1. Le Comité a examiné le rapport initial de la Trinité-et-Tobago (CRC/C/11/Add.10) de sa 414ème à sa 416ème séance (voir CRC/C/SR.414 à 416), tenues les 2 et 3 octobre 1997, et adopté, A la 426ème séance, tenue le 10 octobre 1997, les observations finales ci-après.
2. Le Comité remercie l'Etat partie de son rapport initial, qui suivait les directives énoncées par le Comité, et des réponses écrites apportées à la liste de questions (CRC/C/Q/TRI/1). Le Comité est encouragé par l'esprit de franchise, d'autocritique et de coopération dans lequel s'est déroulé le dialogue qu'il a eu avec la délégation de la Trinité-et-Tobago, dialogue au cours duquel celle-ci a exposé les orientations des politiques et programmes de l'Etat partie ainsi que les difficultés rencontrées dans l'application des dispositions de la Convention. Le Comité note cependant avec regret que le rapport et les réponses écrites ne contenaient aucune donnée ni statistique ni désagrégée.
3. Le Comité se félicite de l'intention de l'Etat partie d'intégrer le plan national d'action pour l'enfance dans le cadre général du développement du pays.
4. Le Comité prend acte avec satisfaction de la création du Comité interministériel chargé d'assurer la mise en oeuvre du plan national d'action, ainsi que d'une division des services nationaux pour la famille, au sein du Ministère des services sociaux et des consommateurs, pour suivre les enfants à risque.
5. Le Comité prend note avec satisfaction des faibles taux de mortalité infantile et de mortalité des enfants de moins de 5 ans, ainsi que des indicateurs positifs constatés dans le domaine de l'éducation.
6. Le Comité se félicite de la disposition de l'Etat partie à coopérer avec les organisations non gouvernementales et est encouragé par les subventions accordées par l'Etat partie à diverses organisations non gouvernementales nationales qui oeuvrent à la promotion et à la protection des droits de l'enfant sur son territoire.
7. Le Comité reconnaît que de sévères contraintes économiques, dues en particulier au programme d'ajustement structurel, des difficultés d'ordre social et la pauvreté ont eu des effets négatifs sur la situation des enfants. Il note que l'Etat partie a traversé, au cours des dernières années, une récession économique qui s'est traduite par une forte augmentation du chômage.
8. Le Comité s'inquiète de ce que la Convention n'ait pas été incorporée au droit interne et que la législation et la réglementation nationales ne soient pas pleinement compatibles avec ses principes et dispositions. Tout en notant que l'Etat partie a recensé plusieurs domaines dans lesquels la législation méritait d'être modifiée pour être mise en conformité avec les principes et les dispositions de la Convention, le Comité s'inquiète de l'insuffisance des mesures adoptées pour harmoniser la législation nationale avec ces principes et dispositions. Il regrette aussi que plusieurs dispositions législatives contraires à la Convention demeurent en vigueur, notamment dans le domaine de l'administration de la justice pour mineurs, l'âge minimum d'admission à l'emploi et l'âge minimum pour contracter mariage.
9. Le Comité déplore l'insuffisance de la coordination entre les organismes chargés de promouvoir et de protéger les droits de l'enfant et l'absence d'une vision d'ensemble de l'application de la Convention. Il regrette aussi que ces organismes ne soient pas dotés des moyens institutionnels, des capacités et des ressources financières nécessaires pour s'acquitter de leur mandat.
10. Le Comité est préoccupé par le peu de cas qui est fait, aux niveaux national et local, de la nécessité de mettre en place un mécanisme de suivi efficace à même de procéder à une compilation systématique et générale de données désagrégées et d'indicateurs sur tous les domaines qui relèvent de la Convention et pour tous les groupes d'enfants, en particulier ceux qui sont victimes de sévices, de maltraitance ou d'exploitation économique, les fillettes, les enfants de familles monoparentales, les enfants nés hors mariage, les enfants abandonnés, les enfants handicapés et placés en institution, les enfants qui vivent et/ou travaillent dans la rue et les enfants qui ont à faire avec la justice pour mineurs.
11. Le Comité est préoccupé par l'insuffisance des mesures et des programmes visant à assurer l'application des droits économiques, sociaux et culturels des enfants dans toutes les limites des ressources disponibles. Il est aussi préoccupé par l'absence de données désagrégées sur les postes de dépenses inscrits au budget en faveur des enfants.
12. Le Comité est inquiet devant l'absence de mécanismes spécifiquement destinés à enregistrer et traiter les plaintes émanant d'enfants qui dénoncent des violations des droits que leur reconnaît la loi.
13. Le Comité constate avec regret que les mesures prises pour faire largement connaître les principes et les dispositions de la Convention aux adultes comme aux enfants, conformément à l'article 42 de la Convention, sont insuffisantes. Il n'est pas prêté suffisamment attention non plus à la formation de toutes les personnes qui, de par leur profession, ont à faire avec les enfants ou travaillent pour leur compte comme les juges, professionnels ou non, les avocats, les agents chargés de faire appliquer la loi, les policiers, les officiers des forces armées, les responsables des administrations centrale et locale, les médecins et les infirmières, les enseignants, les travailleurs sociaux et le personnel des institutions pour enfants et des établissements de détention.
14. Le Comité est préoccupé par le fait que l'Etat partie n'a pas encore pleinement pris en considération dans sa législation et sa politique les principes généraux de la Convention, en particulier les principes relatifs à la non-discrimination (art. 2), à l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3) et au respect des opinions de l'enfant (art. 12).
15. A la lumière de l'article 17 de la Convention, le Comité note avec inquiétude qu'il n'est pas fait d'efforts suffisants pour mettre les enfants à l'abri des informations qui nuisent à leur bien-être, y compris de la violence, spécialement à la télévision.
16. Tout en prenant acte des efforts consentis par l'Etat partie, tels que l'adoption de la loi sur la violence au sein de la famille en 1991 et la création en 1997 d'un comité pluridisciplinaire chargé de se pencher sur la législation nationale en matière de violence au sein de la famille de façon à mieux protéger les victimes, le Comité est préoccupé par le manque de sensibilisation et d'information sur la maltraitance et les sévices à enfants, notamment de caractère sexuel, tant dans la famille qu'au dehors, et par l'absence de mesures et de mécanismes propres à empêcher et à combattre ces pratiques. L'absence de structures spéciales pour les enfants victimes de tels traitements est aussi un sujet d'inquiétude.
17. Le Comité est profondément préoccupé par le recours aux peines corporelles au sein de la famille, à l'école et dans les établissements pour enfants, ainsi que par l'absence de loi interdisant expressément l'utilisation de la torture mentale et physique et d'autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants contre les enfants.
18. Le Comité est préoccupé par l'absence de personnel qualifié dans les institutions pour enfants. Tout en prenant acte des mesures adoptées dernièrement pour améliorer le suivi de ces établissements, il demeure inquiet devant la persistance des cas de sévices dont il est fait état.
19. Le Comité est préoccupé par le taux élevé de mortalité maternelle. Il est aussi préoccupé par la propagation du VIH/SIDA et son impact sur les enfants, ainsi que par l'insuffisance des mesures prises pour empêcher les grossesses précoces.
20. S'il reconnaît les efforts déployés par l'Etat partie dans le domaine de l'éducation, le Comité s'inquiète du manque d'enseignants qualifiés et de la proportion élevée d'élèves par enseignant.
21. Le Comité s'inquiète du phénomène nouveau des sans-abri et des enfants qui vivent et/ou travaillent dans la rue. Tout en relevant les efforts faits par l'Etat partie pour assurer des services à ces enfants, notamment l'ouverture d'un foyer spécial et leur prise en charge en matière d'éducation, il demeure préoccupé par le fait que ces mesures ne profitent pas à tous ces enfants.
22. Le Comité est préoccupé par le fait que l'exploitation économique des enfants, en particulier des petits vendeurs ambulants, se répand. Il note que la valeur attachée par la société à l'éducation constitue un facteur positif qui contribue à réduire le phénomène du travail des enfants. Le fait que l'âge minimum d'admission à l'emploi soit fixé à 12 ans seulement est une autre source de souci.
23. La situation en ce qui concerne l'administration de la justice pour mineurs, au regard en particulier des articles 37, 39 et 40 de la Convention et de diverses autres normes pertinentes telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, préoccupe le Comité. Le Comité est tout particulièrement soucieux de l'âge auquel on devient pénalement responsable, fixé trop bas. Il s'inquiète aussi de ce qu'il n'existe aucune obligation de traduire avec diligence les jeunes délinquants devant un tribunal, que la loi autorise la peine du fouet, et que les centres de détention puissent recourir à des peines corporelles à titre de moyens de discipline. Le Comité est aussi préoccupé par le surpeuplement des établissements pénitentiaires, qui entraîne des conditions de vie difficiles pour les jeunes délinquants et par le fait que ces derniers n'aient pas toujours accès à l'éducation. L'absence d'établissements pour les jeunes filles délinquantes, qui fait que celles-ci sont détenues avec des femmes, est aussi un souci pour le Comité.
24. Le Comité recommande que, dans le cadre de la réforme législative entreprise par l'Etat partie dans le domaine des droits de l'enfant, la législation nationale soit harmonisée et rendue pleinement compatible avec les dispositions et les principes de la Convention. Cette réforme devrait en particulier toucher les domaines de l'administration de la justice, les âges minimums pour contracter mariage, être admis à l'emploi et être tenu pénalement responsable. Le Comité encourage par ailleurs l'Etat partie à poursuivre ses efforts pour renforcer le cadre institutionnel visant à promouvoir et protéger les droits de l'homme en général et les droits de l'enfant en particulier. Il recommande aussi de lancer des programmes de sensibilisation aux droits de l'enfant auprès des députés pour les aider à tenir compte des principes et des dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant dans la réforme législative.
25. Le Comité recommande à l'Etat partie de renforcer la coordination entre les différentes instances gouvernementales chargées de veiller aux droits de l'enfant, aux niveaux national et local, afin de mettre au point une politique globale de l'enfance et de garantir une évaluation efficace de la mise en oeuvre de la Convention dans le pays. Le Comité encourage l'Etat partie à envisager de créer un mécanisme indépendant, tel qu'un poste de médiateur pour les droits de l'enfant.
26. Le Comité recommande en outre à l'Etat partie d'accorder une attention prioritaire au développement d'un système de collecte de données et à l'élaboration d'indicateurs désagrégés appropriés ne négligeant aucun domaine relevant de la Convention, ni aucun groupe d'enfants; l'Etat partie voudra peut-être faire appel à l'assistance technique à cet égard.
27. Le Comité encourage l'Etat partie à prêter une attention particulière à la pleine application de l'article 4 de la Convention et à une répartition judicieuse des ressources aux niveaux central et local. L'Etat partie devrait ouvrir des crédits au budget au titre de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, dans toutes les limites des ressources dont il dispose et en tenant compte du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant.
28. Le Comité recommande à l'Etat partie de redoubler d'efforts pour veiller à ce que les dispositions de la Convention soient largement connues et comprises des adultes comme des enfants, en particulier dans les zones rurales. Qui plus est, l'Etat partie devrait organiser des programmes de formation systématique et de formation sur le terrain aux droits de l'enfant à l'intention des personnes qui, de par leur profession, ont à faire avec les enfants et travaillent pour leur compte, comme les juges, professionnels ou non, les avocats, les agents chargés de faire appliquer la loi, les policiers, les officiers des forces armées, les enseignants, les directeurs d'écoles, les médecins et les infirmières, les travailleurs sociaux, les responsables des administrations centrale et locale et le personnel des institutions pour enfants et des établissements de détention.
29. Le Comité est d'avis qu'il convient de redoubler d'efforts pour veiller à ce que les principes généraux de la Convention non seulement guident les débats en matière d'orientations et de prise de décisions, mais encore soient intégrés de façon appropriée dans toutes les décisions de justice et administratives et dans l'élaboration et l'exécution de tous les projets, programmes et services qui ont une incidence sur les enfants.
30. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre toutes les mesures voulues, notamment de caractère juridique, pour protéger les enfants des informations qui nuisent à leur bien-être, y compris celles qui passent par le biais des moyens audiovisuels tels que la télévision.
31. Vu les dispositions de l'article 19 de la Convention, le Comité recommande à l'Etat partie de redoubler d'efforts pour prévenir et combattre la maltraitance des enfants et les violences sexuelles qui leur sont infligées au sein de la famille et au-dehors. Il propose, entre autres, que les autorités mettent en chantier une étude approfondie de ces sévices, maltraitance et violence au sein de la famille pour améliorer la compréhension de la nature et de l'ampleur du problème, et renforcer les programmes sociaux visant à prévenir tous les types de violence à enfants, ainsi que pour réadapter les enfants qui en sont victimes. La loi devrait être appliquée avec plus de rigueur en ce qui concerne de tels crimes; il conviendrait d'élaborer des procédures et mécanismes permettant de traiter comme il convient les plaintes pour violences à enfants et de créer par exemple un tribunal aux affaires familiales.
32. Eu égard aux articles 3 et 19 et au paragraphe 2 de l'article 28 de la Convention, le Comité recommande vigoureusement de faire interdire par la loi les châtiments corporels au sein de la famille, à l'école et dans les institutions pour enfants. Il recommande aussi aux autorités de mettre au point et d'appliquer des mesures de discipline socio-éducatives et créatives appropriées qui respectent tous les droits de l'enfant, et de concevoir des programmes de sensibilisation à l'intention des parents.
33. Tout en prenant acte des efforts consentis actuellement par l'Etat partie pour réviser sa législation en matière d'adoption, le Comité recommande que cette législation soit mise en conformité avec les dispositions de l'article 21 et des autres articles connexes de la Convention. Il suggère aussi à l'Etat partie d'envisager de ratifier la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.
34. Le Comité recommande à l'Etat partie de redoubler d'efforts pour suivre efficacement les institutions qui offrent aux enfants une protection de remplacement et mettre au point une formation appropriée pour le personnel de ces institutions.
35. Le Comité recommande à l'Etat partie d'adopter de nouvelles mesures pour mieux sensibiliser les femmes aux services prénatals. Il suggère à l'Etat partie de promouvoir plus vigoureusement la santé des adolescents en renforçant l'éducation et les services en matière de santé génésique, de manière à prévenir et à combattre le VIH/SIDA. Par ailleurs, il lui recommande de mettre au point des mesures permettant de mieux insérer dans la société les enfants atteints de handicaps.
36. Dans le domaine de l'éducation, le Comité suggère de prendre de nouvelles mesures pour faire appliquer les articles 28 et 29 de la Convention dans leur intégralité. Il recommande de redoubler d'efforts en matière de formation des enseignants et d'amélioration de l'environnement scolaire. L'Etat partie voudra peut-être envisager de faire appel là aussi à l'aide internationale.
37. Le Comité recommande d'entreprendre des recherches sur le phénomène des enfants qui vivent et/ou travaillent dans la rue. Il recommande aussi d'accroître le nombre de programmes qui assurent des services à ces enfants, notamment en matière d'éducation, et d'étendre ces programmes aux différentes régions du pays.
38. Le Comité recommande d'effectuer une étude sur l'ampleur et les causes du problème que constitue l'exploitation économique des enfants. Il considère qu'un tel travail de recherche apporterait une contribution capitale à l'élaboration, par la suite, de politiques en la matière. Il se félicite de ce qu'un comité interministériel se penche sur la possibilité de ratifier la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi que le Comité encourage l'Etat partie à ratifier. Tout en prenant acte des efforts faits par l'Etat partie pour lutter contre la pauvreté, le Comité l'encourage à intensifier ses programmes et ses plans de lutte contre ce fléau et à renforcer encore son système de protection sociale.
39. Le Comité recommande de procéder à une réforme législative dans le domaine de l'administration de la justice pour mineurs, en tenant pleinement compte des dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant, en particulier de ses articles 37, 39 et 40, ainsi que d'autres normes pertinentes dans ce domaine, telles que les Règles de Beijing, les Principes directeurs de Riyad et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Le Comité recommande en particulier de relever l'âge de la responsabilité pénale. Il recommande aussi à l'Etat partie de prévoir des solutions de substitution à la détention, ainsi que des établissements spéciaux pour les jeunes délinquantes. Il recommande également de supprimer dans la législation et dans la pratique les peines corporelles utilisées dans les établissements de détention comme moyens de discipline et le fouet à titre de châtiment.
40. Enfin, dans le contexte du paragraphe 6 de l'article 44 de la Convention, le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites présentées par l'Etat partie soient largement diffusés dans le pays et que soient publiés le rapport, les comptes rendus analytiques des séances consacrées à son examen et les observations finales adoptées par le Comité. Le document produit devrait être largement distribué afin de susciter au sein du Gouvernement, du Parlement et du grand public, y compris des organisations non gouvernementales intéressées, un débat sur la Convention, sur son application et sur son suivi, et de faire connaître les dispositions de cet instrument.