COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS
Vingt-septième session
12-30 novembre 2001
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS
PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE
Observations finales du Comité des droits
économiques, sociaux et culturels
ALGÉRIE
1. Le Comité des droits économiques, sociaux
et culturels a examiné le deuxième rapport périodique de l'Algérie sur l'application
du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(E/1990/6/Add.26) à ses 65e et 66e séances, tenues le 15 novembre 2001, et
a adopté, à sa 81e séance, le 27 novembre 2001, les observations finales ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième
rapport périodique de l'État partie, qui a été établi selon les directives
du Comité. Le Comité se déclare en outre satisfait du dialogue franc qui s'est
établi avec la délégation de l'État partie, composée de fonctionnaires de
différents ministères.
3. Le Comité regrette que l'État partie n'ait
pas transmis en temps utile ses réponses écrites à la liste des points à
traiter qu'il lui avait envoyée et que la délégation n'ait pas répondu de
manière satisfaisante à plusieurs questions du Comité.
B. Aspects
positifs
4. Le Comité se félicite de la création cette
année d'une structure nouvelle, la Commission consultative nationale pour
la promotion et la protection des droits de l'homme, dont le mandat englobe
les droits économiques, sociaux et culturels.
5. Le Comité note avec satisfaction que l'État
partie a adhéré à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes en 1996.
6. Le Comité prend note également de la mise
en route par le Gouvernement d'un programme triennal de redressement économique
pour la période 2001-2004.
7. Le Comité accueille avec satisfaction l'indication
de la délégation selon laquelle la déclaration interprétative concernant
l'article 8 du Pacte sera retirée.
C. Facteurs
et difficultés entravant l'application du Pacte
8. Le Comité prend note du climat général de
violence qui règne en Algérie depuis 1992, ainsi que de la grave crise économique
et sociale que traverse le pays. Les actes de terrorisme, ainsi que les crises
politiques et économiques, ont eu des effets désastreux sur la situation du
pays en général et sur l'exercice des droits économiques, sociaux, culturels
et politiques en particulier.
9. Le Comité note également que le fort endettement
extérieur, les exigences de l'ajustement structurel et la sécheresse récurrente
influent défavorablement sur la capacité de l'État partie à honorer les
obligations lui incombant en vertu du Pacte.
D. Principaux
sujets de préoccupation
10. Le Comité est vivement préoccupé par la poursuite
des actes de violence et de terrorisme dans le pays, qui entravent le plein
exercice des droits consacrés par le Pacte.
11. Le Comité note avec préoccupation qu'il
n'existe pas de jurisprudence relative à l'application du Pacte et que celui-ci
n'a pas été invoqué devant les tribunaux nationaux.
12. Le Comité estime que les diverses mesures
prises par l'État partie au titre de la Déclaration et du Programme d'action
de Vienne ne constituent pas le plan d'action national de grande ampleur
préconisé dans ledit texte.
13. Le Comité note avec préoccupation que
l'arabe est la seule langue officielle de l'État partie et que la population
amazigh continue à se voir refuser l'usage officiel de sa langue. Le Comité
note en outre que le 3 octobre 2001 le Gouvernement a annoncé que la Constitution
allait être amendée pour faire de l'amazigh une langue nationale.
14. Le Comité est profondément préoccupé par
la persistance de la discrimination dans les domaines politique, social
et économique à l'égard de la femme au sein de la société algérienne, et
par la position inférieure que le Code algérien de la famille réserve à
la femme, auxquelles il a fait référence dans ses observations finales sur
le rapport initial de l'Algérie. À ce propos, le Comité se déclare gravement
préoccupé par la disparité considérable qui existe dans l'État partie entre
les dispositions constitutionnelles, d'une part, et la législation nationale
et la pratique, de l'autre, eu égard notamment aux nombreuses dispositions
discriminatoires du Code de la famille, dont celles concernant la polygamie,
la répudiation unilatérale par le mari, l'exigence du consentement du tuteur
au mariage, l'obligation de la femme d'obéir à son mari, la discrimination
fondée sur le sexe en matière de succession, ainsi que le droit absolu du
mari à conserver le domicile conjugal en cas de divorce.
15. Le Comité est profondément préoccupé par
le taux élevé de chômage, qui selon les estimations dépasse 29 % dans l'État
partie.
16. Le Comité note avec préoccupation qu'une
autorisation du Ministère du travail est requise pour créer tout nouveau
syndicat indépendant à côté du syndicat reconnu, l'Union générale des travailleurs
algériens (UGTA).
17. Le Comité prend note avec préoccupation
de l'ampleur de la violence dans la famille, dont les femmes sont les principales
victimes, et de l'attention insuffisante que les autorités accordent à ce
problème tant sur le plan de la prévention que de la répression.
18. Le Comité est profondément préoccupé par
le grave problème de la pauvreté ainsi que par la baisse du niveau de vie
et la montée des maladies liées à la pauvreté. Il se déclare également profondément
préoccupé par l'insuffisance des mesures adoptées pour remédier à ce problème.
19. Le Comité est profondément préoccupé par
la grave pénurie de logement à laquelle est confrontée la population algérienne.
20. Le Comité prend note avec préoccupation
de la diminution des dépenses publiques consacrées au système de santé,
ainsi que du projet, qui a été confirmé par la délégation, de suppression
des subventions concernant les médicaments. Le Comité regrette de ne pas
avoir obtenu suffisamment d'informations sur les mesures adoptées pour garantir
l'accès aux services de santé.
21. Le Comité se déclare préoccupé par l'inefficacité
des programmes visant à réduire les taux de mortalité maternelle et infantile
dans l'État partie.
22. S'agissant de l'éducation, le Comité est
gravement préoccupé par le niveau élevé du taux d'abandon scolaire, qu'a
reconnu la délégation durant son dialogue avec le Comité.
23. Le Comité prend note avec inquiétude des
données figurant dans le Rapport mondial sur le développement humain 2001
qui font apparaître une diminution considérable des dépenses publiques consacrées
à la santé et à l'éducation au cours de la décennie 90, en pourcentage du
PNB et du PIB, respectivement, et en comparaison des dépenses militaires,
qui ont plus que doublé en pourcentage du PIB.
24. Le Comité note avec préoccupation que
l'État partie n'a pas fourni suffisamment de renseignements sur les mesures
adoptées en réponse aux suggestions et recommandations qu'il lui a faites
sur son rapport initial (E/C.12/1995/17, 28 décembre 1995). De nombreux
points mentionnés dans les observations finales de 1995 demeurent des sujets
de préoccupation dans les présentes observations finales.
E. Suggestions
et recommandations
25. Le Comité prie instamment l'État partie de
prendre à titre prioritaire toutes les mesures nécessaires pour garantir pleinement
la sécurité de toutes les personnes se trouvant sous sa juridiction, afin
d'honorer les obligations découlant du Pacte et d'assurer l'exercice des droits
qui y sont consacrés.
26. Le Comité souhaiterait trouver dans le
prochain rapport périodique des renseignements sur la Commission consultative
nationale pour la promotion et la protection des droits de l'homme, en particulier
sa structure, son mandat et ses prérogatives.
27. Eu égard au paragraphe 71 de la Déclaration
et du Programme d'action de Vienne, le Comité recommande que l'État partie
établisse, dans le cadre d'un processus ouvert et consultatif, un vaste
plan d'action national pour s'acquitter de ses obligations internationales
en matière de droits de l'homme, y compris celles prévues par le Pacte.
L'État partie est invité à demander l'assistance du Haut-Commissariat aux
droits de l'homme à cet égard. Le Comité prie l'État partie de faire figurer
dans son troisième rapport périodique des renseignements sur les progrès
accomplis dans l'élaboration d'un plan d'action national sur les droits
de l'homme et sur son application.
28. Le Comité encourage l'État partie à préserver
la langue et la culture de la population amazigh et à prendre des mesures
appropriées pour mettre en œuvre les plans prévoyant d'attribuer un
statut constitutionnel à la langue amazigh en tant que langue nationale,
comme le Gouvernement l'a annoncé le 3 octobre 2001. Le Comité recommande
en outre à l'État partie de prendre des dispositions en vue de la reconnaissance
de la langue amazigh comme langue officielle.
29. Le Comité demande instamment à l'État
partie de procéder à une réforme radicale du Code de la famille pour faire
pleinement reconnaître l'égalité de droits pour les femmes, de mener une
campagne d'information sur l'égalité des sexes et de faire une place aux
considérations de parité dans l'ensemble de sa législation, conformément
aux dispositions du Pacte.
30. Le Comité recommande à l'État partie de
retirer ses déclarations interprétatives concernant les articles 8 et 13.
31. Le Comité demande instamment à l'État
partie de formuler une stratégie efficace pour s'attaquer au grave problème
du chômage ainsi que d'élaborer et mettre en œuvre des programmes d'orientation
et de formation visant à permettre aux jeunes et aux chômeurs de trouver
un emploi.
32. Le Comité prie instamment l'État partie
de supprimer les divers obstacles entravant la constitution de nouveaux
syndicats indépendants.
33. Le Comité recommande à l'État partie d'adopter
une stratégie nationale contre la violence dans la famille, ayant pour axes
la réalisation de campagnes de sensibilisation auprès de l'ensemble de la
population, la collecte des données, l'adoption d'une législation pertinente
à cet effet et l'organisation de sessions de formation à l'intention des
forces de police et des membres de l'appareil judiciaire.
34. Le Comité prie instamment l'État partie
d'affecter une part importante de tout excédent du budget national à la
lutte contre la pauvreté sur son territoire. Le Comité prie également instamment
l'État partie de prendre pleinement en considération les droits de l'homme,
dont les droits économiques, sociaux et culturels, lors de la formulation
de la politique nationale de lutte contre la pauvreté. À ce propos, l'attention
de l'État partie est appelée sur la déclaration concernant la pauvreté et
le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(E/C.12/2001/10) que le Comité a adopté le 4 mai 2001.
35. Le Comité prie instamment l'État partie
de s'employer à remédier à la grande pénurie de logements en adoptant une
stratégie et un plan d'action et en construisant davantage de logements
à coût peu élevé. À cet égard, le Comité rappelle à l'État partie les obligations
que lui impose l'article 11 du Pacte, ainsi que son Observation générale
4 (1991) sur le droit à un logement suffisant (par. 1 de l'article 11 du
Pacte).
36. Le Comité invite l'État partie à fournir,
dans son prochain rapport périodique, des informations sur la privatisation
du système de santé, le coût des médicaments après l'application du projet
de suppression des subventions concernant les médicaments et les mesures
prises pour lutter contre les effets négatifs de ces changements sur la
santé des groupes défavorisés et marginalisés.
37. Le Comité prie instamment l'État partie
de prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les taux de mortalité
maternelle et infantile et de veiller à ce que hommes et femmes bénéficient
de toutes les formes de services de santé, en particulier dans les zones
rurales, notamment dans le domaine de la santé de la procréation.
38. Le Comité prie instamment l'État partie
d'accorder la plus grande attention aux droits des malades mentaux. Le Comité
prie l'État partie de faire figurer dans son troisième rapport périodique
des informations détaillées sur les lois et les mesures adoptées à l'égard
des malades mentaux, en particulier sur le nombre de malades mentaux hospitalisés,
les services disponibles et les garanties juridiques instituées pour protéger
les patients.
39. Le Comité prie instamment l'État partie
de veiller à ce que ses lois, ses règlements et pratiques concernant le
VIH/sida ne soient pas discriminatoires et soient conformes aux directives
internationales adoptées lors de la deuxième Consultation internationale
sur le VIH/sida et les droits de l'homme, en septembre 1996 (publication
des Nations Unies, numéro de vente: F.98.XIV.1).
40. Le Comité recommande à l'État partie d'accroître
ses dépenses de santé et d'éducation et le prie de lui fournir, dans son
troisième rapport périodique, des données statistiques comparatives sur
l'évolution de ces indicateurs dans le temps.
41. Le Comité demande instamment à l'État
partie de prendre toutes les mesures voulues pour s'attaquer aux problèmes
importants que sont le taux élevé d'abandon scolaire et la faiblesse relative
du taux d'inscription dans le secondaire.
42. L'État partie est prié instamment de s'attacher
à élaborer et à adopter un vaste plan national d'éducation pour tous, comme
préconisé au paragraphe 16 du Cadre d'action de Dakar. L'État partie est
invité à tenir compte dans la formulation et l'application de ce plan des
Observations générales 11 et 13 du Comité et à établir un système de suivi
efficace dudit plan. L'État partie est invité à demander des conseils et
une assistance technique à l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation,
la science et la culture aux fins de la formulation et de l'application
de son plan.
43. Le Comité recommande vivement que l'État
partie tienne compte de toutes les obligations que lui impose le Pacte dans
ses négociations avec les institutions financières internationales, comme
le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale
du commerce, dans le souci de ne pas porter atteinte aux droits économiques,
sociaux et culturels.
44. Le Comité appelle l'État partie à dispenser
une formation aux juges et aux avocats et à diffuser le Pacte auprès de
l'ensemble de la population.
45. Le Comité demande à l'État partie de diffuser
largement les présentes observations finales dans toutes les couches de
la société, en particulier auprès des fonctionnaires de l'État et des membres
de l'appareil judiciaire, et de l'informer dans son prochain rapport périodique
de toutes les mesures qu'il aura prises pour y donner suite. Il invite en
outre l'État partie à associer les organisations non gouvernementales à
l'élaboration de son troisième rapport périodique.
46. Enfin, le Comité prie l'État partie de
soumettre son troisième rapport périodique d'ici au 30 juin 2006 et d'y
faire figurer des renseignements détaillés sur les mesures qu'il aura prises
pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations
finales.