Observations finales du Comité des droits de l'enfant, République de
Corée, U.N. Doc. CRC/C/15/Add.51 (1996).
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Onzième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité des droits de
l'enfant : République de Corée
1. Le Comité a examiné le rapport initial de la République de Corée (CRC/C/8/Add.21) à ses 276ème, 277ème et 278ème séances (CRC/C/SR.276 à 278), tenues les 18 et 19 janvier 1996, et a adopté ** A la 287ème séance, tenue le 26 janvier 1996.les observations finales ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité se félicite de ce que l'Etat partie ait engagé avec lui, par l'intermédiaire d'une délégation multidisciplinaire de haut niveau, un dialogue ouvert et fructueux. Il remercie la délégation pour les renseignements qu'elle a apportés par écrit en réponse aux questions de la liste des points ainsi que l'Etat partie pour les renseignements complémentaires qu'il a fournis à la suite du dialogue avec le Comité.
B. Aspects positifs
3. Le Comité note avec satisfaction que la Convention est directement applicable dans la législation nationale et peut être invoquée devant les tribunaux.
4. Il se félicite de ce qu'un plan national d'action en faveur des enfants ait été élaboré et incorporé dans le septième Plan quinquennal de développement économique et social pour 1992-1996 et de ce qu'un Comité national des droits de l'enfant ait été créé récemment.
5. Il constate avec satisfaction que le gouvernement accorde beaucoup d'importance à l'éducation, qu'il considère comme étant le moteur du développement économique et social.
6. Il se félicite aussi de l'ouverture manifestée par l'Etat partie dans ses réponses écrites et à son tour par la délégation lors du dialogue, quant à la possibilité de retirer les réserves formulées à l'égard de la Convention. Il est encourageant de noter qu'une révision du Code civil a été entreprise pour qu'y soit stipulé le droit de l'enfant, séparé de l'un de ses parents ou des deux, à maintenir des relations personnelles, directes et régulières avec ses deux parents, mesure qui, comme l'a indiqué la délégation, permettra à l'Etat partie de lever la réserve qu'il a formulée au sujet du paragraphe 3 de l'article 9 de la Convention.
C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention
7. Le Comité prend note des difficultés auxquelles se heurte la République de Corée, en pleine période de transition économique et politique. Les efforts, axés sur une croissance économique rapide, n'ont pas toujours suffisamment tenu compte de la nécessité de garantir la jouissance effective des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier ceux des enfants faisant partie des groupes les plus défavorisés, touchés par une pauvreté grandissante. Le fait que le pays n'ait émergé que récemment d'une période de domination militaire a eu un effet négatif sur la jouissance par les enfants de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales.
D. Principaux sujets de préoccupation
8. Le Comité s'interroge sur la compatibilité des réserves émises par l'Etat partie à l'égard du paragraphe 3 de l'article 9, du paragraphe a) de l'article 21 et du paragraphe 2 b) v) de l'article 40 avec les principes et dispositions de la Convention, y compris les principes de l'intérêt supérieur de l'enfant et du respect de ses opinions.
9. Il est préoccupé par l'insuffisance des mesures adoptées pour que soit mis en place un mécanisme de contrôle et de coordination permanent et efficace. Il note aussi que les mesures prises pour recueillir des données quantitatives et qualitatives fiables sur tous les domaines sur lesquels porte la Convention, en vue d'évaluer les progrès réalisés et l'impact des politiques adoptées concernant les enfants, en particulier les plus vulnérables d'entre eux, sont insuffisantes.
10. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures prises pour faire connaître largement des enfants et des adultes les principes et les dispositions de la Convention. Il note aussi avec regret que les divers groupes professionnels qui travaillent avec ou pour des enfants, y compris les enseignants, les travailleurs sociaux, les juges, les responsables de l'application des lois, les psychologues et les personnels de santé, ne bénéficient pas d'une formation suffisante quant au contenu de la Convention.
11. En ce qui concerne l'application de l'article 4 de la Convention, le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures prises pour garantir la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, dans toute la mesure des ressources disponibles. Une attention insuffisante a été accordée à cet égard aux secteurs du développement social et humain des enfants et aux besoins des groupes d'enfants les plus vulnérables.
12. Le Comité est également préoccupé par le fait que les principes fondamentaux de la Convention, en particulier les dispositions des articles 2, 3 et 12, n'ont pas été suffisamment intégrés dans la législation, les politiques et les programmes. Des mesures insuffisantes ont été prises pour faire connaître ces valeurs fondamentales énoncées dans la Convention, et faire évoluer la façon habituelle de considérer et de traiter les enfants comme étant des adultes en réduction ou des adultes immatures, ainsi que l'Etat partie le reconnaît dans son rapport. Le Comité note avec préoccupation les attitudes discriminatoires dont continuent à être l'objet les filles, en ce qui concerne notamment l'âge minimum du mariage, les enfants handicapés et les enfants nés hors mariage.
13. Il note avec préoccupation l'insuffisance des mesures de nature à aider les familles à assumer leurs responsabilités en ce qui concerne la protection des droits de l'enfant.
14. Il exprime les préoccupations que lui inspire l'insuffisance des mesures adoptées, y compris sur le plan juridique, pour garantir l'application effective des droits civils et des libertés fondamentales des enfants, en particulier le droit à une nationalité, la liberté d'expression, de pensée, d'opinion et de religion ainsi que la liberté d'association et de réunion pacifique. Les menaces pesant sur la sûreté de l'Etat qui ont été invoquées par le gouvernement ont entravé l'exercice de ces libertés fondamentales.
15. Le Comité estime qu'il y a lieu de se demander si l'approche de l'Etat partie en ce qui concerne l'adoption et la dissolution de l'adoption est compatible avec la Convention, notamment avec le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, qui est la considération primordiale, et avec les garanties juridiques énoncées à l'article 21. A cet égard, il est particulièrement préoccupé par l'insuffisance des mesures prises pour garantir que l'adoption soit autorisée par les autorités compétentes, sur la base de tous les renseignements fiables relatifs au cas considéré et du consentement donné en connaissance de cause par toutes les personnes intéressées, y compris l'enfant. Le nombre élevé de cas d'adoption à l'étranger inquiète aussi le Comité. En ce qui concerne les sévices et la violence familiale subis par les enfants, le Comité est préoccupé par le manque de mesures préventives et l'insuffisance des mécanismes d'enquête. L'abandon, le grand nombre de familles dont le chef est un enfant ainsi que la persistance des châtiments corporels, largement considérés par les parents et les enseignants comme étant un moyen d'éducation, préoccupent aussi le Comité.
16. Le Comité juge préoccupant le manque de considération accordé dans le système éducatif aux buts de l'éducation énoncés à l'article 29 de la Convention. Le caractère extrêmement compétitif du système éducatif risque d'empêcher l'enfant de développer ses dons et ses aptitudes dans toute la mesure de leurs potentialités et de l'empêcher de se préparer à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre.
17. Il est préoccupant également qu'insuffisamment de mesures aient été adoptées, sur le plan juridique notamment, pour éviter les situations dans lesquelles les enfants se trouvent contraints de travailler. A cet égard, la différence entre l'âge de la fin de la scolarité obligatoire et l'âge minimum d'accès à l'emploi est jugée particulièrement préoccupante.
18. Le Comité est aussi préoccupé par le système de justice des mineurs tel qu'il existe actuellement et par son absence de compatibilité avec la Convention, y compris les articles 37, 39 et 40.
E. Suggestions et recommandations
19. Le Comité encourage le gouvernement à continuer d'envisager le retrait de ses réserves concernant le paragraphe 3 de l'article 9, le paragraphe a) de l'article 21 et le paragraphe b) v) de l'article 40 de la Convention.
20. Il lui recommande d'intensifier ses efforts en vue de faire connaître, comprendre et adopter les principes et les dispositions de la Convention conformément à l'article 42 de celle-ci. Il lui suggère de développer les campagnes à l'intention du public pour un traitement efficace du problème des attitudes discriminatoires persistantes, en particulier à l'égard des filles, des enfants handicapés et des enfants nés hors mariage, et d'adopter des mesures de nature à améliorer la situation et la protection de ces groupes d'enfants.
21. Le Comité encourage, en outre, l'Etat partie à mettre sur pied des activités de formation en rapport avec la Convention à l'intention des groupes professionnels qui travaillent avec et pour les enfants, y compris les enseignants, les travailleurs sociaux, les juges, les agents de la force publique, les personnels de santé et les fonctionnaires chargés de veiller au rassemblement des données sur les domaines sur lesquels porte la Convention. Il l'encourage aussi, dans l'esprit de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme, à envisager d'incorporer les droits de l'enfant dans les programmes scolaires.
22. Le Comité encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour faire en sorte que sa législation nationale soit pleinement conforme aux dispositions et aux principes de la Convention, concernant notamment la non-discrimination (art. 2), l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3) et le respect de ses opinions (art. 12). Il recommande en particulier que des mesures législatives soient adoptées pour que l'âge minimum requis pour se marier soit le même pour les garçons et les filles, compte tenu de l'article 2, pour que soient garantis les droits fondamentaux de tous les enfants handicapés, en particulier le droit à l'éducation, compte tenu de l'article 23, pour que soit abolie toute discrimination à l'égard des enfants nés hors mariage, pour éviter tout risque d'apatridie pour les enfants nés d'une mère coréenne, pour que soient clairement interdites toutes formes de châtiment corporel et pour que soit relevé l'âge minimum de l'emploi de manière qu'il coïncide avec l'âge de la fin de la scolarité obligatoire. En ce qui concerne l'adoption nationale et internationale, le Comité encourage l'Etat partie à procéder à des réformes juridiques globales de manière que les dispositions nationales soient pleinement compatibles avec les principes et dispositions de la Convention et d'envisager de ratifier la Convention de La Haye (1993) sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.
23. Le Comité recommande la création d'un mécanisme pluridisciplinaire permanent pour coordonner et contrôler l'application de la Convention, aux niveaux national et local, dans les zones urbaines et rurales. Il encourage l'Etat partie à poursuivre ses travaux concernant la nomination d'un médiateur pour les enfants ou la création d'un système équivalent, à même de recevoir des plaintes et d'assumer des fonctions de surveillance. Il encourage en outre la mise en place d'activités de promotion en faveur d'une coopération plus étroite avec les organisations non gouvernementales.
24. Le Comité recommande également d'améliorer le système de rassemblement des données et d'identifier des indicateurs désagrégés appropriés pour tous les domaines sur lesquels porte la Convention pour que puissent être évalués les progrès accomplis, eu égard notamment à la situation des enfants appartenant aux groupes les plus défavorisés.
25. Le Comité recommande vivement au Gouvernement de la République de Corée d'accorder une attention particulière à la pleine application de l'article 4 de la Convention et de prendre toutes les mesures nécessaires, dans toutes les limites des ressources dont il dispose, pour mettre en oeuvre les droits économiques, sociaux et culturels des enfants. Une attention toute spéciale devrait être accordée à la situation des groupes d'enfants les plus défavorisés, compte tenu des principes de non-discrimination et de prise en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant.
26. Le Comité estime que davantage d'efforts devraient être faits pour promouvoir la participation des enfants dans la famille, à l'école et dans la vie de la société, ainsi que la jouissance effective de leurs libertés fondamentales, y compris la liberté d'opinion, d'expression et d'association, qui ne devraient faire l'objet que des restrictions qui sont prévues par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique.
27. Le Comité encourage l'Etat partie à adopter des mesures supplémentaires pour aider les familles à assumer leurs responsabilités en ce qui concerne l'éducation et le développement des enfants, compte tenu notamment des articles 18 et 27 de la Convention. Une attention particulière devrait être accordée à la prévention des abandons et des familles ayant pour chef un enfant, ainsi qu'à l'aide à accorder à celles-ci.
28. En ce qui concerne les sévices et la violence familiale subis par les enfants, le Comité recommande à l'Etat d'adopter des mesures supplémentaires pour éviter ce genre de situation, protéger les enfants et leur garantir une réadaptation physique et une réinsertion sociale. Il faudrait envisager la création d'un système de détection précoce, de surveillance et d'orientation.
29. Le Comité encourage l'Etat partie à réviser sa politique en matière d'éducation et à y intégrer pleinement les objectifs énoncés à l'article 29 de la Convention.
30. En ce qui concerne le travail des enfants, le Comité encourage l'Etat partie à adopter des mesures appropriées de manière que la législation et la pratique reflètent pleinement les dispositions de la Convention et en particulier celles de l'article 32. Il lui recommande d'envisager de ratifier la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi et encourage l'Etat partie à envisager de prendre des mesures dans ce domaine en consultation avec l'OIT.
31. Le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager de procéder à une réforme complète de la justice des mineurs compte tenu de la Convention et en particulier des articles 37, 39 et 40, ainsi que d'autres règles de l'ONU applicables en la matière, telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Il conviendrait de ne recourir à la privation de liberté qu'en dernier ressort et pour la période la plus courte possible, et d'accorder une attention particulière à la protection des droits des enfants privés de liberté, aux garanties d'une procédure régulière, ainsi qu'à l'indépendance et à l'impartialité absolues des juges. Des programmes de formation consacrés aux règles internationales pertinentes devraient être organisés à l'intention de toutes les personnes dont la profession relève du système judiciaire pour les mineurs. Le Comité suggère au Gouvernement de la République de Corée d'envisager de demander de l'aide au niveau international à ce sujet, en s'adressant au Centre pour les droits de l'homme et au Service de la prévention du crime et de la justice pénale.
32. Le Comité recommande à l'Etat partie d'assurer la plus large diffusion possible,
à l'intérieur du pays, à son rapport, aux comptes rendus analytiques des séances
consacrées à l'examen dudit rapport et aux observations finales du Comité.