Observations finales du Comité des droits de l'enfant, Roumanie, U.N.
Doc. CRC/C/15/Add.16 (1994).
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Cinquième session
EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Conclusions du Comité des droits de l'enfant : Roumanie
1. Le Comité a examiné les rapports initiaux de la Roumanie (CRC/C/3/Add.16) à ses 120ème, 121ème et 122ème séances (CRC/C/SR.120 à 122), tenues les 20 et 21 janvier 1994, et a adopté */ les conclusions suivantes :
A. Introduction
2. Le Comité sait gré à l'Etat partie d'avoir présenté, avant la session, des réponses écrites à la liste des questions qu'il avait soulevées (CRC/C.4/WP5) et d'avoir engagé avec lui un dialogue fructueux.
B. Aspects positifs
3. Le Comité se félicite des mesures prises par le Gouvernement roumain depuis l'entrée en vigueur de la Convention, en 1990, pour favoriser et protéger les droits de l'enfant. Il a pris note de la mise en place d'organismes gouvernementaux tels que la Commission centrale pour l'orientation et la coordination de l'activité de protection des mineurs, le Comité d'appui des institutions pour la protection des enfants et le Comité roumain pour les adoptions. La création, en février 1990, du Comité national roumain de l'UNICEF et, en 1993, de la Commission nationale pour la protection de l'enfance est d'une importance particulière. Le Comité constate aussi avec satisfaction qu'un certain nombre de lois ont été modifiées ou complétées et que de nouveaux textes ont été élaborés pour rendre la législation interne conforme aux dispositions de la Convention.
4. Le Comité relève que le Gouvernement roumain s'attache à trouver une famille aux enfants placés en institutions. Des efforts ont été déployés pour maintenir la valeur de l'allocation pour enfant à charge. Un programme d'éducation des travailleurs sociaux a été entrepris.
5. Le gouvernement a montré qu'il était effectivement prêt à coopérer avec différentes organisations intergouvernementales et non gouvernementales qui s'occupent des droits de l'enfant.
C. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention
6. Il a fallu entreprendre la réforme de certaines lois, politiques et institutions datant d'avant la ratification de la Convention pour permettre une application effective de cette dernière. Des difficultés ont également été provoquées par des préjugés, des manifestations d'intolérance et d'autres attitudes populaires contraires aux principes généraux de la Convention. Le Comité note également les difficultés associées à l'économie de transition et le fait que la situation des enfants s'est dégradée par suite de l'augmentation de la pauvreté et du ch_mage.
D. Principaux sujets de préoccupation
7. Le Comité s'inquiète des répercussions sur les enfants des difficultés économiques qui règnent dans le pays. Il se demande tout particulièrement si des mesures adéquates sont prises à la lumière des articles 3 et 4 de la Convention, pour éviter aux enfants d'être les victimes de la réforme économique. Les droits et les besoins essentiels de tous les enfants du pays devraient être pris en compte également durant le processus de décentralisation et de privatisation.
8. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures prises dans le cadre de la réforme législative pour rendre les textes existants pleinement conformes à la Convention, eu égard notamment aux principes fondamentaux de cet instrument, afin de résoudre les contradictions existant actuellement, comme celle qui tient aux dispositions en vigueur concernant l'âge du mariage. Le Comité est également préoccupé par les lacunes de la législation roumaine qui sont de nature à faire obstacle aux efforts destinés à appliquer la Convention : les diverses mesures législatives et administratives prises pour en assurer l'application ne semblent pas avoir été suffisamment coordonnées et rationalisées.
9. Le Comité s'inquiète des cas d'enfants maltraités ou délaissés à l'intérieur même de la famille et de la désintégration des valeurs familiales, par suite desquels des enfants sont abandonnés ou fuient leur domicile. Les enfants appartenant à des familles de ce genre sont exposés aux sévices sexuels, à la toxicomanie et à l'alcoolisme. Le nombre croissant d'enfants qui vivent et/ou qui travaillent dans la rue est profondément préoccupant.
10. Le Comité s'inquiète de la situation des enfants de minorités, au regard en particulier des articles 2, 28, 29 et 30 de la Convention. Le faible taux de fréquentation scolaire parmi les enfants roms (tziganes) est un grave problème. D'une manière plus générale, le Comité est d'avis qu'il faut prendre des mesures plus efficaces pour lutter contre les préjugés à l'égard de cette minorité.
11. Le Comité est préoccupé aussi par l'absence d'une formation, qui familiarise les travailleurs sociaux, les forces de police et le personnel judiciaire avec les principes et dispositions de la Convention.
E. Suggestions et recommandations
12. Le gouvernement devrait contr_ler régulièrement l'incidence des programmes d'ajustement sur les enfants et prendre les mesures requises pour protéger ces derniers.
13. Le Comité recommande également que le gouvernement adopte une démarche plus cohérente pour mettre en oeuvre la Convention, notamment en assurant une meilleure coordination entre les différents mécanismes et les diverses institutions déjà chargés de promouvoir et de protéger les droits des enfants. La mise en place d'une structure appropriée à l'échelon local et les efforts de coordination entrepris aux niveaux local et national sont particulièrement importants à cet égard.
14. Il faudrait s'employer tout particulièrement à harmoniser pleinement la législation existante avec les dispositions de la Convention, en prenant en considération les principes de la non-discrimination, de l'intérêt supérieur de l'enfant et du respect des opinions de l'enfant, comme dans le cas de la législation du travail. Le Code de la famille de 1954 demande à être révisé à la lumière de la Convention.
15. Le Comité considère qu'il faudrait faire davantage d'efforts afin de dispenser une éducation familiale, de faire mieux comprendre les responsabilités égales des parents et de faire largement connaître les méthodes modernes de planification de la famille de manière à faire reculer la pratique de l'avortement.
16. Le Comité suggère que des recherches soient menées sur le problème des enfants maltraités ou délaissés au sein de la famille.
17. Le Comité recommande qu'une formation adéquate concernant les principes fondamentaux et les normes contenus dans la Convention relative aux droits de l'enfant soit dispensée au personnel qui s'occupe d'enfants. Une formation spéciale devrait être donnée aux travailleurs sociaux, compte tenu de l'importance de cette catégorie de personnel.
18. Il conviendrait de continuer d'amender et de faire respecter la législation relative à l'adoption de manière à prévenir effectivement, en particulier, les adoptions internationales contraires à l'esprit et à la lettre de la Convention relative aux droits de l'enfant; les dispositions de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale (1993), devraient également être prises en compte, les représentants du Gouvernement roumain ayant fait état de l'intention de ce dernier de ratifier cet instrument.
19. Il est recommandé de poursuivre les efforts pour faire mieux comprendre à l'opinion publique la situation des enfants handicapés. Il conviendrait de favoriser davantage la jouissance de leurs droits, par exemple en soutenant les associations de parents et en menant un vigoureux programme de transfert dans un bon milieu familial des enfants placés dans des institutions.
20. Le système d'administration de la justice des mineurs devrait s'inspirer des dispositions des articles 37 et 40 de la Convention relative aux droits de l'enfant ainsi que d'autres normes internationales pertinentes, tels les "Règles de Beijing", les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Le Comité suggère que la formation dispensée aux agents de la force publique, aux magistrats et aux autres personnels chargés de l'administration de la justice porte pour une part sur ces normes internationales relatives à la justice des mineurs.
21. Le gouvernement devrait adopter une politique active de non-discrimination à l'égard des enfants des minorités. Cela supposerait aussi, surtout en ce qui concerne la population rom (tzigane), la conduite d'une action palliative destinée à encourager la participation et à briser le cercle vicieux des préjugés largement répandus qui aboutissent à l'hostilité ou à la marginalisation. Il faut s'attaquer d'urgence au problème de la faiblesse de la fréquentation scolaire parmi les enfants de la minorité rom.
22. Le Comité recommande aussi que le rapport présenté par l'Etat partie, les comptes rendus de l'examen de ce rapport et les observations finales du Comité soient diffusés aussi largement que possible dans le pays. Ces documents pourraient également alimenter un débat sur les nouvelles mesures à prendre pour mettre en place des mécanismes systématiques de surveillance et de renforcement de l'application de la Convention.
23. L'Etat partie est encouragé à continuer de coopérer avec le Centre pour les droits de l'homme dans le domaine des services consultatifs et de l'assistance technique et à renforcer encore, avec le soutien de la communauté internationale, la composante de ces programmes qui a trait aux droits de l'enfant; il conviendrait à cet effet de tenir dûment compte des recommandations et suggestions contenues dans les présentes conclusions.
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* / A la 130ème séance, tenue le 28 janvier 1994.