Observations finales du Comité des droits
de l'enfant : Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d'Irlande du Nord – Territoires d'outre-mer
D.1 Mesures générales de mise en œuvre
5. Le Comité est préoccupé par le fait que le champ d'application de la Convention relative aux droits de l'enfant n'a pas encore été étendu à tous les territoires d'outre-mer de l'État partie, notamment Gibraltar. Il déplore aussi qu'alors que la notification adressée par le Royaume-Uni (le 7 septembre 1994) à l'Organisation des Nations Unies concernant l'extension du champ d'application de la Convention aux territoires d'outre-mer indiquait que celle-ci avait été étendue aux îles Henderson, Ducie, Oeno, à la Géorgie du Sud et aux îles Sandwich du Sud, le rapport de l'État partie ne fournit aucun renseignement sur ces territoires.
6. Le Comité recommande à l'État partie de présenter, dans son prochain rapport périodique, des renseignements sur les mesures prises pour étendre le champ d'application de la Convention à tous les territoires placés sous sa juridiction. Il recommande aussi à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour faciliter la présentation en temps voulu de ses rapports sur tous ses territoires d'outre-mer auxquels le champ d'application de la Convention relative aux droits de l'enfant a été étendu.
Réserves à la Convention
7. Le Comité est préoccupé de ce que les réserves faites par l'État partie en ce qui concerne les articles 32 et 37 c) de la Convention relative aux droits de l'enfant n'ont pas encore été retirées et sont encore applicables aux territoires d'outre-mer. Il note aussi avec préoccupation que la réserve à l'article 22 de la Convention, faite à propos des îles Caïmanes, n'a pas encore été retirée.
8. Eu égard à la Déclaration et au Programme d'action de Vienne de 1993, le Comité encourage l'État partie à envisager la possibilité de réexaminer ces réserves en vue de les retirer toutes, y compris celles qui concernent tous ses territoires d'outre-mer.
Législation
9. Le Comité note les efforts qui ont été faits dans un certain nombre de territoires d'outre-mer pour promouvoir une réforme législative et faciliter la mise en œuvre de la Convention. À cet égard, il note que les Bermudes ont adopté la loi de 1998 sur l'enfance (Children's Act), la loi de 1998 sur l'enlèvement d'enfants (Child Abduction Act), qui donne effet à la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, et la loi de 1997 sur la violence familiale (mesures de protection) (Domestic Violence (Protection Orders) Act). Les îles Caïmanes ont adopté la loi de 1996 révisée en matière d'aliments (Maintenance Law (1996 Revisions)), l'ordonnance de 1996 sur les lieux de détention des mineurs (Youth (Detention Facility) Order) et la loi de 1995 sur la justice pour mineurs (Youth Justice Law). Les îles Falkland et Sainte-Hélène ont adopté une ordonnance sur les enfants, en 1994 et 1996, respectivement. Le Comité note avec préoccupation que la loi des îles Caïmanes sur l'enfance, adoptée en 1995, n'a pas été mise en vigueur et que de nouvelles modifications doivent y être apportées. S'il note l'intention manifestée par un certain nombre de territoires d'outre-mer de promouvoir une nouvelle réforme législative, le Comité reste préoccupé par le fait que la législation interne des territoires n'est toujours pas pleinement conforme aux principes et dispositions de la Convention.
10. Le Comité recommande à l'État partie d'entreprendre une étude de compatibilité pour s'assurer que la législation interne de chacun des territoires d'outre-mer respecte pleinement les principes et dispositions de la Convention et leur soit réellement conforme. Il encourage les îles Caïmanes à intensifier leurs efforts pour modifier et mettre en vigueur leur loi sur l'enfance. Il encourage aussi l'adoption de codes portant sur l'ensemble des droits de l'enfant dans les territoires.
Coordination
11. Le Comité note que des mécanismes de coordination de la mise en œuvre de la Convention ont été établis dans les Bermudes, les Îles Vierges britanniques, à Montserrat et Sainte-Hélène. Il est toutefois préoccupé de ce que des efforts similaires n'ont pas été faits dans tous les territoires d'outre-mer. De même, il regrette que l'on n'ait toujours pas élaboré de plans d'action nationaux pour l'enfance dans les territoires. L'insuffisance de l'action menée pour faire participer les organisations non gouvernementales (ONG) à la coordination et à la mise en œuvre de la Convention suscite également des préoccupations.
12. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts pour faciliter, moyennant l'allocation de ressources (humaines et financières) suffisantes, le fonctionnement efficace des mécanismes de coordination déjà institués dans les territoires d'outre-mer et accroître l'aide apportée à la création de mécanismes dans les territoires où il n'en existe pas encore. Il encourage en outre les territoires d'outre-mer à prendre des mesures appropriées pour élaborer et mettre en œuvre un plan d'action national pour l'enfance fondé sur les principes et dispositions consacrés par la Convention. Les territoires sont encouragés à prendre toutes les mesures appropriées pour faciliter la participation d'ONG à la promotion et à la mise en œuvre de la Convention.
Collecte de données
13. Le Comité note avec préoccupation que la plupart des territoires d'outre-mer manquent de mécanismes adéquats pour procéder à la collecte de données ventilées sur tous les aspects de la Convention, surveiller et évaluer efficacement les progrès réalisés et évaluer l'impact des politiques adoptées dans le domaine de l'enfance. À ce propos, il note que la collecte des données dans les territoires d'outre-mer ne couvre généralement que les enfants de moins de 15 ans.
14. Le Comité recommande qu'un système intégré de collecte de données soit introduit dans chacun des territoires d'outre-mer, incorporant tous les domaines dont traite la Convention. Un tel système devrait couvrir tous les enfants âgés de moins de 18 ans, en mettant tout spécialement l'accent sur ceux qui sont particulièrement vulnérables, notamment les enfants handicapés, les enfants vivant dans la pauvreté, les enfants pris dans le système de justice pour mineurs, les enfants nés hors mariage, les mères adolescentes, les enfants victimes de violences sexuelles, les enfants placés dans des établissements et les enfants vivant dans des communautés insulaires isolées.
Mécanismes de surveillance
15. Si le Comité note l'existence de la Commission des droits de l'homme des Bermudes, du Groupe de protection de l'enfance de Sainte-Hélène et des Complaints Commissioners (médiateurs) dans les îles Vierges britanniques et les îles Turques et Caïques, tous mécanismes chargés de traiter les plaintes pour violation des droits de l'enfant, il est préoccupé par l'insuffisance des moyens déployés pour créer des centres de coordination pour les questions relatives à l'enfance au sein de ces mécanismes. Il note l'intention manifestée par les îles Caïmanes de créer un poste de médiateur. Il regrette qu'Anguilla, les îles Falkland et Montserrat n'aient pas encore établi de mécanismes indépendants chargés d'enregistrer et de traiter les plaintes émanant d'enfants à propos de violations des droits que leur confère la Convention.
16. Le Comité recommande que soient créés des centres de coordination au sein des mécanismes de surveillance des droits de l'homme des Bermudes, des îles Vierges britanniques, de Sainte-Hélène et des îles Turques et Caïques. En outre, il recommande que toutes dispositions utiles soient prises pour veiller à ce que ces mécanismes soient indépendants, adaptés et accessibles aux enfants. Il encourage aussi la création dans les autres territoires d'outre-mer de mécanismes de contrôle indépendants, adaptés aux enfants, dont la tâche serait de traiter les plaintes pour violation des droits de l'enfant et d'offrir des voies de recours. Ces mécanismes devraient comprendre également des centres de coordination pour les questions relatives à l'enfance. Le Comité suggère en outre de lancer des campagnes de sensibilisation pour faciliter le recours effectif des enfants à ces mécanismes de contrôle.
Crédits budgétaires
17. Le Comité est préoccupé de ce que, eu égard à l'article 4 de la Convention, l'on n'a pas suffisamment prêté attention dans les territoires d'outre-mer à l'affectation de ressources budgétaires en faveur de la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels des enfants "dans toutes les limites des ressources dont ils disposent".
18. Eu égard aux articles 2, 3 et 6 de la Convention, le Comité encourage l'État partie à prêter une attention particulière à la pleine mise en œuvre de l'article 4 de la Convention en aménageant l'ordre de priorité des crédits budgétaires de telle sorte que la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels des enfants soit assurée dans toutes les limites des ressources disponibles et, s'il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale.
Diffusion des principes et dispositions de la Convention
19. Le Comité est préoccupé de ce que des efforts insuffisants ont été faits pour diffuser les principes et dispositions de la Convention et que les groupes professionnels, les enfants, les parents et le grand public ne sont généralement pas suffisamment informés de la Convention et de la démarche fondée sur les droits qui y est consacrée.
20. Le Comité recommande de faire davantage pour obtenir que les dispositions de la Convention soient largement connues et comprises des adultes comme des enfants. Il recommande aussi une action plus vigoureuse pour former et/ou sensibiliser suffisamment et systématiquement les membres des catégories professionnelles travaillant avec et pour les enfants, par exemple les juges, les avocats, les responsables de l'application des lois, les enseignants, les directeurs d'école, les personnels de santé, y compris les psychologues et les travailleurs sociaux, et le personnel des établissements accueillant des enfants. Par ailleurs, des efforts devraient être faits pour sensibiliser les médias aux droits de l'enfant. Le Comité est en outre favorable à ce que la Convention figure dans les programmes scolaires à tous les niveaux du système d'éducation des territoires d'outre-mer.
22. Le Comité recommande un examen de la législation interne des territoires d'outre-mer, surtout en ce qui concerne l'âge légal de la responsabilité pénale, afin d'en garantir la pleine conformité avec les dispositions et principes de la Convention. Il recommande en outre que la législation en vigueur soit examinée en vue de garantir une protection suffisante de tous les enfants âgés de moins de 18 ans.
24. Le Comité est d'avis qu'il faudrait faire davantage pour veiller à ce que les principes de la Convention, en particulier ses principes généraux, non seulement inspirent les débats politiques et la prise de décisions, mais encore soient intégrés comme il convient dans toutes les modifications de textes de loi comme dans les décisions judiciaires et administratives et les projets, programmes et services qui ont des incidences sur les enfants.
Protection contre la discrimination
25. Le Comité note que l'État partie a demandé aux autorités des territoires d'outre-mer d'envisager de promouvoir une législation réprimant expressément la discrimination raciale et que certains de ces territoires ont accédé à cette demande. Mais il demeure préoccupé de ce que des efforts insuffisants ont été faits pour garantir la pleine mise en œuvre de l'article 2 de la Convention et que la discrimination fondée sur le sexe, l'orientation sexuelle et la naissance n'a pas disparu dans certains territoires. À cet égard, il note que la législation pertinente, concernant notamment la maltraitance et l'exploitation sexuelles ainsi que l'âge minimum légal du consentement à des relations sexuelles, ne mentionne que les filles et n'apporte pas une protection égale et suffisante aux garçons. Il est préoccupant de constater que les préconceptions sexistes dont souffrent les garçons ont tendance à croître, comme le montrent, entre autres, leurs résultats scolaires insuffisants dans de nombreux territoires d'outre-mer, notamment les îles Falkland et les territoires des Caraïbes. Le Comité note aussi que l'âge du consentement aux relations hétérosexuelles est différent de celui du consentement aux relations homosexuelles dans certains territoires d'outre-mer. Il craint que, dans de nombreux territoires, les efforts faits pour prévenir la discrimination visant les mères adolescentes et les enfants nés hors mariage n'aient été insuffisants.
26. Le Comité recommande que soit examinée la législation interne des territoires d'outre-mer pour vérifier qu'elle respecte pleinement l'article 2 de la Convention et pour prévenir et combattre la discrimination, tout particulièrement la discrimination fondée sur le sexe, l'orientation sexuelle et la naissance. En particulier, les territoires devraient modifier leur législation pour faire en sorte que les garçons bénéficient d'une protection suffisante contre la maltraitance et l'exploitation sexuelles. En outre, le Comité recommande que toutes les mesures voulues soient prises pour lutter contre la discrimination engendrée par le fait que garçons et filles sont socialisés dans des rôles sexuels inappropriés, ce qui a pour effet de déterminer des comportements sociaux à l'égard des enfants sur la base de leur sexe.
Respect des opinions de l'enfant
27. Le Comité note que, dans de nombreux territoires d'outre-mer, des efforts ont été faits pour garantir le respect des opinions de l'enfant dans les tribunaux des affaires familiales, en fonction de leur degré de capacité. Cependant, il regrette que, dans de nombreux territoires d'outre-mer, les efforts déployés pour garantir la pleine mise en œuvre de l'article 12 de la Convention se soient révélés insuffisants.
28. Le Comité recommande que les territoires d'outre-mer se préoccupent de renforcer les infrastructures nécessaires et de mettre au point une méthode systématique de sensibilisation au droit de l'enfant à la participation et d'encourager le respect des opinions de l'enfant dans la famille, dans les communautés, à l'école, dans les établissements d'accueil et dans le système administratif et judiciaire.
29. Le Comité note avec préoccupation le grand nombre de familles monoparentales recensées dans les territoires d'outre-mer, en particulier les Bermudes et les territoires des Caraïbes. Il est aussi préoccupé par l'absence apparente de protection juridique des droits, notamment en matière d'aliments et de succession, des enfants nés hors mariage d'une relation de cohabitation intermittente ou de concubinage dans ces territoires. Le Comité est également préoccupé par l'impact financier et psychologique qu'ont les relations de cohabitation intermittente sur les enfants. L'absence de soutien et d'aide psychologique dans les domaines de l'éducation des parents et de la responsabilité parentale est aussi source de préoccupation particulière. Le Comité note également avec inquiétude que le taux élevé d'émigration hors des territoires des Caraïbes a également eu des répercussions négatives sur la responsabilité et l'éducation parentales.
30. Les territoires d'outre-mer sont encouragés à redoubler d'efforts pour développer l'éducation familiale et le sens de la famille, en fournissant entre autres un soutien, par la formation des parents notamment, à l'éducation des enfants et à l'exercice conjoint des responsabilités parentales, eu égard à l'article 18 de la Convention. Le Comité recommande aussi aux territoires d'outre-mer de prendre toutes les mesures appropriées, notamment d'ordre juridique, pour veiller à ce que les droits des enfants nés hors mariage soient protégés. Il recommande en outre à l'État partie de procéder à une étude de la situation des familles monoparentales et des relations de cohabitation intermittente dans les territoires des Caraïbes ainsi que de leurs incidences (tant financières que psychologiques) sur les enfants.
Protection de remplacement
31. Si le Comité note que des processus juridiques et administratifs ont été mis en place dans tous les territoires d'outre-mer pour fournir une protection de remplacement aux enfants, il est préoccupé par le fait que la surveillance des placements est insuffisante dans certains programmes de protection de remplacement. S'il note que les enfants des îles Turques et Caïques qui ne peuvent être placés localement chez un parent ou chez un tiers consentant à l'accueillir ne sont plus envoyés dans des centres d'accueil en Jamaïque, il est préoccupé par l'absence de renseignements sur la situation actuelle des établissements d'accueil dans les îles Turques et Caïques. Sont également préoccupantes l'insuffisance des mécanismes indépendants de recours dont disposent les enfants placés dans des établissements d'accueil et l'absence de personnel formé dans ce domaine. On s'inquiète aussi de constater que la pratique des adoptions informelles se poursuit dans certains territoires d'outre-mer.
32. Le Comité recommande qu'une formation supplémentaire, portant notamment sur les droits de l'enfant, soit dispensée aux membres des services sociaux et que des mécanismes de recours indépendants soient institués à l'intention des enfants des territoires où il existe des établissements de protection de l'enfance. Il recommande aussi d'envisager d'établir un code de normes pour veiller à ce que les enfants privés de milieu familial soient convenablement pris en charge et protégés. Eu égard aux articles 3 et 20 de la Convention, le Comité recommande que le programme de protection de remplacement des îles Turques et Caïques soit examiné en vue de garantir le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Eu égard à l'article 21 de la Convention, le Comité recommande que les procédures de surveillance des placements familiaux et des adoptions nationales et internationales soient renforcées. En outre, toutes les mesures appropriées devraient être prises pour surveiller la pratique de l'adoption informelle et prévenir tout abus à cet égard. Le Comité encourage le Royaume-Uni à envisager d'étendre aux territoires d'outre-mer le champ d'application de la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.
Violence dans la famille, mauvais traitements et brutalités physiques ou mentales
33. Le Comité note les efforts déployés par certains territoires, en particulier les Bermudes, les îles Caïmanes et les îles Falkland, pour offrir une meilleure protection, un meilleur soutien aux enfants victimes de brutalités et mettre en place une formation à l'intention des professionnels, notamment les agents de police, qui sont au contact ou au service de l'enfance maltraitée. Il est cependant préoccupé par l'augmentation des cas de violence dans la famille, de mauvais traitements et de brutalités physiques et mentales, y compris de violences sexuelles, infligés aux enfants, ainsi que par l'absence de prise de conscience du problème et d'informations à ce sujet. L'insuffisance des ressources financières et humaines ainsi que des programmes visant à corriger cette situation dans de nombreux territoires est également préoccupante. Le Comité note en le déplorant que les territoires d'outre-mer, à l'exception des Bermudes, n'ont pas mis en place de système de dénonciation obligatoire des cas de mauvais traitements et sévices infligés à des enfants. Il est conscient que les territoires disposent de ressources limitées, essentiellement en raison de leur faible superficie, mais il craint que des efforts insuffisants n'aient été faits pour protéger le droit des enfants victimes de brutalités à la vie privée.
34. Eu égard à l'article 19, le Comité recommande à l'État partie de procéder à des études sur la violence dans la famille, les mauvais traitements et la violence sexuelle dans le but d'adopter des mesures politiques adaptées et de contribuer à la modification des comportements traditionnels dans les territoires d'outre-mer. Il recommande aussi de prendre toutes les mesures appropriées pour mettre en place des mécanismes efficaces permettant de dénoncer rapidement les mauvais traitements et brutalités dont sont victimes des enfants. Il recommande en outre que les cas de violence dans la famille, de mauvais traitements et de violences sexuelles infligés à des enfants fassent l'objet d'enquêtes diligentées, ainsi qu'il convient, dans le cadre d'une procédure judiciaire adaptée à l'enfant, et que des sanctions soient prises contre les auteurs, compte dûment tenu de la nécessité de protéger le droit de l'enfant à la vie privée. Des mesures devraient aussi être prises pour garantir le rétablissement physique et psychologique et la réinsertion sociale des victimes, conformément à l'article 39 de la Convention, et pour empêcher que les victimes ne soient incriminées et stigmatisées.
Châtiments corporels
35. Le Comité est vivement préoccupé par le fait que les châtiments corporels sont toujours largement pratiqués dans de nombreux territoires d'outre-mer et que, d'une manière générale, la législation interne n'en interdit ni n'élimine l'usage dans les écoles, les établissements d'accueil et les familles. Il note aussi avec préoccupation que les îles Vierges britanniques sont le seul territoire qui n'ait pas encore adopté de législation interdisant le recours aux châtiments corporels par les tribunaux judiciaires.
36. Le Comité recommande que toutes les mesures appropriées, notamment d'ordre législatif, soient prises pour interdire et éliminer toutes les formes de châtiments corporels à l'école, dans les systèmes de justice pour mineurs et de protection de remplacement ainsi que dans la famille. Il propose en outre que des campagnes de sensibilisation et d'éducation soient menées pour modifier l'attitude du public et veiller à ce que d'autres formes de discipline soient administrées d'une façon compatible avec la dignité humaine de l'enfant et conformément aux dispositions de la Convention, notamment l'article 19 et le paragraphe 2 de l'article 28.
37. Le Comité note que les territoires des Caraïbes, notamment Anguilla, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmanes, Montserrat et les îles Turques et Caïques ainsi que les Bermudes ont pris part au Sommet de la jeunesse caraïbe sur les droits des adolescents à la santé sexuelle et génésique, tenu à la Barbade en 1998. Il est préoccupé par l'insuffisance des programmes et services et l'absence de données suffisantes dans le domaine de la santé des adolescents, notamment en ce qui concerne les grossesses d'adolescentes, l'avortement, le VIH/sida et les maladies sexuellement transmissibles (MST), la toxicomanie, la violence et les maladies mentales. Il est particulièrement préoccupé par la fréquence élevée des grossesses d'adolescentes, en particulier dans les territoires des Caraïbes.
38. Le Comité encourage les territoires qui ont pris part au Sommet de la jeunesse caraïbe sur les droits des adolescents à la santé sexuelle et génésique à en suivre les prolongements et, le cas échéant, à s'efforcer d'en appliquer les recommandations. Il recommande que toutes les mesures appropriées soient prises pour accroître la promotion des politiques sanitaires visant les adolescents et renforcer l'éducation en matière de santé génésique, notamment pour amener les adolescents mâles à accepter l'usage des contraceptifs. Il propose en outre de faire effectuer une étude approfondie et multidisciplinaire pour comprendre l'étendue des problèmes de santé des adolescents, notamment la situation particulière des enfants infectés ou touchés par le VIH/sida et les MST, ou vulnérables à ces maladies. En outre, il est recommandé à l'État partie de prendre de nouvelles mesures, consistant notamment à dégager à cet effet des ressources humaines et financières suffisantes, pour développer des services d'accueil, d'assistance sociopsychologique et de réadaptation adaptés aux adolescents dans tous les territoires d'outre-mer.
Enfants handicapés
39. Le Comité note les efforts déployés par les territoires d'outre-mer, en particulier les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmanes, les îles Falkland et Sainte-Hélène, pour mettre en place des programmes au bénéfice des enfants handicapés, notamment des programmes d'intervention précoce et d'intégration scolaire. Il déplore, cependant, l'absence de protection juridique et l'insuffisance des installations et services réservés aux enfants handicapés. Il note aussi avec une vive préoccupation que depuis l'éruption volcanique de Montserrat, les enseignants spécialisés dans l'éducation des handicapés ont quitté l'île.
40. Tenant compte des Règles pour l'égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l'Assemblée générale, annexe) et des recommandations qu'il a lui-même adoptées lors de sa journée de débat général sur les enfants handicapés (CRC/C/69, chap. IV.D), le Comité recommande que des efforts supplémentaires soient déployés pour établir et/ou renforcer des programmes de diagnostic précoce afin de prévenir les handicaps; trouver des solutions de substitution au placement des enfants handicapés dans des institutions; instaurer des programmes d'éducation spéciale à l'intention des enfants handicapés; enfin, encourager leur intégration dans la société. Le Comité recommande en outre de prendre toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que des ressources suffisantes soient affectées à la mise en œuvre effective de programmes destinés aux enfants handicapés. Il est aussi recommandé de prévoir une formation complémentaire des personnes dont l'activité professionnelle les met au contact ou au service de ces enfants. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour faciliter le recrutement et la formation d'enseignants spécialisés dans l'éducation des enfants handicapés à Montserrat.
Droit à un niveau de vie suffisant
41. Le Comité sait que le niveau de vie de la plupart des territoires d'outre-mer est relativement élevé, mais il s'alarme de ce que le niveau de vie de Montserrat a considérablement baissé depuis l'éruption volcanique qui a détruit les deux tiers de l'île. Si l'on note avec satisfaction que toutes les familles ayant des enfants ont été transférées des abris provisoires qu'elles occupaient dans des logements définitifs, le Comité est préoccupé par l'impact psychologique qu'à eu la catastrophe sur les enfants. Il note que deux nouvelles écoles primaires et un nouvel hôpital ont été construits, mais il regrette que les programmes et les services destinés aux enfants n'aient pas encore été pleinement rétablis depuis l'éruption volcanique. En outre, le Comité est préoccupé de ce que les enfants vivant à Anguilla, Sainte-Hélène et ses dépendances et aux îles Turques et Caïques ne jouissent pas d'un niveau de vie suffisant, si on le compare à celui des enfants qui habitent dans les autres territoires d'outre-mer.
42. Conformément à l'article 27 de la Convention, le Comité encourage l'État partie à redoubler d'efforts pour fournir un soutien matériel aux familles économiquement défavorisées et garantir le droit qu'ont les enfants, notamment ceux qui ont été touchés par la catastrophe de Montserrat et ceux qui vivent à Anguilla, à Sainte-Hélène et ses dépendances ainsi qu'aux îles Turques et Caïques, à un niveau de vie suffisant. Il encourage l'État partie à entreprendre une étude visant à évaluer les répercussions, notamment psychologiques, de la catastrophe sur les enfants de Montserrat, en vue d'apporter un soutien suffisant et, s'il y a lieu, une assistance sociopsychologique à ces enfants et à leurs parents.
44. Le Comité recommande que toutes les mesures appropriées soient prises pour prévenir et décourager l'absentéisme scolaire et encourager davantage les enfants, particulièrement les garçons, à ne pas quitter l'école, surtout pendant la période d'obligation scolaire. Il invite instamment l'État partie à entreprendre une étude sur les mauvais résultats scolaires des garçons, en vue de comprendre l'ampleur et la nature du problème et d'améliorer cette situation, particulièrement dans les territoires des Caraïbes et dans les îles Falkland. Il est recommandé aux îles Falkland de prendre toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que l'insolvabilité ne limite ni n'empêche l'accès des enfants de Camp à une éducation satisfaisante, dans des conditions d'égalité. Le Comité recommande à l'État partie d'examiner sa politique de l'enseignement secondaire pour veiller à ce que les nationaux des territoires d'outre-mer ne souffrent pas de discrimination dans les frais de scolarité qui leur sont imposés lorsqu'ils poursuivent leurs études au Royaume-Uni.
45. Le Comité s'inquiète de la situation des familles de Montserrat qui ont été déplacées par l'éruption volcanique de 1997. La relative lenteur avec laquelle les programmes et services à l'intention des familles déplacées, notamment ceux qui permettent d'assurer leur accès dans des conditions satisfaisantes au logement, à l'éducation et aux soins de santé, sont rétablis à Montserrat est également préoccupante. En outre, le Comité regrette l'absence d'informations sur la situation des familles qui ont quitté Montserrat pour se réfugier dans les pays et territoires voisins ainsi que de celles qui se sont établies au Royaume-Uni.
46. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour améliorer la situation des familles déplacées, y compris leur accès à des services satisfaisants de logement, d'éducation et de soins de santé. Il recommande à l'État partie de présenter dans son prochain rapport périodique des renseignements sur la situation des familles qui ont quitté Montserrat pour se réfugier dans les pays et territoires voisins et les dispositions prises (au niveau bilatéral ou régional) pour les aider dans cette situation provisoire. À cet égard, il recommande en outre à l'État partie de fournir aussi des renseignements sur la situation des familles de Montserrat qui se sont établies au Royaume-Uni après la catastrophe.
Mines terrestres
47. Si le Comité note que l'État partie a entrepris d'évaluer la faisabilité et le coût de la neutralisation des mines terrestres qui subsistent dans les îles Falkland, il déplore qu'aucun effort n'ait été fait pour les localiser et les neutraliser depuis la fin du conflit en 1982.
48. Le Comité recommande vivement à l'État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour localiser et neutraliser les mines terrestres dans les îles Falkland, alerter la population sur les dangers potentiels et empêcher que des enfants ne deviennent accidentellement victimes des mines terrestres. Il encourage l'État partie à envisager d'étendre le champ d'application de la Convention de 1997 sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction aux territoires d'outre-mer, en particulier les îles Falkland.
Travail des enfants
49. Eu égard à la situation socioéconomique de certains des territoires d'outre-mer les plus défavorisés sur le plan économique et au taux d'absentéisme scolaire élevé, des garçons en particulier, le Comité est préoccupé par l'absence de renseignements et de données suffisantes sur la situation en ce qui concerne le travail et l'exploitation économique des enfants dans les territoires d'outre-mer.
50. Le Comité recommande à l'État partie de mettre en chantier une étude approfondie de la situation en ce qui concerne le travail des enfants dans les territoires d'outre-mer. En outre, l'État partie est encouragé à mettre en place et/ou renforcer, le cas échéant, des mécanismes de surveillance permettant de veiller à ce que la législation du travail soit appliquée et de protéger les enfants de l'exploitation économique, notamment dans le secteur informel. Le Comité propose à l'État partie d'envisager d'étendre aux territoires d'outre-mer le champ d'application de la Convention No 182 de l'OIT concernant l'élimination des pires formes de travail des enfants. Il propose en outre à l'État partie d'envisager d'étendre aux territoires d'outre-mer le champ d'application de la Convention No 138 de l'OIT concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi.
Abus des stupéfiants
51. Le Comité note les efforts déployés par l'État partie aux échelons tant national que régional en matière de lutte contre les stupéfiants et de réduction de la demande. Il reste cependant préoccupé par le nombre élevé de toxicomanes, en particulier parmi les jeunes des Bermudes et des territoires des Caraïbes. Il est également préoccupant que les programmes et services médicaux de réadaptation mis à la disposition des enfants victimes de l'abus des drogues soient insuffisants.
52. Eu égard à l'article 33 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de renforcer son action, notamment par des moyens administratifs, sociaux et pédagogiques, pour protéger les enfants de l'usage illicite des stupéfiants et substances psychotropes et empêcher l'emploi d'enfants dans la production et le trafic illicite de ces substances. Il encourage l'État partie à renforcer ses programmes de réadaptation à l'intention des enfants victimes de l'abus des drogues.
Exploitation sexuelle et violence sexuelle
53. Le Comité note avec préoccupation l'absence de renseignements concernant l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, y compris la prostitution et la pornographie. Il note aussi l'absence de programmes de rétablissement physique et psychologique et de réintégration sociale des enfants victimes de cette violence et de cette exploitation, notamment dans les Bermudes et certains territoires des Caraïbes, où il y a apparemment lieu d'être préoccupé.
54. Eu égard à l'article 34 et aux autres articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l'État partie d'entreprendre des études dans le but d'appréhender l'étendue du problème et d'appliquer des politiques et mesures appropriées, aux fins notamment du rétablissement physique et psychologique et de la réintégration sociale des victimes. Il recommande à l'État partie de tenir compte des recommandations formulées dans le Programme d'action adopté au Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales tenu à Stockholm en 1996.
Justice pour mineurs
55. Le Comité note qu'une législation relative à la justice pour mineurs a été adoptée dans tous les territoires d'outre-mer. S'il accueille avec satisfaction l'abolition légale du recours aux châtiments corporels par les tribunaux judiciaires dans la plupart des territoires d'outre-mer, le Comité est préoccupé de ce que le projet de loi prévoyant leur abolition dans les îles Vierges britanniques n'ait pas encore été adopté. Le Comité se déclare également préoccupé par :
a) La longueur de la mise en état des affaires concernant les mineurs; l'absence de confidentialité des affaires où des mineurs sont impliqués; le fait de détenir des mineurs dans un milieu carcéral où ils côtoient les adultes; l'insuffisance des services destinés aux enfants ayant maille à partir avec la justice, notamment les filles; l'insuffisance du nombre de fonctionnaires formés au travail avec les enfants dans ces conditions; l'absence de programmes d'aide juridictionnelle;
b) L'accès insuffisant aux services d'éducation, de santé, d'assistance sociopsychologique et autres services de réadaptation; enfin, l'absence de mécanismes de recours réservés aux enfants dont les droits ont été violés.
56. Le Comité recommande à l'État partie, s'agissant des territoires d'outre-mer :
a) De prendre des mesures supplémentaires pour réformer le système de justice pour mineurs dans l'esprit de la Convention, en particulier des articles 37, 40 et 39 et d'autres normes des Nations Unies en la matière, par exemple l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté;
b) De n'envisager la privation de liberté que comme mesure de dernier ressort, ne devant durer que le moins longtemps possible et ne réprimer que des infractions graves; de protéger les droits de l'enfant privé de sa liberté, y compris le droit à la vie privée; de veiller à ce que les enfants restent en contact avec leurs familles lorsqu'ils sont pris en charge par le système de justice pour mineurs; de veiller à ce que les enfants aient un accès suffisant aux services d'éducation, de santé, d'assistance sociopsychologique et autres services de réadaptation; de mettre en place des mécanismes de recours conçus pour les enfants dont les droits ont été violés;
c) De mettre en place à l'intention des professionnels qui collaborent avec le système de justice pour mineurs des programmes de formation aux normes internationales pertinentes.
57. Le Comité recommande en outre aux îles Vierges britanniques d'intensifier leurs efforts pour adopter le projet de loi présenté au Conseil législatif en vue d'abolir le recours aux châtiments corporels par les tribunaux judiciaires dans les îles.