1. Le Comité a examiné le rapport initial de la Hongrie (CRC/C/8/Add.34) de sa 455ème à sa 457ème séances (voir CRC/C/SR.455 à 457), tenues les 19 et 20 mai 1998, et il a adopté /A sa 477ème séance, le 5 juin 1998./ les observations finales ci-après :
2. Le Comité prend note de la présentation du rapport initial de l'Etat partie. Il a accueilli avec satisfaction les réponses, faites par écrit, aux questions de la liste des points à traiter (CRC/C/Q/HUN/1) et les renseignements supplémentaires présentés au cours du dialogue engagé avec le Comité, qui lui ont permis de déterminer quelle était la situation des droits de l'enfant dans l'Etat partie. Le Comité se félicite de l'attitude franche, sans complaisance et ouverte à la coopération qui a caractérisé les échanges avec la délégation de l'Etat partie. Il considère aussi que la présence d'une délégation de haut niveau, composée de personnes qui participent directement à l'application de la Convention en Hongrie, lui a permis de dialoguer avec ce pays de manière constructive.
3. Le Comité se réjouit de la création du Conseil de coordination pour l'enfance et la jeunesse, présidé par le Premier Ministre, ainsi que d'un conseil chargé plus spécialement de favoriser la prise en considération des intérêts de l'enfance et de la jeunesse, qui comprend des représentants du Gouvernement, des mouvements de jeunesse et des organisations non gouvernementales travaillant pour et avec les enfants.
4. Le Comité note avec satisfaction les réalisations déjà anciennes de l'Etat partie dans les domaines de l'éducation et des soins médicaux, et il se réjouit de ce que la Hongrie se soit engagée à respecter ces normes déjà élevées.
5. Le Comité se félicite de ce que l'Etat partie ait récemment ratifié la Convention de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi et la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales.
6. Le Comité reconnaît que l'Etat partie a dû faire face au cours des quelques dernières années à d'importantes difficultés de caractère économique, social et politique. Il note que la transition vers une économie de marché a accru le taux de chômage, fait augmenter le degré de pauvreté et aggravé d'une manière générale les problèmes sociaux, et qu'elle a eu de sérieuses conséquences pour le bien-être de la population, en particulier pour toutes les catégories vulnérables, y compris les enfants.
7. Le Comité demeure préoccupé par le fait que, malgré les mesures prises récemment dans le sens d'une réforme du droit, il subsiste des contradictions entre, d'une part, les dispositions et les principes de la Convention et, d'autre part, le droit interne.
8. Le Comité reste préoccupé par l'absence d'une politique nationale globale et intégrée pour la promotion et la protection des droits de l'enfant.
9. Le Comité est préoccupé en constatant les lacunes du mécanisme de surveillance des progrès réalisés dans les différents domaines auxquels s'applique la Convention et pour toutes les catégories d'enfants des zones urbaines ou rurales, en particulier les catégories concernées par les conséquences de la transition économique. Il déplore également le manque de données statistiques désagrégées concernant tous les enfants de moins de 18 ans.
10. Etant donné la tendance actuelle à la décentralisation en Hongrie,
le Comité se demande si le financement des services concernant la santé, l'éducation et la protection sociale des enfants pourra se poursuivre. Il est également préoccupé en constatant qu'il n'existe pas de mécanisme de régulation et de surveillance permettant de s'assurer que les autorités locales répartissent comme il se doit les ressources destinées aux enfants.
11. Le Comité n'ignore pas les initiatives déjà prises par l'Etat partie, mais il demeure inquiet de l'insuffisance des mesures qui ont été adoptées pour informer et instruire tous les secteurs de la société, et à la fois les adultes et les enfants, au sujet des principes et des dispositions de la Convention. Le Comité constate aussi avec préoccupation que la Convention n'est pas disponible dans toutes les langues minoritaires qui sont parlées dans l'Etat partie, y compris la langue des Roms. Autre motif de préoccupation : la Convention n'est pas suffisamment présente dans les programmes de formation de catégories professionnelles telles que les juges, les avocats, les agents de la force publique, les enseignants, les travailleurs sociaux et en général les fonctionnaires.
12. Le Comité se réjouit de la coopération entre, d'une part, les organisations non gouvernementales travaillant avec et pour les enfants et, d'autre part, les autorités, mais il déplore la trop faible utilisation du potentiel que représente le secteur non gouvernemental pour ce qui est de contribuer à l'élaboration de politiques et de programmes intéressant les droits de l'enfant.
13. Le Comité déplore que les principes généraux de la Convention, énoncés à l'article 2 (non-discrimination), à l'article 3 (intérêt supérieur de l'enfant) et à l'article 12 (respect des opinions de l'enfant), ne soient pas pleinement appliqués ou intégrés comme il se doit à l'exécution des politiques et programmes de l'Etat partie.
14. Le Comité note avec satisfaction les mesures prises par l'Etat partie, y compris l'adoption de la résolution gouvernementale No 1093/1997 concernant un train de mesures à moyen terme visant à élever le niveau de vie de la population rom; cependant, il demeure préoccupé de la persistance de pratiques discriminatoires à l'encontre de ce groupe minoritaire.
15. En ce qui concerne l'application de l'article 13 de la Convention, le Comité est préoccupé de l'insuffisance des mesures adoptées par l'Etat partie au sujet du droit de participation des enfants dans la famille, à l'école et dans la société en général. Le Comité déplore également la limitation imposée à la liberté d'association (art. 15 de la Convention) du fait que l'enregistrement d'associations gérées par des enfants n'est pas prévu.
16. Le Comité est préoccupé par les affaires relatives aux mauvais traitements subis par des enfants au sein de la famille et dans des institutions, ainsi que par l'absence de mesures satisfaisantes pour la réadaptation psychologique et la réinsertion sociale des enfants qui ont été victimes de tels abus. Profondément préoccupants également sont les cas où des agents de la force publique se livrent à des mauvais traitements dans les centres de détention ou en dehors de ces établissements.
17. Compte tenu des principes et des dispositions de la Convention, et en particulier des articles 3, 7 et 21, le Comité préconise une modification de la loi No XV de 1990, qui donne à un parent la possibilité de faire adopter un enfant avant la naissance de celui-ci.
18. Tout en notant les réalisations de l'Etat partie en ce qui concerne les taux de mortalité infantile et de mortalité des moins de cinq ans, l'immunisation universelle et le poids des enfants à la naissance, ainsi que dans le domaine de l'éducation, le Comité demeure préoccupé, compte tenu du principe de non-discrimination (art. 2 de la Convention), du fait que, particulièrement dans les zones rurales, les groupes minoritaires et les familles indigentes ne bénéficient pas de l'égalité d'accès aux services de santé et aux possibilités d'éducation.
19. Le Comité est préoccupé par le fait que, dans les services de santé, la campagne en faveur de l'allaitement au sein n'est pas menée de manière suffisamment efficace.
20. Le Comité exprime sa préoccupation devant l'insuffisance des mesures que l'on prend actuellement pour s'attaquer au problème de la violence visant les enfants, y compris les violences sexuelles au sein de la famille. Il déplore également l'absence de recherche sur le problème des violences sexuelles au sein de la famille.
21. Le Comité est préoccupé par la fréquence des suicides parmi les jeunes. Il est également préoccupé de l'insuffisance des mesures qui ont été prises au sujet des problèmes de santé des adolescents, tels que ceux qui ont trait à la santé génésique et à l'incidence de la grossesse chez les très jeunes filles. Le Comité exprime sa préoccupation devant l'augmentation de la toxicomanie et de l'alcoolisme parmi les enfants et devant l'insuffisance des mesures de prévention prises par l'Etat partie.
22. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures de caractère législatif et autre qui ont été prises au sujet du problème de l'exploitation sexuelle des enfants, y compris la prostitution enfantine et le trafic d'enfants.
23. Le Comité s'interroge sur la compatibilité entre, d'une part, le système en vigueur dans l'Etat partie en ce qui concerne la justice pour mineurs et, d'autre part, les articles 37, 40 et 39 de la Convention ainsi que d'autres dispositions pertinentes telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. En particulier, il est préoccupé par les mauvais traitements infligés aux enfants dans les centres de détention; il constate avec inquiétude que la privation de liberté n'est pas utilisée seulement en dernier recours et, d'autre part, qu'une sorte d'opprobre frappe les enfants appartenant aux catégories les plus vulnérables, y compris ceux qui appartiennent à la minorité rom.
24. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre toutes les mesures appropriées pour faciliter le processus d'harmonisation intégrale de la législation interne avec les principes et dispositions de la Convention et,
à cet effet, d'adopter un code de l'enfance, compte tenu en particulier du caractère holistique d'un traité tel que la Convention.
25. Le Comité recommande à l'Etat partie de renforcer et développer les mécanismes actuels de coordination et de surveillance en ce qui concerne les droits des enfants, afin d'y impliquer les autorités locales. A cet égard, il émet l'avis qu'il faudrait créer à l'échelon des autorités locales des services spécialisés dans les problèmes de l'enfance. Il importe de bien définir la nature des rapports entre, d'une part, le Conseil de coordination pour l'enfance et la jeunesse et, d'autre part, les différents services compétents de l'administration locale.
26. Le Comité recommande à l'Etat partie d'adopter une politique d'ensemble et intégrée relative à l'enfance, par exemple un plan d'action national prévoyant l'évaluation des progrès réalisés et la détermination des difficultés rencontrées au niveau central et sur le plan local dans la réalisation des droits reconnus par la Convention, et en particulier l'évaluation régulière des conséquences de l'évolution économique du point de vue des enfants. Ce système de surveillance devrait permettre à l'Etat de mettre au point les politiques appropriées et de combattre les disparités sociales actuelles.
27. Le Comité engage l'Etat partie à assurer la pleine application de l'article 4 de la Convention à la lumière des principes généraux de cet instrument, en particulier de celui de l'intérêt supérieur de l'enfant. Les ressources disponibles devraient être affectées dans toute la mesure possible à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, l'accent étant mis en particulier sur la santé et l'éducation, et sur ce qui peut permettre aux catégories d'enfants les plus désavantagées de jouir de ces droits. Le Comité souligne aussi que l'Etat partie doit impérativement prendre sans retard des mesures pour s'attaquer au problème de la pauvreté parmi les enfants, et faire tout ce qui est en son pouvoir pour que toutes les familles, en particulier les familles monoparentales et les familles roms disposent de ressources et de services satisfaisants. De plus, le Comité recommande à l'Etat partie d'engager les autorités locales à se procurer sur le plan local des recettes suffisantes pour financer les services sociaux, en particulier les services de protection et de promotion des droits des enfants.
28. Le Comité engage l'Etat partie à redoubler d'efforts pour faire connaître les principes et les dispositions de la Convention. Celle-ci devrait être disponible dans les langues des minorités, en particulier celle des Roms. De plus, la Convention devrait figurer parmi les programmes de formation de catégories professionnelles telles que celles des juges, des avocats, des agents de la force publique, des militaires, des fonctionnaires en général, du personnel des institutions accueillant des enfants ainsi que des lieux de détention pour mineurs, des personnels de santé, des psychologues et des travailleurs sociaux. La Convention devrait aussi être diffusée auprès des organisations non gouvernementales, des médias et du public en général, y compris des enfants eux-mêmes.
29. Le Comité engage l'Etat partie à poursuivre et intensifier ses efforts en vue d'un partenariat plus étroit avec les organisations non gouvernementales.
30. Le Comité recommande de nouveaux efforts pour faire en sorte que la législation nationale prenne entièrement en considération les principes de la non discrimination, de l'intérêt supérieur de l'enfant et du respect des opinions de l'enfant ainsi que de son droit de participation dans le cadre de la famille, à l'école, dans d'autres institutions et au sein de la société en général. Ces principes devraient aussi être pris en considération dans toutes les politiques et tous les programmes concernant les enfants.
31. Le Comité engage l'Etat partie à poursuivre et intensifier ses efforts pour éliminer les pratiques discriminatoires qui frappent la population rom et améliorer d'une manière générale la condition des enfants roms.
32. Compte tenu de l'article 19 et de l'alinéa a) de l'article 37, le Comité recommande vivement à l'Etat partie de prendre toutes les mesures appropriées pour empêcher et combattre les mauvais traitements infligés aux enfants, y compris les violences physiques et sexuelles dans le cadre de la famille, à l'école et dans les institutions accueillant des enfants. Il recommande à l'Etat partie d'entreprendre, y compris dans le cadre de l'éducation, des campagnes de protection des enfants contre les violences et les mauvais traitements. Il faudrait effectuer des études d'ensemble qui permettraient de mieux comprendre ces problèmes et faciliteraient l'élaboration de politiques et de programmes destinés à y faire face de manière efficace, y compris des programmes de réadaptation.
33. Le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager de réexaminer sa législation et sa pratique en ce qui concerne la possibilité de faire adopter un enfant avant sa naissance. De plus, il l'engage à envisager d'adhérer à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale (1993).
34. Le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager de prendre de nouvelles mesures pour remédier aux inégalités actuelles entre villes et campagnes en ce qui concerne l'accès aux services de santé et à l'instruction, et en particulier pour faciliter aux enfants roms l'accès aux services de santé et aux études. Il recommande également que les services de santé et les fournitures ou équipements médicaux soient répartis de manière égale entre les administrations locales ainsi qu'à l'intérieur du ressort de chaque administration locale. Les enfants pauvres et ceux des zones rurales, et en particulier les enfants de la population rom, devraient pouvoir accéder aux études ainsi qu'à la formation professionnelle.
35. Le Comité recommande que l'allaitement au sein soit favorisé dans le cadre de l'action des services de santé.
36. Pour ce qui est des problèmes relatifs à la santé des adolescents, le Comité recommande qu'en vue de réduire la fréquence des grossesses parmi les très jeunes filles, on renforce les programmes d'éducation en matière de santé génésique et l'on entreprenne des campagnes d'information sur la planification de la famille et la prévention du VIH/SIDA. De plus, le Comité engage l'Etat partie à poursuivre ses efforts au sujet des études d'ensemble qui devraient être faites sur le suicide parmi les jeunes, ce qui permettrait aux autorités de mieux comprendre ce phénomène et d'adopter des mesures en conséquence. Le Comité recommande aussi à l'Etat partie de prendre de nouvelles mesures de caractère préventif et curatif, y compris dans le cadre de programmes de réadaptation et de réinsertion, pour s'attaquer au problème de la toxicomanie et de l'alcoolisme parmi les adolescents.
37. Le Comité engage l'Etat partie à poursuivre ses efforts pour prévenir et combattre l'exploitation sexuelle commerciale des enfants, en particulier l'utilisation des enfants pour la pornographie, la prostitution et le trafic d'enfants. Il y aurait lieu d'entreprendre de nouvelles études et enquêtes sur le problème en vue d'élaborer des politiques et des programmes d'ensemble permettant de s'attaquer efficacement à ces phénomènes. Il faudrait élaborer des programmes de réadaptation et de réinsertion pour les enfants qui ont été victimes de violences sexuelles et de pratiques d'exploitation sexuelle.
38. Le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager de prendre de nouvelles mesures pour faire en sorte que la justice pour mineurs soit pleinement compatible avec les dispositions de la Convention, et en particulier des articles 37, 40 et 39, ainsi qu'avec les autres dispositions de l'Organisation des Nations Unies relevant de ce domaine, telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Il faudrait s'attaquer en particulier à des problèmes tels que les mauvais traitements infligés aux enfants dans les centres de détention, le recours à la privation de liberté autrement que comme mesure de dernier recours, et l'opprobre qui frappe les catégories d'enfants les plus vulnérables, y compris les enfants de la minorité rom. Les dispositions et règles internationales pertinentes devraient figurer dans les programmes de formation de toutes les catégories professionnelles qui interviennent dans la justice pour mineurs. De plus, le Comité est d'avis que l'Etat partie devrait envisager de solliciter à cet effet l'assistance technique d'organismes compétents, entre autres le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, le Centre de prévention de la criminalité internationale, les Réseaux internationaux en matière de justice pour mineurs et l'UNICEF, par l'intermédiaire du Groupe de coordination des services consultatifs et de l'assistance technique dans le domaine de la justice pour mineurs.
39. Enfin, compte tenu du paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le Comité recommande que le rapport initial de l'Etat partie et les réponses qu'il a fournies par écrit soient largement diffusés auprès du public en général et qu'il soit envisagé de publier le rapport, conjointement avec les comptes rendus analytiques pertinents et les observations finales adoptées par le Comité. Il faudrait diffuser largement le document regroupant ces divers éléments, afin de susciter au sein du Gouvernement, du Parlement et du public en général, y compris dans les organisations non gouvernementales concernées, un débat sur la Convention, son application et le contrôle de cette application, et de mieux faire connaître cet instrument et les activités qui le concernent.