COMITÉ
DES DROITS DE L’ENFANT
Trente‑troisième
session
EXAMEN
DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION
Observations finales: République arabe syrienne
1. À ses 883e et 884e séances (CRC/C/SR.883 et 884), tenues le 3 juin 2003, le Comité des droits de l’enfant a examiné le deuxième rapport périodique de la République arabe syrienne (CRC/C/93/Add.2), qu’il avait reçu le 15 août 2000 et, à sa 889e séance (CRC/C/SR.889), le 6 juin 2003, il a adopté les observations finales suivantes.
A.
Introduction
2. Le Comité se déclare satisfait de la présentation du rapport dans les délais prescrits et note que, malgré un formalisme intrinsèque, le document suit les directives énoncées en ce qui concerne l’établissement des rapports. Il apprécie les réponses instructives qui ont été soumises par écrit, de même que le rapport complémentaire, et a été sensible à la présence d’une délégation de haut niveau, intersectorielle et très compétente, grâce à laquelle il a pu se faire une meilleure idée de la manière dont l’État partie mettait en œuvre la Convention.
B. Mesures de suivi adoptées
par l’État partie et progrès accomplis
3. Le Comité est heureux d’apprendre que:
a) Certains instruments internationaux, notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention no 138 de l’OIT concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, ont été ratifiés;
b) Les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ainsi que la Convention no 182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, ont été ratifiés par le Parlement;
c) L’âge minimum d’admission à l’emploi a été porté à 15 ans;
d) L’âge de la scolarité obligatoire a été porté de 12 à 15 ans;
e) De nouvelles institutions traitant des problèmes des enfants (Directions de la culture, de l’éducation des jeunes enfants et de l’éducation spéciale) ont été créées;
f) De nombreux objectifs du Sommet mondial pour les enfants, en particulier dans le domaine de la santé et de l’éducation, ont été atteints;
g) Le Comité supérieur pour l’enfance a été établi en 1999;
h) La Convention a été prise en compte dans la législation interne, à savoir que les codes de procédure civile et pénale posent expressément que sont inapplicables toutes dispositions incompatibles avec les traités internationaux auxquels la Syrie est partie.
C. Facteurs et difficultés
entravant la mise en œuvre de la Convention
4. Le Comité s’associe aux préoccupations de l’État partie quant à la difficulté d’assurer l’exercice de leurs droits aux enfants qui vivent dans le Golan syrien occupé.
D. Principaux sujets de
préoccupation et recommandations
1. Mesures d’application générales
Observations finales
antérieures
5. Le Comité est inquiet de constater que nombre des préoccupations qu’il a exprimées et des recommandations qu’il a faites (CRC/C/15/Add.70) après avoir examiné le rapport initial de l’État partie (CRC/C/28/Add.2) n’ont pas été dûment prises en compte, par exemple pour ce qui est de l’intégration dans la législation des principes de la Convention, de la priorité à donner, lors de l’affectation des crédits budgétaires, à la réalisation des droits de l’enfant et de la situation des enfants victimes de mauvais traitements. Il fait remarquer que beaucoup de préoccupations et recommandations du même ordre s’expriment dans le présent document.
6. Le Comité prie instamment l’État partie de n’épargner aucun
effort pour appliquer les recommandations laissées sans suite qu’il lui a
faites dans ses observations finales concernant le rapport initial, et de
prendre en compte les préoccupations exprimées dans les présentes observations,
qui résultent de l’examen du deuxième rapport périodique.
Réserves
7. Le Comité a le regret de constater que, depuis la présentation du rapport initial, l’État partie n’a procédé à aucun examen des réserves. Prenant note du raisonnement suivi par l’État partie dans son rapport, il réaffirme que, par nature, la réserve générale risque d’aller à l’encontre de nombreuses dispositions de la Convention. On est donc amené à se demander si elle est bien compatible avec l’objet et la finalité de cet instrument. En particulier, s’agissant de l’article 14, elle peut être cause de violations des libertés de pensée, de conscience et de religion. S’agissant des articles 20 et 21, elle est inutile: le Comité rappelle que le paragraphe 3 de l’article 20 de la Convention reconnaît expressément que la kafalah est une formule de protection de remplacement. L’article 21 parle explicitement des États qui «admettent et/ou autorisent» l’adoption; l’État partie ne reconnaissant pas ce système, la disposition en question ne s’applique pas ici.
8. Le
Comité recommande à l’État partie, conformément à la Déclaration et au Plan
d’action de Vienne et compte tenu de l’Observation générale no 22
du Comité des droits de l’homme, de revoir sa réserve, en particulier au
sujet des articles 14, 20 et 21, en vue de la retirer.
Législation
9. Le Comité note que l’État partie s’est engagé à revoir sa législation interne au regard de la Convention; il note en outre que diverses mesures législatives ont été récemment proposées en ce qui concerne les droits de l’enfant (amendements à apporter au Code du statut personnel et relèvement des amendes imposées en cas de violation de la loi relative à l’enseignement obligatoire). Il estime toutefois que ces mesures ne sont pas l’expression d’une vision globale de la mise en œuvre de la Convention fondée sur les droits de l’homme. Il craint d’ailleurs que, dans la sphère privée, l’application de différentes lois (par exemple celle de 1953 relative au statut personnel) pour régir des communautés de religion différente (musulmans, druzes, chrétiens et juifs) et, partant, le recours à des appareils judiciaires différents (charia, madhabi et ruhj) n’amène à exercer certaines formes de discrimination à l’égard des enfants pour ce qui est de la jouissance de leurs droits.
10. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De procéder sans tarder à
un examen complet de sa législation, de sa réglementation administrative et de
ses règles de procédure juridique pour s’assurer qu’elles soient conformes aux
normes internationales dans le domaine des droits de l’homme, notamment aux
dispositions de la Convention;
b) De prendre toutes les
mesures possibles pour concilier l’interprétation de la loi religieuse avec
l’exercice des droits de l’homme fondamentaux;
c) De veiller à ce que la
législation soit suffisamment claire et précise, et qu’elle soit publiée et
rendue accessible à la population.
Coordination
11. Le Comité note que le Comité supérieur pour le bien‑être des enfants (décision no 1023 de 1999) a pour tâche de coordonner les mesures de mise en œuvre de la Convention. Il est heureux d’apprendre que le Comité établira des antennes dans les gouvernorats et disposera d’un budget indépendant. Il apprend aussi avec satisfaction qu’un nouveau plan d’action national sera adopté en octobre 2003; mais, il continue à craindre que la coordination ne soit inefficace et doute que le Comité dispose d’un budget à lui. Il réaffirme qu’à son sens les faiblesses de la coordination entre l’administration centrale et les organismes locaux rendent difficile l’adoption d’une politique globale cohérente de protection des droits de l’enfant.
12. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De soutenir et de
renforcer l’action tendant à faire du Comité supérieur un organe de
coordination efficace pour mettre en œuvre la Convention et, à cette fin, de
doter cet organe de ressources humaines et financières suffisantes et de
veiller à ce que s’instaure une coopération solide entre les antennes que l’on
compte créer et le Comité supérieur;
b) D’apporter le soutien
nécessaire, y compris au moyen de ressources humaines, financières et autres
suffisantes, pour que le nouveau plan d’action national puisse être
intégralement appliqué et d’évaluer périodiquement l’impact de celui‑ci
sur la mise en œuvre de la Convention.
Données
13. Le Comité constate les améliorations apportées dans la collecte des données en matière de santé, de nutrition et d’éducation et se félicite d’apprendre qu’un service d’information sur l’enfance a été créé au Bureau central de statistiques. Le manque de données statistiques fiables dans les domaines couverts par la Convention et la difficulté d’accès à ces données restent cependant une source de préoccupation.
14. Le Comité encourage l’État partie à:
a) Recueillir des
statistiques sur toutes les personnes de moins de 18 ans, dans tous les
domaines du ressort de la Convention (y compris des données concernant les
enfants qui vivent dans des zones reculées, les enfants victimes de brutalités
et les enfants handicapés, sur la santé des adolescents, sur les délinquants
juvéniles, etc.);
b) Renforcer le service
d’information sur l’enfance et lui fournir des ressources humaines et
financières suffisantes;
c) Chercher comment rendre
les données plus fiables, notamment en harmonisant les définitions statistiques
entre ministères;
d) Continuer de solliciter
l’assistance de l’UNICEF.
Structures de suivi
15. Le Comité note que le Comité supérieur n’a pas seulement pour tâche d’assurer la coordination. Cet organe est aussi chargé, avec les présidents des tribunaux pour enfants (décision no 134 de 1998) et les comités judiciaires (décision no 2108 de 1999), de suivre la mise en œuvre de la Convention. Il craint que la coordination entre ces différents mécanismes ne laisse à désirer et il est d’ailleurs inquiet de voir qu’il n’existe pas de mécanisme indépendant ayant pour mandat de suivre et d’évaluer régulièrement les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Convention et habilité à recevoir les plaintes des enfants et à y répondre.
16. Le Comité recommande à l’État partie de
créer une institution nationale indépendante dans le domaine des droits de
l’homme, conformément aux Principes de Paris et à l’Observation générale no 2
du Comité, qui serait chargée de suivre et d’évaluer les progrès accomplis dans
la mise en œuvre de la Convention, au niveau national et au niveau local. Cette
institution devrait être dotée des ressources nécessaires, être accessible aux
enfants, avoir compétence pour recevoir les plaintes de ceux‑ci en cas de
violation de leurs droits, de mener ses enquêtes dans un esprit de réceptivité
et d’apporter des remèdes efficaces.
Répartition des ressources
17. Le Comité est toujours inquiet de voir que peu de ressources budgétaires sont allouées aux secteurs du ressort de la Convention − santé, éducation et protection des enfants en particulier. Cette situation montre que l’État n’a pas attaché suffisamment d’attention à l’article 4 de la Convention qui veut que des mesures soient prises «dans toutes les limites des ressources dont [les États parties] disposent» pour mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels des enfants.
18. Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’assurer à tous les
enfants la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels, dans
toutes les limites des ressources dont ils disposent;
b) De continuer à donner la
priorité, lors de l’affectation des crédits budgétaires, aux services sociaux
visant les enfants qui appartiennent aux groupes les plus vulnérables (par
exemple les enfants qui vivent dans le nord et le nord‑est du pays);
c) D’évaluer
systématiquement l’impact des crédits budgétaires alloués sur la jouissance des
droits reconnus aux enfants.
Coopération avec la société civile
19. Le Comité prend note de l’information relative à la bonne coopération existant entre les pouvoirs publics, les associations nationales et les organisations internationales dans les secteurs du développement et des affaires sociales. Il craint cependant que peu d’efforts n’aient été faits pour susciter une participation active de la société civile à la mise en œuvre de la Convention, en particulier dans le domaine des droits et libertés civils.
20. Le Comité recommande à l’État partie:
a) D’adopter une approche
systématique pour mobiliser l’action de la société civile, y compris les
associations d’enfants, à tous les stades de la mise en œuvre de la Convention,
notamment en ce qui concerne les droits et libertés civils;
b) De veiller à ce que la
législation qui régit les organisations non gouvernementales (par exemple la
loi no 93 de 1958 relative aux associations et
institutions privées) soit conforme aux dispositions de l’article 15 de la
Convention et à d’autres normes internationales relatives à la liberté
d’association, ce qui serait un moyen de faciliter et de renforcer leur
participation.
Formation/diffusion de la Convention
21. Le Comité se félicite des efforts de l’État partie pour faire connaître la Convention et de l’étude qu’il a entreprise pour évaluer l’efficacité de ses efforts. À ce propos, il note que la sensibilisation est particulièrement faible en ce qui concerne les droits et libertés civils des enfants.
22. Le Comité encourage l’État partie à
continuer:
a) D’élargir et d’affermir
son programme de diffusion d’informations sur la Convention et sa mise en œuvre
(en appelant l’attention sur les droits et libertés civils) parmi les enfants
et leurs parents, dans la société civile et dans tous les secteurs et à tous
les niveaux de l’État et, également, à l’adresse des membres de groupes
vulnérables, comme les personnes illettrées ou n’ayant pas reçu de formation de
type scolaire;
b) De mettre sur pied des
programmes systématiques de formation continue aux droits de l’homme,
y compris aux droits des enfants, à l’intention de tous les groupes
professionnels s’occupant d’enfants ou travaillant en faveur de l’enfance (par
exemple les juges, les avocats, les responsables de l’application des lois, les
fonctionnaires, le personnel des autorités locales et des établissements
et lieux de détention pour enfants, les enseignants et le personnel médical);
c) De demander au Haut‑Commissariat
aux droits de l’homme et à l’UNICEF, entre autres, de lui apporter leur
assistance à cet égard.
1. Définition de l’enfant
23. Le Comité regrette de constater qu’aucun progrès n’a été fait pour établir au même niveau l’âge nubile des filles (17 ans) et des garçons (18 ans), ce décalage étant discriminatoire et incompatible avec l’article 2 de la Convention. Il reste préoccupé par les mariages précoces en zone rurale.
24. Le Comité recommande à l’État partie de modifier la législation de manière à relever l’âge minimum du mariage pour les filles afin de le porter au même niveau que pour les garçons et de s’employer activement à faire respecter cette disposition, en particulier dans les zones rurales.
2.
Principes généraux
Droit à la non‑discrimination
25. Le Comité est préoccupé de voir persister des formes de discrimination, tant directe qu’indirecte, à l ’endroit de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, contrairement aux dispositions de l’article 2 de la Convention. C’est en particulier le cas pour:
a) Les filles, les enfants nés hors mariage et les enfants appartenant à des minorités;
b) Les zones rurales et les villes, entre lesquelles existent des inégalités en ce qui concerne l’accès aux services de santé et d’éducation, le nord et le nord‑est ruraux du pays étant particulièrement à la traîne en ce qui concerne les indicateurs sociaux.
26. Le Comité recommande à l’État partie:
a) De prendre des mesures
efficaces, c’est-à-dire de promulguer ou d’abroger des lois, selon qu’il
convient, de mettre en œuvre des programmes de réduction des inégalités, etc.,
pour que tous les enfants qui relèvent de sa juridiction puissent jouir, sans
discrimination, de tous les droits énoncés dans la Convention, conformément à
l’article 2;
b) De mener de grandes
campagnes d’éducation pour prévenir et combattre les comportements négatifs de
la société dans ce domaine;
c) De tenir dûment compte de
l’Observation générale no 28 relative à l’égalité des droits
entre hommes et femmes;
d) De mobiliser les autorités
religieuses pour soutenir ces efforts.
27. Le Comité prie l’État partie de lui
fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements précis
concernant les mesures et programmes se rapportant à la Convention relative aux
droits de l’enfant qu’il aura mis en chantier pour donner suite à
la Déclaration et au Programme d’action adoptés à la Conférence mondiale
de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et
l’intolérance qui lui est associée, et compte tenu de l’Observation générale no 1
relative au paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (buts de
l’éducation).
Intérêt supérieur de l’enfant
28. Le Comité constate avec inquiétude que le principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant énoncé à l’article 3 de la Convention n’est pas expressément incorporé dans tous les textes législatifs concernant l’enfance et n’est pas toujours pris en compte dans la pratique. Ainsi, il note l’existence d’un projet de loi qui relèverait les âges indiqués à l’article 146 du Code du statut personnel. Il reste préoccupé de voir que la décision concernant la garde de l’enfant est déterminée par des critères tels que celui de l’âge plutôt que par le souci de l’intérêt supérieur de l’enfant.
29. Le Comité recommande à l’État partie
d’incorporer pleinement dans la législation et dans la pratique les
dispositions de l’article 3 de la Convention.
Respect de l’opinion de l’enfant
30. Le Comité se félicite des efforts faits par l’État partie pour promouvoir le respect de l’opinion de l’enfant et est heureux d’apprendre qu’un parlement des enfants va bientôt être créé. Il craint toutefois que l’attitude traditionnelle du corps social vis‑à‑vis des enfants ne limite le respect accordé à l’opinion de ceux‑ci, en particulier au sein de la famille et à l’école, et que, dans les procédures judiciaires ou administratives intéressant les enfants, leur opinion ne soit systématiquement ignorée.
31. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De
continuer à promouvoir et à faciliter, au sein de la famille, à l’école, dans
les institutions et devant les tribunaux, le respect de l’opinion des enfants
et la participation de ceux‑ci au règlement de toute question les
concernant, conformément à l’article 12 de la Convention;
b) De
mettre sur pied, dans le cadre communautaire, des programmes qui apprennent aux
parents, aux enseignants, aux travailleurs sociaux et aux fonctionnaires locaux
quoi faire pour aider les enfants à exprimer leurs vues en connaissance de
cause et comment tenir compte de leur opinion.
4.
Droits et libertés civils
Nationalité
32. Le Comité constate avec inquiétude qu’aux termes de l’article 3 de la loi no 276 de 1969 relative à la nationalité syrienne, la citoyenneté n’est pas automatiquement accordée aux enfants de femmes syriennes mariées à des non‑ressortissants, alors qu’elle l’est si le père est Syrien. Par ailleurs, le Comité trouve regrettable que les enfants kurdes nés en Syrie qui sont apatrides et n’ont aucune autre nationalité à la naissance continuent de se voir refuser la nationalité syrienne et soient en butte à des mesures discriminatoires, ce qui va à l’encontre des articles 2 et 7 de la Convention.
33. Le Comité réaffirme que, en vertu des
articles 2 et 7 de la Convention, tous les enfants relevant de la
juridiction de l’État partie ont le droit d’être enregistrés et d’acquérir une
nationalité indépendamment de toute considération de sexe, de race, de religion
ou d’origine ethnique de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux. Le
Comité recommande à l’État partie:
a) De
veiller à ce que le droit qu’a l’enfant d’avoir une nationalité, sans
distinction aucune fondée sur le sexe de l’un ou l’autre de ses parents, soit
respecté;
b) De
prendre au plus vite des mesures pour garantir aux enfants de parents kurdes
nés syriens le droit d’acquérir la nationalité syrienne;
c) De ratifier la Convention de 1954
relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction
des cas d’apatridie.
Libertés d’expression, de pensée, de
conscience et de religion, d’association et de réunion, droit à la protection
de la vie privée et droit d’accès à l’information
34. Le Comité craint que la référence, dans le deuxième rapport, à l’information contenue dans le rapport initial n’indique qu’il n’y a eu que très peu ou pas de progrès en ce qui concerne la mise en œuvre des articles 13 à 17 de la Convention.
35. Le
Comité recommande à l’État partie de promouvoir activement la mise en œuvre de
ces droits, notamment en sensibilisant les enfants à l’existence de ces droits
et en en facilitant l’exercice actif dans la vie quotidienne, et de rendre
compte dans son prochain rapport des progrès accomplis à ce propos.
5. Milieu familial et protection de substitution
Violences/sévices/négligence/mauvais traitements
36. Le Comité regrette que l’État partie ait peu fait pour étudier la question des mauvais traitements infligés aux enfants au sein de la famille, ainsi que de la violence domestique et des incidences qu’ont ces pratiques sur la vie des enfants, ni pour sensibiliser l’opinion à cet égard. Il est inquiet de constater que la loi n’interdit pas les châtiments corporels à l’école.
37. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De
procéder à une étude approfondie de la nature et de l’étendue des mauvais
traitements et sévices infligés aux enfants, ainsi que de l’ampleur du problème
de la violence domestique, et de mettre à profit les résultats de cette étude
pour élaborer des politiques et des programmes visant à remédier à cette
situation;
b) De
prendre les mesures nécessaires pour empêcher que les enfants ne soient
maltraités ou négligés (par exemple en menant des campagnes d’éducation
consacrées aux conséquences négatives des mauvais traitements infligés aux
enfants, en dispensant des cours sur les responsabilités des parents et en
promouvant l’adoption de formes de discipline non violentes et constructives
pour remplacer les châtiments corporels);
c) De
prendre des mesures législatives pour interdire toutes les formes de violence,
y compris les châtiments corporels et les attentats à la pudeur, dont sont
victimes les enfants au sein de la famille, à l’école et dans d’autres
institutions;
d) De
mettre au point des procédures et mécanismes efficaces, soucieux des enfants,
pour entendre les plaintes de ceux‑ci, enquêter en la matière et suivre
la situation, intervenir aussi, le cas échéant, chercher à établir pourquoi les
victimes n’osent pas appeler à l’aide et les aider à surmonter ce genre
d’obstacle socioculturel;
f) D’enquêter
sur les cas de mauvais traitements et d’engager des poursuites, en veillant à
ce que l’enfant maltraité ne soit pas victime de la procédure intentée et
à ce que sa vie privée se trouve protégée;
g) D’apporter des soins aux victimes, de les
aider à se remettre de leurs traumatismes et d’assurer leur réinsertion;
h) D’apprendre aux enseignants, aux
responsables de l’application des lois, aux travailleurs sociaux, aux juges et
aux professionnels de la santé à déceler les cas de mauvais traitements, à
faire rapport à ce propos et à gérer les situations auxquelles ils sont
confrontés;
i) De continuer à solliciter l’assistance,
entre autres, de l’UNICEF et de l’OMS.
6.
Santé de base et action sociale
Enfants handicapés
38. Le Comité est heureux d’apprendre qu’un projet de loi concernant les handicapés est en préparation et qu’on se propose de créer un conseil des handicapés. Il constate toutefois avec inquiétude que, de manière générale, les enfants handicapés n’ont guère accès à des services et à une éducation spécialisés et que les familles sont insuffisamment soutenues.
39. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De
mener une enquête pour évaluer les causes et l’étendue des handicaps dans la
population enfantine;
b) De
réexaminer les politiques et la pratique concernant les enfants handicapés,
compte dûment tenu des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés
(résolution 48/96 de l’Assemblée générale) et des recommandations
concernant les droits des enfants handicapés que le Comité a adoptées lors de
sa journée de débat général (voir CRC/C/69);
c) De s’efforcer plus
activement de dégager les ressources professionnelles et financières
nécessaires;
d) De s’efforcer plus
activement de promouvoir et de répandre les programmes de réinsertion
ayant une assise communautaire, y compris les programmes de soutien
à l’intention des parents;
e) De s’efforcer plus activement d’ouvrir l’accès de
l’enseignement dispensé au plus grand nombre aux enfants souffrant de
handicaps, quels qu’ils soient;
f) De solliciter l’assistance, entre autres institutions, de
l’UNICEF et de l’OMS.
Santé
40. Le Comité se félicite de l’adoption de la stratégie de prise en charge intégrée des maladies de l’enfance et de l’appui apporté par l’État partie à diverses initiatives, comme celles des écoles communautaires et des «villages‑santé», et note les progrès accomplis dans le domaine de la santé maternelle et infantile que révèlent des enquêtes en grappes à indicateurs multiples récentes; mais il reste inquiet de constater que:
a) L’éventail et la qualité des services qu’offrent les centres de santé du pays sont limités;
b) Qu’environ 14 % des naissances ont lieu en l’absence de personnel médical qualifié;
c) Qu’il y a d’importantes différences de qualité entre les soins dispensés dans les établissements publics et les établissements privés et que la plupart des gens n’ont pas accès au secteur privé parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’assurer;
d) Que 25 % seulement des mères, au nord du pays, administrent correctement à leurs enfants atteints de diarrhées la thérapie de réhydratation par voie orale;
e) Que 60 % seulement des ménages consomment du sel iodé;
f) Que, dans les zones rurales, l’accès à de l’eau salubre/potable et aux services d’assainissement est limité.
41. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De faire en sorte que les
ressources humaines et financières qu’il alloue au secteur public des soins de
santé primaires soient à la mesure des engagements qu’il a pris dans ce
domaine et que tous les enfants, en particulier dans les zones rurales, aient
accès aux soins de santé;
b) De tout faire pour
continuer à mettre en œuvre, dans le pays tout entier, la stratégie de
prise en charge intégrée des maladies de l’enfance;
c) De s’efforcer activement
de promouvoir les services d’aide médicale à domicile pour les très jeunes
enfants;
d) De continuer à soutenir
l’initiative des écoles communautaires et celle des «villages‑santé» et
d’en élargir la portée;
e) De continuer à coopérer avec, entre autres, l’UNICEF et l’OMS
et de solliciter leur assistance.
Santé des adolescents
42. Le Comité se félicite de l’appui que l’État partie apporte aux campagnes de sensibilisation en ce qui concerne le VIH/sida. Il constate toutefois l’insuffisance de services de conseil accessibles aux adolescents, en matière de santé génésique et de santé mentale.
43. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De faire en sorte que les
adolescents reçoivent un enseignement axé sur les problèmes de santé en matière
de reproduction et sur d’autres questions sanitaires les intéressant tout
particulièrement et aient accès à des services de conseil adaptés à leurs
besoins et confidentiels;
b) De renforcer l’action
qu’il mène, au sein du système scolaire, dans le domaine de l’éducation
sanitaire des adolescents;
c) De poursuivre et de
renforcer ses campagnes de sensibilisation et de prévention en ce qui concerne
le VIH/sida;
d) De continuer à coopérer
avec l’UNICEF et l’OMS et de solliciter leur assistance.
7.
Éducation
44. Le Comité est préoccupé de constater que:
a) Un pourcentage élevé d’élèves ne vont pas au bout de leur scolarité, primaire et secondaire, en particulier dans les zones rurales et parmi les filles;
b) De nombreuses écoles n’ont pas les manuels et supports d’enseignement dont elles auraient besoin.
45. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De renforcer les activités
visant à endiguer le flot d’abandons scolaires aux niveaux primaire et
secondaire, en particulier parmi les filles et dans les zones rurales,
et de s’attaquer à divers autres problèmes − installations
sanitaires inadéquates dans les bâtiments scolaires, mariages précoces, coûts
indirects liés à la scolarité, manque de moyens de transport scolaire,
notamment;
b) De faire davantage pour
dégager les ressources nécessaires à l’achat de matériel et de fournitures
didactiques.
46. Le Comité prend note de l’adoption de l’Initiative globale en faveur de l’éducation, qui a pour objet d’améliorer la qualité de l’enseignement de base, et des efforts consentis pour opérer une réforme des programmes. Il reste néanmoins inquiet de voir que les objectifs de l’éducation exposés dans le rapport ne concordent pas assez avec ceux qui sont énoncés à l’article 29 de la Convention et, en particulier, que:
a) L’enseignement public continue à faire la part belle à la mémoire au lieu de cultiver la fonction d’analyse et qu’il n’est pas centré sur l’enfant;
b) Les programmes ne font pas explicitement une place à la culture et au respect des droits de l’homme, ainsi qu’aux notions de tolérance et d’égalité entre les sexes et les minorités religieuses et ethniques.
47. Le Comité recommande à
l’État partie, compte tenu de son Observation générale no 1
relative aux buts de l’éducation:
a) D’engager un processus de
réforme des programmes et des méthodes d’enseignement − processus
auquel les enfants seront pleinement associés − qui fasse ressortir
l’importance de la pensée critique et du développement des aptitudes à résoudre
les problèmes;
b) D’engager le système
d’éducation sur la voie de l’épanouissement de la personnalité de l’enfant, de
ses talents et de ses aptitudes, tant mentales que physiques;
c) D’incorporer dans les
programmes scolaires un volet d’éducation aux droits de l’homme afin, en
particulier, de cultiver chez l’enfant le respect de ces droits, la tolérance
et la conscience de l’égalité entre hommes et femmes et membres de minorités
religieuses et ethniques. Il conviendra de faire appel à cet égard à
l’aide des autorités religieuses;
d) De solliciter l’assistance, entre autres, de l’UNICEF et de
l’UNESCO.
8.
Mesures spéciales de protection
Réfugiés et demandeurs d’asile
48. Le Comité note avec appréciation les efforts que fait l’État partie en faveur des enfants réfugiés, en particulier les mineurs non accompagnés, auxquels il facilite l’accès à l’éducation et l’inscription sur les registres de l’état civil. Il se félicite des progrès réalisés en ce qui concerne le mémorandum d’accord avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés; la protection des enfants réfugiés s’en trouvera mieux assurée. Il s’inquiète toutefois de ne constater l’existence d’aucune disposition législative ou administrative en ce qui concerne l’asile.
49. Le Comité recommande à
l’État partie:
a) De
continuer à prendre des mesures efficaces pour que les enfants réfugiés et les
enfants demandeurs d’asile puissent jouir de tous leurs droits, conformément
aux articles 2 et 22 de la Convention;
b) D’envisager de ratifier la Convention de
1951 relative au statut des réfugiés, ainsi que le Protocole y relatif de 1967;
c) De prendre des mesures pour instaurer une
législation nationale concernant les réfugiés qui réponde aux normes
internationales;
d) De poursuivre sa coopération avec le HCR
et de la renforcer.
Exploitation économique
50. Le Comité salue la ratification de la Convention no 138 de l’OIT ainsi que les modifications apportées au Code du travail de 1959, qui portent à 15 ans l’âge minimum d’admission à l’emploi. Il reste toutefois inquiet de constater qu’environ 7 % des enfants de moins de 14 ans travaillent et que la loi n’étend pas sa protection, y compris au moyen d’inspections efficaces, aux enfants employés dans le secteur informel (entreprises familiales, agricoles, etc.), là précisément où se concentre surtout le travail des enfants et où nombre d’entre eux pâtissent des effets nuisibles de certaines activités professionnelles. Il note en outre que les amendements proposés à la loi de 1958 sur les relations agricoles ne tiennent pas dûment compte de ces problèmes.
51. Conformément à
l’article 32 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:
a) De
prendre immédiatement des mesures efficaces pour assurer l’application, dans la
législation et dans la pratique, de l’article 32 de la Convention relative
aux droits de l’enfant et de la Convention no 138 de
l’OIT, compte tenu de la recommandation no 146 de l’OIT,
en renforçant l’inspection du travail grâce à l’apport de ressources humaines
et financières et d’une formation suffisants et en prenant toutes les
mesures de prévention et de rééducation qui s’imposent;
b) De
solliciter l’assistance de l’OIT et de l’UNICEF.
Administration de la justice pour mineurs
52. Le Comité note que l’État partie a engagé un processus de réforme du système de justice pour mineurs; il craint cependant que cette réforme ne repose pas sur un programme d’envergure, axé sur les droits de l’enfant, et pense qu’il se pose à l’époque actuelle divers problèmes, tels que les suivants:
a) Les enfants de 7 à 15 ans qui commettent un délit encourent des peines (celles‑ci n’allant pas nécessairement jusqu’à l’emprisonnement);
b) Certains comportements à problèmes, comme la mendicité, sont érigés en délit;
c) Il ne semble pas que les limitations strictes imposées en matière de détention préventive soient respectées;
d) Il est rare que les peines privatives de liberté soient remplacées par d’autres peines;
e) Les conditions de vie sont souvent dures dans les centres de détention pour mineurs;
f) L’État partie ne fait pas suffisamment fond sur l’approche intégrée (prévention, procédures spéciales et activités récréatives) du problème de la délinquance juvénile (il devrait, par exemple, étudier les facteurs sociaux sous‑jacents) préconisée dans la Convention.
53. Le Comité recommande à l’État partie
d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie nationale globale en vue de
l’établissement d’un système de justice pour mineurs qui intègre pleinement
dans les textes et dans la pratique les dispositions de la Convention, en
particulier ses articles 37, 39 et 40, ainsi que d’autres normes
internationales pertinentes en la matière, telles que les Règles de
Beijing, les Principes directeurs de Riyad, les Règles des Nations Unies
pour la protection des mineurs privés de liberté et les Directives relatives
aux enfants dans le système de justice pénale. Il recommande à l’État partie de
s’employer tout particulièrement à:
a) Maintenir
à 15 ans l’âge minimum de la responsabilité pénale et faire en sorte que
les mesures prises à l’endroit des enfants de moins de 15 ans qui sont en
difficulté avec la loi relèvent non pas du système de justice pénale mais de
procédures soucieuses de la protection de l’enfance;
b) Assurer
que les personnes âgées de moins de 18 ans ne soient pas jugées en tant
qu’adultes;
c) Faire
en sorte qu’il ne soit prononcé de peines de privation de liberté qu’en dernier
ressort et pour des durées aussi brèves que possible, que le recours à de
telles peines soit autorisé par un tribunal et que les personnes âgées de moins
de 18 ans ne soient pas mises en détention avec des adultes;
d) Ménager
l’accès des enfants à l’aide juridique et à des mécanismes de plainte
indépendants et efficaces;
e) Renforcer
les liens entre les structures d’appui judiciaires, policières et sociales;
f) Former
des spécialistes dans le domaine de la réinsertion sociale des enfants.
9. Diffusion des rapports
54. Se référant au paragraphe 6 de
l’article 44 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie
d’assurer une large diffusion de son rapport et des réponses écrites qu’il
a données et d’envisager de publier le tout, accompagné des comptes rendus
analytiques pertinents et des observations finales du Comité. Le document
devrait être largement diffusé afin de sensibiliser le public, les
fonctionnaires à tous les niveaux de l’administration et les ONG
concernées, et de permettre l’instauration d’un débat général sur la
Convention, son application et le suivi de sa mise en œuvre.
55. Conformément à la recommandation
concernant la périodicité des rapports que le Comité a adoptée (voir
CRC/C/114 et CRC/C/124) et notant que le troisième rapport périodique doit être
présenté dans les deux ans qui suivent l’examen du deuxième rapport, le Comité
invite l’État partie à regrouper les troisième et quatrième rapports
périodiques et à présenter un rapport de synthèse le 13 février 2009
(c’est‑à‑dire 18 mois avant la date fixée en vertu de la
Convention). Ce rapport n’aura pas plus de 120 pages (voir CRC/C/118). Par
la suite, l’État partie devra soumettre un rapport tous les cinq ans, comme le
prévoit la Convention.
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