2. Le Comité remercie l'Etat partie d'avoir présenté son rapport initial et de se montrer disposé à instaurer un dialogue avec lui. Il est heureux que l'Etat partie se soit livré à une autocritique dans ce rapport initial, notamment en indiquant les facteurs et les difficultés entravant l'application de la Convention. Il regrette toutefois que les informations contenues dans le rapport et le dialogue auquel son examen a donné lieu n'aient pas permis une évaluation approfondie et détaillée de la manière dont les droits de l'enfant sont mis en oeuvre au Paraguay. Le Comité demande donc à l'Etat partie de lui présenter un rapport complémentaire dans un délai d'un an. Il souhaiterait y trouver des renseignements plus détaillés et plus complets répondant à la liste écrite des points à traiter qu'il a établie (contenue dans le document CRC/C.7/WP.2) et aux questions et préoccupations supplémentaires soulevées par ses membres au cours de l'examen du rapport, y compris en ce qui concerne les mesures prioritaires adoptées pour mettre en oeuvre les droits énoncés dans la Convention.
3. Le Comité note que l'Etat partie a mis en place différents mécanismes pour traiter des questions relatives à la situation des enfants. Il prend note également de son intention d'adopter un nouveau code du mineur afin d'améliorer la protection et la promotion des droits de l'enfant. Le Comité tient en outre à appeler l'attention sur la disposition incorporée dans la Constitution, tendant à ce que 20 % du budget national au moins soient consacrés à l'éducation. Il note aussi que l'Etat partie s'emploie à mettre en place des programmes d'études bilingues dans l'enseignement primaire.
4. Le Comité note que le Paraguay, qui récemment encore avait un régime dictatorial, traverse une période de transition vers la démocratie. Il a conscience que certaines attitudes et traditions héritées de cette époque entravent l'application effective des droits de l'enfant.
5. Le Comité constate avec préoccupation que l'on ne s'attache apparemment pas suffisamment à mettre en place un organisme de coordination chargé de suivre la mise en oeuvre des droits de l'enfant dans le pays. Il se demande également dans quelle mesure les organes établis pour examiner la situation des enfants bénéficient de l'appui et des moyens nécessaires pour s'acquitter de leurs fonctions. En outre, il ne sait toujours pas très bien dans quelle mesure le processus engagé pour étudier la mise en oeuvre des droits de l'enfant dans l'Etat partie visait à encourager et à faciliter la participation populaire ainsi qu'un examen minutieux des politiques du gouvernement.
6. Le Comité est d'avis que des mesures suffisantes n'ont pas encore été prises pour faire connaître les principes et les dispositions de la Convention aux adultes comme aux enfants. De même, il note que les spécialistes et les personnes qui travaillent avec les enfants ou pour eux, y compris l'armée, les responsables de l'application des lois, les magistrats, les agents sanitaires et les enseignants ne sont pas suffisamment informés des dispositions de la Convention et d'autres normes internationales relatives aux droits de l'enfant.
7. Le Comité tient à dire que, de manière générale, il semble que l'Etat partie n'ait pas pleinement tenu compte des dispositions de la Convention, notamment des principes généraux qui y sont contenus et qui sont énoncés dans les articles 2, 3, 6 et 12, dans les mesures législatives et autres qui concernent les enfants au Paraguay. A cet égard, le Comité note que d'après la loi actuelle les filles sont nubiles dès l'âge de 12 ans et qu'elles peuvent se marier plus jeunes que les garçons, ce qui est incompatible avec les dispositions de la Convention, notamment avec celles de l'article 2. Le Comité est en outre d'avis que d'autres lois en vigueur au Paraguay relatives à la définition de l'enfant s'agissant de l'âge du service militaire et de la non-validité des déclarations de l'enfant en cas d'allégation de sévices sexuels soulèvent des questions quant à leur compatibilité avec l'esprit et l'objet de la Convention, notamment pour ce qui est d'assurer que l'intérêt supérieur de l'enfant est la considération primordiale dans toutes les affaires qui le concernent.
8. D'une manière générale, le Comité constate avec préoccupation que la société paraguayenne n'est pas suffisamment sensible aux besoins et à la situation des filles. Il note aussi la persistance d'une discrimination contre les enfants appartenant à des groupes minoritaires et autochtones, contrairement aux dispositions de l'article 2 de la Convention.
9. De plus, dans le cadre de l'application de l'article 4 de la Convention relatif à la nécessité pour l'Etat partie de prendre des mesures dans toutes les limites des ressources dont il dispose, le Comité s'inquiète de la part insuffisante des budgets national et locaux alloués aux besoins sociaux et humains, notamment pour venir en aide aux groupes d'enfants les plus vulnérables. A cet égard, le Comité tient à souligner que les dispositions de l'article 3 de la Convention, relatives à l'intérêt supérieur de l'enfant, doivent guider les délibérations et les décisions de politique, y compris celles qui concernent l'allocation de ressources humaines et économiques pour mettre en oeuvre les droits proclamés dans la Convention. Il tient aussi à dire ses doutes quant à l'utilité des systèmes statistiques et autres systèmes de collecte de données existant dans l'Etat partie pour aider à formuler et concevoir des stratégies de mise en oeuvre des droits de l'enfant.
10. Le Comité craint que les mesures prises pour mettre en oeuvre les dispositions des articles 7 et 8 de la Convention ne soient insuffisantes, notamment pour ce qui est d'enregistrer les naissances et de veiller à ce que les enfants disposent des certificats et autres documents nécessaires pour protéger et préserver dûment les divers éléments de leur identité. Il note que l'absence de procédures d'enregistrement appropriées peut considérablement entraver la jouissance des autres libertés et droits fondamentaux de l'enfant.
11. Le Comité se déclare gravement préoccupé par des informations qui ont été portées à son attention et qui font état du trafic auquel donneraient lieu les adoptions internationales, en violation des dispositions et principes de la Convention. Il s'inquiète également de l'absence de cadre normatif en matière d'adoption internationale, notamment à la lumière des articles 3, 12 et 21 de la Convention.
12. Le Comité note que les inégalités sociales existant dans le pays, et qui résultent notamment de la répartition inéquitable des revenus et des terres, expliquent en partie les problèmes considérables auxquels se heurtent les enfants au Paraguay. Il craint en outre que la situation difficile des enfants vivant dans les zones rurales et les zones urbaines défavorisées n'incite leurs parents ou leurs tuteurs à les mettre au service de familles, ce qui est fréquemment cause de mauvais traitements et d'exploitation.
13. Le Comité est alarmé par des informations qu'il a reçues concernant les mauvais traitements dont les enfants seraient victimes dans des centres de détention. Vu la gravité de ces allégations, il juge préoccupant que les responsables de l'application des lois et le personnel des centres de détention ne soient pas suffisamment informés des dispositions et principes de la Convention et autres instruments internationaux pertinents tels que les "Règles de Beijing", les "Principes directeurs de Riyad" et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté.
14. Le Comité constate avec préoccupation qu'en dépit des réformes majeures en cours dans le système éducatif, on enregistre encore dans le pays un faible taux de fréquentation et de rétention scolaires et un taux élevé d'abandons en cours d'études.
Suite à donner
15. Le Comité note que les questions relatives à la santé et aux mesures spéciales de protection n'ont pas été abordées au cours du dialogue initial avec l'Etat partie. Il recommande que celui-ci comble cette lacune dans le rapport complémentaire qui lui a été demandé. En outre, le Comité tient à être informé des progrès réalisés en ce qui concerne la mise en place d'un mécanisme national de coordination chargé de suivre la mise en oeuvre des droits de l'enfant, ainsi que de la participation des divers organes associés à la promotion et à la protection de ces droits, y compris les organisations non gouvernementales, à ces activités de suivi. Le Comité tient aussi à être informé des mesures prises pour veiller à ce qu'il soit pleinement tenu compte des dispositions de la Convention, et plus précisément de ses articles 3, 12 et 21, notamment pour fixer et appliquer les lois et procédures relatives à l'adoption. A cet égard, il souhaite encourager le Gouvernement paraguayen à envisager de ratifier la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale et à conclure des accords bilatéraux avec les pays d'origine des futurs parents adoptifs.
16. Le Comité note qu'il ressort du paragraphe 160 du rapport de l'Etat partie que celui-ci attache de l'importance aux avis du Comité concernant les mesures à prendre pour améliorer la mise en oeuvre des droits de l'enfant, et il se félicite que le Paraguay s'engage à coopérer avec lui et avec d'autres organismes et institutions des Nations Unies en vue de promouvoir et de protéger ces droits. A cet égard, le Comité note également qu'une coopération technique est actuellement fournie au Gouvernement paraguayen dans le cadre d'un programme conjoint du Centre pour les droits de l'homme et du Programme des Nations Unies pour le développement. Il recommande que les questions qu'il a soulevées en rapport avec la réalisation des droits de l'enfant soient incorporées aux activités organisées au titre de ce programme.
*/ A la 183ème séance, le 4 octobre 1994.