COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels
ARGENTINE
1. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la République argentine concernant les droits visés aux articles 6 à 12 du Pacte (E/1990/5/Add.18) à ses 30ème, 31ème et 34ème séances, tenues les 22 et 24 novembre 1994 et a adopté à sa 54ème séance (onzième session), tenue le 8 décembre 1994 les observations finales ci-après :
A. Introduction
2. Le Comité exprime ses remerciements au Gouvernement de la République argentine pour la présentation en 1993 de son deuxième rapport périodique et accueille avec satisfaction les renseignements supplémentaires fournis par le gouvernement sur l'application des articles 9 à 12.
3. Le Comité rappelle que les Etats parties sont tenus de présenter des rapports complets concernant l'application des articles à l'étude et, en particulier, de répondre aux questions qui leur ont été posées avant l'examen de chaque rapport. Il souligne que le but doit être de présenter, dans le rapport du pays, une image claire de la situation des droits économiques, sociaux et culturels et que, bien qu'il ne soit pas nécessaire de lui soumettre de nouveau les informations déjà présentées à d'autres organes créés par traité, l'Etat partie est tenu de fournir les renseignements appropriés conformément au paragraphe 3 de l'article 17.
4. Le Comité a pris connaissance avec intérêt du rapport écrit de l'Argentine, qui contient des renseignements importants sur la législation, et a suivi la présentation orale, qui a permis d'apporter une dimension macro-économique au rapport écrit. Il a toutefois noté l'absence des renseignements concrets nécessaires pour évaluer dans quelle mesure les droits économiques, sociaux et culturels étaient respectés en Argentine, au niveau tant collectif qu'individuel.
5. Le Comité a pris note de la référence faite par le gouvernement à un rapport qu'il a présenté au Comité des droits de l'enfant. Etant donné qu'il ne limite pas son examen de l'application des articles 10 à 12 à la seule situation de l'enfant, il se félicite de ce que le gouvernement ait annoncé qu'il présenterait des renseignements supplémentaires sur les autres questions visées dans ces articles.
B. Aspects positifs
6. Le Comité note avec satisfaction les progrès économiques accomplis en Argentine dans les dernières années, en particulier pour ce qui est de la lutte contre l'inflation, de la stabilité monétaire et de la croissance économique réelle. Il estime que ces conditions sont de nature à favoriser la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, bien que leur mise en oeuvre n'en dépende pas nécessairement.
7. Le Comité note avec satisfaction les programmes et les mesures appliquées par le gouvernement concernant les droits de la famille et de l'enfant. La protection des mères et des enfants a été activement suivie et documentée et le programme de cantines scolaires semble recevoir un soutien satisfaisant de l'Etat.
8. Le Comité prend acte du plan du gouvernement visant à faciliter l'accès au logement en propriété des locataires occupant illégalement des propriétés du gouvernement, leur donnant ainsi la possibilité d'acquérir les terres qu'ils occupent à des conditions de crédit préférentielles. Bien qu'il ne dispose pas de toutes les données nécessaires pour évaluer le nombre de personnes et de familles ayant trouvé une solution permanente dans le cadre de ce plan, le Comité appuie les mesures prises dans ce sens.
9. Dans cet ordre d'idées, le Comité note les efforts déployés par le gouvernement pour accroître la part du budget consacrée à la protection sociale, en particulier pour ce qui est des retraites des travailleurs. Il note également l'intention exprimée par le gouvernement d'entreprendre périodiquement des programmes de formation en faveur des personnes touchées par le ch_mage et le sous-emploi.
C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte
10. Le Comité reconnaît les difficultés auxquelles se heurte l'Argentine depuis le rétablissement de la démocratie en 1983. Les efforts déployés pour faire face à la demande croissante de services publics ont été paralysés par un grave déficit fiscal, par la dette extérieure et par le taux extrêmement élevé d'inflation hérité des années ayant précédé le rétablissement de la démocratie.
11. L'adaptation à un ordre économique plus rationnel a été difficile pour la société argentine dans son ensemble et pour les travailleurs en particulier. Le gouvernement est parvenu à stabiliser la valeur de la monnaie, mais la mise en oeuvre du programme d'ajustement structurel risque de nuire à certains groupes sociaux. Rien n'indique clairement que le gouvernement a, dans le cadre de cette politique, pris des mesures pour résoudre le problème du logement et celui des retraites.
D. Principaux sujets de préoccupation
12. Le Comité note avec préoccupation la manière dont sont traités les travailleurs dits "temporaires", car les mesures prises pour garantir les droits économiques, sociaux et culturels de ces travailleurs, en particulier en période de ch_mage croissant, paraissent insuffisantes.
13. Le Comité note également avec préoccupation l'application généralisée du programme du gouvernement tendant à privatiser le financement des retraites. Le régime de retraite de base, auquel tous ont droit, est progressivement remplacé par un nouveau système de capitalisation dont le rendement dépend des contributions du retraité. Ce système remet en question l'avenir des travailleurs qui ne sont pas en mesure de constituer un fonds de pension suffisant, notamment des travailleurs les moins rémunérés et des travailleurs touchés par le ch_mage et le sous-emploi.
14. Pour ce qui est du programme de formation professionnelle du gouvernement, le Comité n'a pu évaluer ni dans quelle mesure il était nécessaire, ni ses incidences, en raison du manque de statistiques sur la population visée.
15. Le Comité prend note des initiatives prises par le gouvernement pour réduire le déficit de logements en Argentine. Toutefois, rien n'indique que les mesures du gouvernement, qu'elles soient déjà appliquées ou qu'elles soient prévues pour l'avenir, soient suffisantes pour répondre à tous les besoins.
16. Le Comité note tout particulièrement avec préoccupation que la loi autorise une augmentation des loyers de 12 %, soit approximativement le double du taux d'inflation enregistré l'année précédente, alors que les salaires sont apparemment bloqués.
17. Le Comité est très préoccupé par le grand nombre d'occupations illégales d'immeubles, notamment à Buenos Aires, et par les conditions dans lesquelles il est procédé aux expulsions. Il appelle l'attention du gouvernement sur le texte de son Observation générale No 4 sur "Le droit à un logement suffisant (art. 11, par. 1 du Pacte)" et le prie instamment de veiller à ce que les politiques, la législation et la pratique tiennent dûment compte de cette Observation générale.
18. Le Comité, tout en notant que le gouvernement s'efforce de sensibiliser davantage la population aux questions de l'hygiène et de la sécurité sur les lieux de travail au moyen de campagnes nationales, relève que ces campagnes ne se sont pas révélées efficaces et que souvent, les conditions d'hygiène et de sécurité sur les lieux de travail ne correspondent pas aux normes établies.
19. Même si, comme l'a laissé entendre le représentant du gouvernement, l'Argentine compte une population autochtone peu nombreuse, le Comité s'étonne néanmoins de l'absence d'informations sur les programmes particuliers adoptés par le gouvernement pour garantir les droits économiques, sociaux et culturels des minorités ethniques.
E. Suggestions et recommandations
20. Compte tenu des lacunes relevées dans le rapport et dans les renseignements complémentaires fournis par le Gouvernement argentin, le Comité invite ce dernier à présenter un rapport supplémentaire contenant des renseignements complets sur l'application des articles 9 à 11 du Pacte. Il souligne que le nouveau rapport et tous les rapports qui suivront devraient être établis conformément aux Directives générales révisées énoncées par le Comité en 1990 (E/C.12/1991/1) et que le rapport supplémentaire devra également répondre aux préoccupations formulées dans la liste de questions qui a été communiquée au gouvernement avant l'ouverture du dialogue.
21. Enfin, le Comité demande au gouvernement d'analyser les raisons du manque d'efficacité de ses initiatives en matière d'hygiène et de sécurité sur les lieux de travail et de faire davantage d'efforts pour améliorer tout ce qui touche à l'hygiène et à la sécurité en milieu naturel comme sur les lieux de travail.
22. A propos des programmes de stabilisation, le Comité, tout en reconnaissant les grands succès remportés dans le cadre de la privatisation et de la décentralisation au niveau macro-économique, fait observer que l'application de ces mesures n'est pas suivie d'assez près, d'où la violation des droits économiques, sociaux et culturels.