University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Honduras, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.24 (1994).



COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Septième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité des droits de l'enfant : Honduras


1. Le Comité a examiné le rapport initial du Honduras (CRC/C/3/Add.17) de sa 158ème à sa 160ème séance (CRC/C/SR.158 à 160), tenues les 27 et 28 septembre 1994, et adopté */ les conclusions suivantes :

A. Introduction

2. Le Comité félicite l'Etat partie pour son rapport et pour les réponses écrites détaillées que le Gouvernement hondurien a données à la liste des points à traiter élaborée par le Comité. Il note avec satisfaction l'élément autocritique de ces réponses et les initiatives prioritaires envisagées pour améliorer la situation des enfants au Honduras. Il est heureux, en particulier, que ces réponses aient été élaborées en consultation avec diverses entités, notamment des organisations non gouvernementales qui participent à la mise en oeuvre des droits de l'enfant dans l'Etat partie.

B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite de la volonté qui se manifeste dans le pays de prendre les mesures voulues pour améliorer la mise en oeuvre des droits consacrés dans la Convention. Il prend note du fait que le gouvernement a conscience des problèmes qui se posent et de la nécessité d'une action d'envergure pour y remédier. A cet égard, il note la réforme législative envisagée, notamment le projet de code du mineur et la proposition visant à rendre le service militaire facultatif et à interdire la conscription avant l'âge de 18 ans. La réorientation de la politique, notamment la priorité accrue accordée à la satisfaction des besoins sociaux de base des groupes les plus pauvres de la population, est aussi accueillie avec satisfaction.

4. Le Comité se félicite du soutien et des encouragements que le gouvernement apporte à l'amélioration de la coopération avec le Commissaire national à la protection des droits de l'homme, et avec les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, pour déterminer les mesures et les priorités qui permettront de promouvoir les droits de l'enfant au Honduras et de les protéger.

5. Le Comité note avec intérêt la signature du "Pacte pour les enfants", initiative visant à renforcer la participation des municipalités à l'application et à la surveillance des droits garantis par la Convention. Il prend note du soutien accordé par l'Etat partie aux initiatives régionales, entre autres à celles de la Commission des mineurs du Parlement centraméricain, en ce qui concerne des questions telles que la traite des enfants, la toxicomanie ou le travail des enfants.

6. Le Comité prend note des efforts faits pour rassembler des informations sur les organisations qui oeuvrent pour et avec les enfants dans le pays. Il note aussi que l'on s'efforce de recenser les zones les plus pauvres du Honduras afin d'assurer en priorité des services de base aux plus nécessiteux.

C. Facteurs et difficultés qui font obstacle à la mise en oeuvre de la Convention

7. Le Comité note que les mesures prises par le Gouvernement hondurien pour rembourser la dette extérieure et mettre en oeuvre le programme d'ajustement structurel ont grevé les ressources du pays. La détérioration de la situation économique au Honduras se traduit par une dégradation des conditions de vie et de la protection sociale des Honduriens, à tel point qu'environ 60 % de la population vit dans une extrême pauvreté. Le Comité a aussi conscience que la sécheresse, les inondations et d'autres problèmes écologiques ont considérablement compromis la possibilité qu'ont les familles honduriennes, dont la subsistance dépend de l'agriculture, de maintenir un niveau de vie satisfaisant et, partant, de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.

D. Principaux sujets de préoccupation

8. Près de 60 % de la population hondurienne ayant moins de 18 ans, la détérioration de la situation économique du pays a eu de graves conséquences pour les enfants du Honduras. Le Comité note que les inégalités sociales qui existent dans le pays, dont la répartition inégale des revenus et des terres, ont contribué aux énormes problèmes auxquels se heurtent les enfants honduriens.

9. Le Comité constate avec inquiétude que les ressources consacrées à la mise en oeuvre des droits reconnus par la Convention sont insuffisantes pour améliorer de façon satisfaisante la situation des enfants au Honduras.

10. Il note l'absence d'une stratégie globale pour promouvoir la prise de conscience et la compréhension des droits de l'enfant parmi les adultes et les enfants du pays.

11. Le Comité note avec préoccupation que l'état d'esprit traditionaliste qui règne dans le pays risque de ne pas favoriser la réalisation des principes généraux énoncés dans la Convention, en particulier, l'application des dispositions de l'article 2 relatives à la non-discrimination, notamment pour des considérations de sexe ou d'origine ethnique, ou de l'article 12 relatives au respect de l'opinion de l'enfant.

12. En dépit des mesures prises par le Gouvernement hondurien pour améliorer et faciliter l'établissement de l'état civil des enfants, le Comité craint qu'il soit toujours difficile de dresser les actes nécessaires et que l'absence de documents de base indiquant l'âge et la filiation de l'enfant compromette la mise en oeuvre des autres droits de l'enfant, y compris l'accès aux services de santé publique et à la protection dont un enfant doit pouvoir bénéficier dans le système d'administration de la justice pour mineurs.

13. Le Comité s'inquiète de l'apparente insuffisance des mesures prises par l'Etat partie pour garantir que ses procédures d'adoption sont conformes aux dispositions et principes pertinents de la Convention, en particulier des articles 3, 12 et 21.

14. Etant donné le nombre relativement élevé de grossesses chez les adolescentes, le Comité a de sérieux doutes quant à la validité des méthodes d'éducation familiale et sexuelle, notamment quant au niveau général de compréhension et de connaissance des méthodes de planification familiale et à l'accès aux services de planification familiale. Le Comité craint par ailleurs que certains comportements fassent encore obstacle aux efforts visant à mettre fin à l'exploitation et aux violences sexuelles.

15. Le Comité note que le manque de services et d'équipements sanitaires ainsi que l'absence de réseaux d'alimentation en eau salubre et de services d'assainissement constituent un grave problème dans les zones rurales. Il s'inquiète aussi de la prévalence de la malnutrition chez les enfants des secteurs pauvres et défavorisés de la population, notamment des effets adverses du manque d'aliments nutritifs sur le droit de l'enfant à la survie et à une croissance saine.

16. Le Comité constate avec préoccupation que, comme l'Etat partie le reconnaît lui-même, il n'a pas été pris de mesures pour garantir la mise en oeuvre des dispositions de l'article 23 de la Convention concernant les enfants handicapés.

17. Nonobstant l'initiative prise par l'Etat partie d'assurer un enseignement bilingue aux enfants à l'école, le Comité est profondément préoccupé par l'insuffisance des mesures adoptées pour mettre en oeuvre les dispositions de l'article 28 de la Convention concernant le droit de l'enfant à l'éducation, compte tenu notamment des faibles niveaux de scolarisation et de rétention et du manque de formation professionnelle dans les écoles, ainsi que de l'insuffisance des programmes de formation pédagogique et des matériels didactiques.

18. Le Comité se dit inquiet du fonctionnement, dans la pratique, du système hondurien d'administration de la justice pour mineurs. Il note avec une préoccupation particulière que, dans la majorité des départements, il n'a pas été nommé des juge pour enfants et qu'il n'existe pas de programmes de formation à leur intention. Il s'inquiète aussi des propositions visant à abaisser l'âge de la responsabilité pénale de 18 à 16 ans.

19. Le Comité se déclare profondément préoccupé par des informations qu'il a reçues au sujet de l'exploitation et des sévices dont seraient victimes les jeunes filles qui travaillent dans les "maquilas" (chaînes de montage, notamment dans l'industrie textile).

E. Recommandations et suggestions

20. Il faut voir dans la Convention un cadre d'action pour améliorer la condition de l'enfant. A cet égard, le Comité tient à souligner l'importance que revêt l'application des principes généraux de la Convention énoncés aux articles 2, 3, 6 et 12, pour guider l'action à entreprendre afin de mettre en oeuvre les droits de l'enfant. En particulier, il tient à appeler l'attention de l'Etat partie sur l'importance des dispositions de l'article 3 relatives à l'intérêt supérieur de l'enfant, entre autres afin d'orienter les futurs débats et décisions sur l'octroi et la répartition des ressources nécessaires pour mettre en oeuvre les droits de l'enfant.

21. Le Comité recommande que les mécanismes nécessaires soient établis au niveau national pour assurer la surveillance continue de la mise en oeuvre des droits garantis par la Convention. A cet égard, il suggère que le gouvernement envisage d'examiner la possibilité d'accorder à la Commission nationale des droits de l'enfant un statut officiel, voire un statut constitutionnel, afin d'en renforcer l'efficacité. Le Comité tient à souligner que les diverses entités, dont les organisations non gouvernementales qui oeuvrent pour les enfants et avec eux, doivent être associées à tout mécanisme de coordination et de surveillance établi pour protéger les droits de l'enfant et y être représentées. Il suggère qu'un rapport annuel sur les progrès réalisés dans la mise en oeuvre des droits de l'enfant soit établi par le mécanisme national de surveillance et soumis au Parlement. Il recommande aussi que des systèmes de collecte de statistiques et autres données qui fourniraient des indications et des tendances quant à la réalisation des droits de l'enfant soient mis au point ou renforcés.

22. Le Comité recommande que le gouvernement envisage la possibilité d'organiser une réunion où serait examinée la question des ressources disponibles pour mettre en oeuvre les droits énoncés dans la Convention, y compris dans le cadre d'une coopération internationale. Pourraient participer à cette réunion des membres du Comité et des représentants de la communauté des donateurs, de la Banque mondiale, du FMI, de l'UNICEF et d'autres organisations internationales, ainsi que d'organisations non gouvernementales.

23. De l'avis du Comité, il faut redoubler d'efforts pour que les principes et dispositions de la Convention soient largement connus et compris chez les adultes et les enfants, notamment l'article 12 concernant le droit de l'enfant d'exprimer son opinion et de voir celle-ci prise en considération. Le Comité souhaiterait suggérer qu'une stratégie générale soit mise au point aussi rapidement que possible pour réaliser cet objectif. Il est important que les informations de cette nature soient diffusées dans les langues des enfants appartenant à des minorités ou à des groupes autochtones, et atteignent les populations vivant dans les zones rurales éloignées. Des matériels et des programmes de formation sur les droits de l'enfant devraient aussi être élaborés et mis à la disposition des personnels et spécialistes qui s'occupent des enfants, notamment des juges, des enseignants, des personnels des institutions pour enfants et des fonctionnaires chargés de l'application des lois.

24. Le Comité considère qu'il faut s'employer davantage à sensibiliser la société aux besoins et à la situation des filles, des enfants des zones rurales et des enfants socialement désavantagés des zones urbaines, à la lumière de l'article 2 de la Convention.

25. De l'avis du Comité, il faut s'employer d'urgence à prendre les mesures qui s'imposent pour dresser des actes d'état civil en bonne et due forme afin que tous les enfants honduriens possèdent les certificats/documents nécessaires.

26. Le Comité recommande à l'Etat partie de veiller à ce que ses procédures d'adoption soient conformes aux dispositions de la Convention, notamment de ses articles 3, 12 et 21, et d'autres instruments internationaux pertinents. Il lui recommande d'envisager de signer et de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.

27. Le Comité invite instamment l'Etat partie à renforcer davantage ses programmes d'éducation familiale, qui devraient fournir des informations sur la responsabilité des parents dans l'éducation des enfants, notamment sur la nécessité d'éviter les châtiments corporels. Il recommande aussi que l'on consacre une attention et des ressources accrues à la diffusion d'informations sur la planification familiale ainsi qu'aux services dans ce domaine. Il encourage l'Etat partie à prendre de nouvelles mesures afin de créer des services de puériculture et des centres à l'intention aux mères qui travaillent.

28. Tout en reconnaissant que l'Etat partie a introduit et développé les soins de santé primaires et fait des progrès majeurs en matière de vaccination, le Comité note que dans certaines zones du pays, notamment dans les zones rurales, il est encore très difficile d'avoir accès au système de santé publique, y compris aux soins de santé primaires. Il recommande que l'on fasse d'urgence le nécessaire pour étendre et renforcer le système de soins de santé primaires et améliorer la qualité des soins, notamment en prenant des mesures susceptibles d'inciter un plus grand nombre de volontaires à travailler dans les communautés et en veillant à ce que l'on dispose des médicaments et des équipements médicaux essentiels aux différents niveaux des soins de santé dans le pays.

29. Le Comité prend acte des efforts déployés par l'Etat partie pour assurer des programmes d'assistance familiale et sociale et mettre en oeuvre des programmes d'alimentation complémentaire avec une aide internationale, notamment celle du Programme alimentaire mondial. Il recommande cependant que l'on accorde une attention et des ressources importantes à la lutte contre l'extrême pauvreté qui touche la majorité de la population et porte préjudice aux droits de l'enfant, entre autres à ses droits à une alimentation, à un habillement et à un logement satisfaisants.

30. De l'avis du Comité, une réforme du système d'éducation s'impose d'urgence. Il recommande que des mesures soient prises pour améliorer la qualité de l'enseignement. Il suggère qu'une plus grande place soit faite à la formation professionnelle dans les écoles et que l'on s'emploie à former des enseignants en plus grand nombre. En outre, l'éducation relative aux droits de l'homme pourrait être incorporée au programme d'études.

31. Le Comité recommande que l'on s'attache davantage à faciliter l'accès des enfants au système d'éducation et à réduire le taux élevé d'abandons scolaires. A cet égard, il prend note de la suggestion du gouvernement, qui n'a pas encore été mise en pratique, d'organiser l'année scolaire en tenant compte des saisons agricoles pour que les enfants soient en vacances à l'époque des semailles et des récoltes. De même, le Comité souhaiterait que l'Etat partie envisage de distribuer des repas à l'école et de renforcer les services de médecine scolaire.

32. Pour ce qui est de la réforme législative dans le domaine de l'administration de la justice pour mineurs, le Comité tient à souligner que les nouvelles mesures prévues par l'Etat partie doivent s'inspirer des principes et dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant et des autres instruments internationaux pertinents, notamment des "Règles de Beijing", des Principes directeurs de Riyad et des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. A cet égard, il invite instamment le gouvernement à veiller à ce que l'âge de la responsabilité pénale ne soit pas abaissé. Il souhaite aussi recommander, entre autres, que le système d'administration de la justice pour mineurs soit soutenu de manière à fonctionner de façon satisfaisante. Cela exige, notamment, que des juges pour enfants soient formés puis nommés dans toutes les régions ou "départements" du Honduras. De même, le Comité recommande la mise en place de systèmes de surveillance et de visite des lieux où sont détenus des mineurs. Il recommande également que l'Etat partie renforce encore les mesures visant à réduire la durée de la garde à vue pour les mineurs afin que la privation de liberté ne soit qu'une mesure de dernier ressort.

33. Pour mettre fin aux violences dont sont victimes les enfants, le Comité recommande vivement que les allégations de violences et de mauvais traitements contre des enfants fassent rapidement l'objet d'une enquête dans le cadre d'un système approprié et que les coupables ne bénéficient ni de l'impunité, ni de l'immunité de poursuites.

34. Le Comité recommande que le gouvernement prenne les mesures nécessaires afin d'élaborer des lois protégeant les droits des réfugiés, conformément aux normes internationales pertinentes, notamment à la Convention relative au statut des réfugiés et au Protocole qui s'y rapporte. Une assistance technique peut être demandée au HCR à cet égard.

35. De l'avis du Comité, le gouvernement devrait d'urgence envisager de réviser les lois et autres mesures relatives à l'âge minimum d'admission à l'emploi de manière à ce qu'elles soient compatibles avec la Convention No 138 de l'OIT. A cet égard, le Comité recommande que des mesures appropriées soient prises pour protéger les enfants contre l'exploitation économique et en châtier les responsables. Il recommande, en particulier, que des dispositions soient prises pour que les jeunes filles qui travaillent dans les "maquilas" ne soient pas exploitées ni victimes de violences. Par ailleurs, il suggère à l'Etat partie d'envisager la possibilité d'adopter des mesures appropriées pour mettre en oeuvre la Convention No 169 de l'OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

36. Enfin, le Comité souhaiterait proposer qu'il soit envisagé de donner une large publicité dans le pays au rapport initial et aux informations complémentaires soumises par l'Etat partie au Comité, ainsi qu'aux comptes rendus analytiques pertinents et aux conclusions auxquelles le Comité est parvenu à l'issue de l'examen du rapport du Honduras.


*/ A sa 183ème séance, tenue le 14 octobre 1994.



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