COMITÉ
DES DROITS DE L’ENFANT
Trente‑cinquième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Observations finales: Allemagne
1. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l’Allemagne (CRC/C/83/Add.7) à ses 926e et 927e séances (CRC/C/SR.926 et 927), tenues le 16 janvier 2004, et a adopté, à sa 946e séance (CRC/C/SR.946), tenue le 30 janvier 2004, les observations finales ci‑après.
A.
Introduction
2. Le Comité se félicite de la présentation du deuxième rapport périodique de l’État partie, qui a été établi conformément à ses directives. Il prend note également de la présentation des réponses écrites à sa liste des points à traiter (CRC/C/Q/DEU/2). Il note avec satisfaction que la présence d’une délégation composée de représentants hautement qualifiés, qui participent directement à la mise en œuvre de la Convention, a permis de se faire une meilleure idée de la mise en œuvre des droits de l’enfant dans l’État partie.
B. Mesures
de suivi entreprises et progrès réalisés par l’État partie
3. Le Comité accueille avec satisfaction:
a) L’adoption, le 15 juillet
1999, de la loi sur la nationalité et la citoyenneté, qui permet une
meilleure intégration des enfants étrangers;
b) La modification de la loi
du 16 décembre 1997 sur les affaires familiales (Reform zum
Kindschaftsrecht), qui est entrée en vigueur le 1er juillet 1998
et qui supprime la discrimination entre enfants nés dans le cadre du mariage et
enfants nés hors mariage pour ce qui est des droits concernant la garde et les
visites;
c) La ratification, en 2001,
de la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la
coopération en matière d’adoption internationale;
d) La ratification, en 2002,
de la Convention de l’OIT (no 182) concernant l’interdiction des
pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur
élimination.
C. Facteurs et difficultés
entravant la mise en œuvre de la Convention
4. Le Comité relève que la
réunification de l’Allemagne et ses conséquences continuent d’avoir des
incidences sur la mise en œuvre de la Convention dans l’ensemble de l’État
partie.
D. Principaux sujets de
préoccupation et recommandations
1. Mesures d’application générales
Recommandations antérieures
du Comité
5. Le Comité note avec
préoccupation que l’État partie a indiqué à plusieurs reprises dans son rapport
qu’il n’appliquerait pas certaines de ses recommandations. Il regrette en outre
que l’État partie n’ait pas suffisamment tenu compte des préoccupations qu’il
avait exprimées et des recommandations qu’il avait faites (CRC/C/15/Add.43)
après avoir examiné son rapport initial (CRC/C/11/Add.5), en particulier celles
qui figurent aux paragraphes 21 à 26 et 29 à 35, et notamment celle qui
porte sur la création d’un mécanisme de contrôle indépendant.
Ces préoccupations et recommandations sont réitérées dans le présent
document.
6. Le Comité invite instamment l’État partie
à tout mettre en œuvre pour donner suite aux recommandations antérieures qui
n’ont pas encore été appliquées ainsi qu’aux préoccupations exprimées dans les
présentes observations finales.
Réserves/déclarations
7. Le Comité prend note des informations
données par l’État partie aux paragraphes 84 et 844 de son rapport
(CRC/C/83/Add.7) et aux pages 46 et 47 de ses réponses écrites, selon
lesquelles les réserves et les déclarations qu’il a formulées au moment de la
ratification n’ont plus lieu d’être, en raison notamment des nouvelles
dispositions législatives récemment adoptées. Le Comité reste toutefois
préoccupé par le fait que la majorité des Länder se montrent peu disposés à accepter le retrait de ces réserves et
déclarations.
8. Compte tenu de la Déclaration et du
Programme d’action de Vienne de 1993 ainsi que de ses recommandations
antérieures (CRC/C/15/43, par. 22), le Comité recommande à l’État
partie d’accélérer le processus de retrait des réserves et des déclarations
qu’il a faites et de le mener à bien avant la présentation de son prochain
rapport périodique, et, en particulier, de redoubler d’efforts pour
convaincre les Länder de la nécessité de ce retrait.
Législation
9. Le Comité est conscient que
de nombreuses lois concernant les droits de l’enfant ont été adoptées depuis
l’examen du rapport initial mais reste préoccupé par le fait que la Convention
n’a pas été incorporée dans la Loi fondamentale, alors que l’État partie
envisageait de le faire au moment de la présentation de son rapport
initial.
10. À la lumière de ses recommandations
précédentes (par. 21), le Comité recommande à l’État partie:
a) De réexaminer la question
de l’incorporation de la Convention dans la Loi fondamentale;
b) De veiller, au moyen d’un
mécanisme approprié, à ce que toutes les lois fédérales et toutes les lois des
Länder soient pleinement conformes aux dispositions de la Convention;
c) De veiller à ce que les
dispositions appropriées soient prises, notamment en ce qui concerne les
crédits budgétaires, pour que ces recommandations soient effectivement
appliquées .
Coordination
11. Le Comité relève que le
Ministère de la famille, des personnes âgées, de la femme et de
la jeunesse est chargé de coordonner la mise en œuvre de la Convention et
que des mécanismes de coordination existent entre les Länder, notamment
l’Association des autorités suprêmes pour la jeunesse des Länder et la
Conférence des ministres de la jeunesse des Länder. Toutefois, considérant que
de nombreux ministères participent à la mise en œuvre de la Convention, le
Comité demeure préoccupé par l’absence d’un mécanisme central chargé de
coordonner la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie au niveau
national, au niveau des Länder et au niveau local, mécanisme sans lequel il est
difficile de mener avec succès une politique globale et cohérente dans le
domaine des droits de l’enfant.
12. Le Comité recommande à l’État partie de
créer un mécanisme national permanent adéquat pour coordonner la mise en œuvre
de la Convention au niveau fédéral, entre le niveau fédéral et le niveau des
Länder et entre les Länder.
Plan d’action national
13. Le Comité constate avec
satisfaction qu’un plan d’action national est actuellement en cours
d’élaboration, conformément au document final de la session extraordinaire de
l’Assemblée générale de 2002 consacrée aux enfants intitulé «Un monde digne des
enfants» mais craint que ce plan ne couvre pas tous les domaines visés dans la
Convention.
14. Le Comité recommande à
l’État partie d’accélérer le processus d’adoption du plan d’action national,
qui devrait couvrir tous les domaines visés par la Convention, être global et
multidisciplinaire, et prévoir la création d’un mécanisme de coordination et de
contrôle. Le Comité recommande en outre que ce plan soit adopté et mis en œuvre
dans le cadre d’un processus ouvert, consultatif et participatif.
Structures de suivi
indépendantes
15. Le Comité prend note de
l’existence de diverses institutions de protection des droits de l’homme, qui
s’occupent aussi des droits de l’enfant, ainsi que de commissaires des enfants
au niveau des Länder, de la Commission des enfants du Bundestag et d’une commission indépendante chargée de faire
régulièrement rapport sur la situation des enfants et des jeunes (Kinder-
und Jugendbericht). Le Comité constate toutefois avec préoccupation qu’il
n’existe pas de mécanisme central indépendant chargé de la surveillance globale
de la mise en œuvre de la Convention, qui serait habilité à recevoir et à examiner
des plaintes individuelles émanant d’enfants au niveau des Länder et au niveau
fédéral.
16. Le Comité encourage l’État partie à
envisager la création d’une institution nationale des droits de l’homme
indépendante, conformément aux Principes concernant le statut des institutions
nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes
de Paris, résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe) et compte tenu de
l’Observation générale no 2 (2002) du Comité sur le rôle des
institutions nationales des droits de l’homme dans la protection et la
promotion des droits de l’enfant, qui serait chargée de surveiller et d’évaluer
les progrès réalisés dans le domaine de la mise en œuvre de la Convention aux
niveaux national et local. Il lui recommande par ailleurs de doter cette
institution de ressources humaines, techniques et financières suffisantes et de
lui donner pour mandat, entre autres, de recevoir les plaintes relatives aux
violations des droits de l’enfant, d’enquêter sur ces plaintes et de leur
donner la suite voulue, en étant attentive à ne pas heurter l’enfant.
Collecte de données
17. Le Comité note avec
satisfaction l’abondance de statistiques figurant dans les annexes
du rapport de l’État partie mais reste préoccupé par l’insuffisance des
données dans certains domaines couverts par la Convention.
18. Le Comité recommande à l’État partie de
mettre au point un système de collecte de données et d’indicateurs compatibles
avec la Convention et ventilés par sexe, âge et zone urbaine/rurale. Ce système
devrait concerner tous les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans et mettre
spécifiquement l’accent sur les groupes particulièrement vulnérables, tels que
les enfants étrangers. Il encourage en outre l’État partie à utiliser ces
indicateurs et données dans l’élaboration des politiques et des programmes
visant à la mise en œuvre effective de la Convention.
Formation et diffusion
19. Le
Comité prend note des diverses activités menées par l’État partie pour faire
connaître les dispositions et les principes de la Convention mais demeure
préoccupé par le fait que, selon des études récentes, la plupart des enfants et
des adultes, notamment ceux qui appartiennent à des groupes vulnérables, ne
connaissent pas les droits énoncés dans la Convention. Il craint donc que
l’État partie ne mène pas, de façon systématique et ciblée, des activités
adéquates de diffusion, de sensibilisation et de formation en ce qui concerne
la Convention.
20. Conformément à ses recommandations
précédentes (par. 26, 27 à 36) et à l’article 42 de la Convention, le
Comité recommande à l’État partie:
a) De renforcer sensiblement
son programme de diffusion d’informations relatives à la Convention et à son
application auprès des enfants et des parents, de la société civile et de
tous les secteurs et échelons de l’administration et, à ce titre, de prendre
des initiatives pour toucher les groupes vulnérables tels que les demandeurs
d’asile, les réfugiés et les minorités ethniques;
b) De mettre au point des
programmes de formation systématiques et permanents aux droits de l’homme, y
compris les droits de l’enfant, à l’intention de tous les groupes
professionnels qui travaillent pour et avec des enfants (par exemple les
magistrats, les avocats, les responsables de l’application des lois, les membres
de la fonction publique, les fonctionnaires des collectivités locales, les
personnels qui travaillent dans des établissements pour enfants, les
enseignants et les personnels de la santé).
Coopération internationale
21. Le Comité prend note de
l’adoption du Programme d’action 2015 pour la lutte contre la pauvreté et des
nombreuses autres activités menées dans le domaine de la coopération et de
l’assistance internationales mais reste préoccupé par le fait que l’État partie
ne consacre que 0,27 % environ de son revenu national brut à l’aide
publique au développement et envisage de porter ce pourcentage à 0,33 en
2006, ce qui constitue une progression très lente.
22. À la lumière de ses recommandations
précédentes (par. 25), le Comité encourage l’État partie à atteindre dès que
possible l’objectif fixé par l’ONU de consacrer 0,7 % du produit
intérieur brut à l’aide extérieure au développement et à s’attacher davantage
à atteindre les objectifs fixés dans l’Initiative 20/20 de Copenhague
concernant les services sociaux de base.
2. Principes généraux
Droit à la non-discrimination
23. Le Comité note avec
satisfaction que la Loi fondamentale interdit la discrimination (art. 3)
mais est préoccupé par la discrimination de facto dont sont victimes les
enfants étrangers et par les actes de haine raciale et de xénophobie, qui ont
une incidence négative sur le développement des enfants. Il constate en outre
avec préoccupation que certaines disparités au niveau des Länder en ce qui
concerne les pratiques et services fournis ainsi que l’exercice par les enfants
de leurs droits peuvent être considérées comme discriminatoires.
24. Conformément à l’article 2 de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie d’évaluer soigneusement et
régulièrement les disparités qui existent en ce qui concerne l’exercice par les
enfants de leurs droits et de prendre ensuite, sur la base de cette évaluation,
les mesures qui s’imposent pour prévenir et combattre les disparités
discriminatoires. Il lui recommande en outre de renforcer les mesures
administratives et judiciaires visant à prévenir et à éliminer la
discrimination de facto exercée à l’égard des enfants étrangers et des enfants
appartenant à des minorités.
25. Le Comité demande que dans le prochain
rapport périodique figurent des renseignements précis sur les mesures et
programmes en relation avec la Convention mis en chantier par l’État
partie pour donner effet à la Déclaration et au Programme d’action adoptés en
2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale,
la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, compte tenu de
l’Observation générale no 1 (2001) du Comité sur le paragraphe
1 de l’article 29 de la Convention (buts de l’éducation).
Intérêt supérieur de l’enfant
26. Le Comité prend note des diverses
initiatives qui ont été prises pour tenir compte du principe de l’intérêt
supérieur de l’enfant (art. 3) mais reste préoccupé par le fait que le
principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pleinement appliqué
et dûment intégré ni dans la mise en œuvre des politiques et des
programmes de l’État partie ni dans les décisions judiciaires et
administratives.
27. Le Comité recommande à l’État partie de
prendre toutes les mesures appropriées pour faire en sorte que le principe
général de l’intérêt supérieur de l’enfant soit incorporé de façon appropriée
dans toutes les lois et tous les budgets ainsi que dans les décisions
judiciaires et administratives et les projets, programmes et services qui ont
des incidences sur les enfants.
Respect des opinions de
l’enfant
28. Le Comité prend note des
progrès accomplis dans l’application de l’article 12 de la Convention et,
notamment, des diverses dispositions juridiques qui reconnaissent à l’enfant
le droit d’exprimer ses opinions mais reste préoccupé par le fait que le
principe général énoncé à l’article 12 de la Convention n’est pas
pleinement appliqué et dûment intégré concrètement dans la mise en œuvre des
politiques et des programmes dans l’ensemble de l’État partie.
29. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses
efforts visant à assurer l’application du principe du respect des opinions de
l’enfant. À cet égard, il conviendrait de mettre tout particulièrement l’accent
sur le droit qu’a l’enfant de participer aux activités au sein de la famille, à
l’école, dans d’autres institutions et organismes et au sein de la société
en général, une attention particulière étant accordée aux groupes
vulnérables. Ce principe général devrait aussi trouver son expression dans
l’ensemble des politiques et des programmes concernant les enfants. Il
conviendrait de renforcer les campagnes de sensibilisation du public ainsi que
l’éducation et la formation des professionnels quant à l’application de ce
principe.
3. Droits et libertés civils
Liberté
de religion
30. Le Comité prend note de l’arrêt de la Cour
constitutionnelle du 24 septembre 2003 (2 BvR 1436/02, affaire Ludin)
mais est préoccupé par les lois qui sont actuellement examinées dans certains
Länder et qui prévoient d’interdire aux enseignantes de porter le voile dans
les écoles publiques, car cela n’aide pas l’enfant à comprendre le droit à la
liberté de religion et à adopter une attitude de tolérance, conformément
aux buts de l’éducation énoncés à l’article 29 de la Convention.
31. Le Comité recommande à l’État partie de
prendre des mesures pédagogiques et d’autres mesures visant à développer
chez les enfants, chez les parents et dans la société en général une culture de
la compréhension et de la tolérance, en particulier dans les domaines de la liberté
de religion, de conscience et de pensée, en évitant notamment de prendre des
mesures qui réservent un traitement particulier à un groupe religieux donné.
Accès à l’information
32. Le Comité accueille avec satisfaction les efforts de l’État partie visant à protéger les enfants du contenu nocif de certains matériels imprimés et électroniques véhiculés par les médias (par exemple la loi sur la protection de la jeunesse et l’accord interétatique sur la protection des mineurs dans les médias, 2003), mais redoute que la situation juridique ne se complique du fait de la multiplication des instruments juridiques et que les responsabilités incombant à l’État fédéral, d’une part, et aux Länder, d’autre part, ne soient pas clairement établies.
33. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De veiller à ce que la réglementation récemment adoptée
concernant la protection des enfants contre les informations nocives soit
pleinement appliquée et de trouver les moyens de rendre la situation juridique
dans ce domaine plus transparente;
b) D’envisager d’autres moyens, y compris des conseils aux
parents, pour protéger les enfants contre des informations qui peuvent leur
être néfastes.
4. Milieu
familial et protection de remplacement
Responsabilités
parentales
34. Le Comité note avec satisfaction, d’une part, l’adoption de la troisième loi portant modification de la loi fédérale sur les indemnités pour enfants (entrée en vigueur le 1er janvier 2000), qui améliore la possibilité qu’ont les deux parents de prendre un congé parental et, d’autre part, la modification de la loi relative à la garde parentale, qui prévoit la garde parentale partagée (Sorgerecht) même lorsque les parents sont divorcés, séparés ou non mariés, mais craint que le système judiciaire ne soit pas encore prêt à appliquer pleinement cette législation.
35. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les
mesures nécessaires pour que soit pleinement appliquée la nouvelle législation
concernant la garde parentale, notamment en dispensant une formation appropriée
aux magistrats.
L’adoption
internationale
36. Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie, en 2001, de la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et prend note des mesures prises pour l’appliquer mais craint que ces affaires d’adoption ne soient parfois entachées d’irrégularités, comme l’indique l’État partie dans son rapport (par. 476).
37. Le
Comité recommande à l’État partie de continuer à prendre toutes les mesures
nécessaires pour remédier aux irrégularités dont pourraient être entachées les
procédures d’adoption internationale, notamment en appliquant pleinement la
Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en
matière d’adoption internationale et en encourageant la ratification de cette
convention par les États d’où sont originaires les enfants adoptés par des
Allemands, lorsque ces États n’y sont pas encore parties.
Transferts
illicites et non‑retour d’enfants à l’étranger
38. Le Comité note avec satisfaction que l’Allemagne est partie à la Convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants mais constate avec préoccupation que le problème de l’enlèvement d’enfants par l’un des deux parents prend de l’ampleur.
39. Le
Comité recommande à l’État partie d’appliquer pleinement et effectivement
la Convention de La Haye de 1980 à tous les enfants enlevés et emmenés en
Allemagne (y compris ceux qui sont enlevés dans des pays qui ne sont pas
parties à ladite convention) et encourage les États qui ne sont pas encore
parties à cette convention à la ratifier ou à y adhérer et, si nécessaire,
à conclure des accords bilatéraux afin de lutter efficacement contre
l’enlèvement international d’enfants. Il recommande aussi de fournir toute
l’assistance possible, par les canaux diplomatiques et consulaires, afin de
résoudre les cas de transferts illicites d’enfants à l’étranger.
Violence,
sévices, abandon moral et maltraitance
40. Le Comité se félicite de l’adoption en 2000 de la loi interdisant la violence dans l’éducation des enfants, qui interdit les châtiments corporels dans la famille, d’une part, et, d’autre part, de divers autres instruments juridiques visant à lutter contre la violence dans la famille (par exemple la loi de 2002 visant à améliorer les droits de l’enfant) mais reste préoccupé par l’absence de données et d’informations détaillées sur les effets de la nouvelle législation. Le Comité constate en outre avec préoccupation que diverses formes de violence continuent d’exister dans l’État partie, en particulier les violences sexuelles et le problème croissant de la violence à l’école.
41. À la lumière de
l’article 19 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) D’entreprendre une étude approfondie sur
la violence, et plus particulièrement sur les sévices sexuels et la violence à
l’école, afin d’évaluer l’étendue, l’ampleur et la nature de ces pratiques;
b) De renforcer les campagnes de
sensibilisation avec la participation d’enfants afin de prévenir et de
combattre la maltraitance dont ceux-ci sont victimes;
c) D’évaluer le travail des structures
existantes et d’assurer la formation des personnes appelées à traiter de tels
cas dans le cadre leurs fonctions.
5. Santé et bien-être
42. Le Comité se déclare préoccupé par l’abus répandu des stupéfiants, de l’alcool et du tabac chez les enfants, par le nombre élevé d’enfants qui naissent avec le syndrome d’alcoolisme fœtal et par le nombre élevé d’enfants dont l’un des parents est toxicomane, qui est estimé à 3 millions.
43. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les
mesures nécessaires pour lutter contre l’abus de stupéfiants et d’alcool chez
les enfants et chez les parents, notamment en menant des campagnes d’éducation
intensives et en mettant en place des services de réadaptation adéquats.
Santé
des adolescents
44. Le Comité note avec préoccupation que les enfants souffrant de troubles psychiatriques sont, dans les établissements psychiatriques, soignés dans le pavillon des adultes et que les questions éthiques touchant la psychiatrie ne sont pas suffisamment prises en considération. Le Comité est par ailleurs profondément préoccupé par le nombre très élevé de suicides chez les enfants et les adolescents.
45. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les
mesures nécessaires pour faire en sorte que les enfants soient séparés des
adultes dans les établissements psychiatriques et pour prendre davantage en
considération les normes internationales en matière d’éthique psychiatrique.
Le Comité recommande en outre à l’État partie de renforcer les services de
soins de santé destinés aux adolescents, en particulier les prestations
d’assistance sociopsychologique et les programmes de prévention du suicide.
Pratiques
traditionnelles néfastes
46. Le Comité note que le droit pénal interdit la pratique des mutilations sexuelles féminines mais se déclare préoccupé par les informations selon lesquelles des jeunes filles d’origine subsaharienne seraient soumises à cette pratique dans l’État partie.
47. Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’entreprendre une étude sur l’ampleur et
la nature des mutilations sexuelles féminines auxquelles il est procédé en
Allemagne ou à l’étranger sur des jeunes filles résidant en Allemagne;
b) D’organiser, à la lumière des résultats de
cette étude, une campagne d’information et de sensibilisation pour prévenir
cette pratique;
c) D’associer à cette action les
organisations non gouvernementales qui sont actives dans ce domaine;
d) De donner la priorité à l’élimination des
mutilations sexuelles féminines dans son programme de coopération
internationale, notamment en fournissant une assistance financière et technique
aux pays d’où sont originaires les victimes, où il est procédé à ces
mutilations et qui mettent en œuvre des programmes vigoureux visant à éliminer
ces pratiques.
Services
et établissements de garde d’enfants
48. Le Comité partage les préoccupations de l’État partie concernant la pénurie d’établissements de garde d’enfants, en particulier dans la partie occidentale du pays (CRC/C/83/Add.7, par. 584, 585 et 630) et l’absence de normes nationales régissant ces établissements.
49. Conformément au paragraphe 3 de l’article 18 et à l’article 25
de la Convention et compte tenu des recommandations du Comité des droits
économiques, sociaux et culturels (E/C.12/1/Add.68, par. 44), le Comité
recommande à l’État partie de prendre des mesures pour créer des services de
garde d’enfants supplémentaires afin de répondre aux besoins des parents qui
travaillent et de créer des normes nationales visant à faire en sorte que tous
les enfants aient accès à des services de garde de qualité.
Droit
à un niveau de vie suffisant
50. Le Comité prend note du changement de politique en matière de transferts financiers que constitue l’accent mis sur la construction d’infrastructures appropriées à l’intention des familles pauvres. Il se félicite aussi du premier rapport national sur la pauvreté (2001) et prend note de l’accroissement des allocations pour enfant à charge au cours des dernières années ainsi que de la réforme de l’impôt sur le revenu, qui prévoit des mesures visant à aider les familles avec enfants, mais reste préoccupé par l’importance de la pauvreté, qui touche principalement les familles nombreuses, les familles monoparentales et les familles d’origine étrangère ainsi que, d’une manière disproportionnée, les familles originaires de la partie orientale de l’État partie, comme l’indique le onzième rapport sur la jeunesse.
51. Conformément à ses recommandations précédentes (par. 31), le
Comité recommande à l’État partie:
a) De prendre, «dans toutes les limites des
ressources dont il dispose», toutes les mesures nécessaires pour accélérer
l’élimination de la pauvreté des enfants, notamment pour éliminer les
disparités entre la partie orientale et la partie occidentale du pays;
b) De continuer à apporter une assistance et
un soutien matériel aux familles défavorisées sur le plan économique, notamment
les familles monoparentales et les familles d’origine étrangère, de façon à
garantir le droit des enfants à un niveau de vie suffisant;
c) D’évaluer d’une manière appropriée les
changements dans les politiques sociales.
6. Éducation, loisirs et activités culturelles
52. Le Comité note que la décentralisation de l’enseignement peut conduire à certaines disparités dans l’application des articles 28 et 29 de la Convention. Il est en outre préoccupé par l’absence de services appropriés pour l’éducation des enfants ayant des difficultés d’apprentissage.
53. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De prendre toutes les mesures nécessaires,
en particulier par l’intermédiaire de la Commission mixte Gouvernement
fédéral‑Länder pour la planification de l’éducation et la promotion de la
recherche (BLK) et avec la participation de la société civile, pour faire en
sorte que les articles 28 et 29 de la Convention soient pleinement appliqués
dans l’ensemble des Länder;
b) En ce qui concerne les paragraphes 23 et
24 ci-dessus, de développer davantage l’éducation dans le domaine des droits de
l’homme, en tenant compte de l’Observation générale no 1 (2001) du
Comité sur le paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention
(buts de l’éducation);
c) De développer davantage les services
destinés aux enfants ayant des difficultés d’apprentissage;
d) D’introduire des programmes d’éducation
civique dans toutes les écoles.
7. Mesures de protection spéciales
Enfants
réfugiés
54. Outre les préoccupations que lui inspire la déclaration faite par l’État partie au sujet de l’article 22 de la Convention, le Comité reste préoccupé par ce qui suit:
a) Les enfants réfugiés âgés de 16 à 18 ans ne bénéficient pas des droits énoncés dans la loi sur la protection de la jeunesse;
b) Les enfants roms et les autres enfants appartenant à des minorités ethniques peuvent être expulsés de force vers les pays qu’ont fui leur famille;
c) Le recrutement d’enfants comme soldats n’est pas considéré, dans la procédure de demande d’asile, comme une persécution visant expressément les enfants;
d) Les conditions à remplir et les procédures à suivre par les familles de réfugiés pour obtenir le regroupement familial, tel qu’il est défini dans la Convention relative au statut des réfugiés de 1951, sont complexes et trop longues;
e) Dans le Land de Berlin, des enfants de réfugiés se sont vu dénier le droit d’obtenir un certificat de naissance au motif que leurs parents n’avaient pas produit tous les documents requis.
55. À la lumière des articles 7 et 22 et d’autres dispositions
pertinentes de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de prendre
toutes les mesures nécessaires pour:
a) Appliquer pleinement les dispositions de
la loi sur la protection de la jeunesse à tous les enfants réfugiés âgés
de moins de 18 ans;
b) Modifier sa législation et sa politique
concernant les enfants roms et les autres enfants appartenant à des minorités
ethniques demandant l’asile dans l’État partie;
c) Envisager, dans la procédure de demande
d’asile, de considérer le recrutement d’enfants comme soldats comme une
persécution visant expressément les enfants;
d) Assouplir les conditions à remplir et les
procédures à suivre par les réfugiés en matière de regroupement familial,
en particulier pour toutes les personnes couvertes par la Convention de
1951 relative au statut des réfugiés;
e) Faire en sorte que des certificats de
naissance soient délivrés pour tous les enfants de réfugiés et de
demandeurs d’asile nés sur le territoire de l’État partie.
Exploitation
sexuelle et traite
56. Le Comité se félicite de l’adoption du Plan d’action du Gouvernement fédéral pour la protection des enfants et des jeunes personnes contre la violence et l’exploitation sexuelles (janvier 2003) mais reste préoccupé par le fait que les âges retenus dans le Code pénal varient en fonction de l’infraction commise par un adulte sur la personne d’un enfant.
57. À la lumière de l’article 34 et d’autres articles connexes de la
Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) D’étendre la protection contre
l’exploitation sexuelle et la traite prévue dans toutes les lois pertinentes à
tous les garçons et à toutes les filles jusqu’à l’âge de 18 ans;
b) De poursuivre l’action qu’il mène pour lutter contre l’exploitation sexuelle et la traite des enfants en appliquant efficacement son plan d’action, conformément à la Déclaration et au Programme d’action de 1996 et à l’Engagement mondial de 2001, adoptés lors des congrès mondiaux contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.
Les
enfants des rues
58. Le Comité donne acte à l’État partie des efforts faits dans ce domaine mais se déclare préoccupé par le nombre croissant d’enfants des rues que l’on y recense ainsi que par le pourcentage élevé d’enfants étrangers parmi eux.
59. Le Comité
recommande à l’État partie:
a) De
poursuivre ses efforts visant à prévenir et à réduire ce phénomène
en s’attaquant à ses causes profondes et en mettant tout particulièrement
l’accent sur la protection des enfants étrangers;
b) De veiller à ce que les enfants des rues
mangent à leur faim, aient des vêtements, un toit, des soins de santé décents et
des possibilités d’éducation, notamment en matière de formation
professionnelle et de préparation à la vie active, afin de favoriser leur plein
épanouissement;
c) De faire en sorte que ces enfants aient
accès à des services de réadaptation et de réinsertion lorsqu’ils ont été
victimes de sévices physiques ou sexuels ou de l’abus de drogues, et de
services de réconciliation avec leur famille.
Administration
de la justice pour mineurs
60. Le Comité est préoccupé non seulement par les réserves concernant l’article 40, paragraphe 2, alinéas b ii et v mais aussi par le nombre croissant d’enfants placés en détention − mesure qui touche d’une manière disproportionnée les enfants d’origine étrangère − et par le fait que les enfants placés en détention ou en garde à vue le sont en compagnie de personnes qui peuvent avoir jusqu’à 25 ans.
61. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De
prendre toutes les mesures appropriées pour mettre en place un système
d’administration de la justice pour mineurs qui soit conforme aux dispositions
de la Convention, en particulier ses articles 37, 39 et 40 ainsi qu’à d’autres
normes adoptées par les Nations Unies dans ce domaine, notamment
l’Ensemble de Règles minima des Nations Unies concernant l’administration
de la justice pour mineurs(Règles de Beijing), les Principes directeurs des
Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes
directeurs de Riyad), les Règles des Nations Unies pour la protection des
mineurs privés de liberté et les Directives de Vienne relatives aux enfants
dans le système de justice pénale;
b) De
faire en sorte que la privation de liberté ne constitue qu’une mesure de
dernier ressort et soit d’une durée aussi brève que possible, que les garanties
de procédure soient pleinement respectées et que les personnes âgées de moins
de 18 ans ne soient pas détenues avec des adultes;
c) De
mettre au point, dans le domaine de la justice pour mineurs, des procédures
conformes aux instruments internationaux susmentionnés, à substituer aux
procédures actuelles.
8. Protocoles facultatifs se
rapportant à la Convention
62. Le
Comité se félicite du soutien qu’apporte l’État partie au principe «pas avant
18 ans» en ce qui concerne le Protocole facultatif à la Convention
concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés ainsi que de la
déclaration qu’il a faite au sujet de l’article 38 de la Convention. À cet
égard, le Comité prend note du processus de ratification engagé par l’État
partie et invite celui-ci à ratifier et à appliquer les protocoles facultatifs
se rapportant à la Convention, le premier concernant la vente d’enfants, la
prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants
et le second concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.
9. Diffusion
de la documentation
63. Conformément au paragraphe 6 de l’article
44 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d’assurer à son
deuxième rapport périodique ainsi qu’à ses réponses écrites une large diffusion
auprès du public et d’envisager de publier ledit rapport ainsi que les comptes
rendus des séances consacrées à son examen et les observations finales adoptées
par le Comité. Le document ainsi produit devrait être largement diffusé
de façon à susciter un débat et contribuer à faire connaître la
Convention, sa mise en œuvre et son suivi au Gouvernement, au Parlement et au
grand public, y compris les organisations non gouvernementales concernées. Le
Comité recommande à l’État partie de demander l’aide de la communauté
internationale à cet égard.
10.
Périodicité des rapports
64. Enfin, à la lumière des recommandations sur
la périodicité des rapports adoptées par le Comité et décrites dans les
rapports sur ses vingt‑neuvième session (CRC/C/114) et trente‑deuxième
session (CRC/C/124), le Comité souligne l’importance d’une pratique
en matière de présentation des rapports qui soit pleinement conforme avec
les dispositions de l’article 44 de la Convention. Un aspect important des
responsabilités des États parties envers les enfants qui découlent de la
Convention est de veiller à ce que le Comité des droits de l’enfant ait
régulièrement la possibilité d’examiner les progrès réalisés dans la mise
en œuvre de cet instrument. Le Comité recommande à l’État partie de
présenter son prochain rapport périodique d’ici au 4 avril 2009.
Ce rapport rassemblera en un seul les troisième et quatrième rapports
périodiques et ne devra pas dépasser 120 pages (voir CRC/C/118).
Le Comité attend de l’État partie qu’il présente ensuite un rapport
tous les cinq ans, comme la Convention le prévoit.
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