COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
1. Le Comité a examiné le rapport initial de l'Azerbaïdjan concernant les droits visés dans les articles 1er à 15 du Pacte (E/1994/5/Add.30) à ses 39ème à 41ème séances, tenues les 25 et 26 novembre 1997, et a adopté, à sa 54ème séance, le 5 décembre 1997, les observations finales suivantes:
2. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l'Etat partie, qui a été établi conformément aux directives concernant la forme et le contenu des rapports que les Etats parties doivent présenter. Il se félicite également des renseignements supplémentaires fournis en réponse à la liste des questions écrites (E/C.12/Q/AZE/1) et remercie la délégation de haut niveau, avec laquelle il a engagé un dialogue ouvert et constructif. Le Comité note toutefois avec regret que les renseignements supplémentaires fournis étaient en grande partie incomplets ou d'ordre général et qu'en conséquence un certain nombre de questions particulières qu'il a soulevées n'ont pas été traitées au cours du dialogue.
3. Le Comité se félicite du fait que l'Azerbaïdjan a ratifié les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris le Pacte, ou y a adhéré, immédiatement après avoir accédé à l'indépendance en 1991.
4. Le Comité note l'existence en Azerbaïdjan de grandes ressources agricoles et pétrolières, ainsi que d'un secteur industriel relativement développé. Si elles sont bien utilisées, ces ressources peuvent contribuer à l'exercice à long terme des droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité note en outre le succès obtenu dans la stabilisation de certains indicateurs macro-économiques essentiels.
5. Le Comité note que dans les pays nouvellement indépendants, il faut normalement mettre en place toute une série de lois dans tous les domaines concernant les fonctions gouvernementales essentielles. A cet égard, il se félicite des progrès accomplis jusqu'à présent dans l'élaboration ou la promulgation de textes de lois, notamment dans les domaines du travail, de la sécurité sociale, de la situation des réfugiés et des apatrides et de l'éducation.
6. Le Comité se félicite des efforts déployés par le Service de placement de l'Etat dans la recherche d'emplois pour les demandeurs, ainsi que dans la fourniture d'une orientation et d'une formation professionnelle.
7. Le Comité prend note du niveau d'instruction généralement élevé de la population. Il note avec satisfaction qu'il existe un système de scolarité gratuite et obligatoire pendant dix ans. Il se félicite de la vaste participation des femmes dans les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que des mesures prises pour dispenser un enseignement aux membres des minorités et aux réfugiés.
8. Le Comité note en outre qu'une importante aide internationale a été mobilisée pour soutenir l'Etat partie au cours de cette difficile période de transition.
9. Le Comité note que l'Azerbaïdjan connaît des changements rapides dans son développement et éprouve des difficultés socio-économiques qui sont communes à un grand nombre de pays en transition. Il note en particulier que la production du pays et le revenu national ont considérablement diminué depuis 1991 et que, comme le Gouvernement le reconnaît, la quasi-totalité de la population azerbaïdjanaise vit dans la pauvreté.
10. Le Comité note avec préoccupation qu'une forte proportion des ressources nécessaires pour financer les programmes sociaux est détournée à cause de la corruption, partout présente dans les organismes publics et les secteurs de l'économie qui sont encore sous le contrôle de l'Etat.
11. Le Comité note l'exode des capitaux et l'émigration des spécialistes, qui sont en partie la conséquence de ces difficultés.
12. Le Comité note que l'Etat partie fait face à des difficultés et à une instabilité considérables en raison du conflit armé avec l'Arménie. Du fait de ce conflit, il y a en Azerbaïdjan beaucoup de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur du pays, qui risquent de séjourner sur place de façon prolongée.
13. Le Comité note avec préoccupation le manque d'informations sur la place du Pacte dans la législation interne et la mesure dans laquelle les droits énoncés dans le Pacte peuvent être invoqués devant les tribunaux, ainsi que le fait qu'aucune affaire n'a été portée devant les tribunaux concernant l'exercice de ces droits. Il est préoccupé par le fait que, de façon générale, la population est apparemment très peu informée en ce qui concerne le cadre juridique national qui est mis en place, y compris les dispositions concernant les droits de l'homme. En outre, il n'existe pas à l'heure actuelle de mécanisme efficace de recours pour les personnes qui estiment que leurs droits ont été violés. Le Comité note à cet égard que la Cour constitutionnelle n'a pas encore été créée.
14. Le Comité note avec préoccupation qu'en raison de la grande proportion de crédits publics affectés au développement du secteur pétrolier on ne se soucie pas assez de promouvoir celui des petites et moyennes entreprises. Il note également que l'on n'a pas accordé l'attention qu'il convient aux conséquences néfastes pour l'environnement de certaines des activités du secteur pétrolier.
15. Le Comité souligne l'importance d'un appareil judiciaire dont l'indépendance sera non seulement consacrée par une déclaration constitutionnelle, mais aussi, dans la pratique, par des garanties accordées aux magistrats, afin d'assurer l'exercice de tous les droits de l'homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que l'existence de voies de recours efficaces en cas de violation de ces droits.
16. Pour ce qui est des dispositions particulières du Pacte, le Comité appelle l'attention sur l'article premier concernant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Il regrette de ne pas pouvoir, en raison du manque d'informations, évaluer la mesure dans laquelle la population participe au processus de privatisation. Il souligne qu'il importe que ce processus soit géré de façon suffisamment transparente pour assurer l'équité et le contrôle des responsabilités.
17. Le Comité note avec préoccupation l'absence d'informations détaillées concernant la situation dans laquelle se trouvent les réfugiés dans l'Etat partie.
18. Tout en accueillant avec satisfaction les déclarations faites par la délégation selon lesquelles les femmes jouissent de l'égalité avec les hommes, le Comité réaffirme la nécessité de disposer de données objectives ventilées permettant d'évaluer la situation des femmes à l'égard de tous les droits énoncés dans le Pacte. Les données illustrant la condition de la femme, s'ajoutant aux informations présentées oralement au cours du dialogue, devraient porter notamment sur les soins de santé, les possibilités professionnelles et les différences de revenus relevées entre les hommes et les femmes.
19. Le Comité note avec une profonde préoccupation les problèmes qui se posent s'agissant des articles 6, 7 et 8. Il s'inquiète du niveau élevé de chômage, y compris du chômage caché, ainsi que de l'absence de détails sur les programmes nationaux et locaux concernant l'emploi ou d'autres stratégies clairement définies visant à traiter de ce problème. Il note qu'une grande proportion de personnes au chômage trouvent désormais leurs moyens de subsistance dans le secteur informel, qui semble avoir supplanté en volume le secteur de l'économie formelle. Il est regrettable que le Gouvernement cherche apparemment à supprimer le secteur informel.
20. Le Comité note également avec préoccupation l'absence d'informations détaillées sur les mécanismes régissant l'exercice du droit de constituer des syndicats et de s'y affilier. Il note l'absence de définition précise des "activités politiques" auxquelles les syndicats ont l'interdiction de se livrer selon la loi de 1994 sur les syndicats. Il note en outre que les catégories de travailleurs auxquelles il est interdit d'exercer le droit de grève comprennent une vaste gamme de travailleurs de la fonction publique et du domaine de la défense et des communications.
21. A propos de l'article 9, le Comité s'inquiète de ce que la déliquescence des finances publiques et le taux élevé d'inflation ont réduit à néant le pouvoir d'achat que représentaient les pensions et les prestations d'assurance sociale. Il regrette qu'aucune information n'ait été fournie sur la mesure dans laquelle, à une époque où le chômage est élevé, le montant des retraites est modifié pour les personnes qui n'ont pas accumulé le nombre minimum requis d'années de travail.
22. Le Comité souligne la nécessité d'un contrôle efficace de l'adoption internationale d'enfants, faute de quoi les enfants adoptés dans ce cadre risquent d'être exposés à diverses formes d'exploitation, y compris à des sévices sexuels. Pour ce qui est de l'article 10, le Comité regrette que, malgré les assurances données par la délégation selon lesquelles tel ne serait pas le cas, les femmes ne reçoivent pas de soins médicaux appropriés au cours de la grossesse et de l'accouchement. Il regrette que les questions qu'il a posées à propos des incidences sur les femmes de l'application proposée d'un système de cotisation à trois niveaux soient restées sans réponse.
23. Le Comité se déclare alarmé par la baisse persistante du niveau de vie dont témoignent le niveau croissant de pauvreté, la forte proportion de la population privée d'eau potable salubre, le manque de logements abordables, la baisse de la production agricole due aux carences du processus de privatisation des fermes d'Etat et, par conséquent, les insuffisances de la production et de la distribution de denrées alimentaires, la baisse de la qualité des soins médicaux et la diminution du nombre de personnes recevant des soins médicaux. Le Comité demande des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer la protection des groupes vulnérables, notamment les enfants n'ayant pas de famille, les parents célibataires et les chômeurs.
24. Le Comité note avec préoccupation la crise du logement qui est aggravée par l'afflux de réfugiés et de personnes déplacées, et le fait que les groupes vulnérables et les sans-abri ne bénéficient pas d'une protection appropriée contre les expulsions forcées.
25. Le Comité note avec préoccupation que la pénurie générale de ressources affaiblit le système d'enseignement et fait baisser les normes éducatives traditionnellement élevées dans l'Etat partie. L'enseignement est également devenu plus coûteux, ce qui a des incidences disproportionnées sur la population pauvre.
26. Dans l'esprit de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme, le Comité appelle l'attention sur le paragraphe 1 de l'article 13 du Pacte, selon lequel l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le Comité regrette de n'avoir pas reçu d'informations à ce sujet.
27. Le Comité recommande que soit octroyée au Pacte une place définitive dans la législation interne, permettant ainsi que les droits qui y sont énoncés soient invoqués devant les tribunaux. Il recommande que l'enseignement des dispositions du Pacte soit incorporé dans la formation des avocats, des magistrats, des travailleurs sociaux et autres professionnels dont l'activité se rapporte à l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels. Il recommande en outre que la cour constitutionnelle soit créée à titre prioritaire.
28. Le Comité recommande que l'Etat partie réglemente de manière plus rigoureuse l'industrie pétrolière, en particulier pour ce qui est des effets nocifs qu'elle risque d'avoir sur l'environnement. Il suggère que le Gouvernement encourage la diversification de l'économie dans d'autres secteurs industriels et en particulier dans les petites et moyennes entreprises locales, lesquelles jouent un rôle essentiel car elles procurent un moyen de subsistance à une grande partie de la population.
29. Le Comité note que la capacité des personnes à défendre leurs droits économiques, sociaux et culturels dépend pour beaucoup de l'existence d'une information dans ce domaine. L'information joue aussi un rôle essentiel pour ce qui est de l'efficacité des efforts visant à assurer le contrôle des responsabilités et à lutter contre la corruption. A cet égard, il importe que le processus de privatisation soit mené de façon ouverte et transparente et que les conditions d'attribution des concessions pétrolières soient toujours rendues publiques.
30. Le Comité demande à l'Etat partie de fournir dans son deuxième rapport périodique des informations détaillées sur la situation des réfugiés. Il demande en outre des informations concrètes sur les obstacles auxquels les femmes peuvent se heurter dans la protection de leurs droits économiques, sociaux et culturels.
31. Le Comité engage vivement le Gouvernement à collaborer avec le secteur informel et à s'efforcer de le réglementer, plutôt que de le supprimer, celui-ci offrant un moyen de subsistance à un nombre considérable de personnes. Certaines activités dans ce secteur peuvent éventuellement déboucher sur la création de micro-entreprises. Le Comité suggère que les personnes actives dans ce secteur puissent bénéficier de prêts à faible intérêt et de facilités de crédit, comme il en est accordé aux petites entreprises.
32. Le Comité demande des informations détaillées sur des mécanismes concernant le droit de constituer des syndicats et de s'y affilier. Il demande que des éclaircissements soient fournis dans le prochain rapport sur le sens donné aux "activités politiques" interdites en vertu de la loi de 1994 sur les syndicats. Il partage l'opinion exprimée par la Commission d'experts de l'OIT, selon laquelle les catégories de travailleurs auxquelles il est interdit d'exercer le droit de grève doivent être limitées aux seuls domaines dans lesquels une grève donnerait lieu à des situations faisant peser un danger sur la vie.
33. Le Comité demande des informations précises sur les prestations de retraite, en particulier sur la façon dont il est remédié à la disparité entre les pensions et le niveau minimum de subsistance, et sur la mesure dans laquelle sont touchées les pensions des personnes qui ne répondent pas au minimum requis d'années d'emploi.
34. Le Comité recommande à l'Etat partie de répondre, de manière plus efficace et mieux adaptée, aux besoins en logement de la population, en particulier les groupes désavantagés, et de créer des conditions permettant à un nombre plus élevé de personnes d'être convenablement logées, conformément à l'Observation générale No 4 du Comité, en allouant à cette fin une part substantielle de son budget.
35. Le Comité appelle l'attention de l'Etat partie sur le fait qu'il est essentiel, en veillant au droit à un logement approprié, de collecter des données relatives à la pratique des expulsions forcées et d'adopter une législation garantissant le droit de jouissance des locataires.
36. Le Comité recommande qu'un contrôle efficace soit exercé sur l'adoption internationale d'enfants, afin d'empêcher l'exploitation sexuelle, entre autres, de ceux-ci. Le Gouvernement devrait veiller à ce que toutes les femmes bénéficient de soins médicaux appropriés au cours de la grossesse et de l'accouchement. Le Comité demande des renseignements détaillés sur les incidences du système envisagé de cotisation à trois niveaux pour ce qui est des femmes.
37. Le Comité recommande que le Gouvernement s'attache de toute urgence à répondre aux nécessités fondamentales de la population, notamment en matière d'approvisionnement en eau potable salubre, d'alimentation, de logements abordables et de soins de santé. Il demande des informations détaillées sur les mesures prises ou envisagées pour protéger les groupes vulnérables, en particulier les enfants qui n'ont pas de famille, les parents célibataires, les chômeurs et les femmes victimes d'actes de violence.
38. Le Comité recommande que des ressources soient allouées pour que les normes nationales en matière d'éducation soient strictement respectées. Il invite instamment le Gouvernement de se pencher sur le problème de l'affaiblissement du système éducatif, qui a des incidences disproportionnées sur la population pauvre.
39. Le Comité encourage le Gouvernement à tenir compte, dans ses programmes d'enseignement, de l'esprit de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme et à fournir des informations à ce sujet au Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.
40. Le Comité recommande que les propositions de coopération technique (visant à renforcer les capacités et l'infrastructure en matière de protection et de promotion des droits de l'homme), qui sont actuellement à l'étude, soient examinées compte étant pleinement tenu de la nécessité de renforcer la protection des droits économiques, sociaux et culturels. Il encourage l'Etat partie à continuer à avoir recours à l'aide internationale, y compris l'aide offerte par les organisations non gouvernementales, dans tous les domaines où une assistance est nécessaire.
41. Enfin, le Comité recommande que les préoccupations exprimées dans les présentes observations finales, ainsi que les questions soulevées au cours de l'examen du rapport initial et qui sont restées sans réponse soient traitées dans le deuxième rapport périodique de l'Etat partie et il engage vivement l'Etat partie à diffuser largement les présentes observations finales adoptées par le Comité à la suite de son examen du rapport initial de l'Etat partie.