University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Indonésie, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.25 (1994).


COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Septième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Indonésie


1. Le Comité a commencé à examiner le rapport initial de l'Indonésie (CRC/C/3/Add.10) à ses 79ème, 80ème et 81ème séances (CRC/C/SR.79 à 81), les 22 et 23 septembre 1993. Faute de disposer d'assez de temps pendant la session pour faire toute la lumière sur un certain nombre de questions, le Comité a décidé de ne pas achever l'examen de ce rapport. L'Etat partie a été prié de fournir des renseignements supplémentaires, avant le 31 décembre 1993, concernant les sujets de préoccupation exposés dans les observations préliminaires du Comité (CRC/C/15/Add.7, par. 7 à 18), afin que celui-ci les examine à sa septième session. Après avoir étudié les renseignements supplémentaires fournis par le Gouvernement indonésien (CRC/C/3/Add.26) à ses 161ème et 162ème séances, les 28 et 29 septembre 1994 (CRC/C/SR.161 et 162), le Comité a conclu son examen du rapport initial de l'Indonésie et adopté*/ les observations finales ci-après :


A. Introduction

2. Le Comité sait gré au Gouvernement indonésien d'avoir coopéré avec lui en fournissant des informations supplémentaires au rapport initial et en acceptant, comme il le lui avait demandé, que l'examen de ce rapport reprenne à la septième session. Le Comité estime toutefois que plusieurs des sujets de préoccupation qu'il a évoqués précédemment demeurent en ce qui concerne la mise en oeuvre de la Convention par l'Etat partie.


B. Aspects positifs

3. Le Comité note avec satisfaction que l'Indonésie attache de l'importance aux avis et au concours du Comité s'agissant des mesures à prendre pour améliorer la mise en oeuvre des droits de l'enfant et il se félicite de l'engagement pris par l'Etat partie de coopérer avec lui, avec d'autres organes et organismes des Nations Unies et avec des organisations non gouvernementales afin d'examiner et d'élaborer des politiques et des programmes visant à améliorer la situation des enfants.

4. Le Comité prend note de la volonté exprimée par l'Etat partie de revoir sa législation nationale à la lumière des obligations que lui impose la Convention. Il se félicite en particulier de l'intégration des droits de l'enfant dans les programmes de développement nationaux en application des Principes directeurs fondamentaux de la politique nationale (GBHN) de 1993 et du Programme de l'Indonésie en matière de droits de l'homme, ce qui est conforme à la Déclaration et au Programme d'action de Vienne. La décision de mettre en place un "programme de village" en vue de promouvoir la protection de l'enfance et de sensibiliser davantage la population à ces droits au niveau communautaire, ainsi que l'organisation de séminaires et d'ateliers de travail en matière de droits de l'homme sont d'autres faits nouveaux positifs.

5. Le Comité se félicite que l'Etat partie ait décidé de retirer la réserve (qualifiée de déclaration par la délégation indonésienne) qu'il avait formulée au moment de la ratification en ce qui concerne les articles premier, 14, 16 et 29 de la Convention. Il note également une déclaration de l'Etat partie selon laquelle celui-ci informera prochainement le Secrétaire général qu'il considère comme applicables tous les articles de la Convention.


C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre
de la Convention

6. Le Comité prend note des difficultés qui entravent l'application rapide de la Convention dans l'Etat partie, notamment l'existence de 360 groupes ethniques, la dispersion de la population dans tout l'archipel indonésien et les problèmes économiques auxquels se heurtent encore le pays en général et certains éléments de la population indonésienne, en particulier.


D. Principaux sujets de préoccupation

7. Le statut de la réserve formulée au moment de la ratification, en particulier concernant les articles 17, 21 et 22 de la Convention, n'est pas très clair à l'heure actuelle. Le Comité juge toutefois encourageant que l'Etat partie soit disposé à envisager de retirer prochainement sa réserve concernant ces dispositions.

8. Le Comité est d'avis qu'une révision générale du droit interne s'impose afin de l'aligner sur les dispositions de la Convention, pour veiller à ce que tous les enfants relevant de la juridiction indonésienne soient convenablement protégés par les droits garantis en vertu de la Convention ainsi que pour servir de base à des stratégies ciblées spécifiquement et visant à suivre les progrès réalisés.

9. Le Comité note avec préoccupation que la législation nationale relative à l'âge auquel il est permis de contracter mariage n'est pas compatible avec l'interdiction de toute forme de discrimination, énoncée à l'article 2 de la Convention.

10. Le Comité se dit préoccupé du niveau apparemment faible de sensibilisation aux dispositions et principes de la Convention parmi le grand public, y compris les enfants, et les personnes qui travaillent directement avec eux.

11. Le Comité note avec préoccupation que l'on ne s'est pas encore suffisamment préoccupé de mettre en oeuvre les principes généraux énoncés dans la Convention, en particulier dans ses articles 2, 3 et 12. Il souligne de nouveau que la mise en oeuvre de ces principes ne doit pas être subordonnée aux ressources budgétaires existantes.

12. Le Comité reste préoccupé par la faible proportion du budget consacrée aux secteurs sociaux, en particulier aux soins de santé primaires et à l'enseignement primaire, contrairement aux dispositions de l'article 4 de la Convention qui souligne que les droits économiques, sociaux et culturels doivent être mis en oeuvre dans toute la mesure des ressources disponibles. Le Comité note en outre que des organismes internationaux ont contesté le niveau des ressources que l'Etat partie alloue actuellement au secteur social.

13. Le Comité se dit inquiet à propos de la mise en oeuvre des articles 14 et 15 de la Convention. Il rappelle qu'en ne reconnaissant officiellement que certaines religions, on risque de donner naissance à des pratiques discriminatoires. Il s'inquiète en outre de l'interprétation large que les autorités semblent donner aux limitations "à des fins légales" de l'exercice des droits à la liberté de religion, d'expression et de réunion, lesquelles peuvent entraver la pleine jouissance de ces droits.

14. Le Comité constate avec une préoccupation particulière que le système d'administration de la justice pour mineurs est incompatible avec les dispositions de la Convention, y compris en ses articles 37, 39 et 40, et d'autres normes pertinentes des Nations Unies en la matière, à savoir les "Règles de Beijing", les "Principes directeurs de Riyadh" et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté.

15. L'Etat partie a donné l'assurance que des violations du type de celles commises en novembre 1991, lorsque les forces de sécurité ont agi avec une violence excessive face à des enfants qui manifestaient pacifiquement à Dili, ne se reproduiraient pas. Le Comité reste toutefois profondément préoccupé par les violations systématiques du droit à la liberté de réunion et le grand nombre de plaintes concernant les mauvais traitements dont des enfants seraient victimes aux mains de la police, des forces de sécurité ou de l'armée, en particulier lors d'arrestations et de détentions. Il s'inquiète également de ce que les autorités n'aient pas pris de mesures efficaces pour châtier les personnes reconnues coupables de telles violations et réadapter et dédommager les victimes.

16. Le Comité s'inquiète du grand nombre d'enfants qui, pour survivre, sont forcés de vivre et/ou de travailler dans la rue.

17. Le Comité regrette que des divergences ou des lacunes graves demeurent dans la législation nationale relative au travail des enfants. Il note en particulier que la loi No 1/151 n'a jamais été pleinement promulguée ou mise en oeuvre et que l'arrêté ministériel de 1987 ne garantit pas la protection nécessaire aux enfants qui travaillent. Il est également préoccupé par la légèreté des peines prévues par la loi et par le fait que les inspecteurs du Ministère de la main-d'oeuvre n'assurent pas le contrôle nécessaire.


E. Suggestions et recommandations

18. Le Comité encourage le Gouvernement indonésien à mener à bien la révision des lois concernant les enfants pour en assurer la conformité avec les dispositions de la Convention et, à cet égard, il appelle de nouveau l'attention sur les activités prévues dans le cadre du programme de services consultatifs et d'assistance technique du Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme. Les principes de l'intérêt supérieur de l'enfant et de l'interdiction de la discrimination à l'égard des enfants devraient être intégrés dans le droit interne et il devrait être possible de les invoquer devant les tribunaux.

19. Le gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect et la mise en oeuvre effective des dispositions contenues dans la Convention et reflétées en conséquence dans le droit interne, y compris celles qui concernent le travail des enfants. Des mécanismes devraient être mis en place pour suivre l'application des lois ou règlements concernant le travail des enfants aux niveaux national et local. La coopération avec les organisations non gouvernementales associées à l'application de la Convention et à son suivi devrait être renforcée.

20. Le Comité recommande à l'Etat partie d'entreprendre une réforme d'ensemble du système de justice pour mineurs et, ce faisant, de s'inspirer de la Convention et d'autres normes internationales en la matière, telles que les "Règles de Beijing", les "Principes directeurs de Riyadh" et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Il devrait également s'attacher à prendre des mesures de réadaptation et de réinsertion sociale, conformément à l'article 39 de la Convention.

21. Les autorités devraient faire le nécessaire, dans toute la mesure des ressources dont elles disposent, pour veiller à ce que des fonds suffisants soient alloués aux enfants, notamment aux enfants dans la misère, à ceux qui vivent et/ou travaillent dans la rue, aux enfants appartenant à des groupes minoritaires et autres enfants vulnérables.

22. Le Comité recommande que des mesures soient adoptées d'urgence pour lutter contre la discrimination à l'encontre des enfants appartenant aux groupes les plus vulnérables, en particulier les enfants dans la misère, les enfants vivant et/ou travaillant dans la rue, les enfants vivant dans des régions éloignées du pays et ceux qui appartiennent à des minorités, y compris des mesures visant à éliminer et prévenir les attitudes discriminatoires et les préjugés, notamment d'ordre sexiste.

23. Le Comité encourage les efforts en cours pour adopter des normes adéquates et mettre en oeuvre les règles relatives à la protection des jeunes enfants et des jeunes qui travaillent. Les mécanismes créés pour suivre la situation des enfants qui travaillent devraient être renforcés afin d'évaluer la mise en oeuvre de la Convention et de réduire le fossé entre la loi et la pratique. Le Comité estime que des avis techniques, émanant notamment de l'OIT, pourraient être utiles en la matière.

24. Le Comité prie instamment l'Etat partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les disparitions, la torture, les mauvais traitements et la détention illégale ou arbitraire de mineurs; d'enquêter systématiquement sur tous ces actes afin de traduire en justice ceux qui sont soupçonnés d'en être les auteurs, de châtier les personnes qui en ont été reconnues coupables et de dédommager les victimes.

25. Le Comité recommande que les dispositions de la Convention soient largement diffusées auprès du grand public et, en particulier, auprès des enseignants, des travailleurs sociaux, des responsables de l'application des lois, du personnel des établissements correctionnels, des juges et des membres d'autres professions qu'intéresse l'application de la Convention.

26. Le Comité recommande que le rapport initial et les informations supplémentaires, ainsi que les comptes rendus analytiques pertinents et ses observations préliminaires et finales soient largement diffusés dans le public et auprès des organisations non gouvernementales.

27. Enfin, le Comité recommande que, conformément au paragraphe 4 de l'article 44 de la Convention, des renseignements complémentaires lui soient présentés dans les deux années à venir quant aux progrès réalisés dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la réforme des lois envisagée aux paragraphes 18 à 20 ci-dessus.

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*/ A la 183ème séance, le 14 octobre 1994.



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