3. Le Comité remercie également la délégation de son attitude franche et ouverte, qui a contribué à instaurer un dialogue constructif. A cet égard, il prend note de la déclaration de la délégation, laquelle a regretté de n'avoir pas pu s'associer des représentants des ministères qui s'occupent de la mise en oeuvre effective de la Convention dans le pays.
6. Le Comité note aussi que les catastrophes naturelles et les graves problèmes économiques ont eu des répercussions négatives sur la situation des enfants. Il reconnaît que certaines valeurs traditionnelles dans les zones rurales n'ont pas été propices à une mise en oeuvre rapide de la Convention.
8. Le Comité note avec préoccupation la persistance de disparités dans l'exercice des droits reconnus par la Convention entre les différentes régions du pays, au détriment en particulier des filles, des enfants des zones rurales et des enfants en situation d'extrême pauvreté. Il s'inquiète également de ce que la persistance de préjugés et de croyances traditionnelles ait une incidence sur certains groupes d'enfants, notamment les handicapés et les enfants nés un certain jour de la semaine (qui sont censés porter malheur), empêchant ces enfants de jouir entièrement des droits consacrés par la Convention.
9. Le Comité est préoccupé de ce que la législation nationale établisse un âge minimal pour contracter mariage différent pour les garçons et pour les filles et qu'elle autorise le mariage des filles âgées de 14 ans qui ont obtenu le consentement du père ou de la mère. La question de la compatibilité de ce genre de situations avec les principes de la non-discrimination et de l'intérêt supérieur de l'enfant peut se poser, d'autant plus que ces enfants seront considérés comme des adultes et ne pourront plus bénéficier de la protection accordée par la Convention. De plus, le Comité est préoccupé par le statut juridique des enfants nés hors mariage, en particulier issus d'unions incestueuses.
10. Le Comité s'inquiète des difficultés rencontrées pour inscrire les naissances sur les registres d'état civil. L'absence d'enregistrement entraîne la non-reconnaissance de l'enfant en tant qu'individu devant la loi, ce qui aura une incidence sur l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux. De plus, ces enfants ne sont pas pris en compte dans les statistiques et autres données concernant les enfants et en conséquence leur situation ne peut pas être très correctement surveillée.
11. Le Comité est préoccupé par les problèmes liés aux mauvais traitements, aux sévices et aux violences à l'égard des enfants, à l'école et dans la famille, problèmes renforcés par les coutumes. A cet égard, il note avec inquiétude que le problème des mauvais traitements d'enfants n'a pas encore été clairement traité, que des recours juridiques appropriés ne sont pas offerts aux enfants maltraités et qu'il n'existe pas de garanties satisfaisantes pour protéger des représailles les enfants qui dénoncent des sévices.
12. En ce qui concerne les soins de santé de base et le bien-être, le Comité note avec préoccupation qu'à Madagascar il a été de plus en plus difficile pour les enfants d'accéder aux soins de santé primaires et que pour un grand nombre d'entre eux les médicaments indispensables et une eau potable salubre ne sont toujours pas disponibles. En particulier, le Comité s'inquiète de la tendance alarmante à la réduction de la couverture vaccinale chez les enfants.
13. Dans le domaine de l'éducation, le Comité note avec préoccupation que la mise en oeuvre des articles applicables de la Convention n'a guère progressé et, en particulier, que le nombre d'heures pendant lesquelles les écoles sont ouvertes a été réduit, que la formation des maîtres a été insuffisante et qu'une forte proportion d'élèves abandonnent l'école sans avoir achevé leur scolarité primaire. De plus, le Comité est préoccupé par les difficultés découlant des réformes apportées au système d'enseignement en ce qui concerne la langue dans laquelle l'enseignement est dispensé.
14. S'agissant de l'exploitation des enfants, le Comité s'inquiète de ce que le travail des enfants continue de poser un grave problème à Madagascar, en particulier dans les zones rurales et dans le secteur non structuré. A ce sujet, il est alarmé de constater qu'en zone rurale aucune inspection réelle n'est organisée pour lutter contre ce fléau et qu'aucune disposition de la législation du travail ne porte sur le personnel domestique.
15. Pour ce qui est de l'exploitation sexuelle des enfants, le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures prises pour empêcher et combattre l'incitation à la pornographie enfantine ainsi que la prostitution impliquant des enfants qui vivent ou qui travaillent dans la rue, en particulier des enfants victimes des touristes.
16. En ce qui concerne l'administration de la justice des mineurs, le Comité est préoccupé par le fait que la législation en vigueur ne reflète pas l'esprit ni la lettre de la Convention. En particulier, il s'inquiète de ce que les enfants puissent être privés de liberté, dans le cas de la détention avant jugement pendant une longue période, et qu'ils risquent ne pas bénéficier des garanties reconnues dans la Convention, aux articles 37 et 40. Le Comité est également préoccupé par les conditions sévères qui règnent dans les établissements de détention qui, comme l'a reconnu la délégation, peuvent compromettre l'observation des obligations contractées par l'Etat partie en vertu de la Convention et d'autres normes internationales en matière de droits de l'homme.
18. Le Comité recommande au gouvernement d'entreprendre une révision générale de la législation nationale en vue de la rendre pleinement compatible avec les principes et les dispositions de la Convention. Il faudrait promulguer de nouvelles dispositions législatives dans les domaines où la protection de l'enfant n'est pas encore suffisamment prise en compte, par exemple dans le domaine des mauvais traitements et de l'adoption nationale et internationale ou de l'administration de la justice des mineurs. A cette fin, le Comité suggère d'élargir comme il convient le mandat du Comité intersectoriel de suivi.
19. Le Comité insiste sur l'importance de la mise en place d'un système permanent et efficace pour surveiller l'application de la Convention et des dispositions législatives nouvelles qui se rapportent aux enfants, et considère que le Comité intersectoriel de suivi pourrait jouer le rôle d'organe centralisateur à cette fin. Il pense aussi que ce mécanisme de surveillance pourrait renforcer sa coopération avec les ONG et les groupes professionnels compétents, ainsi qu'avec les responsables religieux et communautaires.
20. Le Comité recommande également d'accorder une attention particulière àl'allocation des ressources disponibles, notamment des fonds fournis au titre de l'aide internationale au développement, de façon qu'elles servent dans toute la mesure possible à la mise en oeuvre effective des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, en particulier des enfants des groupes les plus vulnérables.
21. En ce qui concerne l'exploitation des enfants, le Comité recommande au gouvernement d'intensifier notablement les efforts visant à prévenir et àcombattre le travail des enfants, et d'envisager de ratifier la Convention de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi (Convention No 138 de 1973). Il recommande en outre à l'Etat partie d'envisager de demander assistance à l'OIT, en particulier en vue de renforcer sa capacité de surveillance de l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant.
22. Pour ce qui est de l'administration de la justice des mineurs, le Comité recommande la mise en place des services nécessaires pour permettre d'appliquer pleinement les dispositions de la Convention. Il recommande en outre de veiller à ce que la réforme législative qui doit être entreprise en la matière reflète dûment les dispositions de la Convention ainsi que d'autres normes internationales applicables, notamment les "Règles de Beijing", les "Principes directeurs de Riyad" et les "Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté". A ce sujet, il est suggéré qu'une attention particulière soit portée aux intérêts supérieurs de l'enfant et à sa dignité et de n'envisager la privation de liberté qu'en tout dernier recours et pour une période aussi brève que possible. Le Comité souligne l'importance des programmes d'assistance technique dans ce domaine et encourage l'Etat partie à envisager de faire appel au Centre pour les droits de l'homme ainsi qu'au Service de la prévention du crime et de la justice pénale des Nations Unies.
23. Le Comité recommande au gouvernement, eu égard au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, de donner à son rapport périodique la plus grande diffusion possible et d'envisager de le faire publier, ainsi que les comptes rendus analytiques et les présentes observations finales du Comité.
* A la 183ème séance, le 14 octobre 1994.