1. Le Comité a examiné le rapport initial de la République populaire démocratique de Corée (CRC/C/3/Add.41) à ses 458e à 460e séances (CRC/C/SR.458 à 460), tenues les 20 et 22 mai 1998 et a adopté* les observations finales ci-après :
2. Le Comité prend acte du rapport initial présenté par l'Etat partie et des réponses écrites que celui-ci a apportées à la liste des points à traiter (CRC/C/Q/DPRK/1). Le Comité note qu'après avoir demandé le report de l'examen de son rapport, initialement prévu pour la seizième session, l'Etat partie a envoyé à la présente session une délégation hautement représentative. Le Comité prend également acte du complément d'informations apporté par l'Etat partie lors du dialogue qu'ont eu ses représentants avec le Comité et au cours duquel ceux-ci ont fait connaître non seulement les orientations des politiques et programmes de l'Etat partie, mais aussi les obstacles et les difficultés qu'il rencontrait dans l'application de la Convention.
* A sa 477e séance, tenue le 5 juin 1998.
3. Le Comité prend note du fait que les instruments internationaux, et notamment la Convention relative aux droits de l'enfant, ont le même statut que le droit interne et peuvent être invoqués devant les tribunaux.
4. Le Comité note avec satisfaction que l'enseignement et les services médicaux sont gratuits dans l'Etat partie.
5. Le Comité prend note du fait que l'Etat partie est disposé à mettre en oeuvre des programmes de coopération internationale pour faciliter l'application intégrale de la Convention relative aux droits de l'enfant. A cet égard, le Comité prend note des domaines dans lesquels l'Etat partie a indiqué qu'une coopération technique serait nécessaire : nutrition, santé, matériels didactiques, collecte et traitement des données et des statistiques, enfants handicapés (suivi, formation du personnel, structures d'appui appropriées).
6. Le Comité prend note des difficultés auxquelles se heurte l'Etat partie pour mettre en oeuvre la Convention par suite de la rupture de ses liens économiques traditionnels ainsi que des inondations catastrophiques de 1995 et 1996, qui ont eu des répercussions considérables sur l'ensemble de la société.
7. Le Comité est très préoccupé par l'augmentation du taux de mortalité infantile due à la malnutrition qui touche les enfants les plus vulnérables, notamment ceux qui sont placés dans des établissements. Il est également préoccupé par la dégradation de l'état de santé des enfants, imputable essentiellement à la pénurie de vivres, de médicaments et d'eau potable.
8. Eu égard à l'article 4 de la Convention, le Comité note avec préoccupation que l'Etat partie n'a pas accordé suffisamment d'attention à la nécessité d'affecter des moyens budgétaires à l'action en faveur des enfants "dans toutes les limites des ressources dont il dispose et, s'il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale".
9. Le Comité s'inquiète de l'absence de mécanisme spécifique permettant de suivre les progrès réalisés dans tous les domaines relevant de la Convention, s'agissant de tous les groupes d'enfants, en particulier les plus vulnérables, vivant en milieu tant urbain que rural.
10. La capacité actuellement limitée de l'Etat partie de mettre au point des indicateurs désagrégés et spécifiques permettant de mesurer les progrès réalisés et de faire le point de l'impact des politiques existantes sur tous les enfants est une source de préoccupation.
11. Tout en notant les efforts déployés par l'Etat partie pour assurer la protection des enfants, le Comité constate avec préoccupation que les stratégies, politiques et programmes nationaux en faveur de l'enfance ne prennent pas encore pleinement en compte l'approche axée sur les droits consacrée par la Convention. De même, il s'inquiète de voir que les principes généraux de la Convention, tels qu'énoncés aux articles 2 (non-discrimination), 3 (intérêt supérieur de l'enfant) et 12 (prise en considération de l'opinion de l'enfant), ne sont pas pleinement intégrés dans les dispositions législatives, les politiques et les programmes relatifs aux enfants, en particulier ceux qui appartiennent à des catégories vulnérables : enfants vivant dans des zones reculées, enfants handicapés, enfants placés dans des établissements.
12. Le Comité regrette qu'on n'ait pas pris de mesures suffisantes pour diffuser et mieux faire connaître les principes et dispositions de la Convention dans tous les secteurs de la société, auprès des enfants comme des adultes, et ce conformément à l'article 42 de la Convention.
13. Le Comité constate avec inquiétude que l'on continue d'avoir recours aux châtiments corporels, en particulier dans le milieu familial et dans les institutions, et qu'il n'existe pas de stratégie d'ensemble pour éliminer cette forme de violence, eu égard notamment aux articles 3, 19 et 28 de la Convention.
14. Le Comité est préoccupé par les affaires non réglées de réunification familiale, eu égard notamment aux articles 3 et 9 de la Convention.
15. Le Comité s'inquiète de la dégradation croissante de l'environnement dans l'Etat partie, qui a des effets nocifs sur la santé des enfants.
16. Le Comité s'inquiète de la discrimination de fait qui peut se manifester à l'encontre des enfants handicapés et de l'insuffisance des mesures prises par l'Etat partie pour garantir l'accès de ces enfants aux services sanitaires, scolaires et sociaux et faciliter leur intégration dans la société. Le Comité s'inquiète également du manque de professionnels spécifiquement formés pour travailler auprès d'enfants handicapés.
17. Le Comité juge préoccupante l'insuffisance des mesures prises pour appréhender et résoudre les problèmes relatifs à la santé des adolescents : suicide des jeunes, comportement procréateur et grossesses d'adolescentes.
18. Eu égard aux principes et dispositions de la Convention, en particulier ses articles 3, 5 et 19, le Comité fait part de sa préoccupation devant l'absence de mesures pour lutter contre le phénomène des mauvais traitements et des sévices infligés aux enfants dans le milieu familial.
19. Le Comité s'interroge sur le système d'administration de la justice pour mineurs, en particulier sa compatibilité avec les articles 37, 39 et 40 de la Convention ainsi qu'avec d'autres normes pertinentes telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Le Comité demeure particulièrement préoccupé par la question du droit de l'enfant à l'aide judiciaire, au contrôle juridictionnel et à l'examen périodique du placement. Il s'inquiète également de voir que les jeunes âgés de 17 à 18 ans sont considérés comme des adultes au regard du régime pénal. Bien que le Comité ait été informé qu'aucun enfant ne peut être condamné à la peine de mort, il n'en continue pas moins de se demander avec préoccupation si, s'agissant de la peine capitale, les jeunes âgés de 17 à 18 ans peuvent être considérés comme des adultes.
20. Le Comité engage l'Etat partie à continuer de lutter contre la malnutrition infantile en prenant des mesures appropriées pour affecter des moyens budgétaires à l'enfance dans toutes les limites des ressources dont il dispose et, s'il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale.
21. Le Comité recommande à l'Etat partie de rendre sa législation pleinement conforme aux principes et dispositions de la Convention. Il engage également l'Etat partie à envisager d'adopter une législation d'ensemble couvrant tous les aspects relatifs aux droits de l'enfant, par exemple sous forme d'un code de l'enfance. Le Comité recommande en outre à l'Etat partie d'envisager de ratifier les principaux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels il n'est pas encore partie, tels que la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui ont tous une incidence sur les droits de l'enfant.
22. Le Comité recommande à l'Etat partie de s'attacher en priorité à la mise en place d'indicateurs désagrégés appropriés pour tenir compte de tous les domaines relevant de la Convention et de toutes les catégories d'enfants. Ces mécanismes peuvent en effet jouer un rôle irremplaçable dans le suivi systématique du sort des enfants et dans l'évaluation des progrès réalisés mais aussi des difficultés qui entravent l'exercice concret des droits des enfants. Ces indicateurs peuvent permettre d'établir des programmes visant à améliorer la situation des enfants, notamment les plus défavorisés d'entre eux : enfants vivant dans les zones reculées, enfants handicapés, enfants maltraités ou subissant des sévices au sein de leur famille au sens de l'article 19 de la Convention, enfants placés dans un établissement. A cet effet, l'Etat partie pourrait solliciter la coopération internationale, notamment celle de l'UNICEF.
23. Le Comité engage l'Etat partie à envisager de se doter d'un mécanisme spécifique pour suivre systématiquement la mise en oeuvre de la Convention, en particulier pour les groupes les plus vulnérables de la société.
24. Le Comité recommande d'envisager d'intégrer la Convention dans les programmes d'enseignement de tous les établissements scolaires et de prendre les mesures nécessaires pour faciliter l'accès des enfants aux informations concernant leurs droits. Le Comité estime également que l'Etat partie pourrait faire un effort pour mettre en place des programmes de formation intégrés à l'intention des membres des catégories professionnelles travaillant avec et auprès d'enfants : magistrats, avocats, responsables de l'application des lois, militaires, enseignants, personnel sanitaire (notamment les psychologues), administrateurs scolaires, travailleurs sociaux et personnel des établissements accueillant des enfants. En outre, le Comité recommande à l'Etat partie de renforcer ses activités visant à faire mieux connaître la Convention, dans l'esprit de l'article 42. A cet effet, il pourrait solliciter la coopération internationale, en particulier celle de l'UNICEF.
25. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre toutes les mesures appropriées pour incorporer pleinement les principes et dispositions de la Convention, en particulier ses principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12) dans son système juridique et ses stratégies, politiques et programmes relatifs à l'enfance, afin de faire de l'enfant un sujet de droit à part entière. Eu égard à l'article 12 de la Convention, il faudrait s'attacher spécialement à sensibiliser tous les secteurs de la société, en particulier les parents et les enseignants, à l'importance de la participation des enfants et du dialogue entre enseignants, parents et enfants.
26. Le Comité suggère à l'Etat partie de prendre toutes les mesures appropriées, y compris d'ordre législatif, pour lutter contre le recours aux châtiments corporels, en particulier à la maison et dans les établissements. Le Comité suggère également que des campagnes de sensibilisation soient menées pour imposer d'autres façons de maintenir la discipline qui respectent la dignité de l'enfant et soient conformes à la Convention.
27. Le Comité recommande à l'Etat partie de poursuivre ses efforts pour régler les problèmes de réunification familiale, eu égard aux principes et dispositions de la Convention, en particulier les articles 3 et 9.
28. Le Comité engage l'Etat partie à accorder une attention particulière à l'application intégrale de l'article 4 de la Convention et à veiller à une répartition adéquate des ressources aux échelons central et local. Des moyens budgétaires destinés à la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels devraient être dégagés dans la limite des ressources disponibles et eu égard aux principes de la non-discrimination (art. 2) et de l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3).
29. Eu égard aux dispositions et principes de la Convention, en particulier les articles 3 et 20, le Comité suggère que l'Etat partie envisage de revoir ses politiques et programmes concernant le placement en institution afin de privilégier des solutions qui mettent l'accent sur le cadre familial.
30. Le Comité recommande à l'Etat partie d'entreprendre une étude détaillée pour mieux appréhender la nature et l'ampleur des mauvais traitements et des sévices infligés aux enfants dans le milieu familial, tels qu'ils sont définis par l'article 19 de la Convention, en vue de lutter efficacement contre ces pratiques néfastes.
31. Eu égard à l'article 24 de la Convention, le Comité recommande qu'une attention particulière soit accordée à l'impact de la pollution sur les enfants et qu'une étude soit entreprise sur la question, en faisant appel à la coopération internationale.
32. Le Comité suggère que l'Etat partie entreprenne une étude détaillée sur les questions concernant le comportement procréateur, le suicide chez les jeunes et les grossesses d'adolescentes, afin de cerner l'ampleur des problèmes et de consacrer les ressources nécessaires à l'action préventive et à la lutte contre ces phénomènes.
33. Eu égard aux Règles pour l'égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l'Assemblée générale), le Comité recommande à l'Etat partie de mettre en place des programmes de dépistage précoce pour prévenir les invalidités, de prévoir des mesures autres que le placement en institution des enfants handicapés et d'envisager des campagnes de sensibilisation pour faire diminuer la discrimination à l'encontre de ces enfants et favoriser leur intégration dans la société.
34. Le Comité recommande à l'Etat partie de faire tout le nécessaire pour rendre son système de justice pour mineurs pleinement conforme aux dispositions et principes de la Convention, en particulier les articles 37, 39 et 40 ainsi qu'aux autres normes des Nations Unies en la matière, telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Une attention particulière devrait être accordée au droit des enfants à bénéficier rapidement d'une aide judiciaire, ainsi qu'à leurs droits concernant le contrôle juridictionnel et l'examen périodique du placement. L'Etat partie devrait en outre envisager d'étendre à tous les mineurs de moins de 18 ans la protection spéciale dont bénéficient les enfants au regard de la loi pénale. Des programmes de formation sur les normes internationales pertinentes devraient être organisés à l'intention de tous les professionnels travaillant dans le système de justice pour mineurs.
35. Enfin, le Comité recommande que le rapport de l'Etat partie, les débats que lui a consacrés le Comité et les observations finales qu'il a adoptées à la suite de son examen bénéficient de la diffusion la plus large possible.