1. Le Comité a examiné le rapport initial des Pays-Bas (CRC/C/51/Add.1) à ses 578ème, 579ème et 580ème séances (voir document CRC/C/SR.578-580), tenues les 4 et 5 octobre 1999, et a adopté les observations finales ci-après, à la 586ème séance, tenue le 8 octobre 1999.
2. Le Comité se félicite du rapport de l'État partie, qui est clair et complet et qui a été établi conformément à ses directives. Le rapport s'arrête toutefois beaucoup sur la législation, les programmes et les politiques au détriment d'informations sur la jouissance effective des droits de l'enfant. Tout en regrettant le retard avec lequel elles ont été communiquées, le Comité prend note des réponses détaillées et instructives apportées par écrit à la liste des points à traiter (CRC/C/Q/NETH.1) ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été fournis au cours des débats, ce qui lui a permis d'évaluer la situation des droits de l'enfant dans l'État partie. Le Comité déplore que la délégation de l'État partie n'ait pas eu à sa disposition tous les renseignements qui lui auraient permis de répondre à certaines questions soulevées lors du débat, ce qui a restreint un dialogue par ailleurs productif.
3. Le Comité se félicite de la détermination de l'État partie et des efforts qu'il a déployés pour parvenir à un degré louable de jouissance par les enfants de leurs droits grâce à la mise en place des infrastructures voulues et à l'introduction de politiques d'ensemble, de textes législatifs et d'autres mesures, d'ordre notamment administratif.
4. En outre, le Comité félicite l'État partie de l'engagement qu'il maintient à l'égard de la défense des droits de l'enfant dans ses programmes de coopération pour le développement et note avec satisfaction qu'il dépasse le niveau de 0,7 % du PIB fixé par les Nations Unies pour la contribution des États à l'aide au développement.
5. Le Comité rend hommage à l'État partie pour les efforts qu'il déploie afin de lutter contre le phénomène de l'exploitation des enfants pour le tourisme sexuel.
6. Le Comité note avec satisfaction que l'État partie a ratifié la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants de 1980 ainsi que la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale de 1993.
C.1 Mesures d'application générales
7. Le Comité note avec satisfaction que l'État partie a indiqué qu'il envisage de revenir sur sa réserve concernant l'article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il note cependant avec préoccupation les réserves émises à l'égard des articles 26, 37 et 40 de la Convention. Compte tenu de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne de 1993, le Comité encourage l'État partie à étudier la possibilité de revenir sur toutes ses réserves.
8. Le Comité note que la coopération avec les organisations non gouvernementales et leur participation à la mise en oeuvre de la Convention, notamment à l'établissement du rapport, demeurent limitées. Il encourage l'État partie à réfléchir aux moyens d'associer plus systématiquement les ONG et la société civile dans son ensemble à tous les stades de la mise en oeuvre de la Convention.
9. Tout en constatant que des efforts ont déjà été entrepris pour mieux faire connaître la Convention, le Comité déplore que le rapport de l'État partie n'ait pas été plus largement mis à disposition ou diffusé. En outre, il s'inquiète de ce que l'État partie n'ait pas entrepris d'activités suivies d'information et de sensibilisation. À cet égard, le Comité recommande à l'État partie de mettre en place un programme continu de diffusion de l'information concernant la mise en oeuvre de la Convention, afin de sensibiliser en permanence les enfants et leurs parents, la société civile et tous les secteurs et échelons du Gouvernement à l'importance que revêt cet instrument. En outre, le Comité recommande à l'État partie d'élaborer des programmes de formation systématiques et suivis de formation concernant les dispositions de la Convention à l'intention de tous les groupes de professionnels travaillant avec et pour les enfants, tels que les juges, les avocats, les responsables de l'application des lois, les fonctionnaires, le personnel des établissements et des centres de détention pour enfants, les enseignants, le personnel sanitaire, y compris les psychologues, et les travailleurs sociaux.
10. Le Comité craint que les mesures et politiques élaborées par l'État partie pour mettre en oeuvre la Convention aux niveaux provincial et municipal ne soient pas suffisamment axées sur les droits de l'enfant. Le cloisonnement des différents secteurs se traduit souvent par une fragmentation et par des chevauchements dans la mise en oeuvre de la Convention. À cet égard, le Comité recommande à l'État partie de se doter d'un plan d'action national d'ensemble pour mettre en oeuvre la Convention et d'accorder plus d'attention à la coordination et à la coopération intersectorielles aux niveaux central, provincial et municipal et entre ces différents niveaux.
11. Tout en notant les aspects positifs de la décentralisation en ce qui concerne la mise en oeuvre de politiques en faveur des enfants, le Comité craint que cela ne contribue à l'apparition de goulets d'étranglement dans l'application des dispositions de la Convention. L'État partie est invité à fournir une aide aux autorités locales pour la mise en oeuvre des principes et dispositions de la Convention.
12. Tout en reconnaissant le rôle joué par le Conseil pour la protection de l'enfance et par les centres juridiques pour les enfants, qui fournissent à ceux-ci des conseils et informations sur des questions d'ordre juridique et défendent leurs intérêts, le Comité reste préoccupé par l'absence d'un mécanisme indépendant chargé de suivre la mise en oeuvre de la Convention. Le Comité recommande à l'État partie d'envisager la mise en place d'un médiateur complètement autonome pour les enfants, qui serait chargé de suivre et d'évaluer la mise en oeuvre de toutes les dispositions de la Convention.
13. Le Comité note avec préoccupation l'absence d'information concernant l'application de l'article 4 de la Convention et les moyens mis en oeuvre par l'État partie "dans toutes les limites des ressources dont il dispose" pour donner effet aux droits économiques, sociaux et culturels des enfants. Le Comité exhorte l'État partie à rechercher les moyens de procéder à une évaluation systématique de l'incidence des allocations budgétaires et des politiques macroéconomiques sur la mise en oeuvre des droits de l'enfant et de recueillir et diffuser des informations à ce sujet.
C.2 Principes généraux
14. Le Comité se félicite du niveau généralement bon de participation des enfants, en particulier dans l'enseignement secondaire et à l'échelon local. Le Comité encourage l'État partie à continuer de favoriser ce type de participation, en particulier dans les prises de décisions concernant toutes les questions touchant les enfants eux-mêmes. À cet égard, il recommande à l'État partie d'élaborer des programmes de formation pour les fonctionnaires et autres décideurs locaux afin de leur permettre de tenir dûment compte des avis des enfants qui leur sont communiqués, en veillant en particulier à associer et à atteindre les groupes vulnérables, tels que les enfants de minorités ethniques. Le Comité recommande également à l'État partie de s'attacher davantage à encourager la participation des enfants dans les écoles primaires.
C.3 Milieu familial et protection de remplacement
15. À propos de l'article 11 de la Convention, le Comité note que les Pays-Bas sont parties à la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale de 1993 et à la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants de 1980. Le Comité incite l'État partie à envisager de conclure des accords bilatéraux avec les États qui ne sont pas parties aux deux conventions susmentionnées.
16. Le Comité est préoccupé par les longues listes d'attente pour le placement des enfants dans des établissements d'hébergement. Il encourage l'État partie à accroître le nombre de places disponibles dans ces établissements tout en accordant plus d'attention aux solutions de rechange, par exemple le placement dans des familles d'accueil, eu égard aux principes et dispositions de la Convention, s'agissant en particulier de l'intérêt supérieur de l'enfant.
17. Le Comité se félicite des efforts consentis récemment pour mettre en place un réseau de centres de signalement et d'orientation des cas de maltraitance et pour élaborer des plans visant à renforcer le dispositif de signalement et de suivi de ces cas. Toutefois, il reste préoccupé par la progression du nombre de cas de mauvais traitements à enfants signalés et par la protection insuffisante accordée aux enfants. Il exhorte l'État partie à affecter un degré de priorité plus élevé à la mise en place rapide de systèmes de signalement et d'orientation et à leur accorder une aide, en se fondant sur le document de synthèse des Ministères de la justice, de la santé, de la protection sociale et des sports concernant la prévention des mauvais traitements à enfants et les mesures de protection et de réinsertion offertes aux enfants maltraités. En outre, le Comité recommande que l'État partie, tenant compte de l'évolution de la situation dans les autres pays d'Europe, prenne des mesures législatives pour interdire le recours à toute forme de violence psychologique et physique à l'encontre des enfants, y compris les châtiments corporels, au sein de la famille.
C.4 Santé et bien-être
18. Le Comité se félicite des efforts déployés par l'État partie et comprend les difficultés que celui-ci rencontre pour protéger les fillettes relevant de sa juridiction contre les mutilations génitales infligées hors de son territoire. Néanmoins, le Comité exhorte l'État partie à entreprendre des campagnes d'information vigoureuses et soigneusement ciblées pour lutter contre ce phénomène et à envisager l'adoption d'une législation ayant une portée extraterritoriale, susceptible d'améliorer la protection des enfants relevant de sa juridiction contre ces pratiques traditionnelles nuisibles.
19. Le Comité demeure préoccupé par le fait que le droit d'accès à des conseils et à un traitement médicaux sans le consentement des parents, par exemple aux tests de dépistage du VIH/sida, risque d'être remis en cause dès lors que la facture correspondant à ces services est envoyée aux parents, ce qui enlève tout caractère confidentiel à la relation entre le médecin et l'enfant. Le Comité recommande à l'État partie de prendre les mesures voulues afin que les conseils et traitements médicaux restent confidentiels lorsque les enfants ont l'âge et la maturité voulus, conformément aux articles 12 et 16 de la Convention.
20. Le Comité est préoccupé par le faible taux d'allaitement maternel. Il encourage l'État partie à entreprendre des campagnes de promotion de l'allaitement maternel, en faisant valoir les avantages de cette pratique et l'incidence négative des substituts, tout en offrant des conseils aux mères contaminées par le VIH/sida au sujet des risques de transmission du virus par l'allaitement maternel.
C.5 Éducation, loisirs et activités culturelles
21. Le Comité estime qu'une place insuffisante est accordée à la sensibilisation aux droits de l'homme dans les programmes scolaires, particulièrement au niveau primaire. Il invite l'État partie à envisager la possibilité d'inclure des questions relatives aux droits de l'homme dans les programmes scolaires à un stade plus précoce et à s'assurer que la Convention relative aux droits de l'enfant et ses dispositions figurent en bonne place dans les programmes existants destinés aux enfants plus âgés et dans les nouveaux programmes de l'enseignement primaire.
22. Le Comité loue les efforts actuellement consentis pour régler le problème des brutalités entre élèves dans les écoles, et notamment la campagne organisée sur le thème de la sécurité à l'école. Il encourage l'État partie à poursuivre les efforts entrepris pour lutter contre les brutalités entre élèves dans les établissements scolaires, à rassembler des informations sur l'ampleur de ce phénomène et, en particulier, à mettre en place des structures spéciales permettant aux enfants de participer à l'étude et à la solution appropriée de ce problème.
C.6 Mesures spéciales de protection
23. Tout en notant les efforts consentis pour régler la question des mineurs non accompagnés demandeurs d'asile, le Comité se demande s'il ne faudrait pas lui accorder encore plus d'attention. Il recommande à l'État partie de renforcer les mesures prises afin d'assurer des services d'orientation immédiats ainsi qu'un accès rapide et total à l'éducation et aux autres services dont peuvent se prévaloir les enfants réfugiés et demandeurs d'asile. En outre, le Comité recommande à l'État partie de prendre des dispositions efficaces pour intégrer ces enfants dans la société néerlandaise.
24. Le Comité prend note des efforts accomplis pour relever progressivement l'âge minimum fixé pour l'incorporation dans les forces armées et la participation aux hostilités. Il note en outre la déclaration par laquelle l'État partie a fait part de son intention d'appliquer une norme plus stricte que celle qui est exigée par la Convention, ainsi que l'engagement pris par les Pays-Bas à l'égard de l'action internationale entreprise dans ce domaine. Néanmoins, le Comité exhorte l'État partie à revoir ses politiques actuelles en matière d'incorporation dans les forces armées, en vue de porter l'âge de l'enrôlement à 18 ans.
25. Le Comité se félicite des renseignements reçus sur les améliorations attendues de la loi sur les établissements surveillés pour mineurs, qui devrait permettre de traiter dans les meilleurs délais les plaintes pour mauvais traitements. Néanmoins, le Comité recommande de veiller à ce que les efforts déployés pour donner rapidement suite à ces plaintes par le biais d'une procédure de médiation n'aboutissent pas à des enquêtes un peu expéditives.
26. Le Comité s'inquiète des périodes d'attente auxquelles sont soumis les délinquants mineurs ayant besoin d'un traitement psychologique et psychiatrique. Il recommande à l'État partie d'accroître le nombre des places disponibles dans les établissements de soins afin de fournir rapidement à ces jeunes délinquants un traitement adéquat.
27. En ce qui concerne la protection des enfants contre les violences sexuelles, le Comité se félicite de l'attention accordée par l'État partie aux conséquences de "l'obligation de plainte préalable" pour engager des poursuites contre les auteurs de délits commis à l'encontre d'enfants âgés de 12 à 16 ans. Le Comité n'en continue pas moins de craindre que l'équilibre recherché entre la protection des enfants contre les violences sexuelles et le respect de leur liberté sexuelle ne limite indûment leur protection contre les mauvais traitements. Il demeure aussi préoccupé du fait que les efforts déployés pour accroître la protection des enfants contre l'exploitation à des fins de production de matériels pornographiques n'aient pas progressé. Le Comité incite l'État partie à continuer de revoir sa législation et ses politiques de manière à modifier le principe de "l'obligation de plainte préalable" pour engager des poursuites en cas de délits sexuels commis à l'encontre d'enfants de plus de 12 ans. En outre, il encourage l'État partie à modifier sa législation en vue d'améliorer la protection de tous les enfants contre les incitations à prendre part à la production de films ou de matériel pornographique et contre les autres formes d'exploitation sexuelle commerciale. Tout en se félicitant de l'introduction de ce type de législation, le Comité encourage également l'État partie à revoir l'exigence de la "double incrimination" en matière de compétence extraterritoriale pour les cas de violence sexuelle à enfants.
28. Le Comité note l'importance attachée par l'État partie au problème de l'exploitation sexuelle des enfants, victimes fréquentes de la traite, et notamment au problème de la disparition des mineurs non accompagnés demandeurs d'asile placés dans des centres d'accueil. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que l'État partie ne semble envisager aucune politique ou mesure précise pour régler ce problème urgent. Le Comité exhorte l'État partie à examiner sérieusement et sans tarder la nécessité de faire en sorte que les enfants ne soient pas utilisés à des fins de prostitution et que les procédures de demande d'asile, tout en respectant scrupuleusement les droits des mineurs non accompagnés demandeurs d'asile, protègent effectivement les enfants contre la traite à des fins d'exploitation sexuelle. En outre, le Comité recommande à l'État partie d'adopter un vaste plan d'action national visant à empêcher l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et à lutter contre ce phénomène, compte tenu des recommandations formulées dans le Programme d'action adopté à l'issue du Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, tenu à Stockholm en 1996.
29. Le Comité prend note du suivi des résultats scolaires des enfants appartenant à des minorités ethniques mais demeure préoccupé de ce que ces résultats montrent que des disparités notables subsistent. Il exhorte l'État partie à réexaminer de près son action et à réfléchir à la possibilité de fournir une aide supplémentaire aux enfants à risque ainsi qu'à la nécessité de fournir une aide aux familles de minorités ethniques ayant des problèmes socioéconomiques, pour s'attaquer aux causes profondes des mauvais résultats scolaires.
30. Le Comité est très préoccupé édes incidences que pourrait avoir la réserve émise par l'État partie au sujet de l'application de la loi pénale concernant les adultes aux enfants âgés d'au moins 16 ans. Il juge également très inquiétantes les informations fournies selon lesquelles le droit pénal concernant les adultes s'applique parfois aussi à des enfants âgés de 12 à 15 ans. Le Comité exhorte l'État partie à veiller à ce qu'en vertu de la loi en vigueur, aucun enfant ayant moins de 16 ans au moment où le délit est commis ne soit jugé en vertu de la loi pénale applicable aux adultes et à reconsidérer la réserve susmentionnée en vue de la retirer. Le Comité recommande en outre à l'État partie de prendre des dispositions législatives pour veiller à ce que des enfants jugés en vertu du droit pénal applicable aux adultes ne puissent pas être passible d'une peine d'emprisonnement à vie.
31. Enfin, eu égard au paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le Comité
recommande que l'État partie assure une large diffusion auprès du public de
son rapport initial et des réponses écrites qu'il a soumises, ainsi que du
compte rendu analytique des séances pertinentes et des observations finales
adoptées par le Comité. Une telle diffusion à grande échelle devrait susciter
des débats et faire connaître la Convention et sa mise en oeuvre, particulièrement
auprès du Gouvernement, des ministères concernés, du Parlement et des organisations
non gouvernementales.