University of Minnesota



Convention relative aux droits de l’enfant, Observation générale No. 10, Les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurss, Quarante‑quatrième session, U.N. Doc. CRC/C/GC/1025 (2007).



 


CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/GC/1025

avril 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante‑quatrième session

Genève, 15 janvier‑2 février 2007

OBSERVATION GÉNÉRALE N o 10 (2007)

Les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

I.INTRODUCTION1 − 33

II.OBJECTIFS DE LA PRÉSENTE OBSERVATION GÉNÉRALE43

III.JUSTICE POUR MINEURS: PRINCIPES CONDUCTEURSD’UNE POLITIQUE GLOBALE5 − 144

IV.JUSTICE POUR MINEURS: ÉLÉMENTS ESSENTIELSD’UNE POLITIQUE GLOBALE15 − 897

A.Prévention de la délinquance juvénile16 − 217

B.Interventions/Déjudiciarisation22 − 299

C.Seuils d’âge et enfants en conflit avec la loi30 − 3911

D.Garanties d’un procès équitable40 − 6714

E.Mesures68 − 7721

F.Privation de liberté, y compris la détention avantjugement et l’incarcération après jugement78 − 8923

V.ORGANISATION DE LA JUSTICE POUR MINEURS90 − 9526

VI.SENSIBILISATION ET FORMATION96 − 9727

VII.COLLECTE DE DONNÉES, ÉVALUATION ETTRAVAUX DE RECHERCHE98 − 9927

I. INTRODUCTION

1.Dans les rapports qu’ils soumettent au Comité des droits de l’enfant (ci‑après dénommé le Comité), les États parties consacrent souvent une section assez détaillée aux droits des enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale, également qualifiés d’«enfants en conflit avec la loi». Eu égard aux directives générales du Comité concernant les rapports périodiques, les informations que fournissent les États parties portent principalement sur la mise en œuvre des articles 37 et 40 de la Convention relative aux droits de l’enfant (ci‑après dénommée la Convention). Le Comité prend note avec satisfaction des nombreux efforts entrepris en vue de mettre en place un système d’administration de la justice pour mineurs conforme à la Convention. Il est cependant aussi clair que de nombreux États parties ont encore beaucoup à faire pour respecter pleinement la Convention, par exemple en ce qui concerne les droits procéduraux, la définition et l’application de mesures permettant de traiter les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire, et l’usage de la privation de liberté uniquement en tant que mesure de dernier ressort.

2.Le Comité s’inquiète aussi du manque de renseignements sur les mesures que les États parties ont prises pour éviter que les enfants n’entrent en conflit avec la loi. Cela pourrait être imputable à l’absence de politique globale dans le domaine de la justice pour mineurs. Cette dernière pourrait aussi expliquer pourquoi de nombreux État parties ne fournissent que très peu de données statistiques sur le traitement des enfants en conflit avec la loi.

3.Les enseignements tirés de l’examen des résultats obtenus par les États parties dans le domaine de la justice pour mineurs sont à l’origine de la présente observation générale, par laquelle le Comité entend adresser aux États parties des directives et recommandations plus élaborées concernant les efforts qu’ils déploient pour instituer un système d’administration de la justice pour mineurs conforme à la Convention. Pareil système, qui devrait notamment promouvoir l’utilisation de mesures de substitution telles que la déjudiciarisation et la justice réparatrice, donnera aux États parties les moyens de s’occuper des enfants en conflit avec la loi d’une manière efficace correspondant tant à l’intérêt supérieur de ces enfants qu’aux intérêts à court terme et à long terme de la société dans son ensemble.

II. OBJECTIFS DE LA PRÉSENTE OBSERVATION GÉNÉRALE

4.Le Comité tient d’emblée à souligner qu’en vertu de la Convention les États parties sont tenus de formuler et d’appliquer une politique globale en matière de justice pour mineurs. Cette approche globale ne saurait se borner à la seule application des dispositions précises énoncées aux articles 37 et 40 de la Convention, mais doit aussi tenir compte des principes généraux que consacrent les articles 2, 3, 6 et 12 de la Convention, ainsi que tous les autres articles pertinents de la Convention, dont les articles 4 et 39. La présente observation générale vise donc à:

Encourager les États parties à formuler et appliquer une politique globale en matière de justice pour mineurs tendant à prévenir et à maîtriser la délinquance juvénile en se fondant sur la Convention et en la respectant, et à solliciter à cet égard les conseils et le soutien du Groupe de coordination interinstitutions dans le domaine de la justice pour mineurs, qui a été créé en application de la résolution 1997/30 du Conseil économique et social et où siègent des représentants du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et d’organisations non gouvernementales;

Formuler à l’intention des États parties des conseils et des recommandations concernant tant la teneur d’une politique globale en matière de justice pour mineurs, une attention particulière étant portée à la prévention de la délinquance juvénile, à l’introduction de mesures de substitution permettant de faire face à la délinquance juvénile sans recourir à la procédure judiciaire, que l’interprétation et l’application de toutes les autres dispositions énoncées aux articles 37 et 40 de la Convention;

Favoriser l’incorporation, dans la politique nationale globale en matière de justice pour mineurs, des diverses autres normes internationales, en particulier: l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane) et les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad).

III. JUSTICE POUR MINEURS: PRINCIPES CONDUCTEURS D’UNE POLITIQUE GLOBALE

5.Avant d’aborder plus en détail les prescriptions de la Convention, le Comité tient en premier lieu à exposer les principes conducteurs d’une politique globale en matière de justice pour mineurs. Dans l’administration de la justice pour mineurs, les États parties sont tenus d’appliquer systématiquement les principes généraux énoncés dans les articles 2, 3, 6 et 12 de la Convention, ainsi que les principes fondamentaux de la justice pour mineurs énoncés aux articles 37 et 40.

Non ‑discrimination (art. 2)

6.Les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’égalité de traitement à tous les enfants en conflit avec la loi. Une attention particulière doit être portée à la discrimination et aux disparités de fait, qui pourraient être imputables à l’absence de politique cohérente et concernent les groupes vulnérables d’enfants, dont les enfants des rues, les enfants appartenant à une minorité raciale, ethnique, religieuse ou linguistique, les enfants autochtones, les filles, les enfants handicapés et les enfants en conflit de manière récurrente avec la loi (récidivistes). La formation de tous les professionnels intervenant dans l’administration de la justice pour mineurs revêt de l’importance à cet égard (voir plus loin par. 97), de même que l’adoption de normes, règles ou protocoles propres à conforter l’égalité de traitement pour les enfants délinquants et à garantir voies de recours, réparation et indemnisation.

7.De nombreux enfants en conflit avec la loi sont en outre victimes de discrimination, par exemple en matière d’accès à l’éducation ou au marché du travail. Il faut prendre des mesures pour prévenir la discrimination, en particulier apporter aux enfants ex‑délinquants un soutien et une assistance adaptés en vue de favoriser les efforts qu’ils déploient pour se réinsérer dans la société, et mener des campagnes en direction de la population pour la sensibiliser au droit de ces enfants à assumer un rôle constructif au sein de la société (art. 40 1)).

8.Il est assez courant que le Code pénal contienne des dispositions incriminant divers problèmes comportementaux des enfants, tels que le vagabondage, l’absentéisme scolaire, la fugue et certains autres actes, alors qu’ils sont fréquemment imputables à des difficultés psychologiques ou socioéconomiques. Il est particulièrement préoccupant que des filles et des enfants des rues soient bien souvent traités à ce titre comme des criminels. Les actes en cause, qualifiés de délits d’état, ne constituent pas une infraction s’ils sont commis par des adultes. Le Comité recommande aux États parties d’abolir les dispositions relatives aux délits d’état afin d’assurer l’égalité de traitement entre enfants et adultes devant la loi. Le Comité renvoie en outre à ce propos à l’article 56 des Règles de Riyad qui se lit comme suit: «Pour prévenir toute stigmatisation, victimisation et criminalisation ultérieures des jeunes, il faudrait adopter des textes disposant que les actes non considérés comme délictuels ou pénalisés s’ils sont commis par un adulte ne devraient pas être sanctionnés s’ils sont commis par un jeune.».

9.Des conduites comme le vagabondage, l’errance dans les rues ou la fugue devraient de surcroît être traitées en mettant en œuvre des mesures propres à protéger ces enfants, en particulier sous la forme d’un soutien efficace à leurs parents et/ou gardiens, ainsi que des mesures tendant à remédier aux causes profondes de ces conduites.

Intérêt supérieur de l’enfant (art. 3)

10.L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions prises au titre de l’administration de la justice pour mineurs. Les enfants diffèrent des adultes par leur degré de développement physique et psychologique, ainsi que par leurs besoins affectifs et éducatifs. Ces différences constituent le fondement de la responsabilité atténuée des enfants en conflit avec la loi. Ces différences, et d’autres, justifient l’existence d’un système distinct de justice pour mineurs et requièrent un traitement différencié pour les enfants. La protection de l’intérêt supérieur de l’enfant signifie, par exemple, que les objectifs traditionnels de la justice pénale, comme la répression/rétribution, doivent céder la place à des objectifs de réadaptation et de justice réparatrice dans le traitement des enfants délinquants. Cela est conciliable avec le souci d’efficacité dans le domaine de la sécurité publique.

Droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6)

11.Ce droit inhérent de tout enfant devrait inciter et amener les États parties à formuler des politiques et programmes nationaux efficaces de prévention de la délinquance juvénile, compte tenu des répercussions très négatives qu’exerce à l’évidence la délinquance sur le développement de l’enfant. Ce droit fondamental devrait en outre orienter vers une politique de riposte à la délinquance juvénile recourant à des moyens favorables au développement de l’enfant. L’article 37 a) de la Convention (voir plus loin par. 75 à 77) interdit expressément de condamner un enfant à la peine capitale ou à la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. L’usage de la privation de la liberté compromet grandement le développement harmonieux de l’enfant et entrave gravement sa réinsertion dans la société. À cet égard, l’article 37 b) de la Convention dispose expressément que la privation de liberté, notamment par l’arrestation, la détention et l’incarcération ne doit être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible, afin que le droit de l’enfant au développement soit pleinement respecté et exercé (voir plus loin par. 78 à 88).

Droit d’être entendu (art. 12)

12.Le droit de l’enfant d’exprimer librement ses opinions dans toutes les affaires le concernant doit être pleinement respecté et exercé à tous les stades du système de justice pour mineurs (voir plus loin par. 43 à 45). Le Comité note que la voix des enfants ayant affaire au système de justice pour mineurs devient un instrument toujours plus puissant porteur d’améliorations et de réformes, ainsi que du respect de leurs droits.

Dignité (art. 40 1))

13.La Convention énonce un ensemble de principes fondamentaux relatifs au traitement à réserver aux enfants en conflit avec la loi:

Le traitement doit être de nature à favoriser le sens de la dignité et de la valeur personnelle de l’enfant. Ce principe reflète un droit fondamental de l’être humain que consacre l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme, aux termes duquel tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ce droit inhérent à la dignité et à la valeur de la personne humaine, auquel renvoie expressément le préambule de la Convention, doit être respecté et protégé durant la totalité du processus de traitement de l’enfant, dès le premier contact avec les organismes chargés de l’application des lois et pendant toute la durée de la mise en œuvre de l’ensemble des mesures de traitement de l’enfant;

Le traitement doit renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales d’autrui chez l’enfant. Ce principe est en conformité avec la considération figurant dans le préambule selon laquelle un enfant doit être élevé dans l’esprit des idéaux proclamés dans la Charte des Nations Unies. Cela signifie aussi que, dans le système de justice pour mineurs, le traitement et l’éducation des enfants doivent être orientés vers le développement du respect des droits et libertés de l’être humain (art. 29 1) b) de la Convention et Observation générale no 1 sur les buts de l’éducation). Ce principe de la justice pour mineurs suppose à l’évidence le plein respect et l’application des garanties concernant le droit à un procès équitable, que consacre le paragraphe 2 de l’article 40 (voir plus loin les paragraphes 40 à 67). Si les protagonistes de la justice pour mineurs, à savoir les policiers, les procureurs, les juges et les agents de probation ne respectent pas pleinement ni ne protègent ces garanties, comment s’attendre à ce que d’aussi piètres exemples amènent l’enfant à respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales d’autrui;

Un traitement qui tienne compte de l’âge de l’enfant ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle ‑ci. Ce principe doit être appliqué, observé et respecté durant la totalité du processus de traitement de l’enfant, dès le premier contact avec les organismes chargés de l’application des lois et pendant toute la durée de la mise en œuvre de l’ensemble de mesures traitement de l’enfant. Ce principe exige que les membres de tous les groupes professionnels intervenant dans l’administration de la justice civile possèdent les connaissances requises concernant le développement de l’enfant, la croissance dynamique et continue des enfants, ce qui est bon pour leur bien‑être et les multiples formes de violence auxquelles sont exposés les enfants;

Le respect de la dignité de l’enfant suppose que toutes les formes de violence dans le traitement des enfants en conflit avec la loi soient interdites et empêchées. Selon des informations reçues par le Comité, des violences se produisent à tous les stades du processus de la justice pour mineurs, dès le premier contact avec la police, au cours de la détention avant jugement et pendant le séjour dans une institution de traitement ou autre pour enfants condamnés à une peine privative de liberté. Le Comité appelle les États parties à prendre des mesures efficaces en vue de prévenir pareilles violences et à faire en sorte que les auteurs de ces violences soient traduits en justice, ainsi qu’à donner une suite concrète aux recommandations formulées dans le rapport relatif à l’étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants présenté à l’Assemblée générale en octobre 2006 (A/61/299).

14.Tout en convenant que la préservation de la sécurité publique est un but légitime du système de justice, le Comité estime que le meilleur moyen d’y parvenir consiste à respecter et appliquer pleinement les principes conducteurs et généraux relatifs au système de justice pour mineurs tels qu’ils sont énoncés dans la Convention.

IV. JUSTICE POUR MINEURS: ÉLÉMENTS ESSENTIELS D’UNE POLITIQUE GLOBALE

15.Une politique globale en matière de justice pour mineurs doit intégrer les éléments essentiels suivants: prévention de la délinquance juvénile; interventions sans recours à la procédure judiciaire et interventions au titre de la procédure judiciaire; fixation d’un âge minimum de la responsabilité pénale et d’un âge plafond pour bénéficier du système de justice pour mineurs; garanties relatives à un procès équitable; privation de liberté (détention avant jugement et incarcération après jugement).

A. Prévention de la délinquance juvénile

16.Un des grands objectifs de l’application de la Convention est de favoriser l’épanouissement intégral et harmonieux de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques (préambule et art. 6 et 29). L’enfant devrait être préparé à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre (préambule et art. 29) au sein de laquelle il puisse assumer un rôle constructif en ce qui concerne le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales (art. 29 et 40). À cet égard, les parents sont investis de la responsabilité de donner à l’enfant, d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît la Convention. À la lumière de ces dispositions de la Convention et de certaines autres, il n’est manifestement pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant de grandir dans un cadre susceptible d’induire un risque accru ou grave de sombrer dans des activités criminelles. Diverses mesures devraient être prises pour assurer la mise en œuvre intégrale et égale du droit à un niveau de vie suffisant (art. 27), du droit de jouir du meilleur état de santé possible et d’avoir accès aux services médicaux (art. 24), du droit à l’éducation (art. 28 et 29), du droit à la protection contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales (art. 19) et du droit à une protection contre l’exploitation économique ou sexuelle (art. 32 et 34), ainsi que du droit à d’autres services adéquats de prise en charge ou de protection de l’enfance.

17.Comme il est indiqué plus haut, non assortie d’un ensemble de mesures visant à prévenir la délinquance juvénile, une politique en matière de justice pour mineurs présente de graves carences. Les États parties devraient pleinement intégrer dans leur politique nationale globale en matière de justice pour mineurs les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), que l’Assemblée générale a adoptés par sa résolution 45/112 du 14 décembre 1990.

18.Le Comité souscrit sans réserve aux Principes directeurs de Riyad et convient qu’il faut privilégier des politiques de prévention propres à faciliter une socialisation et une intégration réussie de tous les enfants − spécialement par le biais de la famille, de la communauté, de groupes de pairs, de l’école, de la formation professionnelle et du monde du travail et par le recours à des organisations bénévoles. Cela signifie, notamment, que des programmes de prévention devraient être axés sur le soutien des familles particulièrement vulnérables, la participation des écoles à l’enseignement des valeurs de base (y compris la diffusion d’informations sur les droits et les responsabilités des enfants et des parents au regard de la loi) et la prise en compte de la nécessité de fournir des soins spéciaux et d’accorder une attention particulière aux jeunes à risque. Une attention particulière devrait en outre être accordée aux enfants qui abandonnent l’école ou n’achèvent pas leurs études. Le soutien par le groupe de pairs et la participation énergique des parents sont des instruments à recommander. Les États parties devraient de plus mettre au point des services et des programmes à assise communautaire qui répondent aux besoins et préoccupations des jeunes, en particulier des jeunes en conflit avec la loi, et leur dispensent, ainsi qu’à leur famille, des orientations et conseils adaptés.

19.La Convention confirme, dans ses articles 18 et 27, l’importance que revêt la responsabilité incombant aux parents d’élever leurs enfants, tout en faisant obligation aux États parties d’accorder une aide appropriée aux parents et représentants légaux aux fins de l’exercice des responsabilités parentales. Les mesures d’assistance ne devraient pas être axées uniquement sur la prévention des situations défavorables mais aussi, et davantage, tendre à promouvoir le potentiel social des parents. On dispose d’une masse d’informations sur les programmes de prévention à domicile et à caractère familial, dont les activités de formation des parents, les programmes tendant à renforcer l’interaction parents‑enfants et les programmes de visite à domicile, qui peuvent être mis sur pied en faveur d’enfants encore très jeunes. Une corrélation a été établie entre accès à une éducation dès la petite enfance et taux ultérieurs moindres de violence et de criminalité. Des résultats positifs ont été obtenus avec des programmes communautaires tels que Communities that Care (Des communautés soucieuses) − stratégie de prévention axée sur les risques.

20.Les États parties devraient favoriser et soutenir pleinement la participation à l’élaboration et à l’exécution de programmes de prévention des enfants, conformément à l’article 12 de la Convention, de même que celle des parents, des animateurs communautaires et d’autres acteurs clefs (dont les représentants d’ONG, les agents de probation et les travailleurs sociaux). La qualité de cette participation conditionne grandement la réussite de ces programmes.

21.Le Comité recommande que les États parties sollicitent, dans le cadre des efforts qu’ils déploient pour mettre au point des programmes efficaces de prévention, le soutien et les conseils du Groupe de coordination interinstitutions dans le domaine de la justice pour mineurs.

B. Interventions/ Déjudiciarisation (voir également plus loin la section E)

22.Les autorités de l’État peuvent employer deux types d’intervention pour traiter les enfants suspectés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale: les mesures ne recourant pas à la procédure judiciaire et les mesures s’inscrivant dans le cadre de la procédure judiciaire. Le Comité rappelle aux États parties qu’il faut s’attacher avec le plus grand soin à faire respecter et protéger pleinement les droits fondamentaux de l’enfant et les garanties légales en sa faveur.

23.Les enfants en conflit avec la loi, en particulier récidivistes, ont droit à un traitement de nature à favoriser leur réinsertion dans la société et à leur faire assumer un rôle constructif au sein de celle‑ci (art. 40 1) de la Convention). L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement ne doit être qu’une mesure de dernier ressort (art. 37 b)). Dans le cadre d’une politique globale en matière de justice pour mineurs, il y a donc lieu de formuler et d’appliquer une large gamme de mesures propres à assurer aux enfants un traitement conforme à leur bien‑être et proportionné à leur situation et à l’infraction. Ces mesures devraient notamment englober les soins, l’orientation et la supervision, les conseils, la probation, le placement familial et les programmes d’éducation générale et professionnelle, ainsi que diverses solutions autres qu’institutionnelles (art. 40 4)).

Interventions sans recours à la procédure judiciaire

24.Aux termes du paragraphe 3 de l’article 40 de la Convention, les États doivent s’efforcer de promouvoir l’adoption de mesures pour traiter les enfants soupçonnés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale sans recourir à la procédure judiciaire, chaque fois qu’une telle solution est adaptée et souhaitable. Vu que la majorité des enfants délinquants ne commettent que des infractions légères, le recours à un vaste ensemble de mesures tendant à leur épargner la procédure pénale/le système de justice pour mineurs en les orientant vers des filières (services sociaux) de remplacement (déjudiciarisation) devrait constituer une pratique bien établie pouvant et devant être mise en œuvre dans la plupart des cas.

25.Le Comité considère que l’obligation pour les États parties de promouvoir des mesures tendant à traiter les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire s’applique, sans en rien se limiter à eux, aux enfants ayant commis des infractions légères, du type vol à l’étalage et autres atteintes aux biens occasionnant un préjudice modeste, et aux mineurs primo‑délinquants. Les statistiques indiquent que dans de nombreux États une forte proportion, la majorité souvent, des infractions commises par des enfants entrent dans cette catégorie. Conformément aux principes énoncés au paragraphe 1 de l’article 40 de la Convention, il convient de traiter les affaires de ce type sans recourir aux procédures pénales judiciaires. Outre qu’elle évite la stigmatisation, cette démarche donne de bons résultats, tant pour les enfants que pour l’intérêt de la sécurité publique, et elle s’est révélée plus rentable.

26.Les États parties devraient intégrer dans leur système de justice pour mineurs des mesures pour traiter les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire et veiller à faire pleinement respecter et protéger les droits fondamentaux de ces enfants et les garanties légales en leur faveur (art. 40 3) b)).

27.Il est laissé à la discrétion des États parties de déterminer la nature et la teneur exactes des mesures permettant de traiter les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire, ainsi que de prendre les mesures législatives et autres nécessaires à leur application. Les informations fournies par certains États parties dans leurs rapports indiquent qu’ont été mis au point divers programmes à assise communautaire, du type services communautaires, supervision et orientation par des travailleurs sociaux ou des agents de probation, par exemple, organisation de conférences familiales et autres formes de justice réparatrice, y compris la restitution et l’indemnisation en faveur des victimes. D’autres États parties devraient s’inspirer de ces expériences. Au sujet du plein respect des droits fondamentaux et des garanties légales, le Comité renvoie aux parties pertinentes de l’article 40 de la Convention et insiste sur ce qui suit:

−Il ne faudrait recourir à la déjudiciarisation (à savoir des mesures tendant à traiter les enfants soupçonnés, accusés ou convaincus d’infraction à la loi pénale sans recourir à la procédure judiciaire) que: si des éléments probants indiquent que l’enfant en cause a commis l’infraction qui lui est imputée; s’il reconnaît librement et volontairement sa responsabilité; s’il a avoué sans avoir fait l’objet d’actes d’intimidation ou de pression; si son aveu n’est pas exploité à son détriment dans une éventuelle poursuite judiciaire;

−L’enfant doit donner librement et volontairement par écrit son consentement à la mesure de déjudiciarisation envisagée, ce consentement devant reposer sur des informations suffisantes et précises quant à la nature, à la teneur et à la durée de ladite mesure, ainsi que sur les conséquences d’une non‑coopération ou de l’inexécution ou de l’inachèvement de la mesure de sa part. Pour renforcer la participation des parents, les États parties pourraient aussi envisager de requérir le consentement des parents, surtout dans le cas d’un enfant de moins de 16 ans;

−La loi doit contenir des dispositions précisant dans quels cas la déjudiciarisation est possible; en outre les pouvoirs revenant à la police, aux procureurs et aux autres organismes en ce qui concerne les décisions en la matière devraient être réglementés et donner lieu à réexamen, en particulier dans le souci de protéger les enfants contre la discrimination;

−L’enfant doit pouvoir obtenir une assistance judiciaire, ou autre, adéquate pour l’aider à déterminer si la mesure de déjudiciarisation que lui proposent les autorités compétentes est adaptée et souhaitable et si cette mesure est sujette à réexamen;

−Le respect par l’enfant de la mesure de déjudiciarisation jusqu’à son terme doit se solder par un classement total et définitif de l’affaire. Même si des archives confidentielles concernant cette mesure de déjudiciarisation peuvent être conservées à des fins administratives ou de réexamen, elles ne sauraient être considérées comme un «casier judiciaire» et un enfant ayant bénéficié d’une mesure de déjudiciarisation ne saurait être considéré comme ayant fait l’objet d’une condamnation antérieure. Si l’événement est consigné, l’accès à cette information doit être réservé exclusivement et pour une durée limitée, par exemple un an au maximum, aux autorités compétentes habilitées à traiter les enfants en conflit avec la loi.

Interventions au titre de la procédure judiciaire

28.Quand les autorités compétentes (habituellement le procureur) ouvrent une procédure judiciaire, les principes de jugement équitable et juste doivent être respectés (voir plus loin la section D). Cela étant, le système de justice pour mineurs devrait offrir de vastes possibilités de traiter les enfants en conflit avec la loi en recourant à des mesures d’ordre social et/ou éducatif, et restreindre rigoureusement le recours à la privation de liberté, en particulier à la détention avant jugement, en tant que mesure de dernier ressort. Au stade décisionnel de la procédure, la privation de liberté ne doit être utilisée que comme une mesure de dernier ressort et être aussi brève que possible (art. 37 b)), ce qui signifie que les États parties devraient être dotés d’un service de probation pourvu d’un personnel très qualifié dans le souci de garantir l’utilisation maximale et efficace d’options comme l’orientation et les ordonnances de supervision, la mise à l’épreuve, la surveillance par la communauté, l’obligation de se présenter chaque jour à un centre, et prévoir la possibilité de libération anticipée.

29.Le Comité rappelle aux États parties que, conformément au paragraphe 1 de l’article 40 de la Convention, la réinsertion exige l’absence de tout comportement susceptible d’entraver la pleine participation de l’enfant à la vie de sa communauté, tel que la stigmatisation, l’isolement social ou le dénigrement de l’enfant. Traiter un enfant en conflit avec la loi de manière à promouvoir sa réinsertion exige que toutes les actions concourent à l’aider à devenir un membre à part entière et constructif de la société.

C. Seuils d’âge et enfants en conflit avec la loi

Âge minimum de la responsabilité pénale

30.Les rapports soumis par les États parties montrent que l’âge minimum de la responsabilité pénale varie grandement d’un pays à l’autre, allant d’âge très bas, 7 ou 8 ans, à un âge plus recommandable de 14 ou 16 ans. Un assez grand nombre d’États parties fixent deux seuils pour la responsabilité pénale. Les enfants en conflit avec la loi qui ont plus que l’âge minimum inférieur mais moins que l’âge minimum supérieur au moment où ils commettent une infraction ne sont considérés pénalement responsables que s’ils présentent le degré de maturité le justifiant. L’appréciation du degré de maturité revient au tribunal/juge, souvent sans qu’il lui faille consulter un expert en psychologie, et aboutit dans la pratique à l’application de l’âge minimum inférieur en cas d’infraction grave. Ce système de double âge minimum est déroutant et laisse de surcroît beaucoup à la discrétion du tribunal/du juge, ce qui peut se traduire par des pratiques discriminatoires. Face au large éventail des âges minima de la responsabilité pénale, le Comité estime nécessaire de fournir aux États parties des orientations et recommandations claires concernant l’âge minimum de la responsabilité pénale.

31.Le paragraphe 3 de l’article 40 de la Convention prescrit aux États parties de s’efforcer de promouvoir l’établissement d’un âge minimum au‑dessous duquel les enfants sont présumés n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale, sans pour autant indiquer un âge précis en la matière. Le Comité comprend cette disposition comme faisant obligation aux États parties de fixer un âge minimum pour la responsabilité pénale. Cet âge minimum signifie que:

−Les enfants qui commettent une infraction à un âge inférieur au minimum ne peuvent être tenus pénalement responsables. Même de (très) jeunes enfants ayant toutefois la capacité d’enfreindre la loi pénale, s’ils commettent une infraction alors qu’ils ont moins que l’âge minimum de la responsabilité pénale il existe la présomption irréfragable selon laquelle ils ne peuvent faire l’objet de poursuites et être tenus pénalement responsables dans le cadre d’une procédure. Des mesures spéciales de protection peuvent au besoin être prises en faveur de ces enfants dans le souci de leur intérêt supérieur;

−Les enfants qui ont l’âge minimum de la responsabilité pénale ou l’ont dépassé quand ils commettent une infraction (ou un manquement à la loi pénale), mais ont moins de 18 ans (voir aussi plus loin les paragraphes 35 à 38) peuvent être officiellement inculpés et faire l’objet de poursuites pénales, mais ces poursuites, y compris leur aboutissement, doivent être pleinement conformes aux principes et dispositions de la Convention tels que précisés dans la présente observation générale.

32.L’article 4 des Règles de Beijing prescrit, dans les systèmes juridiques qui reconnaissent la notion de seuil de responsabilité pénale, de ne pas fixer ce seuil trop bas eu égard aux problèmes de maturité affective, psychologique et intellectuelle. Conformément à cette règle, le Comité a recommandé à des États parties de ne pas fixer à un niveau trop bas l’âge minimum de la responsabilité pénale ou bien de relever cet âge minimum, là où il est trop faible, pour le porter à un niveau acceptable sur le plan international. Il ressort de ces recommandations que le Comité considère comme inacceptable sur le plan international de fixer l’âge minimum de la responsabilité pénale en dessous de 12 ans. Des États parties sont encouragés à relever l’âge trop bas de la responsabilité pénale pour le porter à 12 ans, âge qui constitue un minimum absolu, et à continuer de le relever progressivement.

33.Le Comité appelle, le cas échéant, les États parties à ne pas abaisser leur âge minimum de la responsabilité pénale pour le ramener à 12 ans. Un âge minimum de la responsabilité pénale plus élevé, 14 ou 16 ans par exemple, contribue à un système de justice pour mineurs permettant, conformément au paragraphe 3 b) de l’article 40 de la Convention, de traiter les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire et en veillant au plein respect des droits fondamentaux et des garanties légales en faveur de ces enfants. Dans leur rapport, les États parties devraient, à ce propos, fournir au Comité des données précises et détaillées sur la manière dont sont traités, en application de leurs dispositions législatives, les enfants n’ayant pas l’âge minimum de la responsabilité pénale mais suspectés, accusés ou convaincus d’infraction pénale, ainsi que sur les types de garanties légales en place pour veiller à ce que leur traitement soit aussi équitable et juste que le traitement réservé aux enfants ayant l’âge minimum de la responsabilité pénale ou plus.

34.Le Comité tient à exprimer son inquiétude face à la pratique consistant à tolérer des exceptions à la règle de l’âge minimum de la responsabilité pénale en permettant d’appliquer un âge minimum plus faible, par exemple quand un enfant est accusé d’avoir commis une infraction grave ou est considéré posséder un degré de maturité suffisant pour être tenu pénalement responsable. Le Comité recommande vigoureusement que les États parties fixent un âge minimum de la responsabilité pénale sans prévoir d’exception.

35.Si, faute de preuve, il ne peut être établi qu’un enfant a l’âge minimum de la responsabilité pénale ou plus, il n’est pas tenu pénalement responsable (voir aussi plus loin le paragraphe 39).

Âge plafond d’admissibilité au bénéfice de la justice pour mineurs

36.Le Comité souhaite aussi appeler l’attention des États parties sur l’âge limite supérieur d’admissibilité au bénéfice des règles de la justice pour mineurs. Ces règles particulières − en matière de procédure comme en matière de déjudiciarisation et de mesures spéciales − doivent s’appliquer à tous les individus qui, au moment où ils ont commis l’infraction qui leur est imputée (ou l’acte délictueux en vertu de la loi pénale), avaient moins de 18 ans mais plus que l’âge minimum de la responsabilité pénale fixé dans le pays considéré.

37.Le Comité tient à rappeler aux États parties qu’ils ont reconnu le droit de chaque enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale d’être traité conformément aux dispositions de l’article 40 de la Convention, ce qui signifie que tout individu, qui avait moins de 18 ans au moment où il a commis l’infraction qui lui est imputée, doit être traité conformément aux règles de la justice pour mineurs.

38.Le Comité recommande donc aux États parties, qui restreignent l’applicabilité des règles de la justice pour mineurs aux enfants âgés de moins de 16 ans (ou plus jeunes encore) ou autorisent à titre exceptionnel que des enfants âgés de 16 ou 17 ans soient traités comme des délinquants adultes, modifient leur loi en vue d’assurer une application intégrale et non discriminatoire de leurs règles relatives à la justice pour mineurs à toutes les personnes âgées de moins de 18 ans. Le Comité note avec satisfaction que des États parties autorisent, en règle générale ou à titre exceptionnel, l’application des normes et règles de la justice pour mineurs à des personnes âgées de 18 ans révolus et plus, habituellement jusqu’à l’âge de 21 ans.

39.Le Comité tient enfin à souligner qu’il est crucial pour la pleine application de l’article 7 de la Convention, qui exige notamment, que tout enfant soit enregistré dès sa naissance, de fixer des âges plancher ou plafond, comme c’est le cas pour tous les États parties. Un enfant qui ne peut produire d’élément probant de la date de sa naissance est extrêmement vulnérable à tous les types d’abus et d’injustice dans sa famille, ainsi qu’en matière de conditions d’emploi, d’éducation et d’accès au travail et, plus particulièrement, que dans le système de justice pénale. Un extrait d’acte de naissance doit être délivré gratuitement à tout enfant qui en a besoin pour prouver son âge. À défaut de la preuve de son âge, l’enfant a le droit à un examen médical fiable ou à une enquête sociale propre à déterminer son âge et, en cas d’éléments non concluants ou divergents, a le droit au bénéfice du doute.

D. Garanties d’un procès équitable

40.Le paragraphe 2 de l’article 40 de la Convention dresse une liste importante de droits et de garanties qui visent à ce que tout enfant suspecté ou accusé d’infraction à la loi pénale ait droit à un traitement et à un procès équitables. La plupart de ces garanties sont également consacrées par l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Comité des droits de l’homme a examiné en profondeur dans son Observation générale no 13 (1984) (Administration de la justice), qui est en cours de révision. L’application de ces garanties aux enfants présente toutefois des particularités qui sont traitées dans la présente section. Avant de poursuivre, le Comité tient à souligner que la mise en œuvre pleine et effective de ces droits ou garanties dépend avant tout de la qualité des personnes qui interviennent dans l’administration de la justice pour mineurs. La formation des professionnels, tels que les agents de police, les procureurs, les représentants légaux et autres de l’enfant, les juges, les agents de probation, les travailleurs sociaux et d’autres, est essentielle et doit être systématique et continue. Ces professionnels doivent avoir une bonne connaissance de la situation de l’enfant et, en particulier, du développement physique, psychologique, mental et social de l’adolescent, ainsi que des besoins particuliers des enfants les plus vulnérables, tels que les enfants handicapés, les enfants déplacés, les enfants des rues, les enfants réfugiés et demandeurs d’asile et les enfants appartenant à des minorités raciales, ethniques, religieuses, linguistiques ou autres (voir plus haut les paragraphes 6 à 9). Les filles ne représentant qu’un petit groupe dans le système de justice pour mineurs et passant donc souvent inaperçues, une attention particulière doit être prêtée à leurs besoins particuliers, par exemple un passé de maltraitance ou des besoins spéciaux en matière de santé. Les professionnels et personnels doivent agir, en toutes circonstances, d’une manière conforme à la dignité et à la valeur personnelle de l’enfant, qui renforce son respect pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales d’autrui et qui facilite sa réintégration dans la société et lui fasse assumer un rôle constructif au sein de celle‑ci (art. 40 1)). Toutes les garanties énoncées au paragraphe 2 de l’article 40, examinées ci‑après, sont des garanties minimales, ce qui signifie que les États parties peuvent et doivent s’efforcer de définir et d’appliquer des normes plus strictes, par exemple dans les domaines de l’assistance juridique et de la participation de l’enfant et de ses parents à la procédure judiciaire.

Pas de justice rétroactive pour les mineurs (art. 40 2 a))

41.Aux termes du paragraphe 2 a) de l’article 40 de la Convention, le principe selon lequel nul ne sera convaincu d’infraction à la loi pénale en raison d’actions ou d’omissions qui n’étaient pas interdites par le droit national ou international au moment où elles ont été commises s’applique également aux enfants (voir aussi l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). Cela signifie qu’aucun enfant ne peut être accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, n’étaient pas interdites par le droit national ou international. De nombreux États parties ayant récemment renforcé et/ou élargi leur législation pénale pour prévenir et combattre le terrorisme, le Comité recommande aux États parties de s’assurer que ces changements n’amènent pas à sanctionner rétroactivement ou involontairement des enfants. Le Comité souhaite également rappeler aux États parties que le principe défini à l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lequel il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise, est, au regard de l’article 41 de la Convention, applicable aux enfants dans les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Aucun enfant ne doit faire l’objet d’une peine plus forte que celle qui était applicable au moment où il a commis l’infraction pénale en cause. Si une modification de la loi après la commission de l’acte prévoit une peine plus légère, l’enfant doit en bénéficier.

Présomption d’innocence (art. 40 2 b) i))

42.Essentielle pour la protection des droits fondamentaux de l’enfant en conflit avec la loi, la présomption d’innocence signifie que la charge de la preuve incombe à l’accusation. L’enfant suspecté ou accusé d’infraction à la loi pénale jouit du bénéfice du doute et n’est reconnu coupable que si les charges qui pesaient contre lui ont été prouvées au‑delà de tout doute raisonnable. L’enfant a le droit d’être traité conformément à ce principe et il est donc du devoir de toutes les autorités publiques ou autres parties concernées de s’abstenir de préjuger de l’issue d’un procès. Les États parties doivent diffuser des informations sur le développement de l’enfant pour faire respecter le principe de présomption d’innocence dans la pratique. Par ignorance de la procédure, par immaturité, par crainte ou pour d’autres motifs, l’enfant peut agir de manière suspecte mais les autorités ne doivent pas présumer qu’il est coupable tant que la culpabilité n’a pas été établie au‑delà de tout doute raisonnable.

Droit d’être entendu (art. 12)

43.Le paragraphe 2 de l’article 12 de la Convention dispose que l’enfant doit avoir la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.

44.Pour l’enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale, le droit d’être entendu est à l’évidence fondamental dans le cadre d’un procès équitable. Il est tout aussi évident que l’enfant a le droit d’être entendu directement, et non pas seulement par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, si tel est son intérêt supérieur. Il faut respecter scrupuleusement ce droit à tous les stades de la procédure, à commencer par la phase précédant le procès durant laquelle l’enfant a le droit de garder le silence et le droit d’être entendu par la police, l’accusation et le juge d’instruction. Ce droit s’applique aussi à la phase du jugement et à celle de l’exécution des mesures imposées. En d’autres termes, l’enfant doit avoir la possibilité d’exprimer librement ses vues, lesquelles doivent être dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité (par. 1 de l’article 12) tout au long du processus de justice pour mineurs. Cela signifie que l’enfant, pour pouvoir participer effectivement à la procédure, doit être informé non seulement des accusations portées contre lui (voir plus loin les paragraphes 47 et 48) mais aussi du processus de justice pour mineurs et des mesures qui peuvent être prises.

45.L’enfant doit avoir la possibilité d’exprimer ses vues concernant les mesures (de substitution) susceptibles d’être prononcées et il faut prendre dûment en considération les souhaits ou préférences spécifiques qu’il peut avoir à ce sujet. Conclure à la responsabilité pénale de l’enfant suppose que l’intéressé soit juridiquement apte et puisse participer effectivement aux décisions concernant la réponse la plus appropriée aux allégations de violation du droit pénal (voir le paragraphe 46 ci‑après). C’est aux juges compétents qu’il appartient de prendre les décisions. Cela étant, le fait de traiter l’enfant comme un objet passif ne permet pas de reconnaître ses droits ni de trouver une réponse appropriée à ses agissements. Cela est également valable pour l’exécution des mesures imposées, l’expérience montrant que la participation active de l’enfant dans ce domaine donne la plupart du temps de bons résultats.

Droit de participer effectivement à la procédure (art. 40 2 b) iv ))

46.Un procès équitable suppose que l’enfant suspecté ou accusé d’infraction à la loi pénale puisse participer effectivement au procès et, partant, comprendre les accusations portées contre lui, ainsi que les conséquences et sanctions éventuelles, afin de fournir des instructions à son représentant légal, de confronter les témoins, de présenter sa version des faits et de prendre des décisions appropriées concernant les éléments de preuve, les témoignages et les mesures à prononcer. En vertu de l’article 14 des Règles de Beijing, la procédure doit se dérouler dans un climat de compréhension, permettant à l’enfant d’y participer et de s’exprimer librement. Il peut également se révéler nécessaire de modifier les procédures d’audience en fonction de l’âge et du degré de maturité de l’enfant.

Droit d’être informé dans le plus court délai et directement des accusations (art. 40 2 b) ii ))

47.Tout enfant suspecté ou accusé d’infraction à la loi pénale a le droit d’être informé dans le plus court délai et directement des accusations portées contre lui, ce qui signifie qu’il doit en être informé dès que possible, à savoir dès que le procureur ou le juge prennent les premières mesures de procédure à l’encontre de l’enfant. De même, lorsque les autorités décident de s’occuper de l’affaire sans recourir à la procédure judiciaire, l’enfant doit être informé des accusations qui peuvent justifier cette démarche, conformément au paragraphe 3 b) de l’article 40 de la Convention en vertu duquel les garanties légales doivent être pleinement respectées. L’enfant doit être informé dans une langue qu’il comprend, ce qui suppose éventuellement de lui soumettre les informations dans une langue étrangère, mais aussi de lui «traduire» en des termes qu’il peut comprendre le jargon juridique officiel bien souvent utilisé dans les procédures pénales pour mineurs.

48.Présenter un document officiel à l’enfant ne suffit pas, il est souvent nécessaire de lui fournir une explication orale. Les autorités ne doivent pas en la matière s’en remettre aux parents ou aux tuteurs légaux de l’enfant ou bien encore à l’assistance juridique ou toute autre assistance. Il est du devoir des autorités (par exemple d’un policier, d’un procureur ou d’un juge) de s’assurer que l’enfant comprend chaque accusation portée contre lui. Le Comité estime qu’informer les parents ou tuteurs de l’enfant ne saurait remplacer le fait d’informer l’enfant en personne. Le mieux est de s’assurer que l’enfant et ses parents ou tuteurs légaux comprennent les accusations et leurs conséquences éventuelles.

Droit de bénéficier d’une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriée (art. 40 2 b) ii ))

49.L’enfant doit bénéficier d’une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriée pour la préparation et la présentation de sa défense. La Convention exige que l’enfant bénéficie d’une assistance qui, si elle n’est pas forcément juridique, doit être appropriée. Les modalités de fourniture de l’assistance sont laissées à l’appréciation des États parties mais, en tout état de cause, l’assistance doit être gratuite. Le Comité recommande aux États parties de fournir autant que possible une assistance juridique adaptée, notamment par l’intermédiaire d’avocats ou d’auxiliaires juridiques dûment formés. Une assistance appropriée peut aussi être apportée par d’autres personnes (par exemple un travailleur social) mais ces personnes doivent alors avoir une connaissance et une compréhension suffisantes des différents aspects juridiques du processus de justice pour mineurs et être formées pour travailler avec des enfants en conflit avec la loi.

50.Conformément au paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’enfant et la personne chargée de l’aider doivent disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. La confidentialité des communications entre l’enfant et cette personne, qu’elles soient écrites ou orales, doit être pleinement respectée, conformément aux garanties prévues au paragraphe 2 b) vii) de l’article 40 de la Convention, et au droit de l’enfant à être protégé contre toute immixtion dans sa vie privée et sa correspondance (art. 16 de la Convention). Un certain nombre d’États parties ont formulé des réserves à l’égard des dispositions du paragraphe 2 b) ii) de l’article 40 de la Convention, estimant apparemment qu’elles entraînaient l’obligation exclusive de fournir une assistance juridique et, partant, les services d’un avocat. Tel n’est pas le cas et ces réserves peuvent et doivent être levées.

Droit d’être entendu sans retard et en présence des parents (art. 40 2 b) iii ))

51.Le consensus international est que pour les enfants en conflit avec la loi le délai entre la commission de l’infraction et la sanction finale doit être aussi court que possible. Plus le temps passe, plus la sanction perd de sa valeur pédagogique et plus l’enfant est stigmatisé. À cet égard, le Comité renvoie aussi à l’article 37 d) de la Convention, qui dispose que l’enfant privé de liberté a droit à ce qu’une décision rapide soit prise afin de pouvoir contester la légalité de sa privation de liberté. Le terme «rapide» est plus fort − ce à juste titre vu la gravité d’une mesure de privation de liberté − que l’expression «sans retard» employée au paragraphe 2 b) iii) de l’article 40 de la Convention et elle-même plus forte que l’expression «sans retard excessif» utilisée au paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

52.Le Comité recommande aux États parties de fixer et de faire respecter des délais maxima entre la commission de l’infraction et l’achèvement de l’enquête policière, la décision du procureur (ou tout autre organe compétent) d’inculper l’enfant et le prononcé du jugement par le tribunal ou tout autre organe judiciaire compétent. Ces délais doivent être sensiblement plus courts que pour les adultes. Toutefois, si les décisions doivent être adoptées avec diligence, elles doivent résulter d’un processus durant lequel les droits fondamentaux de l’enfant et les garanties légales en sa faveur sont pleinement respectés. Une assistance juridique ou toute autre assistance appropriée doit aussi être fournie, non seulement à l’audience de jugement devant un tribunal ou tout autre organe judiciaire, mais à tous les stades du processus, à commencer par l’interrogatoire de l’enfant par la police.

53.Les parents ou tuteurs légaux doivent aussi participer à la procédure car ils peuvent fournir une assistance générale, psychologique et affective à l’enfant. La présence des parents ne signifie pas qu’ils peuvent défendre l’enfant ou participer à la prise de décisions. Le juge ou l’autorité compétente peut cependant décider de limiter, restreindre ou refuser la participation des parents à la procédure, à la demande de l’enfant ou de la personne chargée de lui fournir une assistance juridique ou toute autre assistance appropriée, ou parce que cela n’est pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3 de la Convention).

54.Le Comité recommande aux États parties de garantir expressément par la loi la participation la plus large possible des parents ou tuteurs légaux à la procédure dont l’enfant fait l’objet. En règle générale, cette participation contribue à trouver une réponse appropriée à l’infraction pénale commise par l’enfant. Afin de favoriser leur participation, les parents doivent être informés dès que possible de l’arrestation de leur enfant.

55.Parallèlement, le Comité déplore la tendance de certains pays à sanctionner les parents pour les infractions commises par leurs enfants. Si dans certains cas, limités, la responsabilité civile des parents peut être engagée en raison des dommages causés par leurs enfants, en particulier les plus jeunes (de moins de 16 ans par exemple), la criminalisation des parents ne contribuera guère à faire d’eux des partenaires actifs dans la réinsertion sociale de leur enfant.

Droit d’être entendu sans retard et en présence des parents (art. 40 2 b) iii ))

56.Dans le même esprit que le paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention dispose que l’enfant ne peut être contraint de témoigner ou de s’avouer coupable, ce qui signifie en fait que tout acte de torture ou tout traitement cruel, inhumain ou dégradant visant à extorquer des aveux à un enfant constitue une grave violation de ses droits (art. 37 a) de la Convention) et est fondamentalement inacceptable. Aucune déclaration ni aucun aveu ainsi obtenu ne peut être retenu comme élément de preuve (art. 15 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants).

57.De nombreux autres moyens, moins violents, permettent de contraindre ou d’amener l’enfant à faire des aveux ou à s’avouer coupable. L’expression «contraint de» doit s’interpréter au sens large et ne pas se limiter à la force physique ou à toute autre violation flagrante des droits de l’homme. L’âge de l’enfant, son degré de développement, la durée de son interrogatoire, son incompréhension, sa crainte de conséquences inconnues ou d’une possibilité d’emprisonnement peuvent le conduire à faire des aveux mensongers. C’est encore plus probable si on fait miroiter à l’enfant des promesses telles que «tu pourras rentrer chez toi dès que tu nous auras dit ce qui s’est vraiment passé», des sanctions plus légères ou une remise en liberté.

58.L’enfant interrogé doit avoir accès à un représentant légal ou tout autre représentant approprié et pouvoir demander sa présence pendant l’interrogatoire. Un contrôle indépendant doit être exercé sur les méthodes d’interrogatoire afin de s’assurer que les éléments de preuve ont été fournis volontairement, et non sous la contrainte, compte tenu de l’ensemble des circonstances, et sont fiables. Lorsqu’il s’agit de déterminer le caractère volontaire et la fiabilité des déclarations ou aveux faits par l’enfant, le tribunal ou tout autre organe judiciaire doit tenir compte de l’âge de l’enfant, de la durée de la garde à vue et de l’interrogatoire, ainsi que de la présence du conseil juridique ou autre, du/des parent(s), ou des représentants indépendants de l’enfant. Les agents de police et autres personnes chargés de l’interrogatoire doivent être dûment formés pour apprendre à éviter les techniques et pratiques risquant de déboucher sur des aveux ou témoignages peu fiables ou obtenus sous la contrainte.

Comparution et interrogatoire des témoins (art. 40 2 b) iv ))

59.Les garanties prévues au paragraphe 2 b) iv) de l’article 40 de la Convention montrent bien que le principe de l’égalité des armes (égalité ou parité entre la défense et l’accusation) doit être respecté dans le système de justice pour mineurs. L’expression «interroger ou faire interroger» renvoie aux distinctions qui existent entre les systèmes juridiques, en particulier entre les procès accusatoires et les procès inquisitoires. Dans ce dernier cas, l’accusé a souvent la possibilité d’interroger les témoins même s’il use rarement de ce droit, laissant ce soin à l’avocat ou, dans le cas d’enfants, à un autre organe approprié. Il n’en reste pas moins important que l’avocat ou tout autre représentant informe l’enfant qu’il a la possibilité d’interroger les témoins et d’exprimer ses vues à cet égard, vues qui doivent être dûment prises en considération eu égard à l’âge et au degré de maturité de l’enfant (art. 12 de la Convention).

Droit de faire appel (art. 40 2 b) v))

60.L’enfant a le droit de faire appel de la décision de culpabilité et des mesures imposées en conséquence. Une autorité ou instance judiciaire supérieure compétente, indépendante et impartiale, en d’autres termes, une instance qui répond aux mêmes normes et exigences que celle ayant examiné l’affaire en première instance, statue sur cet appel. Ce droit est semblable à celui défini au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le droit de faire appel ne se limite pas aux infractions les plus graves.

61.C’est sans doute pourquoi de nombreux États parties ont émis des réserves visant cette disposition, leur intention étant de limiter aux infractions les plus graves et/ou aux peines d’emprisonnement le droit de l’enfant de faire appel. Le Comité rappelle aux États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qu’une disposition du même ordre figure au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. À la lumière de l’article 41 de la Convention, cela signifie que cet article reconnaît à tout enfant jugé le droit de faire appel. Le Comité recommande aux États parties de lever leurs réserves au paragraphe 2 b) v) de l’article 40.

Droit de se faire assister gratuitement d’un interprète (art. 40 2 vi ))

62.S’il ne comprend ou ne parle pas la langue utilisée dans le système de justice pour mineurs, l’enfant a le droit de se faire assister gratuitement d’un interprète. Cette assistance doit être fournie tant lors du procès qu’aux autres stades du processus de justice pour mineurs. Il importe aussi que l’interprète ait été formé à travailler avec les enfants, ces derniers n’utilisant pas et ne comprenant pas forcément leur langue maternelle comme les adultes. L’ignorance et/ou l’inexpérience de l’enfant peut l’empêcher de bien comprendre les questions posées et d’exercer son droit à un procès équitable et à une participation effective. Le «s’il» figurant dans l’expression «s’il ne comprend ou ne parle pas la langue utilisée» signifie que l’enfant d’origine étrangère ou ethnique par exemple, qui, outre sa langue maternelle, comprend et parle la langue officielle, n’a pas à se faire assister gratuitement d’un interprète.

63.Le Comité souhaite aussi appeler l’attention des États parties sur les enfants atteints de troubles de la parole ou d’autres handicaps. Dans l’esprit du paragraphe 2 vi) de l’article 40 et conformément aux mesures de protection spéciales prévues pour les enfants handicapés à l’article 23, le Comité recommande aux États parties de s’assurer que les enfants atteints de troubles de la parole ou d’autres handicaps bénéficient de l’assistance adéquate et effective de professionnels dûment formés, par exemple dans la langue des signes, s’ils font l’objet d’une procédure de justice (à ce sujet voir également l’Observation générale no 9 (Les droits de l’enfant handicapé) du Comité des droits de l’enfant.

Droit au plein respect de sa vie privée (art. 16 et art. 40 2 b) vii ))

64.Le droit de l’enfant au plein respect de sa vie privée à tous les stades de la procédure fait écho au droit à la protection de la vie privée que consacre l’article 16 de la Convention. L’expression «à tous les stades de la procédure» signifie que la vie privée doit être respectée dès le premier contact avec les forces de l’ordre (par exemple lors d’une demande d’information et d’identification) jusqu’à ce qu’une autorité compétente prenne une décision finale ou que l’enfant soit relâché (qu’il ait été placé en surveillance, en garde à vue ou en détention). Dans ce contexte précis, il s’agit d’éviter de porter préjudice à l’enfant par une publicité inutile et par la qualification pénale. Aucune information pouvant conduire à l’identification de l’enfant délinquant ne doit être publiée car elle pourrait aboutir à sa stigmatisation, l’empêcher d’avoir accès à l’éducation, au travail ou au logement ou compromettre sa sécurité. Les autorités publiques doivent donc se montrer très prudentes avec les communiqués de presse relatifs à des infractions imputées à des enfants et n’y avoir recours qu’à titre très exceptionnel. Elles doivent veiller à ce que l’identité des enfants ne puisse être révélée par de tels communiqués. Les journalistes qui violent le droit à la vie privée de l’enfant en conflit avec la loi doivent faire l’objet de sanctions disciplinaires voire, au besoin (en cas de récidive par exemple), pénales.

65.Afin de protéger la vie privée de l’enfant, la plupart des États parties imposent, à de rares exceptions près, que le procès ou l’audition de l’enfant accusé d’infraction à la loi pénale se tienne à huis clos. Peuvent toutefois être présents les experts ou d’autres professionnels ayant une autorisation spéciale du tribunal. Dans le système de justice pour mineurs, les audiences publiques ne doivent être possibles que dans des cas bien précis et sur décision écrite du tribunal, l’enfant devant avoir la possibilité de faire appel de cette décision.

66.Le Comité recommande à tous les États parties d’adopter la règle selon laquelle le procès ou l’audition de l’enfant en conflit avec la loi se tient à huis clos. Les exceptions à cette règle doivent être très limitées et clairement définies par la loi. Le verdict/le jugement doit être prononcé en public lors d’une audience du tribunal de telle sorte que l’identité de l’enfant ne soit pas divulguée. Le droit à la vie privée (art. 16) impose que tous les professionnels intervenant dans l’exécution des mesures décrétées par le tribunal ou toute autre autorité compétente respectent, dans le cadre de leurs contacts extérieurs, la confidentialité de toutes les informations risquant de permettre l’identification de l’enfant. Le droit à la vie privée signifie en outre que les archives concernant les jeunes délinquants doivent être considérées strictement confidentielles et incommunicables à des tiers, hormis les personnes directement concernées par l’enquête et le jugement de l’affaire. Afin d’éviter toute stigmatisation et/ou tout jugement préconçu, il ne peut être fait état des antécédents d’un jeune délinquant dans des poursuites ultérieures contre des adultes dans une affaire impliquant ce même délinquant (voir les Règles de Beijing, art. 21.1 et 21.2) ou pour alourdir toute condamnation ultérieure.

67.Le Comité recommande également aux États parties d’adopter des règles permettant de supprimer automatiquement du casier judiciaire le nom de l’enfant délinquant lorsqu’il atteint l’âge de 18 ans. Pour certaines infractions graves, la suppression est possible à la requête de l’enfant, si nécessaire sous certaines conditions (par exemple ne pas avoir commis d’infraction dans les deux ans suivant la dernière condamnation).

E. Mesures (voir également plus haut chap. IV, partie B)

Mesures de substitution à la détention avant jugement

68.La décision d’engager une procédure pénale officielle ne signifie pas nécessairement qu’au final, l’enfant doit faire l’objet d’une condamnation judiciaire proprement dite. Conformément aux observations formulées plus haut à la section B, le Comité tient à souligner que les autorités compétentes − dans la plupart des États, le bureau du Procureur général – devraient régulièrement étudier les alternatives possibles à la condamnation judiciaire. En d’autres termes, il conviendrait de poursuivre les efforts visant à clore le dossier de manière appropriée, en prévoyant des mesures du type de celles exposées dans la section B. Les mesures que décide l’autorité de poursuite peuvent, de par leur nature et leur durée, nécessiter un surcroît d’efforts, ce qui implique que l’enfant bénéficie d’une assistance, juridique ou autre, adaptée. L’exécution d’une telle mesure devrait être présentée à l’enfant comme une manière de suspendre la procédure pénale ou de justice pour mineurs, qui sera close si la mesure est exécutée de manière satisfaisante.

69.Dans cette volonté d’offrir d’autres options que la condamnation judiciaire au niveau de l’autorité de poursuites, les droits fondamentaux de l’enfant et les garanties légales en sa faveur devraient être pleinement respectés. À ce propos, le Comité renvoie aux recommandations figurant plus haut au paragraphe 27, qui s’appliquent également en l’espèce.

Décisions des tribunaux et juges pour enfants

70.Au terme d’un procès juste et équitable pleinement conforme aux dispositions de l’article 40 de la Convention (voir plus haut chap. IV, sect. D), une décision est prise quant aux mesures à prononcer contre l’enfant reconnu coupable d’une infraction. La législation doit offrir au tribunal, au juge ou à toute autre instance judiciaire ou autorité compétente, indépendante et impartiale, diverses options autres que le placement en institution et la privation de liberté, énumérées non limitativement au paragraphe 4 de l’article 40 de la Convention, afin que la privation de liberté ne soit qu’une mesure de dernier ressort et d’une durée aussi brève que possible (art. 37 b) de la Convention).

71.Le Comité tient à souligner que la réaction à une infraction devrait toujours être proportionnée non seulement aux circonstances et à la gravité du délit, mais aussi à l’âge, à la culpabilité atténuée, aux circonstances et aux besoins de l’enfant, ainsi qu’aux besoins de la société à long terme. Une approche exclusivement répressive n’est pas conforme aux principes conducteurs de la justice pour mineurs exposés au paragraphe 1 de l’article 40 de la Convention (voir plus haut par. 5 à 14). Le Comité réaffirme que les châtiments corporels en tant que sanction constituent une violation de ces principes et des dispositions de l’article 37, qui interdit toutes les formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (voir également l’Observation générale no 8 du Comité (Le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments) (2006). Dans les cas de délits graves commis par des enfants, on peut envisager des mesures proportionnées à la situation du délinquant et à la gravité de la faute mais tenant compte du besoin de sécurité publique et de sanctions. Dans le cas d’un enfant, le bien‑être et l’intérêt supérieur de l’intéressé, ainsi que la promotion de sa réinsertion, doivent toujours l’emporter sur ces considérations.

72.Le Comité note que, si une disposition pénale est liée à l’âge de l’enfant et que la preuve de cet âge n’est pas établie de manière certaine, l’enfant a le droit au bénéfice du doute (voir aussi plus haut les paragraphes 35 et 39).

73.Les enseignements tirés de l’expérience acquise en matière de recours aux diverses options autres que la privation de liberté et le placement en institution et à leur application sont nombreux. Les États parties devraient s’en inspirer pour élaborer et mettre en œuvre des solutions de remplacement adaptées à leur culture et à leur tradition. Les mesures du type travail forcé, torture ou traitement inhumain ou dégradant doivent bien entendu être expressément interdites et les personnes responsables de telles pratiques illégales devraient être traduites en justice.

74.Après ces remarques d’ordre général, le Comité tient à appeler l’attention sur les mesures qu’interdit l’article 37 a) de la Convention et sur la privation de liberté.

Interdiction de la peine de mort

75.L’article 37 a) de la Convention réaffirme la norme acceptée sur le plan international (voir par exemple le paragraphe 5 de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) selon laquelle il est interdit d’imposer une sentence de mort à une personne qui avait moins de 18 ans au moment où elle a commis l’infraction en cause. Le texte a beau être clair, certains États parties estiment que cette règle ne fait qu’interdire l’exécution des personnes âgées de moins de 18 ans. La norme dispose pourtant que le seul et unique critère décisif est l’âge au moment de la commission de l’infraction. Cela signifie que la peine capitale ne peut être prononcée contre une personne qui avait moins de 18 ans au moment où elle a commis l’infraction qui lui est reprochée, quel que soit son âge à la date du procès, du verdict ou de l’exécution de la sanction.

76.Le Comité recommande aux quelques États parties ne l’ayant pas encore fait d’abolir la peine de mort pour toutes les infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans et d’instituer un moratoire sur l’exécution de toutes les peines capitales prononcées à leur encontre jusqu’à ce que les mesures législatives nécessaires à l’abolition de la peine de mort pour les enfants soient adoptées. Toute peine de mort déjà prononcée devrait être commuée en une sanction conforme aux dispositions de la Convention.

Pas de peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle

77.Aucune personne âgée de moins de 18 ans au moment où elle a commis une infraction ne devrait être condamnée à la prison à perpétuité sans possibilité de libération, y compris conditionnelle. Pour toutes les peines prononcées à l’encontre d’enfants, la possibilité d’une libération conditionnelle devrait être bien réelle et examinée périodiquement. À ce propos, le Comité renvoie à l’article 25 de la Convention, qui confère le droit à un examen périodique à tous les enfants placés pour recevoir des soins, une protection ou un traitement. Le Comité rappelle aux États parties qui condamnent des enfants à de la prison à vie avec la possibilité d’être libérés, y compris conditionnellement, que cette sanction doit être pleinement conforme aux objectifs de la justice pour mineurs exposés au paragraphe 1 de l’article 40 de la Convention et viser à leur réalisation. Cela signifie notamment que l’enfant condamné à une telle peine d’emprisonnement devrait recevoir une éducation, un traitement et des soins dans l’optique de sa libération, de sa réinsertion et de son aptitude à assumer un rôle constructif dans la société. Cela nécessite aussi d’examiner périodiquement le développement et les progrès de l’enfant afin de décider de son éventuelle libération. Comme il est probable que l’imposition d’une peine d’emprisonnement à perpétuité à un enfant rende très difficile, voire empêche la réalisation des objectifs de la justice pour mineurs, en dépit même de la possibilité de libération, le Comité recommande instamment aux États parties d’abolir toutes les formes d’emprisonnement à vie pour des infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans.

F. Privation de liberté, y compris la détention avant

jugement et l’incarcération après jugement

78.L’article 37 de la Convention porte sur les principes conducteurs du recours à la privation de liberté, les droits procéduraux de tout enfant privé de liberté et les dispositions relatives au traitement et aux conditions de détention des enfants privés de liberté.

Principes fondamentaux

79.Les principes conducteurs du recours à la privation de liberté sont que: a) l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible; b) nul enfant ne doit être privé de liberté de façon illégale ou arbitraire.

80.Le Comité note avec inquiétude que dans de nombreux pays les enfants sont maintenus en détention avant jugement pendant des mois, voire des années, ce qui constitue une grave violation de l’article 37 b) de la Convention. Les États parties doivent disposer d’un ensemble efficace de solutions de remplacement (voir plus haut chap. IV, sect. B) pour s’acquitter de l’obligation qui est la leur, en vertu de l’article 37 b) de la Convention, dene recourir à la privation de liberté qu’en dernier ressort. Le recours à ces mesures de substitution doit être organisé soigneusement dans le souci de réduire le nombre de décisions de détention avant jugement sans risquer de multiplier le nombre d’enfants sanctionnés du fait de «l’élargissement de la nasse». Les États parties devraient en outre prendre des mesures législatives ou autres propres à réduire le recours à la détention avant jugement. Recourir à la détention avant jugement à titre de sanction viole la présomption d’innocence. La loi devrait clairement indiquer les conditions encadrant le placement ou le maintien en détention avant jugement d’un enfant, notamment la garantie de sa présence au procès, le fait qu’il représente un danger immédiat pour lui‑même ou pour autrui. La durée de la détention avant jugement devrait être limitée par la loi et faire l’objet d’un examen périodique.

81.Le Comité recommande aux États parties de veiller à ce qu’un enfant puisse être sorti de détention avant jugement au plus tôt, si nécessaire sous certaines conditions. Les décisions relatives à la détention avant jugement, en particulier sa durée, devraient être prises par une autorité ou une instance judiciaire compétente, indépendante et impartiale, et l’enfant devrait pouvoir bénéficier d’une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriée.

Droits procéduraux (art. 37 d))

82.Les enfants privés de liberté ont le droit d’avoir accès rapidement à l’assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée, de contester la légalité de leur privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente, indépendante et impartiale, et à la prise rapide d’une décision en la matière.

83.Tout enfant arrêté et privé de liberté devrait, dans les vingt‑quatre heures, être présenté à une autorité compétente chargée d’examiner la légalité (de la poursuite) de la privation de liberté. Le Comité recommande aussi aux États parties de garantir, par des dispositions juridiques strictes, le réexamen périodique, dans l’idéal toutes les deux semaines, de la légalité d’une décision de mise en détention avant jugement. Si la libération conditionnelle de l’enfant, par exemple au titre de mesures de substitution, n’est pas possible, il doit être officiellement inculpé des faits qui lui sont reprochés et comparaître devant un tribunal ou une autre autorité ou instance judiciaire compétente, indépendante et impartiale, dans les trente jours suivant la prise d’effet de sa détention avant jugement. Face à la pratique de l’ajournement, souvent répété, des audiences, le Comité engage les États parties à adopter les dispositions légales nécessaires pour garantir que les tribunaux et les juges pour mineurs ou autre autorité compétente rendent une décision finale sur les charges dans les six mois suivant leur présentation.

84.Le droit de contester la légalité de la privation de liberté s’entend non seulement du droit de faire appel, mais aussi du droit d’accéder à un tribunal ou une autre autorité ou instance judiciaire compétente, indépendante et impartiale, lorsque la privation de liberté découle d’une décision administrative (par exemple, de la police, du procureur ou de toute autre autorité compétente). Le droit à une décision rapide signifie que la décision doit être rendue dès que possible, par exemple dans les deux semaines suivant le recours.

Traitement et conditions de détention (art. 37 c))

85.Tout enfant privé de liberté doit être séparé des adultes. Un enfant privé de liberté ne doit pas être placé dans un centre de détention ou autre établissement pour adultes. De nombreux éléments indiquent que le placement d’un enfant dans une prison pour adultes compromet sa sécurité fondamentale, son bien‑être et son aptitude ultérieure à ne pas replonger dans la criminalité et à se réinsérer. La seule exception admise à la séparation des enfants et des adultes, énoncée à l’article 37 c) de la Convention («à moins que l’on estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant»), devrait être interprétée au sens strict; l’intérêt supérieur de l’enfant ne peut pas être invoqué par commodité par les États parties. Ces derniers devraient se doter d’établissements séparés pour les enfants privés de liberté, mettant en œuvre du personnel, des politiques et des pratiques différents axés sur l’enfant.

86.Cette règle ne signifie par qu’un enfant placé dans un établissement pour enfants doit être transféré dans un établissement pour adultes dès ses 18 ans. Il devrait pouvoir rester dans le même établissement si tel est son intérêt et si cela ne nuit pas à l’intérêt supérieur des enfants plus jeunes placés dans cet établissement.

87.Tout enfant privé de liberté a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par des visites. Pour faciliter ces visites, l’enfant devrait être placé dans un établissement aussi proche que possible du domicile de sa famille. Les circonstances exceptionnelles susceptibles de limiter ces contacts devraient être clairement exposées dans la législation et ne pas être laissées à l’appréciation discrétionnaire des autorités compétentes.

88.Le Comité appelle l’attention des États parties sur les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, adoptées par l’Assemblée générale dans sa résolution 45/113 du 14 décembre 1990. Le Comité exhorte les États parties à appliquer pleinement ces règles, tout en tenant compte, dans la mesure du possible, de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (voir aussi l’article 9 des Règles de Beijing). À cet égard, le Comité recommande aux États parties d’intégrer ces règles dans leur législation et réglementation nationales et de les rendre accessibles, dans la langue nationale ou régionale, à tous les professionnels, ONG et bénévoles intervenant dans l’administration de la justice pour mineurs.

89.Le Comité tient à souligner que dans tous les cas de privation de liberté, il convient, entre autres, d’observer les principes et règles suivants:

Les enfants devraient bénéficier d’un environnement physique et de logements conformes à l’objectif de réadaptation assigné au traitement des mineurs détenus, compte dûment tenu de leurs besoins d’intimité et de stimulants sensoriels, se voir offrir des possibilités d’association avec leurs semblables et pouvoir se livrer à des activités sportives, d’exercice physique et de loisirs;

Tout enfant d’âge scolaire a le droit de recevoir une éducation adaptée à ses besoins et aptitudes et tendant à le préparer à son retour dans la société; en outre, tout enfant devrait, au besoin, recevoir une formation professionnelle propre à le préparer à la vie active;

Tout enfant a le droit d’être examiné par un médecin dès son admission dans un établissement de détention ou de redressement, et de recevoir, tout au long de son séjour, des soins médicaux qui devraient être dispensés, dans la mesure du possible, par des services de santé, notamment ceux de la communauté;

Les employés de l’établissement devraient encourager et faciliter des contacts fréquents entre l’enfant et l’extérieur, notamment les communications avec sa famille, ses amis, ainsi qu’avec des membres ou représentants d’organisations extérieures de bonne réputation, ainsi que la possibilité de se rendre chez lui et chez sa famille;

La contrainte ou la force ne peut être utilisée qu’en cas de menace imminente de voir l’enfant se blesser ou blesser autrui et après épuisement de tous les autres moyens de contrôle. L’usage de la contrainte ou de la force − moyens physiques, mécaniques et chimiques compris − devrait être surveillé directement et de près par un médecin et/ou un psychologue. Il ne doit jamais s’agir d’un moyen de sanction. Le personnel de l’établissement devrait recevoir une formation sur les normes applicables et il faudrait sanctionner de manière appropriée les employés qui recourent à la contrainte ou à la force en violation de ces règles et principes;

Toute mesure disciplinaire doit être compatible avec le respect de la dignité inhérente du mineur et les objectifs fondamentaux du traitement en établissement; les mesures disciplinaires violant l’article 37 de la Convention, telles que les châtiments corporels, la réclusion dans une cellule obscure, dans un cachot ou à l’isolement, et toute punition qui peut être préjudiciable à la santé physique ou mentale ou le bien‑être de l’enfant concerné doivent être strictement interdites;

Tout enfant devrait avoir le droit d’adresser, sans censure quant au fond, une requête ou une plainte à l’administration centrale des établissements pour mineurs, à l’autorité judiciaire ou à d’autres autorités compétentes indépendantes, et d’être informé sans délai de leur réponse; les enfants doivent avoir connaissance de ces mécanismes et pouvoir y accéder facilement;

Des inspecteurs indépendants et qualifiés devraient être habilités à procéder à des inspections régulières et à entreprendre de leur propre initiative des inspections non annoncées; ils devraient s’attacher tout particulièrement à parler, dans un cadre confidentiel, avec les enfants placés en établissement.

V. ORGANISATION DE LA JUSTICE POUR MINEURS

90.La pleine mise en œuvre des principes et des droits précisés dans les paragraphes précédents nécessite d’organiser efficacement l’administration de la justice pour mineurs et un système complet de justice pour mineurs. Comme le prescrit le paragraphe 3 de l’article 40 de la Convention, les États parties doivent s’efforcer de promouvoir l’adoption de lois et de procédures, ainsi que la mise en place d’autorités et d’institutions spécialement conçues pour les enfants en conflit avec la loi pénale.

91.La présente observation générale a pour objet d’exposer les dispositions fondamentales de pareilles lois et procédures. D’autres dispositions et procédures sont laissées à la discrétion des États parties, notamment quant à la forme. Elles peuvent être énoncées dans des chapitres spéciaux de la législation pénale et de la procédurale générale ou rassemblées en une loi spécifique sur la justice pour mineurs.

92.Un système complet de justice pour mineurs passe en outre par la création de services spécialisés au sein de la police, de l’appareil judiciaire, des tribunaux, du bureau de procureur, ainsi que par la nomination de défenseurs spécialisés ou autres représentants apportant à l’enfant une assistance juridique ou toute autre forme d’assistance appropriée.

93.Le Comité recommande aux États parties d’instituer des tribunaux pour mineurs en tant qu’entités séparées ou en tant que sous‑division des tribunaux régionaux ou de district existants. Si c’est irréalisable dans l’immédiat pour des raisons pratiques, les États parties devraient procéder à la nomination de juges ou magistrats spécialisés chargés de traiter les affaires relevant de la justice pour mineurs.

94.Il faudrait en outre créer des services spécialisés (de probation, de conseil, de supervision, etc.) et des établissements spécialisés, par exemple des centres de traitement ambulatoire, et, au besoin, des établissements de soins et de traitement pour jeunes délinquants. Dans pareil système de justice pour mineurs, il faudrait encourager en permanence la coordination efficace des activités de tous ces départements, services et établissements spécialisés.

95.Les rapports de nombreux États parties montrent clairement que les organisations non gouvernementales peuvent jouer, et jouent un grand rôle, tant dans la prévention de la délinquance juvénile à proprement parler que dans l’administration de la justice pour mineurs. C’est pourquoi le Comité recommande aux États parties de favoriser la participation active de ces organisations à l’élaboration et l’application de leur politique globale en matière de justice pour mineurs et de leur fournir les ressources nécessaires à cet effet.

VI. SENSIBILISATION ET FORMATION

96.Les enfants qui commettent des infractions ont souvent mauvaise presse, ce qui favorise les stéréotypes discriminatoires et renforce la stigmatisation de ces enfants, et souvent, des enfants en général. Cette stigmatisation des jeunes délinquants, souvent fondée sur une déformation et/ou une interprétation erronée des causes de la délinquance juvénile, conduit régulièrement à des appels en faveur d’une ligne plus dure (par exemple, la tolérance zéro, le carton rouge après trois délits, les peines obligatoires, le jugement devant un tribunal pour adultes et autres mesures essentiellement répressives). Afin de créer un environnement favorable à la compréhension des causes profondes de la délinquance juvénile et d’adopter une approche de ce problème social fondée sur les droits, les États parties devraient organiser, promouvoir et/ou soutenir les campagnes d’information et autres visant à sensibiliser à la nécessité et à l’obligation de traiter conformément à l’esprit et à la lettre de la Convention les enfants accusés d’avoir violé la loi pénale. À cet égard, les États parties devraient solliciter une participation active et positive des parlementaires, des ONG et des médias et soutenir leurs efforts en faveur d’une meilleure compréhension de l’approche fondée sur les droits dont doivent bénéficier les enfants qui ont été ou sont en conflit avec la loi pénale. Il est capital que les enfants, en particulier ceux ayant une expérience du système de justice pour mineurs, soient associés à ces efforts de sensibilisation.

97.Il est essentiel pour la qualité de l’administration de la justice pour mineurs que tous les professionnels concernés, en particulier ceux intervenant dans l’application des lois et l’appareil judiciaire, reçoivent une formation adaptée sur le contenu et la signification des dispositions de la Convention, en général, et sur celles directement pertinentes dans le cadre de leur pratique quotidienne, en particulier. Cette formation devrait être organisée de manière systématique et en continu sans se réduire à la présentation des dispositions nationales et internationales applicables. Elle devrait servir à diffuser, entre autres, des informations sur les causes sociales et autres de la délinquance juvénile, les aspects psychologiques et autres du développement de l’enfant, et porter une attention spéciale aux filles et aux enfants appartenant à une minorité ou autochtones, à la culture et aux tendances des jeunes, à la dynamique des activités de groupe et aux mesures dont on dispose pour s’occuper d’enfants en conflit avec la loi pénale, en particulier les mesures permettant de ne pas recourir à la procédure judiciaire (voir plus haut chap. IV, sect. B).

VII. COLLECTE DE DONNÉES, ÉVALUATION ET TRAVAUX DE RECHERCHE

98.Le Comité est profondément préoccupé par l’absence de données ventilées, même élémentaires, en particulier sur le nombre et la nature des infractions commises par des enfants, le recours à la détention avant jugement et sa durée moyenne, le nombre d’enfants bénéficiaires de mesures autres que judiciaires (déjudiciarisation), le nombre d’enfants condamnés et la nature des sanctions imposées. Le Comité appelle les États parties à recueillir systématiquement des données ventilées pertinentes aux fins d’information sur la pratique de l’administration de la justice pour mineurs, de telles données étant indispensables à la formulation, à l’application et à l’évaluation des politiques et programmes visant à prévenir la délinquance juvénile et à y faire face efficacement, dans le respect des principes et dispositions de la Convention.

99.Le Comité recommande aux États parties de procéder périodiquement, de préférence par l’intermédiaire d’institutions universitaires indépendantes, à l’évaluation de leur pratique en matière de justice pour mineurs, en particulier de l’efficacité des mesures prises, dont celles concernant la non‑discrimination, la réinsertion et la récidive. Des travaux de recherche, par exemple ceux relatifs aux disparités dans l’administration de la justice pour mineurs susceptibles d’être considérées comme discriminatoires, et les faits nouveaux concernant la situation en matière de délinquance juvénile, tels que les programmes de déjudiciarisation efficaces ou les tendances les plus récentes en matière d’infractions commises par des mineurs, permettront de mettre en évidence les grands domaines de réussite ou d’inquiétude. Il importe d’associer les enfants, en particulier ceux qui ont été en contact avec la justice pour mineurs, à ces travaux d’évaluation et de recherche. La vie privée de ces enfants et la confidentialité de leur coopération devraient être pleinement respectées et protégées. À cet égard, le Comité renvoie les États parties aux directives internationales existantes relatives à la participation d’enfants à des travaux de recherche.

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