acte avec satisfaction du Mémorandum d'accord signé par le Gouvernement colombien et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme (1996) en vue de l'ouverture d'un bureau de surveillance des droits de l'homme et du lancement d'un programme de services consultatifs.
6. L'adoption de la loi 49-99 (décembre 1999), en vertu de laquelle l'âge minimum pour le service militaire a été porté à 18 ans, est considérée par le Comité comme une mesure positive.
7. Compte tenu de sa recommandation (voir document CRC/C/15/Add.30, par. 19), le Comité se réjouit du fait que l'État partie ait mené à terme la procédure interne de ratification de la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi (1973).
8. Le Comité note avec satisfaction que c'est l'État partie qui a proposé la tenue d'un Sommet régional de l'enfance pour l'Amérique latine et les Caraïbes et qui a organisé (en 1998), en collaboration avec l'UNICEF, cette réunion, dont le but était d'évaluer les objectifs établis pour la région au Sommet mondial pour les enfants de 1990 et de déterminer dans quelle mesure ils ont été atteints.
10. Le Comité est également préoccupé par les effets directs du conflit armé : lourdes pertes en vies humaines, déplacement massif d'enfants et de familles à l'intérieur du pays et destruction de l'infrastructure dans le domaine de l'enseignement et de la santé, des systèmes de collecte d'épuration et de distribution d'eau, de l'économie nationale, et notamment de l'agriculture, et des moyens de communication, situation qui a une incidence désastreuse sur le développement des enfants et constitue un obstacle majeur à l'exercice de nombreux droits par la plupart d'entre eux.
11. Le Comité note également avec inquiétude que la pauvreté qui sévit sur une vaste échelle et des disparités économiques et sociales qui perdurent continuent d'avoir des effets néfastes sur les groupes les plus vulnérables, notamment les enfants, et de les empêcher d'exercer leurs droits. Les profondes crises qui secouent l'économie et les réformes économiques draconiennes entreprises aggravent considérablement cette situation.
D.1 Mesures d'application générales
12. Vu les effets catastrophiques du conflit armé sur la vie des enfants colombiens, le Comité est vivement préoccupé par le fait que les autorités n'aient pas songé à inclure la question du respect des droits de l'enfant dans la liste des sujets examinés dans le cadre des négociations de paix en cours.
13. Le Comité exhorte l'État partie à accorder un haut degré de priorité à la protection des droits de l'enfant dans l'ordre du jour des négociations de paix en cours et tout au long du processus de consolidation de la paix une fois que le conflit aura pris fin. À cet égard, il engage l'État partie à appliquer les recommandations formulées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1261 (1999).
Législation
14. Le Comité demeure préoccupé par le fait que la législation de l'État partie relative aux droits de l'enfant n'est pas encore pleinement conforme aux principes et aux dispositions de la Convention, notamment parce que les efforts visant à réviser le Code des mineurs (1989), qui ont commencé en 1995, traînent en longueur.
15. Le Comité recommande à l'État partie de revoir sa législation en vigueur et de l'harmoniser avec toutes les dispositions de la Convention. Il lui recommande également de réactiver le processus de révision du Code des mineurs. Tous les secteurs s'occupant de la promotion et de la protection des droits de l'enfant devraient être associés à ce processus, qu'il convient de mener à terme le plus tôt possible.
Coordination
16. Le Comité reste préoccupé par le fait que les autorités n'ont pris que des mesures restreintes pour assurer une coordination efficace entre les organismes qui s'occupent de l'application de la Convention.
17. Le Comité réitère sa recommandation (voir document CRC/C/15/Add.30, par. 14) tendant à ce que l'État partie prenne des mesures pour assurer une coordination efficace entre les diverses institutions qui s'occupent de l'application de la Convention aux niveaux national, régional et local. Des efforts accrus devraient être déployés pour garantir une coopération plus étroite avec les organisations non gouvernementales qui travaillent dans le domaine des droits de l'enfant.
Réforme des institutions
18. Tout en prenant acte des mesures prises pour réformer l'Institut colombien pour le bien-être de la famille (ICBF), le Comité continue de considérer préoccupant le fait que cet organisme public n'ait pas encore pleinement intégré dans l'ensemble de ses politiques et programmes la démarche axée sur les droits consacrée par la Convention. Le Comité est également préoccupé par les carences du ICBF dans le domaine de la prévention des violations des droits de l'enfant et de la protection des enfants contre ces violations.
19. Le Comité note avec inquiétude que certains pouvoirs d'ordre judiciaire et administratif ayant trait aux enfants, notamment celui de nommer les juges et les défenseurs dans les affaires concernant les enfants et la famille, dépendent de l'ICBF et que cette situation constitue une violation de la norme internationale solidement établie qu'est l'indépendance du pouvoir judiciaire et va à l'encontre des principes et des dispositions de la Convention.
20. Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre sur le plan institutionnel la réforme de l'ICBF et d'adhérer pleinement à la démarche axée sur les droits consacrée par la Convention de façon à s'acquitter plus efficacement de son mandat. Il convient de mettre davantage l'accent sur le renforcement des programmes de prévention et de protection de l'ICBF. À cet égard, le Comité recommande également à l'État partie de veiller à assurer scrupuleusement une nette séparation entre les organes judiciaires et administratifs qui prennent les décisions concernant les droits de l'enfant.
Politique globale relative aux droits de l'enfant
21. Les plans et programmes aussi nombreux que variés établis par l'État partie montrent son attachement à la Convention mais le Comité note avec préoccupation qu'ils ne sont ni cohérents ni complets et qu'ils ne sont pas appliqués d'une manière continue.
22. Le Comité recommande à l'État partie d'élaborer un plan national pour l'application de la Convention qui soit cohérent, complet et clair et qui puisse être facilement compris aussi bien par les enfants que les adultes et exécuté sans difficulté aux niveaux central, régional et local.
Collecte de données et surveillance
23. S'agissant de la recommandation relative à la collecte et à l'analyse de données quantitatives et qualitatives fiables (voir document CRC/C/15/Add.30, par. 15), le Comité se félicite des mesures visant à créer un système national d'indicateurs socioéconomiques sur la situation de l'enfant en tant que base pour la conception, l'évaluation et le suivi des politiques et programmes en faveur des enfants. Toutefois, il demeure préoccupé par le fait que le système ne couvre pas tous les domaines visés par la Convention. L'absence d'un mécanisme de surveillance du respect de la Convention est aussi un sujet d'inquiétude.
24. Le Comité recommande à l'État partie de continuer de développer et de renforcer son système de collecte de données afin de l'étendre à tous les domaines visés par la Convention. Un tel système devrait couvrir toutes les personnes âgées de moins de 18 ans et mettre particulièrement l'accent sur les groupes d'enfants vulnérables.
25. Le Comité recommande en outre à l'État partie de mettre en place un système indépendant et efficace de surveillance de l'application de la Convention en vue de mesurer les progrès accomplis dans la mise en œuvre des droits de l'enfant et d'évaluer les politiques visant à assurer une meilleure application des dispositions de la Convention. À cet égard, il encourage l'État partie à solliciter une assistance internationale, notamment auprès de l'UNICEF.
Budget et ressources financières consacrés aux enfants
26. Des initiatives telles que le Plan national de développement (1994-1998) et (1998-2000), le Plan national d'action pour l'enfance (1996-2000) et le Plan national "Haz Paz" (Faire la paix) sont considérés comme des pas positifs s'inscrivant dans le droit fil des recommandations du Comité (voir document CRC/C/15/Add.30, par.16). Cela dit, le Comité demeure préoccupé par les obstacles à la pleine application des programmes sociaux en faveur des enfants engendrés par la crise socioéconomique et le conflit armé en cours.
27. Le Comité réitère sa recommandation tendant à ce que toutes les mesures visant à mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels soient prises "dans toutes les limites des ressources disponibles" conformément aux articles 2, 3 et 4 de la Convention et qu'une attention particulière soit accordée à la protection des enfants appartenant à des groupes vulnérables et marginalisés. Le Comité recommande en outre à l'État partie de mettre en place un système local de surveillance et d'évaluation de la situation des enfants vivant dans les régions où règne une extrême pauvreté de façon à accorder, dans la répartition des ressources budgétaires, la priorité à ces groupes d'enfants.
Diffusion de la Convention
28. Le Comité prend acte des mesures prises pour faire connaître sur une vaste échelle les principes et les dispositions de la Convention; il est toutefois d'avis que ces mesures doivent être renforcées.
29. Le Comité recommande à l'État partie de renforcer les efforts consacrés à la diffusion des principes et des dispositions de la Convention aux fins de sensibiliser la société aux droits des enfants. L'accent devrait être mis en particulier sur la diffusion des dispositions de la Convention au sein des groupes minoritaires, ainsi que dans les régions rurales et reculées. Le Comité encourage l'État partie à songer à solliciter une assistance technique dans ce domaine, notamment auprès du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et de l'UNICEF.
Formation du personnel d'encadrement
30. Le Comité note avec préoccupation que les programmes de formation destinés aux spécialistes qui travaillent avec et pour les enfants ne touchent pas toutes les catégories professionnelles concernées.
31. Le Comité encourage l'État partie à poursuivre ses efforts d'éducation et de formation systématiques destinés à faire connaître les dispositions de la Convention aux membres de toutes les catégories professionnelles qui travaillent avec et pour les enfants, en particulier les parlementaires, les juges, les avocats, les agents de la force publique, les fonctionnaires, les employés municipaux, le personnel des établissements et des lieux où sont détenus des enfants, les enseignants, les personnes qui travaillent dans le domaine de la santé, y compris les psychologues, et les travailleurs sociaux. À cet égard, l'État partie pourrait solliciter une assistance technique, notamment auprès du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et de l'UNICEF.
32. Le Comité note avec préoccupation les formes existantes de disparités économiques et sociales et de discrimination sexuelle et raciale, la marginalisation des enfants appartenant aux populations afro-colombiennes et autochtones et la situation précaire des enfants faisant partie de personnes déplacées à l'intérieur du pays, notamment le manque de possibilités d'accès au logement, à l'enseignement et aux services de santé.
33. Conformément à l'article 2 et à d'autres articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'accroître les mesures visant à réduire les disparités économiques et sociales, notamment entre les zones urbaines et les zones rurales, à prévenir la discrimination à l'encontre des groupes d'enfants les plus défavorisés tels que les filles, les enfants handicapés, les enfants appartenant à des groupes autochtones et ethniques, les enfants vivant ou travaillant dans la rue, les enfants installés dans des camps pour populations déplacées à l'intérieur du pays et les enfants vivant dans les zones rurales, et à leur garantir le plein exercice de tous les droits reconnus dans la Convention.
Droit à la vie, à la survie et au développement
34. Eu égard à l'article 6 et à d'autres dispositions connexes de la Convention, le Comité est profondément préoccupé par la menace que fait peser le conflit armé sur la vie des enfants, et notamment par les exécutions extrajudiciaires, les disparitions et les actes de torture dont sont responsables la police et les groupes paramilitaires, par les multiples actes d'"épuration ethnique" dont sont victimes les enfants des rues et par l'impunité persistante des auteurs de ces crimes.
35. Le Comité réitère ses recommandations tendant à ce que l'État partie continue de prendre des mesures pour protéger efficacement les enfants des effets néfastes du conflit armé. Il exhorte l'État partie à protéger les enfants contre l'"épuration ethnique" et à faire en sorte que des poursuites soient engagées contre les auteurs de tels crimes.
36. Tout en prenant acte des initiatives prises par l'État partie dans le domaine de l'enregistrement des naissances, le Comité note que des efforts accrus sont nécessaires pour faire en sorte que tous les enfants soient déclarés enregistrés et dotés d'une carte d'identité de façon à faciliter le plein exercice de leurs droits.
37. Dans l'optique de l'article 7 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de poursuivre ses efforts pour assurer l'enregistrement de tous les enfants dès leur naissance. Un accent particulier doit être mis sur l'enregistrement des enfants appartenant aux groupes les plus vulnérables, notamment les enfants vivant dans les régions touchées par le conflit armé et dans les camps aménagés pour les populations déplacées.
Droit d'être protégé contre la torture
38. Compte tenu de sa recommandation quant à la nécessité d'effectuer des enquêtes spéciales en cas de violation flagrante des droits fondamentaux des enfants (voir document CRC/C/15/Add.30, par. 17), le Comité regrette l'absence d'information sur la suite donnée à cette recommandation et réitère sa préoccupation au sujet des cas présumés de torture et de mauvais traitements infligés à des enfants des rues par des membres de forces de la police et/ou des groupes paramilitaires.
39. Le Comité engage l'État partie à prendre les mesures requises pour que de tels actes ne restent pas sans suite sur le plan judiciaire, l'objectif étant d'éviter que leurs auteurs demeurent impunis. Il recommande à l'État partie d'élaborer des programmes de soins et de réadaptation en faveur des enfants victimes d'actes de torture et de mauvais traitements.
40. Le Comité demeure vivement préoccupé par le grand nombre d'enfants qui ont été privés de leur milieu familial après avoir été abandonnés ou à la suite du décès de leurs parents ou de la séparation de ces derniers. À cet égard, le Comité est préoccupé, entre autres, par les informations concernant les difficultés et la lenteur des efforts destinés à réunir les familles et les enfants séparés, le manque de mécanismes de protection efficaces pour les enfants vivant dans des institutions, le placement d'enfants dans de tels établissements pendant de longues périodes et par le fait que l'on privilégie un tel placement à la recherche de mesures de protection de remplacement.
41. Le Comité tient à réitérer qu'il craint que les enfants privés de leur milieu familial soient de plus en plus amenés à migrer vers les grandes villes où ils finissent par vivre dans la rue et par devenir particulièrement vulnérables à l'exploitation et aux sévices (voir recommandations du Comité, document CRC/C/Add.30, par. 17).
42. Le Comité recommande à l'État partie d'élaborer d'autres programmes pour favoriser les mécanismes de protection de remplacement, d'assurer une formation supplémentaire au personnel des services de protection sociale et de mettre en place des systèmes indépendants de surveillance et d'examen de plaintes en ce qui concerne les établissements de protection de remplacement. Il exhorte l'État partie à faire tout ce qui est en son pouvoir pour renforcer les programmes de recherche des familles et à consacrer davantage d'efforts à la fourniture d'une assistance, et notamment d'une formation aux parents pour les dissuader d'abandonner leurs enfants. Le Comité recommande en outre à l'État partie d'assurer comme il convient l'examen périodique du placement des enfants vivant dans des institutions.
Adoption
43. Le Comité demeure préoccupé par les graves lacunes dans la législation de l'État partie relative à l'adoption et par le fait que les procédures d'adoption ne sont généralement pas respectées et feraient l'objet de décisions arbitraires. Il trouve en outre inquiétante la pratique de l'adoption informelle qui est illégale. Il est également préoccupé par l'insuffisance des moyens consacrés au suivi des cas d'adoption internationale, qui constituent la majorité.
44. Le Comité recommande à l'État partie de prendre d'autres mesures pour revoir sa législation et ses pratiques dans le domaine d'adoption nationale et internationale, conformément aux dispositions de la Convention et aux règles fixées dans la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération dans le domaine de l'adoption internationale à laquelle la Colombie est partie.
Protection contre les sévices et le délaissement
45. Dans le contexte de ses recommandations sur la situation concernant la violence au foyer (voir document CRC/C/15/Add.30, par. 21), le Comité se félicite de l'adoption d'une législation spéciale qui criminalise la violence au foyer; il demeure toutefois préoccupé par le fait que la violence physique et sexuelle - à l'intérieur comme à l'extérieur de la famille - continue de sévir sur une vaste échelle. Le Comité déplore, d'autre part, le manque de ressources, tant financières qu'humaines, ainsi que le manque de personnel qualifié pouvant prévenir et combattre un tel phénomène. L'insuffisance des mesures et des services de réadaptation pour les victimes et les possibilités restreintes d'accès à la justice sont d'autres sujets de préoccupation.
46. Conformément, entre autres, aux articles 19 et 39 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de prendre les mesures requises, notamment de renforcer les programmes pluridisciplinaires en cours et les mesures de réadaptation pour prévenir et combattre la maltraitance des enfants au sein de la famille, à l'école et dans la société en général. Il suggère, entre autres, que les lois soient appliquées avec plus de rigueur pour de telles infractions et que les procédures et mécanismes d'examen des plaintes émanant d'enfants victimes de sévices soient renforcés de façon à assurer aux enfants concernés un accès rapide à la justice et à mettre fin à l'impunité des auteurs de tels actes. En outre, des programmes éducatifs devraient être élaborés pour changer les attitudes traditionnelles de la société en la matière. Le Comité encourage l'État partie à songer à faire appel à cet effet à l'assistance internationale, notamment celle de l'UNICEF.
48. Le Comité est également préoccupé par le taux élevé de mortalité liée à la maternité et le pourcentage des grossesses précoces, ainsi que par l'accès restreint des adolescents à l'éducation et aux services consultatifs dans le domaine de la santé en matière de reproduction. À cet égard, il note avec préoccupation que l'avortement est considéré comme la principale cause de mortalité liée à la maternité (le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a d'ailleurs déjà exprimé sa préoccupation à ce sujet dans le document A/54/38, par. 393). Les pourcentages croissants d'enfants et d'adolescents toxicomanes et infectés par le VIH ou atteints du sida et la discrimination constante dont ils sont victimes sont d'autres sujets d'inquiétude.
49. Le Comité recommande à l'État partie de continuer de prendre les mesures voulues pour garantir à tous les enfants l'accès aux soins et aux services de santé de base. Des efforts concertés accrus devraient être déployés pour assurer l'égalité d'accès aux soins de santé et combattre la malnutrition, la priorité devant être accordée aux enfants appartenant aux groupes autochtones et aux enfants vivant dans les zones rurales et les régions reculées, ainsi que dans les camps aménagés pour les populations déplacées à l'intérieur du pays. Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre ses efforts en vue de prévenir l'infection par le VIH et le sida et de tenir compte des recommandations que le Comité a adoptées lors de sa journée de débat général sur "les enfants vivant dans un monde marqué par le VIH/sida" (CRC/C/80, par. 243). Il recommande également que d'autres efforts soient faits pour mettre en place des services consultatifs adaptés aux besoins des enfants ainsi que des services de soins et de réadaptation pour les adolescents. Le Comité encourage l'État partie à poursuivre son action dans ce domaine en coopération, entre autres, avec l'OMS, l'UNICEF et l'ONUSIDA.
Enfants handicapés
50. En ce qui concerne la situation des enfants handicapés, le Comité demeure préoccupé par le manque d'infrastructures adaptées aux besoins, de personnel qualifié, d'établissements spécialisés et de ressources tant financières qu'humaines. En outre, il trouve particulièrement préoccupante l'absence d'une politique de réinsertion et de programmes publics en faveur des enfants handicapés et le fait que les établissements privés où sont placés ces enfants ne sont pas inspectés.
51. Compte tenu des Règles pour l'égalisation des chances des handicapés (résolution 48//96 de l'Assemblée générale, annexe) et des recommandations qu'il a adoptées lors de sa journée de débat général sur "les enfants handicapés" (CRC/C/69/338), le Comité recommande à l'État partie d'élaborer des programmes de dépistage précoce pour prévenir les incapacités, d'appliquer d'autres mesures que le placement en institution des enfants handicapés, de songer à organiser des campagnes de sensibilisation pour réduire la discrimination dont ils sont victimes, de mettre en place des programmes et des centres d'éducation spéciale, d'encourager l'insertion des enfants handicapés dans le système d'enseignement et dans la société et de prévoir un dispositif approprié de surveillance des établissements privés pour enfants handicapés. Le Comité recommande en outre à l'État partie de demander une assistance technique afin de dispenser une formation au personnel spécialisé travaillant avec et pour les enfants handicapés.
53. Dans l'optique des articles 28 et 29 et d'autres articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de poursuivre ses efforts visant à renforcer ses politiques et son système éducatif de façon à améliorer les programmes de rétention et de formation professionnelle en cours pour les élèves qui abandonnent leurs études, à élargir la portée de ces programmes et à améliorer la qualité de l'enseignement dans le respect de la diversité géographique et culturelle et de faire en sorte que les programmes éducatifs bilingues soient davantage adaptés à la situation des enfants appartenant aux groupes autochtones et afro-colombiens. En outre, compte tenu du conflit armé en cours dans le pays, le Comité recommande à l'État partie de faire une plus large place aux programmes d'éducation dans le domaine des droits de l'homme, y compris des droits de l'enfant, dans les modules de formation des enseignants et dans les programmes scolaires et de faire en sorte que chaque enfant reçoive une telle éducation. Le Comité encourage l'État partie à songer à obtenir une assistance technique en la matière, notamment auprès du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, de l'UNICEF et de l'UNESCO.
54. Tout en notant avec satisfaction qu'il est interdit de recruter des personnes âgées de moins de 18 ans dans les forces armées, le Comité est vivement préoccupé par le nombre très élevé d'enfants enrôlés de force dans la guérilla et les groupes paramilitaires.
55. Le Comité est profondément préoccupé par les effets pernicieux du conflit armé sur les enfants, notamment ceux qui ont participé dans le passé aux hostilités, et par les graves menaces qui pèsent sur leur vie, leur survie et leur développement et les traumatismes psychologiques sévères qui leur sont infligés. Il trouve également inquiétante l'absence d'une politique nationale de réintégration sociale des enfants ayant participé aux combats dans le passé.
56. Le Comité demande instamment à l'État partie de prendre les mesures requises pour faire en sorte que tous les enfants enlevés et enrôlés dans les forces armées soient libérés et démobilisés et qu'ils bénéficient de services de réadaptation en vue de leur réintégration dans la société. Il lui recommande en outre d'adopter des lois pour interdire tout recrutement d'enfants par un groupe, quel qu'il soit, et d'appliquer strictement ces lois.
57. Le Comité engage en outre l'État partie à prendre toutes les mesures nécessaires, en coopération avec des organismes et organes des Nations Unies tels que l'UNICEF, pour répondre aux besoins sur le plan physique des enfants touchés par le conflit armé, en particulier des enfants amputés ainsi qu'aux besoins psychologiques de tous les enfants ayant subi directement ou indirectement les effets traumatisant de la guerre. À cet égard, il est recommandé à l'État partie d'élaborer aussi rapidement que possible un programme complet à long terme d'assistance, de soins, de réadaptation et de réinsertion.
58. Le Comité souscrit aux recommandations faites à l'État partie par le Représentant spécial du Secrétaire général chargé d'étudier l'impact des conflits armés sur les enfants (voir documents A/54/430, par. 122 à 127 et E/CN.4/2000/71, par. 60 à 71) et lui recommande d'appliquer d'urgence ces recommandations, en coopération avec la communauté internationale, afin d'accorder la priorité absolue à la protection des enfants contre les effets néfastes du conflit armé.
59. Le Comité se félicite de la signature par l'État partie du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans des conflits armés et l'encourage à la ratifier et à l'appliquer le plus rapidement possible.
Enfants déplacés à l'intérieur du pays
60. Le Comité note avec préoccupation que l'État partie a une des plus importantes populations déplacées dans le monde, les personnes concernées ayant dû quitter leur foyer en raison des combats qui font rage dans certaines régions du pays. Le Comité est également préoccupé par les privations dont sont victimes, sur le plan social, ces populations, qui se composent essentiellement de femmes et d'enfants, notamment pour ce qui est de l'accès au logement, aux services de santé et à l'enseignement. Le Comité juge en outre inquiétantes les informations, selon lesquelles de nombreuses personnes déplacées sont victimes de graves violations des droits de l'homme, ainsi que la situation de milliers de familles déplacées, qui ont fui vers des pays voisins, où le statut de réfugié leur a été refusé par les autorités locales.
61. Le Comité recommande à l'État partie d'accorder la priorité absolue à la protection des droits des enfants appartenant à des groupes déplacés à l'intérieur du pays. À cet égard il souscrit à la recommandation qui figure dans le rapport présenté par le Représentant spécial du Secrétaire général sur les personnes déplacées dans leur propre pays à la Commission des droits de l'homme sur la situation dans l'État partie (voir document E/CN.4/2000/83/Add.1 et Add.2); il recommande à l'État partie de donner suite d'urgence à ces recommandations, en coopération avec la communauté internationale, notamment à celle tendant à ce qu'il incorpore les principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays (E/CN.4/1998/53/Add.2) à sa législation et à sa politique concernant les personnes déplacées à l'intérieur du pays.
Exploitation économique et notamment travail des enfants
62. Dans l'optique de sa recommandation concernant les mesures visant à abolir le travail des enfants (voir document CRC/C/15/Add.30, par. 19), le Comité se félicite du programme de coopération technique avec l'Organisation internationale du travail (OIT)/Programme international pour l'abolition du travail des enfants. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que l'exploitation économique reste un des principaux problèmes dont sont victimes les enfants dans l'État partie. Il s'inquiète également des carences dans le domaine de l'application de la loi et de l'absence de mécanismes de surveillance appropriés pour faire face à cette situation, en particulier dans le secteur non structuré. Le Comité est également préoccupé par la situation des enfants qui travaillent dans les plantations de feuilles de coca.
63. Le Comité tient à exprimer sa plus vive préoccupation au sujet de la situation des enfants qui, pour survivre, doivent habiter ou travailler dans la rue et qui ont besoin d'une attention particulière en raison des risques auxquels ils sont exposés.
64. Le Comité encourage l'État partie à ratifier la Convention No 182 de l'OIT concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination (1999). Il lui recommande en outre de prendre les mesures requises pour faire face à la situation des enfants employés à des tâches dangereuses, en particulier dans le secteur non structuré et dans les plantations de feuilles de coca. Le Comité recommande également une stricte application des lois relatives au travail des enfants, le renforcement des services d'inspection du travail et le recours à des sanctions en cas de violation. Il recommande aussi à l'État partie d'adopter les programmes et les politiques requises pour la protection et la réinsertion des enfants vivant et/ou travaillant dans la rue. En outre il lui recommande de continuer de coopérer avec le Programme international pour l'abolition du travail des enfants de l'Organisation internationale du Travail.
Abus de stupéfiants
65. Tout en prenant acte des mesures prises pour combattre l'abus de stupéfiants chez l'enfant, telles que l'élaboration d'un plan national (1995) et l'adoption des programmes RUMBOS, le Comité constate que l'abus de drogues et de substances toxiques reste un sujet de vive préoccupation. Il s'inquiète également de l'utilisation massive des enfants dans la production et le trafic illicites de stupéfiants.
66. Dans l'optique de l'article 33 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de continuer de prendre des mesures, notamment sur le plan législatif, administratif, social et éducatif, pour protéger les enfants de la consommation illicite de stupéfiants et de substances psychotropes et prévenir l'emploi d'enfants dans la production illicite et le trafic de telles substances. Il encourage l'État partie à appuyer les programmes de réinsertion des enfants sujets à l'abus de drogue et d'autres substances. À cet égard, le Comité encourage l'État partie à songer à demander une assistance technique notamment celle de l'UNICEF, de l'OMS et de l'Organe international de contrôle des stupéfiants.
Exploitation sexuelle
67. Tout en prenant acte avec satisfaction des modifications apportées au Code pénal de l'État partie et de l'élaboration d'un plan d'action national pour combattre et prévenir l'exploitation sexuelle des enfants, le Comité demeure préoccupé par le fait que la population n'est pas suffisamment consciente de ce problème.
68. Conformément à l'article 34 et d'autres articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'appliquer pleinement le plan d'action national pour prévenir et combattre l'exploitation sexuelle des enfants et de continuer de mener des campagnes de sensibilisation sur la question. Il lui recommande également de tenir compte des recommandations formulées dans le Programme d'action adopté par le Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, tenu à Stockholm en 1996. Le Comité encourage, d'autre part, l'État partie à ratifier la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui.
Vente, traite et enlèvement d'enfants
69. Tout en prenant note des efforts de l'État partie pour combattre la traite et la vente d'enfants, le Comité demeure préoccupé par l'absence de mesures préventives appropriées dans ce domaine.
70. Le Comité recommande que soient adoptées d'urgence des mesures telles que le lancement d'un programme global pour prévenir et combattre la traite et la vente d'enfants, dans le cadre duquel une campagne de sensibilisation et des activités éducatives, seraient organisées à l'intention des agents de l'État concernés en particulier dans les zones rurales.
71. En outre, le Comité recommande à l'État partie de signer le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants et l'encourage à la ratifier et à l'appliquer dès que possible.
Administration de la justice pour mineurs
72. Tout en notant que les prisons pour enfants ont été fermées et que des centres de rééducation pour enfants en conflit avec la loi ont été créés, le Comité demeure préoccupé, entre autres, par la situation des enfants qui se trouvent dans ces centres, notamment au sujet de leur placement à long terme qui constitue une forme de privation de liberté, ainsi que par le fait que des mesures de privation de liberté et d'isolement soient prises systématiquement à l'encontre de jeunes dans les postes de police et que la détention n'est pas employée par les tribunaux comme une mesure de dernier ressort, et par l'absence de mesures pouvant remplacer la privation de liberté (par exemple la liberté encadrée) et par l'insuffisance des mesures de rééducation et de réadaptation pour les délinquants juvéniles.
73. Conformément aux articles 37, 40 et 39 et d'autres normes de Nations Unies applicables en la matière telles que l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, le Comité recommande à l'État partie :
a) De faire en sorte que la privation de liberté ne soit utilisée qu'en dernier ressort, qu'elle soit d'une durée aussi brève que possible et qu'elle ne soit imposée que lorsque l'infraction commise est grave;
b) D'améliorer les conditions de vie des enfants placés dans des centres de rééducation;
c) De renforcer et d'accroître ses efforts pour concevoir des mesures autres que la privation de liberté;
d) De mettre en place des services de probation efficaces pour les mineurs, en particulier pour ceux libérés de centres de rééducation de façon à faciliter leur réintégration dans la société;
e) De renforcer ses programmes de formation aux normes internationales relatives à la question destinés aux juges, aux spécialistes des problèmes de l'enfant et aux personnes qui travaillent dans le domaine de la justice pour mineurs.
Le Comité recommande à l'État partie de demander une assistance internationale dans le domaine de la justice pour mineurs, notamment au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, au Centre international de prévention de la criminalité internationale, à l'UNICEF et au Réseau international pour la justice pour mineurs par le biais du Groupe de coordination des services consultatifs et de l'assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs.
Diffusion des rapports
74. Conformément
au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le Comité recommande que
des mesures soient prises pour faire largement connaître au grand public
le deuxième rapport périodique et les réponses écrites présentées par l'État
partie et que soit envisagée la publication du rapport ainsi que des observations
finales connexes du Comité et des comptes rendus analytiques correspondants.
Le document qui serait ainsi produit devrait être largement diffusé de façon
à susciter un débat et à contribuer à faire connaître la Convention, son
application et sa surveillance aux dirigeants, aux parlementaires et au
grand public, et notamment aux organisations non gouvernementales concernées.