Vingt-quatrième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité des droits de l'enfant
MALTE
4. Le Comité prend note avec satisfaction de l'adhésion de l'État partie à la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi.
5. Le Comité constate avec satisfaction que la Convention a été traduite en maltais.
1. Mesures d'application générales
6. Le Comité note que la réserve à l'article 26 de la Convention formulée par l'État partie lors de la ratification de cet instrument international risque d'avoir un effet négatif sur le niveau actuel des prestations et services sociaux assurés aux enfants.
7. À la lumière de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne de 1993, le Comité recommande à l'État partie de reconsidérer la réserve qu'il a formulée à l'article 26 de la Convention en vue de la retirer.
Législation et statut de la Convention
8. Tout en notant qu'un projet de loi sur l'enfance intitulé "The Children Act", qui est actuellement devant le Parlement, vise à rassembler dans un seul texte toutes les dispositions existantes relatives aux droits de l'enfant, le Comité juge préoccupant que la Convention n'ait pas encore été pleinement incorporée dans la législation interne. Il est aussi préoccupé par la place de la Convention dans le système juridique de l'État partie, s'agissant en particulier de la résolution des conflits entre la Convention et la législation interne.
9. Le Comité recommande à l'État partie de continuer à prendre des mesures efficaces pour incorporer tous les principes et toutes les dispositions de la Convention dans sa législation interne et l'encourage à promulguer sans tarder un texte de loi unifié sur les droits de l'enfant.
Coordination et contrôle
10. Bien que le Comité soit conscient des initiatives prises par l'État partie pour réexaminer le rôle du Département de la protection sociale et de la protection de la famille, qui est l'organe gouvernemental chargé de coordonner et de suivre l'application de la Convention, il note avec préoccupation qu'il est actuellement limité dans son action pour s'acquitter efficacement de son mandat. À cet égard, le Comité note avec satisfaction que l'État partie envisage de créer un poste de médiateur des enfants pour renforcer le suivi de l'application de la Convention.
11. Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre le processus de réforme engagé afin de renforcer la coordination des activités de suivi de la Convention. Il recommande en outre à l'État partie de prendre des mesures efficaces pour assurer une plus large représentation de tous les acteurs qui participent à la mise en œuvre de la Convention au sein du mécanisme de coordination existant.
12. Le Comité encourage l'État partie à créer un mécanisme indépendant (par exemple un médiateur des enfants) pour mieux suivre l'application de la Convention. Il suggère que ce mécanisme soit rendu accessible aux enfants et qu'il examine les plaintes pour violation des droits de ces derniers d'une manière adaptée à leurs besoins et qu'il offre des recours utiles pour remédier à ces violations. Le Comité suggère en outre que l'État partie organise des campagnes de sensibilisation pour faciliter le recours effectif des enfants à ce mécanisme.
Système de collecte des données
13. Bien que des statistiques sur la situation des droits des enfants figurent dans le rapport de l'État partie et dans ses réponses aux questions de la liste des points à traiter, le Comité demeure préoccupé par le manque de coordination en matière de collecte de données concernant tous les domaines couverts par la Convention.
14. Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre la mise à jour de son système de collecte de données en vue d'inclure tous les domaines couverts par la Convention. Un tel système devrait englober tous les enfants de moins de 18 ans, et mettre particulièrement l'accent sur la situation des groupes d'enfants vulnérables (par exemple les enfants handicapés, les enfants nés hors mariage, les enfants réfugiés et les enfants appartenant à des groupes minoritaires) et servir de base à l'évaluation des progrès réalisés dans la réalisation effective des droits de l'enfant, ce qui permettrait d'élaborer des politiques en vue d'une meilleure application des dispositions de la Convention.
Allocation de ressources budgétaires
15. Le Comité prend note de la politique de l'État partie en faveur de l'enfance énoncée dans le document intitulé "A Caring Society in a Changing World" (Une société qui prend soin de ses membres dans un monde en évolution), qui est actuellement à l'étude. Il se dit toutefois préoccupé par le fait qu'il n'existe pas encore de politique nationale d'ensemble en vue de la mise en œuvre des droits de l'enfant comme le prescrit l'article 4 de la Convention.
16. Le Comité recommande à l'État partie d'accorder une attention prioritaire à la pleine application de l'article 4 de la Convention et d'assurer une répartition appropriée des ressources disponibles. L'État partie devrait allouer des crédits budgétaires en vue de la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels des enfants "dans toutes les limites des ressources dont [il dispose]" (art. 4). Le Comité recommande également à l'État partie de prendre des mesures efficaces en vue de la mise en œuvre d'une politique nationale en faveur des droits de l'enfant, en tenant dûment compte du caractère global de la Convention.
Diffusion de la Convention
17. Tout en prenant acte des mesures prises pour faire mieux connaître les principes et les dispositions de la Convention, le Comité se dit préoccupé par le caractère limité de ces mesures.
18. Le Comité recommande à l'État partie de faire davantage d'efforts pour diffuser les principes et dispositions de la Convention afin de sensibiliser la société aux droits de l'enfant. À cet égard, il encourage l'État partie à poursuivre son projet de publication d'une version de la Convention accessible aux enfants. Les programmes de sensibilisation du grand public et les programmes d'information sur l'application des principes et dispositions de la Convention devraient aussi être renforcés.
Formation des groupes professionnels
19. Tout en notant qu'un enseignement concernant la Convention est dispensé aux étudiants en droit, le Comité est préoccupé par le manque d'activités de formation à l'intention des groupes professionnels qui travaillent avec et pour les enfants.
20. Le Comité recommande à l'État partie de mettre au point des programmes systématiques d'éducation et de formation concernant les dispositions de la Convention à l'intention de tous les groupes professionnels travaillant avec et pour les enfants tels que les juges, les avocats, les responsables de l'application des lois, les fonctionnaires, le personnel des établissements et des lieux de détention pour enfants, les enseignants, le personnel de santé, y compris les psychologues et les travailleurs sociaux.
22. Le Comité recommande à l'État partie de revoir sa législation concernant l'âge minimum légal de la responsabilité pénale et de l'accès à une consultation médicale sans le consentement des parents, de façon à l'aligner sur les principes et dispositions de la Convention, en particulier le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant.
23. Tout en notant que le projet de loi sur l'enfance éliminera les termes discriminatoires qui figurent dans la législation de l'État partie, le Comité est néanmoins préoccupé par l'emploi des expressions "enfant illégitime" ou "enfant naturel", en particulier en ce qui concerne les droits successoraux de ces enfants. Il juge également préoccupantes les informations selon lesquelles des fonctionnaires de l'État partie auraient utilisé des expressions à connotations raciales pour désigner les enfants appartenant à des familles d'immigrants en situation irrégulière.
24. Le Comité recommande à l'État partie de continuer à revoir sa législation interne afin d'en éliminer les expressions "enfant illégitime" et "enfant naturel". Il lui recommande également de prendre des mesures efficaces pour combattre et prévenir les actes de discrimination raciale à l'égard des enfants d'immigrants.
Intérêt supérieur de l'enfant
25. Tout en sachant que des mesures ont été prises par l'État partie pour incorporer le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant dans sa législation, le Comité est d'avis que ces principes ne sont pas suffisamment pris en compte, en particulier au sein de la famille, à l'école, dans les institutions pour enfants et dans les instances judiciaires.
26. Le Comité recommande que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant soit incorporé dans tous les textes législatifs concernant les enfants et pris en compte dans toutes les décisions administratives et judiciaires ainsi que dans toutes les politiques et tous les programmes relatifs aux enfants.
27. En ce qui concerne les droits de participation de l'enfant, des préoccupations sont exprimées au sujet des mesures insuffisantes prises par l'État partie, en particulier pour promouvoir la participation des enfants dans la famille, dans la collectivité, à l'école et dans les autres institutions sociales, ainsi que pour assurer la jouissance effective de leurs libertés fondamentales.
28. À la lumière des articles 12 à 17 de la Convention, le Comité recommande que de nouvelles mesures soient prises pour promouvoir la participation des enfants dans la famille, à l'école et dans d'autres institutions, et la jouissance effective de leurs libertés fondamentales, notamment les libertés d'opinion, d'expression et d'association. Il faudrait sensibiliser davantage le public aux droits de participation de l'enfant dans la famille, dans les collectivités, dans les institutions et à l'école.
Maltraitance
29. Tout en notant que le recours aux châtiments corporels dans les écoles n'est pas autorisé et que le projet de loi sur l'enfance contient des dispositions interdisant les châtiments corporels, le Comité reste préoccupé par le fait que les châtiments corporels et les "punitions raisonnables" au foyer familial ne sont pas interdits par la loi.
30. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures voulues, y compris législatives, pour interdire expressément le recours aux châtiments corporels au foyer familial; de veiller à ce que cette interdiction soit dûment respectée tant à la maison qu'à l'école, et de promouvoir des méthodes de discipline utiles et non violentes à la place des châtiments corporels au foyer familial.
31. Bien que le projet de loi sur l'enfance prévoie de nouvelles mesures visant à renforcer les procédures régissant actuellement l'adoption et le placement en famille d'accueil, le Comité est préoccupé par le manque de compatibilité des procédures d'adoption internationale en vigueur avec les principes et dispositions de la Convention. Il constate aussi avec préoccupation que les enfants séjournent longtemps dans les établissements de protection (institutions pour enfants) et que les mesures de protection de remplacement pour les enfants privés de milieu familial sont limitées.
32. Le Comité prend acte du fait que l'État partie envisage d'adhérer à la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale et il l'encourage dans cette initiative. Il recommande à l'État partie d'aligner sa législation en matière d'adoption nationale et internationale sur les principes et dispositions de la Convention. En outre, il lui recommande de poursuivre son projet de mise en place et de promotion de mesures de protection de remplacement pour les enfants privés de milieu familial (par exemple adoption et placement en famille d'accueil).
Maltraitance et abandon moral d'enfants
33. Tout en prenant note des mesures prises pour enquêter sur les cas de maltraitance d'enfants et protéger les enfants contre les mauvais traitements, notamment en instituant un système d'assistance téléphonique pour les enfants, le Comité est préoccupé par les informations limitées qui sont disponibles pour déterminer l'ampleur de la maltraitance d'enfants, par l'insuffisance des mesures visant à réadapter les enfants victimes de maltraitance, et par le manque de sensibilisation de la société aux conséquences néfastes des mauvais traitements et des sévices, y compris sexuels, infligés aux enfants, au sein et en dehors de la famille.
34. À la lumière, entre autres, des articles 19 et 39 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures efficaces, notamment d'élaborer des programmes pluridisciplinaires de réadaptation, pour prévenir et combattre la maltraitance d'enfants au sein de la famille, à l'école et dans la société en général. Il propose, notamment, de renforcer l'application des lois en ce qui concerne ces infractions, d'établir des procédures et des mécanismes adéquats de traitement des plaintes pour maltraitance d'enfants qui soient adaptés aux besoins des enfants ou de renforcer ceux qui existent afin de garantir aux enfants un accès rapide à la justice et à des procédures d'enquête pour leur éviter d'être doublement victimes, et de faire traduire en justice les auteurs de sévices. En outre, des programmes d'éducation devraient être mis en place pour lutter contre les comportements traditionnels au sein de la société sur cette question.
36. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures efficaces pour développer et promouvoir l'allaitement maternel et de poursuivre et renforcer les programmes spéciaux qu'il a élaborés pour lutter contre l'obésité des enfants et encourager les enfants à mener une vie saine.
Enfants handicapés
37. Tout en étant conscient que l'État partie a mis en place une politique nationale d'éducation spécialisée en faveur des enfants handicapés, le Comité est préoccupé par la marginalisation considérable dont ces enfants font l'objet au sein de la société, ce qui fait obstacle à leur réintégration sociale. Il est préoccupé également par les difficultés auxquelles se heurtent les organisations bénévoles qui cherchent à répondre globalement à tous les besoins des enfants handicapés.
38. Compte tenu des Règles pour l'égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96) de l'Assemblée générale et des recommandations adoptées par le Comité au cours de sa journée de débat général sur les "droits des enfants handicapés" (CRC/C/69), le Comité recommande à l'État partie de trouver des solutions autres que le placement en institution aux problèmes des enfants handicapés, d'envisager de lancer des campagnes de sensibilisation pour éliminer la discrimination dont ils font l'objet, d'élaborer des programmes d'enseignement spécialisé à leur intention et d'encourager leur réintégration dans le système d'enseignement et dans la société, et d'établir une surveillance adéquate des institutions privées accueillant des enfants handicapés.
Santé des adolescents
39. Le Comité est préoccupé par l'augmentation du nombre de grossesses chez les adolescentes, par l'accès insuffisant des adolescents à des services d'éducation et de conseil en matière de santé génésique y compris en dehors de l'école et par l'absence de politique d'éducation sanitaire structurée. Sont également jugés préoccupants le manque d'attention accordée aux questions de la santé mentale des adolescents et de la consommation d'alcool par les adolescents, ainsi que la pénurie de psychologues.
40. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures efficaces pour élaborer des politiques sanitaires adaptées aux besoins des adolescents et renforcer les services d'éducation et de conseils en matière de santé génésique. Il recommande en outre à l'État partie de renforcer les programmes qu'il a institués en ce qui concerne la santé mentale des adolescents et à continuer à organiser des campagnes d'éducation efficaces pour décourager la consommation d'alcool chez les enfants.
42. Le Comité recommande à l'État partie de continuer à renforcer son programme en matière d'éducation en vue d'en améliorer la qualité et d'en accroître l'utilité. Il recommande aussi à l'État partie de prendre d'autres mesures pour encourager les enfants à ne pas abandonner leurs études, en particulier pendant la période de scolarité obligatoire. Il lui recommande en outre d'organiser des programmes de formation continue sur les droits de l'homme, notamment les droits de l'enfants, à l'intention des enseignants.
43. Le Comité note qu'un projet de loi sur les réfugiés est actuellement devant le Parlement, mais il est néanmoins préoccupé par l'absence de loi sur la protection des enfants non accompagnés, demandeurs d'asile et réfugiés et sur le regroupement familial des réfugiés ainsi que par l'accès limité des enfants réfugiés à l'éducation, aux services de santé et au logement.
44. Le Comité recommande à l'État partie de promulguer une loi sur les procédures d'asile et le regroupement familial des réfugiés, de continuer à prendre des mesures efficaces pour garantir l'accès des enfants réfugiés à l'éducation, aux services de santé et au logement et de venir en aide aux enfants réfugiés qui sont victimes de délaissement, d'exploitation ou de violences sous quelque forme que ce soit.
Exploitation économique
45. Tout en sachant que le travail des enfants est interdit par la loi, le Comité reste préoccupé par des informations selon lesquelles des enfants mineurs sont employés dans des entreprises familiales et dans le cadre d'activités liées au tourisme pendant la période des vacances d'été.
46. Le Comité recommande à l'État partie de faire appliquer pleinement les lois sur le travail des enfants, de renforcer les services d'inspection du travail et d'alourdir les peines infligées en cas de violation. Il encourage l'État partie à ratifier la Convention No 182 de l'OIT concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination, 1999.
Exploitation et sévices sexuels
47. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance de données sur l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et par le manque de sensibilisation à ce problème dans l'État partie ainsi que par l'absence de politique globale et intégrée pour prévenir et combattre ce phénomène.
48. À la lumière de l'article 34 et d'autres articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'entreprendre une étude nationale sur la nature et l'ampleur de l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales en vue de l'élaboration de politiques et programmes, y compris en matière de soins et de réadaptation, pour prévenir et combattre ce phénomène. Le Comité recommande à l'État partie de tenir compte des recommandations formulées dans le Programme d'action adopté par le Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, tenu à Stockholm en 1996.
Administration de la justice pour mineurs
49. Le Comité se félicite de l'institution d'un programme spécial de réadaptation en faveur des filles en situation de conflit avec la loi (par exemple Fejda) et constate avec satisfaction qu'un programme analogue est envisagé pour les garçons. Néanmoins, l'âge peu élevé de la responsabilité pénale (9 ans), l'idée, contenue dans la législation de l'État partie, qu'un enfant âgé de 9 à 14 ans puisse agir avec "l'intention de nuire" et le fait que le système de justice pour mineurs ne s'applique pas aux enfants âgés de 16 à 18 ans sont des sources de préoccupation.
50. À la lumière des articles 37, 40 et 39 de la Convention et d'autres normes internationales pertinentes, comme l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de leur liberté, le Comité recommande à l'État partie de procéder à une réforme législative pour relever l'âge minimum de la responsabilité pénale, pour éliminer l'idée qu'un enfant âgé de 9 à 14 ans puisse agir dans "l'intention de nuire" et pour veiller à ce que le système de justice pour mineurs s'applique à tous les enfants de moins de 18 ans.