COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Quatrième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Observations préliminaires du Comité des droits
de l'enfant : Indonésie
1. Le Comité a commencé à examiner le rapport initial de l'Indonésie (CRC/C/3/Add.10)
à ses 79ème, 80ème et 81ème séances (CRC/C/SR.79 à 81), les 22 et 23 septembre
1993. Faute de disposer d'assez de temps pendant la session pour faire toute
la lumière sur un certain nombre de questions, à la fois écrites et orales,
concernant l'application de la Convention, le Comité a décidé de poursuivre
l'examen de ce rapport à une session ultérieure et a adopté */ les observations
préliminaires suivantes :
Introduction
2. Le Comité se félicite de la détermination de l'Etat partie de promouvoir
et de protéger les droits de l'enfant, qui ressort de sa prompte ratification
de la Convention et du fait qu'il a présenté en temps utile son rapport initial,
en application de l'article 44 de la Convention. Le Comité estime toutefois,
sur la base des renseignements fournis dans le rapport initial et au cours du
dialogue auquel a donné lieu l'examen de ce rapport, que la législation en vigueur
ne suffit pas à assurer la mise en oeuvre de la
Convention.
Aspects positifs
3. Le Comité note avec satisfaction que l'Indonésie attache de l'importance aux avis et à l'assistance du Comité quant aux mesures à prendre pour améliorer la mise en oeuvre des droits de l'enfant, et se félicite de l'engagement pris par l'Etat partie de coopérer avec le Comité et avec d'autres organes et organismes des Nations Unies aux fins de l'examen et de l'élaboration de politiques et de programmes visant à améliorer la situation des enfants.
4. Le Comité prend note de la volonté exprimée par l'Etat partie de revoir sa législation nationale à la lumière des obligations que lui impose la Convention, volonté dont témoigne le "consensus de Beijing" d'août 1992. Il se félicite également de l'engagement pris par l'Etat partie de reconsidérer les réserves qu'il a formulées à la Convention pour les retirer.
5. Le Comité note également que des mesures ont été prises pour accorder un rang de priorité plus élevé aux préoccupations qui concernent les enfants, en particulier dans le contexte des stratégies de développement.
Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention
6. Le Comité prend note des difficultés qui entravent l'application rapide de la Convention dans l'Etat partie : en particulier, l'existence de 360 groupes ethniques, la dissémination de la population dans tout l'archipel indonésien et les problèmes économiques auxquels se heurtent encore l'Etat partie en général et certains éléments de la population indonésienne, en particulier.
Principaux sujets de préoccupation
7. Le Comité est profondément préoccupé par l'étendue des réserves formulées par l'Etat partie à la Convention. Il estime que l'ampleur et l'imprécision de ces réserves suscitent de graves préoccupations quant à leur compatibilité avec l'objet et les buts de la Convention.
8. Tout en prenant note de la déclaration de la délégation indonésienne, selon laquelle les droits de l'enfant énoncés dans la Convention ne sont pas en contradiction avec la Constitution, le Comité constate avec préoccupation que la législation nationale indonésienne ne semble pas assurer que les droits garantis dans la Convention soient reconnus à tous les enfants, non ressortissants compris.
9. Le Comité note également avec préoccupation que les droits énoncés à l'article 14 de la Convention ne sont pas entièrement protégés, alors qu'ils ne sont pas susceptibles de dérogation.
10. Le Comité se préoccupe aussi du fait que les dispositions législatives indonésiennes régissant l'âge auquel il est permis de contracter mariage ne sont peut-être pas compatibles avec l'interdiction de toute forme de discrimination, énoncée à l'article 2 de la Convention.
11. Le Comité se déclare préoccupé par l'insuffisance des efforts déployés pour faire largement connaître aux enfants les principes et dispositions de la Convention.
12. Le Comité se préoccupe également du manque de participation des organisations non gouvernementales, en particulier des groupes de défense des droits de l'homme, à la promotion et à la protection des droits de l'enfant, ainsi que de l'absence d'efforts visant à donner aux personnels travaillant directement avec des enfants une formation relative aux droits de l'enfant.
13. Le Comité s'inquiète de l'insuffisante attention accordée à la mise en oeuvre des principes généraux de la Convention, énoncés en particulier dans ses articles 2, 3 et 12. Le Comité tient à souligner que la mise en oeuvre de ces principes ne doit pas être subordonnée à l'existence de ressources budgétaires.
14. Le Comité s'inquiète de la faible proportion du budget consacrée aux secteurs
sociaux, en particulier aux soins de santé primaires et à l'enseignement primaire.
A cet égard, le Comité appelle l'attention de l'Etat partie sur la nécessité
de respecter les dispositions de l'article 4 de la Convention, qui soulignent
que les droits économiques, sociaux et culturels doivent être mis en oeuvre
dans toute la mesure des ressources disponibles.
Il insiste sur le fait que l'Etat partie est tenu de les respecter indépendamment
du modèle économique qu'il applique.
15. Le Comité exprime sa préoccupation en ce qui concerne l'application de l'article 14 de la Convention qui a trait à la liberté de religion. Il lui paraît important de souligner que le fait de ne reconnaître officiellement que certaines religions peut donner lieu à des pratiques discriminatoires.
16. Le Comité regrette que l'Etat partie n'ait pas fourni les renseignements écrits qui lui ont été demandés sur les mesures spéciales de protection et exprime également sa préoccupation devant le manque de compatibilité entre le système d'administration de la justice pour mineur et les articles 37, 39 et 40 de la Convention ainsi que d'autres normes adoptées par les Nations Unies en matière de justice pour mineurs.
17. Le Comité se déclare préoccupé de n'avoir pas reçu de réponse du Gouvernement indonésien à sa communication urgente de novembre 1991 concernant l'usage excessif de la violence fait par les forces de sécurité à l'encontre d'enfants qui manifestaient dans le quartier de Santa Cruz à Dili. A cet égard, le Comité rappelle au Gouvernement indonésien qu'il lui a demandé des renseignements sur les garanties établies conformément aux dispositions des articles 37 et 40 de la Convention pour éviter que de telles violations ne se reproduisent. Il demande également des renseignements sur les stratégies élaborées et les installations prévues pour assurer la réadaptation des victimes de graves violations des droits de l'homme, conformément aux dispositions de l'article 39 de la Convention.
18. Le Comité est également préoccupé par le manque d'information sur la question du travail des enfants et la situation des enfants contraints de travailler ou de vivre dans la rue pour survivre (souvent appelés "enfants des rues").
Suite à donner
19. Le Comité encourage le Gouvernement indonésien à procéder à une révision des lois indonésiennes concernant les enfants pour assurer leur conformité avec les dispositions de la Convention et, à cet égard, il appelle son attention sur les activités mises au point dans le cadre du Programme de services consultatifs et d'assistance technique dans le domaine des droits de l'homme du Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme. Il remercie à cette occasion la délégation indonésienne d'avoir invité les membres du Comité à se rendre dans l'Etat partie. Le Comité demande à ce dernier de lui fournir des renseignements par écrit sur les questions préoccupantes soulevées au cours de son dialogue avec la délégation, qui figurent aux paragraphes 7 à 18 du présent document. Le Comité demande également que ces renseignements écrits soient transmis au secrétariat avant le 31 décembre 1993 afin qu'il puisse formuler ses observations finales sur le rapport initial de l'Indonésie d'ici à septembre ou octobre 1994.
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*/ A sa 103ème séance, le 8 octobre 1993.